© Peuples Noirs Peuples Africains no. 80 (1991) 84-85



Miles Davis with Quincy Troupe :

MILES, The Autobiography. Picador (Pan Books) London, 1990. 421p.

Akonga ESSOMBA

Légende vivante du jazz, Miles Davis s'est associé à Quincy Troupe, journaliste de jazz résidant à New York, pour nous aider à voir au-delà de l'épais voile qui l'a couvert pendant bien des décennies. Son histoire est si captivante qu'elle se lit comme un roman. Elle commence le 26 mai 1926 à Alton, dans l'état de l'Illinois, où Miles voit le jour. Son père, chirurgien dentiste, mène une vie assez aisée. Le jeune Davis est très tôt attiré par la musique. Il écoute alors Louis Armstrong, Duke Ellington, Dizzy Gillespie... Un voisin lui ayant fait cadeau de sa première trompette, Miles Davis prend alors des cours de musique et est encouragé par son professeur de musique à l'école.

Miles Davis est âgé de 18 ans lorsqu'il se rend au Juilliard School of Music à New York. Il quitte assez tôt cette école pour apprendre à jouer la "vraie musique noire" auprès de Charles Parker et Dizzy Gillespie, car, dit-il, Juilliard n'enseignait que de la musique blanche.

Miles Davis joue aux côtés de Charlie Bird Parker et de Dizzy Gillespie lorsque naît le be-bop au Minton's Playhouse à Harlem. Peu après, il fonde son propre groupe et devient une célébrité. C'est aussi le début d'une vie bien tourmentée. Bien qu'ayant eu son premier fils à l'âge de 16 ans, Miles s'était battu pour mener une vie sobre et dédiée à le musique. Mais après sa première tournée en France où il fait la connaissance de Juliette Greco et de Jean-Paul Sartre, Miles rentre à New York et prend alors conscience du grand contraste qui existe entre la tolérance (France) et le racisme nu (USA). Vedette adulée à l'étranger, il n'est qu'un pauvre Noir à exploiter aux Etats-Unis. C'est alors qu'il tombe lui aussi dans la drogue, comme son idole Charlie Bird Parker d'ailleurs. Il lui faudra bien des années pour se libérer de cette dépendance, et c'est l'endurance du champion de boxe Sugar Ray Robinson qui l'inspirera et l'aidera à gagner ce combat.

C'est donc un Miles Davis tout frais qui revient sur la scène et contribue à ce qu'on a appelé Birth of the Cool. Aux côtés de John Coltrane, Miles est désormais devenu une légende. Homme à l'esprit [PAGE 85] très ouvert, Miles écoute les nouveaux courants de la musique noire et s'en inspire (Jimi Hendrix, James Brown). Mais sa vraie âme sœur dans la musique aura été Gil Evans, le grand arrangeur et compositeur.

De 1975 à 1980, c'est les années de silence. Miles disparaît complètement de la scène musicale. Il affirme n'avoir touché aucune fois à sa trompette pendant ces années. Certains l'oublient complètement. La raison de son départ est bien simple : sa santé a été diminuée par plus d'une opération et sa vie de musicien ne lui a donné aucun moment de répit pendant sa longue carrière. Il écrit : "J'étais fatigué spirituellement..."

Lorsqu'il revient en 1980, Miles s'oriente vers le Jazz-Rock, car il voudrait atteindre tous les jeunes Noirs de son pays. Ses derniers albums témoignent aussi de sa solidarité avec ses frères noirs d'Afrique du Sud : TUTU, AMANDLA.

Cette autobiographie est l'histoire d'un combat. Le combat d'un génie noir qui ne veut aucunement se laisser faire par l'establishment. Ses fréquentes querelles avec la police de Californie (où il possède une villa sur la mer à Malibu) sont le cri de l'homme noir qui n'est pas accepté par la société et que l'on veut maintenir au bas de l'échelle sociale. C'est le combat du musicien noir rebelle, qui refuse de se faire exploiter par les nombreux producteurs blancs qui ne donnent aux Noirs que les miettes du gros gâteau qu'ils s'arrogent. C'est enfin le combat de l'artiste noir, du créateur, dont l'œuvre est constamment volée, plagiée et exploitée par les promoteurs de concerts et de tournées, surtout lorsque ceux-ci ne veulent pas tomber dans l'oncle-tomisme.

Le lecteur découvre dans cette autobiographie la force créatrice de Miles et le combat du peuple noir.

Akonga ESSOMBA