© Peuples Noirs Peuples Africains no. 39 (1984) 111-119



LE REPAS DE L'ENNUI

Guy Ossito MIDIOHOUAN

Il était à peu près 18 heures quand Koffi arriva chez Sewa. Ce soir-là il s'était décidé à sortir, à rompre l'isolement où il se trouvait enfermé depuis le début des vacances. Sous d'autres cieux, celles-ci sont synonymes de délassement, de voyages, de rencontres, de liberté. Mais il se rendit très vite compte, dès la première semaine, que les journées étaient cruellement vides et longues. Elles lui pesaient lourdement, au point qu'il en était venu à regretter les cours et les élèves, lui qui, à la fin du mois de juin, après cette première année d'expérience, disait à qui voulait l'entendre qu'il était sur les genoux. Voilà qu'il découvrait que loin de ce qu'il appelait lui-même la vaine et dérisoire agitation professionnelle, la vie à Dougan – où pourtant il passa toute son enfance et une bonne partie de sa jeunesse – avait quelque chose d'oppressant; qu'il planait sur cette ville un désespoir indéfinissable. Lui qui aimait les grandes discussions, les rencontres, les réunions; lui qui était si dynamique, si enthousiaste, si raisonneur, si loquace, le voilà, un an à peine après son retour, traînant à travers la ville une âme triste et une conscience désemparée, fuyant le monde, s'enfermant dans les livres qui, quelques années plus tôt, le firent frémir d'impatience mais dont les idées à présent ne rencontraient plus en lui aucun écho et défilaient devant ses yeux comme de pures utopies.

Koffi trouva Sewa engagé dans une partie de « ludo » avec Têlé, sa fiancée. Il faut dire qu'en vérité Sewa n'eut jamais à présenter TêIé à qui que ce fût comme sa fiancée. Leur relation remontait au temps où ils étaient encore lycéens, et le couple vivait maritalement depuis de [PAGE 112] longues années sans la moindre formalité. Mais, on ne savait pourquoi, tout le monde s'accordait à voir en eux des fiancés, et ils laissaient faire : cela arrangeait tout le monde.

– Je viens voir si tu t'ennuies autant que moi, cria Koffi dès l'entrée. Ce n'est vraiment pas drôle de rester dans cette ville à ne rien faire.

– T'as qu'à changer de job, mon p'tit vieux ! Tu pourrais te faire... Je ne sais pas moi... homme d'affaires ou quelque chose de semblable, lui proposa Sewa.

– Je sais, beaucoup des nôtres ne rêvent que de cela. Il semble que c'est le seul idéal dont la poursuite indiffère la Sécurité. Mais, tu me vois bien devenir épicier, moi ?

– Ah ! à toi de voir. Tu peux aussi te lancer dans la politique. C'est pas bien difficile. Il te suffira de publier un ou deux articles sur le kpakisme et ses rapports avec la démocratie et le développement, et te voilà directeur de Cabinet dans un ministère. Au moins là, tu sauras t'occuper.

Sewa saisit l'occasion de cette conversation pour brouiller les pions du « ludo ». En fait, Koffi était arrivé juste au moment où il se trouvait acculé par sa partenaire qui, ce jour-là, avait la main particulièrement heureuse. Il se savait battu. Il avait, plus d'une fois déjà, tenté de renverser le jeu, de créer un incident afin d'interrompre la partie. Mais Têlé, avertie et vigilante, réussit chaque fois à l'en empêcher et elle ne lui ménageait guère ses gentilles moqueries. Bien sûr, Sewa ne manquait pas d'humour, mais tout cela l'agaçait et Koffi vint lui fournir un solide prétexte. Il feignit donc de proposer, par politesse envers son ami, une partie à trois. Mais nul ne se laissa prendre à son jeu.

– En tout cas tu es battu, lui fit remarquer Têlé, l'air narquois.

– Comment battu ? Tu appelles ça vaincre ? Ah ! Voilà qu'elle voudrait cueillir la gloire d'une bataille qu'elle ne pouvait que perdre. C'est pas malheureux, ça ? Tu devrais dire merci à Koffi. Il ne serait pas venu que je t'aurais étendue raide.

