© Peuples Noirs Peuples Africains no. 26 (1982) 21-32



« LE CENTRAFRIQUE AU SEUIL DE L'ANNÉE 1982 »[1]

EZINKA

La « République Centrafricaine » entre dans l'année 1982 avec un bilan particulièrement désastreux dans tous les domaines : politique, économique, social, culturel...

Le pseudo-coup d'Etat militaire du ler septembre duquel est issu le Comité Militaire dit de « Redressement National » (« C.M.R.N. ») présidé par le général André Kolingba, défini comme une opération de salut national, étale au grand jour son incapacité d'amorcer un processus d'arrêt de la chute libre de la nation, de la « perpétuelle récession économique », « de la désaffection chronique du travail... » (extraits du message de vœux d'André Kolingba au pays le 31-12-1981).

Ce constat d'échec conforte, s'il en était encore besoin, la thèse selon laquelle la solution fondamentale à la situation nationale en « R.C.A. » ne saurait résulter du putschisme ou d'autres formes de prises de pouvoir effectuées par des individus ou groupes d'individus, mus par leurs propres ambitions égoïstes ou par celles de leur classe d'origine au détriment des larges masses populaires du pays.

Le « coup d'Etat » militaire du 1er septembre 1981 s'avère une nouvelle fois une tentative de [PAGE 22] l'impérialisme international et de la classe dirigeante en « R.C.A. » de briser la montée du mouvement populaire, démocratique et national centrafricain depuis le début de l'année 1981. De ce seul fait, sur le fond, il est condamné.

En outre, compte tenu de la situation particulière ainsi créée il incombe aux larges masses populaires de la « R.C.A. » d'élever davantage leur esprit d'initiative et de sacrifice, de se mobiliser et de s'organiser en vue d'apporter des solutions adéquates à la situation du pays,

I – « LE COUP D'ETAT » DU 1er SEPTEMBRE 1981 : PSEUDO-REMEDE NATIONAL

La « R.C.A. », de par son « instabilité » politique chronique, commence à se familiariser avec le putschisme « légal » ou militaire...

Depuis 1960, le pays vient de vivre son quatrième coup d'Etat; les changements de personnel politique, en réalité mutation d'agents patentés de l'impérialisme international, s'opèrent en « R.C.A. » comme dans la plupart des pays néo-coloniaux par des putschs. :

– 1959 : Par un tour de passe-passe colonialiste orchestré par la sinistre chambre de commerce de Bangui, béni par le clergé catholique local, David Dacko s'empare de la direction du pays après la mort de B. Boganda, contre la volonté de la grande majorité du peuple.

– 1966 : Bokassa aux ordres de l'impérialisme français écarte Dacko du pouvoir au nom de la lutte « anti-communiste »... La suite est connue !

– 1979 : Dacko est de nouveau imposé au peuple qui a mis en difficulté le régime sanguinaire de Bokassa, au cours d'une opération de reconquête colonialiste nommée « Barracuda », organisée par l'impérialisme français et son chef de file de l'époque Giscard, avec le concours d'un corps expéditionnaire...

– 1981 : André Kolingba, chef d'état-major de l'armée « demande et obtient » la démission de Dacko. Au-delà de la présentation officielle de cet événement qualifié de « coup d'Etat militaire », il convient de le replacer dans ses propres limites et dans son contexte, d'en dégager la véritable signification pour la lutte du peuple en « R.C.A. ». [PAGE 23]

En réalité il s'agit d'un transfert de responsabilité à l'intérieur de la classe dirigeante, motivé par des contraintes imposées par la lutte du peuple, par d'importantes préoccupations liées à la situation internationale, précipité par des contradictions internes.

A – Les contraintes imposées par la lutte du peuple

Pour qui a suivi l'évolution de la situation en « R.C.A. » depuis le parachutage de David Dacko à la tête du pays par les troupes françaises, le changement intervenu le 1er septembre 1981 se présente comme l'aboutissement d'une série de confusions et de profondes contradictions résultant de l'ampleur considérable qu'a atteint le mouvement des masses populaires en « R.C.A. ». En effet, le pouvoir sanguinaire de Bokassa vacilla sérieusement sous les coups résolus de lycéens et de travailleurs de Bangui déterminés à en découdre avec lui en janvier et avril 1979.

