© Peuples Noirs Peuples Africains no. 50 (1986) 44-49



FURIEUSE RÉPRESSION AU CAMEROUN

Où est donc passé Amnesty International ?

NOUVELLE VAGUE D'ARRESTATIONS ARBITRAIRES

Le président P. Biya sur les traces de son prédécesseur ?

Voici les derniers noms des personnes arrêtées sans chef d'accusation :

    1 – Zézé Samuel : Journaliste, upéciste, rentré au Cameroun récemment avec l'accord personnel du président Biya. Arrêté le 24 octobre 1985.
    2 – Mendomo Elisabeth : Exploitante agricole, arrêtée à Sangmélima début décembre 1985.
    3 – Abanda Kpama Pierre : Ingénieur en électromécanique. Marié et père de deux enfants. Ancien cadre à la S.N.E.C. (Société Nationale des Eaux du Cameroun) et à la Société des Crevettes du Cameroun. En chômage depuis quelques mois. Arrêté début décembre 1985 à Yaoundé.
    4 – Boum Jean-Pierre : Docteur es-Sciences (physique : Hydrologie). Marié et père de deux enfants. Cadre à la D.G.R.S.T. (Délégation générale à la recherche scientifique et technique) à Yaoundé. Arrêté début décembre 1985. [PAGE 45]
    5 – Mbock Paul : Commerçant à Sangmélima où il a été arrêté le 6 décembre 1985.
    6 – Louka Basile : Docteur es-Sciences (Mathématiques). Marié et père de trois enfants. Ancien assistant à la Faculté des Sciences de Rennes en France. Professeur de mathématiques à l'Université de Yaoundé. Arrêté le 10 décembre 1985.
    7 – Mbanga Paul : Docteur en pharmacie. Marié et père de deux enfants. Directeur général de la Pharmacie centrale de Yaoundé. Arrêté début décembre 1985 à Yaoundé.
    8 – Mouind Jacques : Directeur de l'Agence de Voyage « La Découverte ». Arrêté début décembre 1985 à Yaoundé.
    9 – Chindji Kouleu : Professeur à l'Ecole Supérieure des Sciences et Techniques de l'Information (E.S.S.T.I.). Arrêté début décembre 1985 à Yaoundé.
    10 – Mouyeme Albert : Architecte. Fonctionnaire au ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme. Arrêté début décembre 1985 à Yaoundé.
    11 – Joky Alexandre : Docteur es-Sciences (Biologie-Cytologie). Marié et père de deux enfants. En attente d'un poste de recherche. Donnait des cours au Centre universitaire des Sciences de la Santé (Faculté de Médecine). Arrêté à Yaoundé, le 16 décembre 1985.
    12 – Ndema Same Alexis : Ingénieur informaticien, marié et père d'un enfant. Cadre au Service informatique de la S.O.N.E.L. (Société nationale d'Electricité). Arrêté le 18 décembre 1985 à Douala.
    13 – Maître Fongum Gorgi-Dinka : Avocat. Ancien bâtonnier du Barreau du Cameroun. P.O. Box 4045 Bamenda. Arrêté le 28 mai 1985.
    14 – Owono Mimbo Simon : Ancien député upéciste (1960). Détenu arbitrairement pendant plus de quinze ans par Ahidjo. Arrêté en décembre 1985.
    15 Ndomo Essono : Arrêté début décembre 1985.
    16 Engamba Essili : Arrêté début décembre 1985.
    17 – Medou : Docteur en médecine. Arrêté en décembre 1985. [PAGE 46]
    18 – Ella Essi : Arrêté début décembre 1985.
    19 – Tanyi (cinquante ans), de Buea.
    20 – Hassan (trente ans), de Ngaoundere.
    21 – Mekumba Augustin (trente-huit ans) : Commerçant, Kumba.
    22 – Abdoulaye Mohamadou (vingt-cinq ans) : Sergent de Mora.
    23 – Yogui Antoine (trente-huit ans) : Artisan de Ngambe.
    24 – Ganawara Antoine (vingt-cinq ans) : Sans profession, du Nord.
    25 – Effa Ayong Joseph (quarante-deux ans) : Frère d'Eyinga Abel, un opposant connu.
    26 – Onguene Engelbert (quarante-six ans) : Militant du parti des Démocrates.
    27 – Mbarga Marie-Henri.
    28 – Mahamat Ali (vingt-huit ans) : Agent de police du Nord, accusé d'avoir fait pipi sur les biens (fleurs) du président.
    29 – Onana Patrice (trente ans) : Artisan, Obala.
    30 – Amougou François (vingt-neuf ans).
    31 – Abossolo André (vingt-huit ans).
    32 – Nkwe Edouard (vingt-huit ans).
    33 – Adamou Nana (vingt-huit ans).
    34 – Eyenga Jean-Pierre (vingt-cinq ans).
    35 – Mlabi Ferdinand (vingt-deux ans).
    36 – Kamie Patrice (vingt et un ans).
    37 – Lawane : Officier de l'armée (trente-cinq ans), du Nord.
    38 – Agonome Marcel : Chercheur à I'IRA., déjà en prison pendant un an en 1975.
    39 – Effa Belibi (cinquante ans) : Ancien journaliste.
    40 – Le deuxième secrétaire de l'ambassade du Cameroun à Bangui; arrêté à la suite d'une visite à la famille de l'ancien dictateur.
    41 – Moussa Mamadou : Capitaine dans la Marine, ancien commandant. Base Limbé. [PAGE 47]
    42 – Chegwa Marcel.
    43 – Biyond David : Travaille à la Camair.
    44 – Dikoume Mbonjo : Docteur en économie (Université Paris IX), cadre à la C.A.P.M.E., Douala, arrêté le 7 janvier 1986.
    45 – Tchatchoua Emmanuel : Secrétaire général de la Ligue camerounaise des Droits de l'Homme.
    46 – Batoum Frédéric.
    47 – Biyong.