– Oooooh !, firent les deux autres qui ne se tenaient plus de rire devant cette fanfaronnade. [PAGE 113]

– Je jure que je t'aurais proprement étendue !

– Etendue ! Etendue !... Oui, mais enfin ! dit Koffi, gouailleur.

– Je te dis que je l'étends raide tous les jours.

– Ah oui, ça nul n'en doute.

Subtilement, Koffi aidait son ami à se tirer d'embarras. Peu à peu on se désintéressa du jeu et s'engagea une conversation où les problèmes quotidiens trouvèrent une large place : il fallait bien meubler le temps.

Bientôt le trio vit arriver une autre personne qu'on avait aussi perdue de vue depuis le début des vacances. Puis une autre. Le nombre grossissait. Par un phénomène tout à fait bizarre, voici que plusieurs jeunes professeurs de Dougan se retrouvaient au domicile de Sewa, comme s'ils s'étaient donné rendez-vous. Chacun devisait sur cette réunion insolite et impromptue.

– Vous voyez ! Il faut quelqu'un comme moi pour vous tirer de vos tanières.

En effet, la personnalité attachante de Sewa expliquait l'affection particulière que lui portaient ses collègues ainsi que la confiance implicite que chacun lui faisait. Il avait en lui quelque chose de tout à la fois négligé et captivant qui seul pouvait déterminer ce tropisme positif.

Les derniers à arriver furent Ayité et sa femme, Madoé. En pénétrant dans la pièce, le couple fit l'effet de deux clowns entrant en scène. D'abord ils n'en crurent pas leurs yeux et s'arrêtèrent hagards, comme perdus dans cette ambiance extraordinaire qui les rendit perplexes et embarrassés.

– Regardez-les ! On dirait deux détenus tirés à la lumière, opina quelqu'un.

– Bien trouvé ! approuva un autre, pendant que toute l'assemblée saluait cette perspicacité d'une vive acclamation.

– Pourtant, c'est à peine si l'on voit clair dans cette pièce, ironisa Messan.

Il est vrai que c'était déjà le crépuscule mais le « deux-pièces » de Sewa n'était pas ce qu'il y avait de plus éclairé dans la ville. Dans ce quartier populaire, le premier souci des propriétaires, c'était de construire dans leurs concessions le plus grand nombre de cases possible [PAGE 114] pour pouvoir loger le plus grand nombre de locataires. Et puis d'ailleurs qui avait le temps de s'occuper d'ensoleillement quand on avait toutes les difficultés du monde à trouver la case la plus minable.

– Oh ! arrête ton char. On n'est pas ici à la Maison du Parti, c'est vrai, mais ce n'est pas mieux chez toi. Sewa contre-attaquait.

Ayité sursauta comme piqué par une guêpe, les yeux écarquillés, comme pris de panique. Cela ne dura qu'un instant et il put se ressaisir très vite, de sorte que ses collègues ne s'aperçurent de rien.

– De toute façon, on ne peut espérer rien trouver de mieux avec les moyens qui sont les nôtres, fit observer Koffi. Tous les logements... disons acceptables, sont hors de prix. Aujourd'hui à Dougan un « trois-pièces » de rien du tout revient à cinquante mille francs par mois. Même en se mettant à deux on ne peut tenir longtemps ce rythme.

– Moi, je crois qu'il vaut mieux faire quelques années de sacrifice et construire sa propre maison, dit Têlé.

– Mais où donc ? lui demanda Sewa, agressif.

– Comment ? Avec quoi ? renchérit Koffi.

– Pour moi, c'est très clair : je n'aurai jamais de maison. C'est simple, je n'y pense même pas. Vous me direz que c'est parce que je suis une femme, continua Madoé, mais je reste convaincue que ma position est la sagesse même.

– Mais il y a les hôtels ! dit Eblem, ironique.

– Tu déraisonnes ! lui répliqua Koffi.