Malgré l'intervention militaire impérialiste française en septembre 1979, le mouvement des masses, pour lequel le retour de Dacko et de ses acolytes était une intolérable aberration, ne cessa de gagner en intensité et en résolution .

– Maïdou (vice-président) et Ayandho (Premier ministre) furent révoqués à la demande des masses. Ces deux agents de l'impérialisme international brillèrent par leur autoritarisme et leur impopularité; Maïdou demeure celui qui dirigea le massacre des scolaires en 1979 pour les démentir quelques instants après.

– La constitution du 1er-02-1981 fut en dernière analyse approuvée en dépit de ses nombreuses carences tant dans le fond que dans la forme essentiellement parce qu'elle reconnaissait et garantissait le multipartisme. Placée dans le contexte spécifique de la « R.C.A. » cette disposition représentait un progrès relatif de la démocratie politique.

– Les élections présidentielles » de mars 1981 démontrèrent de façon spectaculaire l'étroitesse de la base sociale du pouvoir, ceci malgré l'occupation militaire du pays par les troupes françaises : Dacko n'obtint en tout et pour tout que 50,23 % des suffrages exprimés! La proclamation officielle des résultats fut d'ailleurs différée pendant plusieurs jours eu égard à [PAGE 24] la désapprobation manifestée d'emblée par les masses populaires. Il devenait de plus en plus probable que le peuple s'apprêtait à redescendre dans la rue pour manifester sa colère et sa détermination.

Dans ce contexte la classe dirigeante, pour se maintenir, s'appuya sur les troupes françaises d'occupation auxquelles désormais incombait le maintien de l'ordre public. L'accession au pouvoir en France de François Mitterrand et du parti socialiste ayant eu pour conséquence d'assigner au corps expéditionnaire toute « autre tâche que le maintien de l'ordre public interne », le pouvoir de Dacko n'eut plus de dernier rempart sinon l'armée « nationale centrafricaine » en « réorganisation ». Ce recours à la force armée intervint officiellement en juillet 1981 dans un contexte de grande mobilisation populaire avec des grèves tournantes dans :

– le secteur privé : colalu, lorombois, mocaf,...

– le secteur public : postiers, enseignants, infirmiers,...

Dissolution brutale et autoritaire de l'Union générale des travailleurs centrafricains (UGTC), la centrale la plus représentative des travailleurs; création sans succès de la confédération générale des travailleurs centrafricains (CGTC) – officine du pouvoir de Dacko et de son parti l'« UDC » (« Union démocratique centrafricaine »); explosion de bombes dans un cinéma de Bangui ayant fait plusieurs victimes...

Premier recours à l'armée

Dacko décrète l'état de siège et la loi martiale. Les pouvoirs du maintien de l'ordre et de la sécurité sont confiés à l'armée. Son chef d'état-major devient l'administrateur de la loi martiale. Par la même occasion Dacko saisit l'opportunité pour entreprendre les sordides manœuvres qui du reste lui permirent de s'imposer en 1962 et en 1964 : suspension de la constitution du 1er-2-l98l à peine appliquée; dissolution de toutes les organisations politiques du pays à l'exception de la sienne : l'« UDC » arrestation des dirigeants de l'« opposition » encore dans le pays...

De juillet à septembre 1981 la « R.C.A. a vécu sous l'état de siège et la loi martiale, en dépit d'un relâchement minime observé pour des raisons conjoncturelles : [PAGE 25] pressions du gouvernement Mitterrand-Mauroy à la fin du mois d'août 1981.

