© Peuples Noirs Peuples Africains no. 30 (1982) 13-15



UNION DES POPULATIONS
DU CAMEROUN (U.P.C.)
SECTION CAMEROUNAISE
DU RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE
AFRICAIN (R.D.A.)

COMMUNIQUÉ DE PRESSE
A PROPOS DE LA SITUATION AU CAMEROUN

Ndeh NTUMAZAH et Ekwalla ROBERT

Au début de la semaine dernière, le « président » du Cameroun, M. Amadou Ahidjo, qui était en visite à Paris, a remis sa démission aux autorités françaises pour raisons de santé. N'étant que virtuellement le chef de l'Etat camerounais, c'est au gouvernement français, son employeur, qu'il a réservé la primeur de cette nouvelle; c'est à ce gouvernement aussi qu'il a laissé le soin de divulguer cette information au Cameroun.

Le jeudi 4 novembre, dans une déclaration radiodiffusée, M. Ahidjo informait le peuple camerounais de sa décision de se retirer des affaires publiques et de désigner pour lui succéder à la tête de l'U.N.C. (Union Nationale du Cameroun) M. Paul Biya, qui a été préparé à cette charge de longue date. Le peuple camerounais n'a eu aucune part à ces décisions. Il n'a pas été consulté. Tout ce qu'on lui demande, c'est d'obéir.

Si le Cameroun était un pays libre et indépendant, la démission du chef de l'Etat aurait été un événement important. Les citoyens auraient pu se référer à la Constitution pour y trouver appui et conseil. Mais, au Cameroun, la Constitution n'est pas issue du peuple. Elle n'est inspirée ni par la culture ni par les coutumes des habitants de ce pays, qu'il s'agisse de ceux qui gouvernent ou de ceux qui sont gouvernés. La Constitution camerounaise est transitoire, et cela, pour plusieurs raisons. Pour pouvoir être interprétée et appliquée au bénéfice des entreprises étrangères, elle doit être aussi changeante que les [PAGE 14] couleurs d'un kaléidoscope. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de se tourner vers la Constitution dans les circonstances présentes. Si l'on voulait soumettre à une vigoureuse réflexion et à un sérieux remaniement un texte qui a été imposé à notre pays par la ruse, il faudrait y faire participer les forces sociales et politiques qui, à l'intérieur du pays, pourraient contribuer à un changement. Mais il y a bien longtemps que ces forces ont été muselées et émasculées. Les opinions et les espoirs des Camerounais, les problèmes sociaux et politiques du Cameroun ne sont pas des priorités pour la France et ses alliés, qui pourtant mettent en place et destituent les roitelets locaux.

Pour les spécialistes des sciences politiques, un événement politique ne peut être compris que si l'on connaît les circonstances qui l'ont produit et les conséquences qu'il entraîne pour le peuple concerné. Mais comment pourrait-on étudier un événement politique dans une semi colonie ? L'économie d'une colonie n'est que le prolongement de celle de la métropole. Ce sont les autorités de la métropole qui ont entre les mains les pièces du puzzle socio-économique. Elles seules sont à même de résoudre les problèmes socio-économiques en maniant et remaniant les pièces de ce puzzle.

Les institutions oppressives et spoliatrices implantées de force au Cameroun sont pourries jusqu'à la racine et la maladie dont elles sont atteintes est fatale. Les tentatives pour affaiblir le poison que l'U.P.C. a injecté dans la machine coloniale et pour empêcher ce poison de se répandre se sont révélées infructueuses car il a pénétré très profondément et sapé toutes les institutions à un point tel que le mal est sans remède. Les seules solutions pour se débarrasser d'un système corrompu par la machine coloniale serait la liberté de la presse et la reconnaissance officielle de tous les partis. La liberté de parole, la liberté de vote et le châtiment de ceux qui ont pillé et pillent encore notre pays sont des conditions préalables pour faire cesser le déclin économique du Cameroun.

Une simple relève de la garde ne peut résoudre tous ces problèmes. Tout cavalier change périodiquement de monture. Il choisit toujours le cheval gagnant. Paul Biya porte-t-il un numéro gagnant ? Seul l'avenir nous le dira.

Il est nécessaire de constituer avec la plus grande célérité des comités U.P.C. à tous les niveaux. L'U.P.C. continue [PAGE 15] et continuera à porter bien haut le flambeau de la lutte pour la libération du Cameroun. Tout ce qui pourrait affaiblir cette lutte doit être tenu à l'écart.

Fait le 12 novembre 1982

Ndeh NTUMAZAH
Ekwalla ROBERT