– Non, puisqu'ils sont vides, précisa Messan avec un accent de révolte.

– On n'a plus qu'à les squattériser, proposa Kangni.

Cette fois, Ayité ne parvint plus à se contenir. Il se leva d'un bond et, les bras tendus, intervint vigoureusement :

– Oh là ! Oh là là ! Les amis, ça suffit ! Les murs ont des oreilles. Etes-vous donc ici pour râler ? Ne m'obligez pas à aller rendre compte.

Le silence qui suivit fut complet et comme automatique. Ayité réussit ainsi, avec une remarquable affectation de sérieux qui laissa chacun perplexe, à atteindre son but : freiner résolument ce dangereux débat. [PAGE 115]

Sewa, pour remettre de l'ambiance, proposa aussitôt « une petite fête » qui reçut bruyamment l'assentiment de tous. Chacun donna son écot et l'on envoya une petite fille acheter, non loin, chez une vendeuse installée au bord de la route, du colico[1], des brochettes et des croupions de dinde, pendant qu'un autre enfant, un garçon, était chargé d'aller ramener de la bière « bien frappée ».

C'était l'un des avantages de cette maison : Sewa, grâce à son prestige de « professeur », pouvait, à l'occasion, disposer comme il voulait des enfants de ses co-locataires. Certes, il maugréait souvent contre ces derniers, se plaignait surtout du bruit qui, en raison de la promiscuité, persistait à tout moment de la journée, et que les fréquentes scènes de ménage pouvaient faire exploser en plein milieu de la nuit. Mais, ce qui le gênait par-dessus tout, c'était le spectacle déprimant de la misère que lui imposait ce quartier. Il eût aimé habiter une zone plus résidentielle ou, à tout le moins, une villa où il eût été le seul occupant. Mais il reconnaissait en son for intérieur que la vie dans ce quartier offrait mille petites commodités dont on ne pouvait disposer ailleurs sans bourse délier. Il n'avait point les moyens de réaliser son rêve : il se laissait vivre.

Les commandes arrivèrent et le repas se révéla une partie de plaisir tout à fait extraordinaire. Peu à peu la bière et le piment accrurent l'euphorie. On notait une nette décontraction et un certain relâchement. Les rires se firent plus bruyants. Les esprits se débridèrent. On avait tout son soûl d'histoires croustillantes, de gaudrioles et autres trivialités.

Soudain, dans la confusion générale, quelqu'un mit en marche, sans doute d'un geste machinal, un petit poste-radio qui se trouvait dans un coin de la pièce. C'étaient les informations. Le général d'armée Sanassi Ahovi Kpaki, président de la République, chef d'état-major des F.A.D., ministre de la Défense nationale, Guide Suprême de l'Etat, du Parti, de la Nation et du Peuple, avait regagné, dans l'après-midi, à 16 h 03 précises, la terre natale, à l'issue d'une visite officielle de quarante-huit heures en République populaire de Chine où il avait été reçu avec [PAGE 116] tous les honneurs dus à son rang. Le Timonier national – qui avait aussi tenu à faire de cette visite une visite de travail – avait été accueilli à l'aéroport par les membres du gouvernement, ceux du Bureau politique et du Comité central, le Corps diplomatique au grand complet, les corps constitués et une foule dense et colorée de militantes et militants enthousiastes, sans compter les groupes-choc d'animatrices et d'animateurs de la Révolution qui avaient contribué à donner à l'événement une dimension exceptionnelle. L'arrivée grandiose du Grand Timonier au bercail était un spectacle à la fois bouleversant et saisissant de beauté...

