© Peuples Noirs Peuples Africains no. 51 (1986), couverture.



CAMEROUN : CHAMPIONNATS DE CATCH SAUVAGE
A LA PRÉSIDENCE DE LA REPUBLIQUE

Le chaos, si souvent prédit par nous ici même, a fini par s'installer au sommet de l'Etat, théâtre de pugilats et d'empoignades non stop auxquels l'entourage immédiat du Président recourt pour régler des comptes obscurs dans le plus pur style du western. N'était-ce d'ailleurs pas l'usage avant que le Cameroun, « berceau de nos ancêtres, qui vécut autrefois dans la barbarie, ne sorte peu à peu (sic) de se sauvagerie ? ». Pour les Camerounais branchés, en tout cas, le palais de Paul Biya n'est plus la Présidence de la République, mais le King-Kong Madison Square. C'est ça la négritude.

La dernière rixe a fait scandale dans la capitale pourtant désabusée. Ne clôturait-elle pas une campagne pugilistique présidentielle particulièrement fournie ? Tout de même une telle confrontation entre deux pachydermes ringards, ça ne s'était jamais vu. A ma gauche, le secrétaire général professeur agrégé (sic) de droit. A ma droite le secrétaire général romancier (car il y a deux secrétaires généraux à la Présidence, curieuse idée chez un Président dépourvu à ce point d'autorité !). Devinez l'issue de ce combat du siècle ? On dit que le romancier a reçu une dérouillée dont il se souviendra la reste de sa vie. Ce sont des choses qui arrivent.

Tous les dérapages imaginables (et si souvent imaginés ici même par nous) de la rage de jouir, de l'irresponsabilité, de l'égoïsme sont déjà dépassée par la réalité. Tenus à l'écart du combat anticolonialiste par Aujoulat et ses disciples, infantilisés sans vergogne par Hervé Bourges et Philippe Decraene, deux parrains parisiens des dictateurs, les satrapes du tribal-confessionnalisme ne sont jamais parvenus à la maturité; ils se croient toujours dans la cour de récré de la maternelle où les polissons se défoulent en s'étripant sans complexe.

Que fait donc Paul Biya pendant ce temps? Bof ! quelle autorité aurait-il sur des guignols qu'on a imposés, ainsi que lui-même, au peuple camerounais, comme une provocation ? D'ailleurs le Président n'a déjà que trop à faire en traquant les opposants. C'est son vrai job, ça. Signalons à ce propos que notre frère Gorji Dinka, enfin sorti de prison, a retrouvé son village natal où il est assigné à résidence. C'est une victoire, continuons le combat.

Le climat d'extrême ardeur fraternelle régnant à la Présidence de la République à Yaoundé prouve du moins ceci : le néocolonialisme n'a plus de relais politique idoine ni d'instrument fiable au Cameroun. Puisse-t-il en prendre conscience avant la catastrophe.

Mongo BETI

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