Tout porte à croire que l'instauration de l'état de siège et de la loi martiale fut simplement la première étape d'un processus organisé de retour de la « R.C.A. » à la dictature militaire. En effet les explosions de bombes du 14-7-1981, fait générateur de l'état de siège et de la loi martiale, n'ont du reste jamais réellement donné lieu à des conséquences judiciaires et policières : à ce jour on ne sait toujours pas par qui, pour qui, pourquoi cette meurtrière opération a été organisée... La revendication hâtive et inopportune de cette opération par une prétendue organisation dénommée « Mouvement centrafricain de libération nationale » relèverait plutôt d'une manœuvre de diversion !

Les bombes furent posées par des agents provocateurs à la solde du pouvoir de Dacko et de 1' « UDC » afin d'accréditer la thèse selon laquelle le maintien des troupes impérialistes françaises dans le pays était nécessaire et indispensable à la garantie de la sécurité des capitaux, capitalistes et « coopérants » français...

Deuxième recours à l'armée

La dégradation de la situation politique ne s'arrêta pas en dépit de l'instauration de l'état de siège et de la loi martiale.

Déphasée et incapable de faire face à ses propres contradictions, la fraction de la classe dirigeante regroupée au sein de l'« UDC » fut contrainte de céder le pouvoir à l'autre fraction, composée d'officiers supérieurs de l'armée, qui, déjà associée pendant quelques semaines à la direction du pays sous la loi martiale, refusa ainsi d'être maintenue aux strapontins pour servir de faire-valoir. Ce fut ce qui fut appelé le « coup d'Etat » du 1er septembre 1981 au cours duquel le général Kolingba, chef d'état-major général, à la tête d'un groupe d'officiers supérieurs, « s'empara » de la direction du pays, fut porté à la tête du « Comité Militaire de Redressement National » (C.M.R.N.), suspendit la constitution (pourtant déjà suspendue), interdit les partis (eux aussi déjà interdits ... ).

Les raisons profondes avancées par le général Kolingba furent : « la préoccupante situation nationale » [PAGE 26] et « l'état de santé de David Dacko ».... La deuxième raison semblerait indiquer même qu'il s'agit d'une mise en scène de D. Dacko lui-même qui confia la direction du pays à l'armée, préférant ainsi installer indirectement une dictature sur le peuple, qu'il se réserverait de manipuler dans les coulisses... pour réprimer le mouvement populaire.

La prise du pouvoir par le général Kolingba et le « C.M.R.N. » est loin d'être un remède national.

La situation fondamentale du peuple centrafricain, dominé par l'impérialisme français et la bourgeoisie politique et bureaucratique parasite demeure inchangée.

Les nombreuses ressources naturelles du pays demeurent comme par hasard entre les mains des grandes multinationales : Péchiney, Thomson, C.G.E., S.O.F.F.O. ...

La « R.C.A. » est classée aujourd'hui parmi les 25 pays les plus pauvres de la terre.

Le « Comité Militaire de Redressement National » (C.M.R.N.) ne dispose à ce jour d'aucun programme digne de ce nom : c'est toujours le « gouvernement » au jour le jour, au bon gré de la haute finance, internationale en général, française en particulier, auxquelles le général André Kolingba met peu de scrupules à solliciter 75 milliards de francs cfa pour un pseudo-redressement.

B – Les préoccupations internationales

Cette pressante et humiliante démarche ne saurait faire la confusion sur les véritables tenants et aboutissants du « coup d'Etat » du 1er septembre 1981. A la vérité, elle apporte un éclairage sur les motivations dissimulées à la base du transfert du pouvoir à la fraction en uniforme de la classe dirigeante.

Deux éléments capitaux de la situation internationale ont lourdement pesé sur la « chute » de David Dacko et de l'« U.D.C. ».

L'élection présidentielle en France et ses conséquences; la rivalité active entre les deux super-puissances (URSS-USA) pour la domination des peuples d'Afrique centrale.

1 – L'élection présidentielle en France et ses conséquences

Homme de paille de l'impérialisme français et [PAGE 27] plus particulièrement de sa fraction giscardienne, imposé et protégé par ce dernier, David Dacko a vu le glas de son « règne » sonner le 10 mai 1981, lorsque François Mitterrand a été déclaré vainqueur des élections présidentielles.