Qui dans le pays ne connaissait par cœur ce scénario ? En vérité, personne ne souhaitait subir ce soir-là les dithyrambes du Guide et du Parti. Spontanément un vague mouvement d'humeur se manifesta, vite contenu. Chacun réclamait qu'on arrêtât cette connerie, qu'on lui fît « du silence dans les oreilles », qu'on lui permît de « respirer un tout petit peu ». Mais nul n'eut le courage d'exprimer sa pensée. Des regards se voulant réprobateurs sans le paraître se fixèrent sur Ayité dont le geste étourdi eut la fâcheuse conséquence de nuire à la fête. Celui-ci, tout confus, n'osa pourtant pas prendre sur lui d'arrêter le poste et, n'en pouvant plus de subir la redoutable pression des regards, trouva le prétexte d'un besoin urgent pour s'enfuir vers les toilettes, obligeant ainsi l'assemblée stupéfaite à « suivre » en silence les informations.

Le guide, interrogé par un journaliste qui lui souhaita d'entrée la bienvenue au nom de « La Presse nationale », remercia celle-ci de sa bienveillante attention et le journaliste d'avoir bien voulu lui donner la parole. A cette délicate courtoisie, tout le salon d'honneur de l'aéroport vibra d'un tonnerre d'applaudissements avant que Le Général ne poursuivît avec d'importantes déclarations : l'accueil du peuple chinois avait été particulièrement chaleureux et il saisissait l'occasion pour exprimer aux autorités chinoises sa profonde gratitude pour l'attention particulière dont lui-même et toute la délégation qui l'accompagnait avaient été l'objet au cours de leur séjour dans le beau pays qu'était la Chine. Il pouvait affirmer que l'amitié et la coopération entre le peuple chinois et le peuple douméen, très solides auparavant, se trouveraient [PAGE 117] renforcées à l'avenir. Lui-même ainsi que toute la délégation qui l'accompagnait avaient eu le grand plaisir de rencontrer un peuple calme, paisible, discipliné et travailleur. C'était un exemple vraiment enrichissant. il ne permettrait donc pas que le Doumé fût troublé par de mauvais esprits à la solde de l'étranger. Quand, il y avait quinze ans, exactement le 6 septembre 196.... l'armée avait décidé de prendre en main la destinée du pays, tout le Doumé vivait pratiquement au bord du chaos. Aujourd'hui, la paix était revenue dans les foyers et la concorde régnait du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest. Tous les fils du pays devaient donc tout faire pour barrer la route aux oiseaux de mauvais augure, afin de sauvegarder la cohésion nationale, et travailler pour que le Doumé fût un pays toujours plus prospère où il ferait bon vivre pour chacun et pour tous.

Les applaudissements durèrent plus d'une minute, cessèrent, puis reprirent quelques instants après, plus frénétiques, sans que l'on sût pourquoi.

Dans la pièce, l'ambiance était tombée. Certains continuaient de manger, sans y avoir le cœur, en silence. Les verres se vidaient d'un trait et se remplissaient à la même vitesse. La bière vint à manquer et Sewa se proposa d'offrir la tournée. De sa place, il appela le jeune garçon qui semblait commis à cette tâche et qui s'ébattait dans la cour avec toute la marmaille de la maison et des environs. Il le fit d'abord d'une voix qui manifestement ne lui laissait aucune chance d'être entendu. Puis, comme pour se faire mieux entendre, il tendit la main gauche vers le poste-radio et en diminua le volume Jusqu'à l'arrêter brusquement, tout en continuant de crier le nom du garçon qui déjà accourait.

– Mais, dis donc, es-tu sourd ? Qu'as-tu à ne pas répondre quand on t'appelle ?

– ...

– Prends six bouteilles et va nous chercher de la bière, dit Sewa en lui tendant deux billets de banque.

Le jeune garçon, culpabilisé, s'empressait de rendre le service qui lui était demandé et, dans sa précipitation, faillit renverser Ayité qui revenait des toilettes en serrant sa ceinture, ce qui suscita quelques commentaires malveillants. L'hilarité devint générale lorsque notre homme [PAGE 118] entretint l'assemblée de sa diarrhée subite. On trouva naturellement une liaison de cause à effet entre son indisposition et l'incident de tout à l'heure. On proposa les remèdes les plus fantaisistes. On chahutait Madoé de n'avoir pas habitué son mari au piment. Enfin, n'importe quoi – et Ayité ne s'en trouvait que plus à l'aise pour reprendre sa place au sein du groupe.

