« Espace Francophone » est le titre d'une nouvelle émission radio-télévisée conçue et réalisée en France, diffusée dans tous « les pays francophones » du monde, notamment ceux d'Afrique. Il s'agit d'une entreprise de nature publicitaire, visant à menuiser les consciences autour de la Francophonie et à faire passer celle-ci pour ce qu'elle n'est pas, c'est-à-dire pour une réalité concrète.

On peut noter que la France mène une action tous azimuts à travers une multitude d'organismes (dont les plus importants sont impliqués dans la réalisation de cette émission) pour défendre les positions du Français dans le monde. Pour elle, il est question de voir loin, très loin dans le temps, de préparer l'avenir. Car en fait, rien n'indique aujourd'hui que le français demeurera demain la langue privilégiée des pays africains dits francophones. Aucun linguiste, aucun sociologue n'est en mesure de soutenir fermement le contraire. Par contre, ce qui frappe tous les observateurs, c'est que la position qu'occupe le français aujourd'hui en Afrique est socialement très fragile, qu'il est une langue mineure, ou mieux encore, une langue assiégée. C'est en raison de cette situation que la France met tout en œuvre pour rendre les consciences africaines moins sensibles au nationalisme linguistique et retarder le plus longtemps possible la révolution.

Des intellectuels et écrivains africains de renom sont sollicités ou demandent (cela peut servir énormément d'apparaître en Afrique comme une figure reconnue et consacrée en France) à prendre part à cette émission de propagande en faveur de la langue française. Nul ne peut [PAGE 56] les en empêcher, si tel est leur choix. Mais qu'ils sachent qu'en Afrique nous commençons à distinguer l'intoxication à visée impérialiste de l'échange culturel et que nous n'entendons plus du tout nous laisser manipuler.

Il reste que le vrai pouvoir passe par les media. C'est au moment où de toute part on fait des gorges chaudes de l'Unité Africaine que La Francophonie se trouve, comme par hasard, montée en épingle. Si tous les moyens mis au service de la Francophonie l'étaient au service de l'Unité Africaine, celle-ci aurait été construite depuis longtemps déjà. La Francophonie nous permet aussi de constater que l'impérialisme n'est pas essentiellement balkanisateur. Il ne rassemble que sous son égide et dans ses intérêts. Il divise quand il se sent menacé. Qui peut soutenir que la Francophonie est une réalité beaucoup plus concrète que l'Unité Africaine ? C'est pourtant ce que laisse entendre « Espace Francophone » avec la complicité servile des radios et télévisions africaines. Quand cesserons-nous d'ahaner dans l'intérêt des autres ? Quand donc déciderons-nous de nous engager résolument dans notre propre combat ?

Guy Ossito MIDIOHOUAN