© Peuples Noirs Peuples Africains no. 80 (1991) 54-59
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Les dirigeants camerounais, naïfs au point de se figurer qu'il suffit d'énoncer une proposition pour qu'elle soit vraie, parlent abusivement d'Etat de droit à propos de leur système. Si Etat de droit il y avait, le document que nous proposons ci-dessous à la curiosité de nos lecteurs aurait déjà provoqué une révolution au Cameroun où il circule depuis des semaines. Il n'en est rien, tant mieux pour les kleptocrates. L'affaire met en cause un proche de Paul Biya, le petit dictateur du cru; il s'agit en fait de l'un des théoriciens du régime, son hérault en quelque sorte, le polémiste toujours prêt à ferrailler dès qu'il se trouve un malotru assez effronté pour douter que le biyaïsme, appelé par lui Renouveau, soit l'exact synonyme de moralisation. Ainsi a-t-il pris l'habitude de vitupérer votre serviteur, soit, indirectement, dans les colonnes du quotidien français Le Monde, où notre homme compte de nombreux amis, aussi peu scrupuleux que lui-même, comme de juste (cf Le Monde du 13 juillet 1988 ), soit, directement, dans sa propre tribune, Le Patriote, oui madame, c'est comme j'ai l'honneur. Universitaire, directeur de l'Ecole de journalisme locale, dignitaire et chantre du Renouveau, ce Jacques Famé Ndongo est bien la parfaite incarnation de l'abjection d'une classe dirigeante africaine qui s'est en toute connaissance engagée à saboter l'avenir de l'Afrique tout en la déshonorant. On savait bien que ces messieurs détournaient les fonds publics, mais on découvre les mécanismes sordides et infantilement imprudents de ces pratiques. Et on comprend mieux pourquoi les amis du meilleur élève de François Mitterrand sont maintenant pris de panique dès qu'ils entendent parler de liberté de la presse ou de conférence nationale. [PAGE 55]
Ngandi BELINGA Fidèle
A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA
OBJET : REALITES DE L'ESSTI EN MATIERE FINANCIERE
J'ai l'insigne honneur de venir avec un grand respect auprès de votre Magistrature Suprême vous faire connaître que, malgré la lutte acharnée que mène le Gouvernement du Renouveau pour combattre la crise économique qui sévit dans notre pays, le Cameroun, certains Camerounais responsables dans des postes rejettent carrément toutes les instructions que vous leur donnez et continuent à conserver le culte de la facilité. Depuis 1982, les crédits que le Gouvernement camerounais met à la disposition de l'ESSTI chaque année sont utilisés à des fins personnelles par les dirigeants dudit Etablissement, ceci à l'insu de M. le Chancelier de l'Université. En 1982/1983, le Ministère de l'Economie et du Plan a accordé à l'ESSTI sur la demande de la Présidence, une subvention de 250 000 000 de nos francs payable en tranches. Au lieu que cette somme soit virée dans le compte spécial du Trésor comme l'avait demandé la Présidence, le Directeur et le Secrétaire Général de l'ESSTI ont entrepris des démarches qui ont d'ailleurs réussi pour que le virement passe plutôt dans le compte CCD 1009 ouvert au [PAGE 56] nom de l'ESSTI dans les livres de la SGBC Yaoundé. Aucun bâtiment n'a été construit pour le compte de l'ESSTI au cours de cet exercice. En 1987/1988, le Ministère de l'Information a accordé une subvention de 24 000 000 CFA à l'ESSTI, cette somme a été virée dans le compte 31 900 039-04 ouvert au nom de l'ESSTI dans les livres de la SCB Yaoundé. Aucune écriture de cet argent ne figure dans aucun livre comptable de l'ESSTI. En 1988/1989, le Ministère de l'information, sur la demande des dirigeants de l'ESSTI, a encore accordé une subvention de 19 405 000F CFA à l'ESSTI, cette somme a été virée dans le même compte SCB Yaoundé et comme à l'accoutumée, ladite somme a été entièrement consommée par les mêmes Dirigeants, ce qui leur a permis de procéder à l'ouverture d'un nouveau compte d'affaires 6865 790 160-69 dans BICIC La vallée Yaoundé. En 1989/1990, une somme de 645 189 000 F CFA représentant les frais d'inscription des Etudiants étrangers et Auditeurs libres a été reçue par le Directeur et le Secrétaire Général de l'ESSTI et la totalité de ladite somme a été consommée par la même équipe dirigeante. Certaines sommes accordées aux personnels permanents et vacataires à titre de prêt n'ont jamais été remboursées jusqu'à ce jour.
BICIC no 6418958 du 10/10/1989
Voir PV de la commission de contrôle et deux reçus dûment signés.
En 1986/1987, le Directeur de l'ESSTI devait se rendre au Canada. La mission ayant avorté, tous les frais de mission ont été perçus par l'intéressé au montant de 700.000 francs. En 1989/1990, deux fournisseurs, Etablissements Dorothus et Imprimerie Montparnasse, à la demande de la Direction, ont [PAGE 58] versé à l'Intendant de l'ESSTI la somme de 1.700.000 F CFA pour couvrir les besoins personnels de l'équipe dirigeante et présenté en retour deux factures s'élevant à 2.420.350 F CFA qui seront payées par le budget de l'Université. Jusqu'à ce jour, aucune livraison des fournitures figurant sur les deux factures n'a jamais été faite. En 1982/1983, un ordre de recette de près de 2.000.000 F CFA dressé par le Ministère des Finances pour le compte de M. BIATCHA Jean-SPCEG matricule 86546-P n'a jamais été exécuté. Au mois d'avril 1990, je suis nommé Chef de Bureau du Matériel et des Constructions. Dans ce bureau, je trouve un dossier de construction d'un bâtiment de presse à l'ESSTI par l'entreprise SOFCOM chiffré à 249.000.000 F CFA. Les réserves que j'ai faites sur ce bâtiment mal construit ont donné de l'amertume à certains dirigeants de l'ESSTI qui ont d'ailleurs parrainé ladite entreprise. Exemple : au lieu d'incruster les anti-vols au mur, ceux-ci sont montés avec des clous ordinaires de 4 cm sur les cadres en bois, ce qui met totalement le bâtiment en insécurité. Ces multiples disparitions de fonds publics ont permis à Monsieur BIATCHA Jean-Stéphane, Secrétaire Général de l'ESSTI, de s'acheter les voitures ci-après :
– 1 Tercel LT 1328 E – 1 Peugeot 505 CE 6854 D – 1 Land Cruiser CS 269 CF – 1 Peugeot 504 CS 023 AX – 1 Starlet CE 2971 C – 1 Starlet CS 313 BC. Comptable-Payeur ESIJY/ESSTI depuis 14 ans, les Dirigeants de l'ESSTI ayant donc constaté que je suivais depuis longtemps leurs manœuvres donnant accès à la disparition des fonds publics et que mes notes de réserves sur le bâtiment leur barraient la voie de la bouffe habituelle, se décident à me créer de sérieux ennuis au cours de cette année budgétaire. Président de tous les Camerounais que vous êtes, il me revient de saisir le courage à deux mains pour vous présenter la situation alarmante qui prévaut actuellement à l'ESSTI et solliciter que [PAGE 59] votre Autorité Suprême me mette à l'abri de ces ennuis que veut me créer l'équipe dirigeante dudit Etablissement. Veuillez agréer, Excellence, l'hommage de mes sentiments très respectueux.
NGANDI BELINGA Fidèle
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