La politique de coopération avec l'Afrique, définie et redéfinie par le gouvernement issu du 10 mai 1981, officiellement appuyée « sur les relations d'Etat à Etat et non sur les rapports de personnes à personnes », « devait déboucher sur une véritable coopération dans la plénitude du terme » et non ! sur une recolonisation... » réduisit considérablement la marge de manœuvre politique de Dacko et de sa clique. En effet, ces derniers avaient bâti toute leur stratégie sur la victoire de Valéry Giscard d'Estaing et Dacko comme ce dernier espérait se maintenir au pouvoir encore pendant six ans, pratiquement pendant tout le septennat de son protecteur et maître.

– La première conséquence de l'élection de F. Mitterrand fut la modification du rôle à venir du corps expéditionnaire français dans le pays. Officiellement, ce dernier ne devrait plus être utilisé aux tâches de maintien de l'ordre et de garde prétorienne pour Dacko. Les explosions du 14 juillet 1981 en témoignent largement. Dacko fut contraint de solliciter l'assistance de Mobutu qui lui fournit alors une unité de parachutistes chargée de sa protection personnelle.

– La deuxième conséquence : le versement de fonds prévu par la France giscardienne différé. La convention relative aux deux dernières échéances de la subvention française (d'un montant de 3 milliards de F. CFA pour 1981) nécessaire à la couverture du déficit budgétaire « centrafricain » et programmée avant les élections présidentielles françaises n'a pu être signée que le 10 juillet 1981, le nouveau gouvernement français « traïnant les pieds » à ce propos et exigeant du gouvernement de Dacko le rétablissement d'une vie politique et syndicale normale dans le pays, comme préalable. Il est du reste curieux de constater que les fonds ne furent finalement versés que le 17 juillet 1981, soit 3 jours après « l'attentat » du cinéma « le Club » à Bangui et l'instauration de l'état de siège.

En 1981, le déficit du budget d'Etat « centrafricain » a atteint en tout et pour tout 11 milliards [PAGE 28] (il était de 8 milliards F. CFA au 31-12-1981). Les estimations les plus généreuses chiffrent à 14 milliards de F. CFA le déficit pour 1982.

On ne voit pas très bien comment le « comité militaire de redressement national » dépourvu d'un programme d'action cohérent et surtout anti-impérialiste conséquent pourrait dégager le pays d'une situation financièrement, certes, mais d'abord politiquement angoissante et humiliante.

C'est dans ce contexte de « rétrécissement » des « subventions » françaises que la classe dirigeante s'est tournée vers la recherche d'autres protections dans le cadre de la rivalité des deux super-puissances (URSS-USA).

2 – La rivalité des deux super-puissances et le coup d'Etat du 1er septembre

Progressivement « lâchés » par la France « socialiste » Dacko et l'« U.D.C. » étaient sur le point d'examiner les possibilités d'entretien d'autres alliances. Il fut question de renouer avec la Libye et l'Union Soviétique. Il en résulta alors de sérieux accrochages au sein de la classe dirigeante avec le clan des pro-américains, anciennement déçus et amers, qui virent en l'avènement de Ronald Reagan un protecteur de rechange. Dans la lutte sourde mais vive que les deux super-puissances menèrent par agents interposés en R.C.A. aux mois de juillet et août notamment, l'impérialisme américain s'imposa finalement et ce fut le « coup d'Etat » du 1er septembre 1981.

Ayando et Gallin Douathe, les chefs de file de la tendance pro-américaine au sein de la classe dirigeante, ayant pu manœuvrer depuis le début de l'année 1981 dans ce sens : visites fréquentes au département d'Etat à Washington.

Le premier ambassadeur reçu par le général Kolingba au lendemain du transfert de pouvoir fut celui des Etats-Unis à Bangui... Le Fonds Monétaire International (F.M.I.) annonça presque aussitôt son intention d'élaborer un nouveau programme d'assistance à la R.C.A. pour 1982!