Cette liste n'est pas limitative. Il est question, selon les sources, de trois cents ou cinq cents arrestations.

Tout démocrate, camerounais, africain ou non, se doit de demander la libération des victimes en s'adressant par téléphone ou par écrit aux autorités camerounaises soit directement, soit par leur ambassadeur en France. M. Booh Booh (73, rue d'Auteuil, 75016 Paris, tél. – 46.51.89.00).

UN COMITÉ DE SOUTIEN
Paris, le 11-1-1986

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MISE AU POINT

Le 2 février 1986, Radio-France Internationale annonçait que cinquante-cinq Camerounais réfugiés politiques upécistes au Ghana depuis plusieurs années ont regagné leur pays après négociations entre le gouvernement camerounais et le Haut-Commissariat des Nations Unies chargé des Réfugiés (H.C.R.).

Le président du Comité directeur intérimaire de l'U.P.C., Winston Ndeh Ntumazah, tient à faire la mise au point suivante au sujet de cette information.

Il est exact que trois contingents totalisant cent vingt de nos camarades qui séjournaient au Ghana depuis de nombreuses années avaient exprimé auprès du Haut-Commissariat [PAGE 48] des Nations Unies chargé des refugiés, leur désir de retourner dans leur pays natal, répondant en cela aux déclarations du président Paul Biya en faveur du retour au Cameroun des exilés politiques.

Depuis 1984, ils ont entrepris des négociations avec le gouvernement camerounais par l'intermédiaire du H.C.R.

Pendant deux ans, ces négociations ont buté sur l'exigence de M. Biya de les faire rentrer au Cameroun individuellement et sans étiquette politique, alors que les camarades, ayant sans doute à l'esprit le précédent de Pierre Mulélé exécuté par Mobutu à son retour au Zaïre, tenaient à rentrer au Cameroun ensemble en tant que groupe d'upécistes.

Finalement, fin 1985, un accord sera trouvé toujours sous les auspices du Haut-Commissariat des Nations Unies chargé des Réfugiés. En trois contingents le 2-12-1985, le 24-12-1985 et le 17-1-1986, un avion cargo militaire du gouvernement camerounais ira chercher les cent vingt camarades au Ghana pour les amener à Yaoundé où ils seront hébergés au Foyer d'accueil de Nkom-Kana, proche banlieue de Yaoundé.

A peine installés au Foyer d'accueil, avant même que les derniers arrivés aient pu entrer en contact avec leur famille et leurs amis, et sans même qu'ils aient pu se faire une idée, ne serait-ce que de la ville qu'ils ont quittée, pour certains depuis plus de vingt-cinq ans, le Gouvernement Biya a tout de suite exigé de tous les arrivants qu'ils déclarent sur les antennes de la Radio nationale :

    1) que s'ils ont fui le Cameroun, c'est à cause de la dictature;
    2) que s'ils sont revenus, c'est parce qu'il n'y a plus de dictature;
    3) qu'avec le Renouveau tout est bien.

Tout ceci étant, bien entendu, en contradiction avec les engagements envers le Haut-Commissariat de Réfugiés à Accra. Les quatre premiers journalistes pressentis par le gouvernement camerounais pour faire cette triste interview, ayant décliné l'offre, ont été immédiatement conduits dans les locaux de la police, où ils seront gardés vingt-quatre heures pour examen de la situation. [PAGE 49]

Face aux pressions et aux menaces, cinquante-cinq des cent vingt camarades, ont dû s'exécuter et faire à leur corps défendant, et en sanglotant, les déclarations que le gouvernement exigeait d'eux.

Aujourd'hui, ils seraient toujours au Foyer d'accueil de Nkom-Kana, officiellement, en attendant qu'on leur trouve du travail.

Les soixante-cinq autres camarades qui ont refusé de faire ces déclarations ont disparu, et du Foyer d'accueil, et des listes des upécistes revenus du Ghana.

Ce n'est pas la première fois, au Cameroun, que les upécistes revenant d'exil, avec l'accord du gouvernement, sont arrêtés et incarcérés ou disparaissent, quand ils restent ou déclarent rester fidèles à leurs convictions politiques. L'U.P.C. a des raisons sérieuses d'avoir les plus grandes inquiétudes sur le sort réservé à ces soixante-cinq camarades, y compris pour leur vie.

C'est pour cette raison qu'elle lance un appel pressant au Haut-Commissariat des Nations Unies des Réfugiés pour qu'il obtienne de M. Paul Biya le respect de tous les engagements que son gouvernement a librement souscrits.

Elle lance aussi un appel à toutes les femmes et à tous les hommes épris de paix et de liberté afin qu'ils interviennent auprès de M. Biya, président de la République du Cameroun pour qu'il libère immédiatement ses compatriotes, et prenne rapidement des mesures concrètes pour faciliter leur insertion dans la société camerounaise.

W. NDEH NTUMAZAH
Président du Comité directeur
intérimaire de l'U.P.C.