Le garçon ramena la bière et repartit pour des cigarettes. On eut un peu plus tard à le rappeler pour de la bière.

Fort curieusement, la conversation prenait une tournure de plus en plus grave au fur et à mesure que la soirée avançait. Mais, sur chaque sujet, il arrivait un moment où la pensée semblait tomber en panne. On notait alors dans toutes les interventions comme des ratés et la parole se racornissait en des phrases confuses, des mots vagues, avant de se réduire en d'imperceptibles soupirs. Le silence créait alors un vide, un malaise insupportable, car on changeait subitement de sujet et, de nouveau, la discussion qui s'engageait dans l'enthousiasme s'enlisait dans la méfiance, la prudence et la peur.

Quand vint le moment de se séparer, tel reconnut que la vie était dure, mais qu'elle valait la peine d'être vécue; tel autre qu'il suffisait de peu pour faire des heureux. Il n'y eut personne qui ne se fût senti ce soir-là une âme de philosophe. Même Ayité eut l'audace de trouver qu'il était indispensable qu'on se retrouvât ainsi de temps en temps, que cela faisait du bien d'être ensemble et que la solidarité était le meilleur remède contre la tristesse de la vie et ses dures exigences.

– Toi au moins tu ne râles pas, ironisa Sewa.

– Tout est dans la manière, répliqua Ayité, à mi-voix, sur un ton de confidence, sans doute à cause des murs qui avaient des oreilles.

– Eh oui, la manière ! C'est vrai que tout est dans la manière de rendre compte. Tu peux compter sur moi, ajouta Sewa. Demain, à pareille heure, tu seras déjà sous la latérite.

A ces mots, Ayité se jeta spontanément à genoux et implorait le pardon de Sewa que tous les autres encourageaient à faire scrupuleusement son devoir de citoyen, c'est-à-dire, de militant convaincu du Parti. Sewa se [PAGE 119] montra d'ailleurs, avec un incontestable talent de comédien, impassible devant les jérémiades de son collègue qui se remit debout d'un bond et commença à s'agiter dans tous les sens dans la pièce, affolé, presque en transe, les deux mains sur la tête en signe de détresse.

Ce qui débuta comme un jeu, une bonne blague entre amis, se mua dès cet instant en un psychodrame burlesque où l'improvisation semblait n'avoir aucune part. Ayité continuait de s'agiter, roulait des yeux de possédé, battait frénétiquement des paupières. On eût dit qu'il s'opérait en lui comme une métamorphose. Il n'était plus que halètements, brefs cris de douleur étouffés mais combien poignants, mimique grotesque, mouvement saccadé et rythme délirant, devant l'assemblée stupéfaite qui suivait le spectacle dans un silence glacial.

Soudain, des cheveux, il fit glisser ostensiblement ses mains sur les yeux.

– Ehouéééé Ayité ! On te crèvera les yeux à la baïonnette, lança quelqu'un.

Cette phrase donna le coup d'envoi d'une série de répliques lugubres dont Ayité dosait la progression par le déplacement de ses mains :

– Ayité ! On te fera bouffer du verre pilé.

– Ehouéééé Ayité ! On te brisera les jambes à la matraque.

Il fit ensuite remonter ses mains à la poitrine :

– Ayité ! Ton cœur éclatera sous les décharges électriques...

Peu à peu, le supplicié défaillait, se rapetissait, s'anéantissait, mais dressait courageusement, avec la complicité de ses amis, le panorama sanglant de sa future peine. En bon comédien, il réserva le meilleur pour la fin : lorsqu'il se tint le bas-ventre dans le fou-rire général, ce fut Têlé qui conclut :

– Mais oui ! Ayité, demain tu ne seras plus Ayité.

Alors, le pitre se laissa choir si lourdement que les rires se figèrent.

– L'homme est tombé, gémit le mort.

– Aidons-le à se relever, dirent les autres, tous ensemble.

FIN

Guy Ossito MIDIOHOUAN


[1] Morceaux d'igname frits.