Depuis lors, les rapports avec Israël ont repris leur niveau d'avant 1970 : les services de sécurité lui sont confiés..., sans oublier la mainmise totale des agents sionistes sur l'activité diamantifère en particulier. [PAGE 29]

C – Les contradictions internes de la classe dirigeante

Le transfert de responsabilités opéré le 1er septembre 1981 fut précipité par les contradictions internes de la bourgeoisie politico-bureaucratique. Comme on le sait les résultats obtenus par l'« U.D.C. » et son candidat David Dacko aux élections présidentielles de mars 1981 ne peuvent servir de référence sérieuse (50,23 % des voix). Il était acquis que les élections législatives prévues pour juin 1981 seraient probablement remportées par les organisations de l'opposition, en dépit du fait que cette dernière ne représentait pas – loin de là – les intérêts fondamentaux de la classe ouvrière et du peuple.

La perspective d'un échec lamentable incitait donc une aile plus souple de l'« U.D.C. » à tendre une perche, dans le cadre d'une formule de « Gouvernement d'Union Nationale » à « l'opposition ». Cette formule, croyait-on, présentait le mérite d'élargir la base du pouvoir...

Mais elle se heurta à l'aile dont le chef de file fut Kazagui, partisan des méthodes autoritaires et répressives. Dans son désir effréné de répression., cette aile alla jusqu'à consentir à l'auto-sabordage de l'« U.D.C. » au profit de l'armée, fixant ainsi la véritable nature de l'opération du 1er septembre 1981, ni plus, ni moins, un transfert de responsabilité, résultant des contradictions internes à la classe dirigeante.

II – LE PEUPLE CENTRAFRICAIN ET LES TACHES INHERENTES A LA PERIODE ACTUELLE

Depuis le 1er septembre 1981, la situation politique en « R.C.A. » demeure caractérisée par un bâillonnement de toutes les organisations politiques et syndicales, le pouvoir, sous le prétexte fallacieux de « redressement économique et social », tente de liquider le mouvement démocratique en plein essor.

Cette répression a entraîné une quasi-déconfiture des organisations prétendument de l'opposition, et posé le problème des tâches urgentes au sein des masses populaires au cours de la période actuelle. [PAGE 30]

A – La quasi-déconfiture des organisations dites de l'opposition

La répression conduite par l'armée a certes bâillonné l'opposition. Mais elle a surtout étalé au grand jour la faillite prévisible de cette dernière.

Nés dans la précipitation et l'opportunisme, les « partis » d'opposition se sont effacés de la même manière c'est-à-dire qu'ils n'avaient et ne pouvaient avoir aucun lien avec le peuple travailleur « centrafricain ».

Une rapide observation de leur évolution depuis le 1er septembre 1981 est édifiante :

– Le « Mouvement pour la Démocratie et l'Indépendance » (M.D.I.), dirigé par F. Guéret, le « Parti Républicain du Progrès » (P.R.P.) dirigé par H. Maïdou, le « Groupe des indépendants pour la recherche et l'action » (G.LR.A.), animé par F. Péhoua et Fatrane, ainsi que d'autres formations, ont annoncé publiquement leur ralliement au « comité militaire de redressement national » auquel ils apportent leur appui, en fait pour promouvoir leurs propres intérêts futurs.

– Le « Front Patriotique Oubanguien » (F.P.O.) animé par Abel Goumba a annoncé qu'il observait une prudence tactique et critique vis-à-vis du « C.M.R.N. ». La nomination, le 4 janvier 1982, d'Abel Goumba, par décret du général Kolingba, comme recteur de l'université de Bangui, entraîne de la part du F.P.O. une adhésion pure et simple au pouvoir du « C.M.R.N. ».

– Le « Mouvement de Libération du Peuple Centrafricain » (« M.L.P.C. »), avec à sa tête Ange Partassé demeure pour le moment « hors jeu ». Ce dernier réclame sans succès des élections présidentielles sous contrôle de l'O.U.A. et de l'O.N.U. Aucune contradiction de nature idéologique, c'est-à-dire de classe, ne l'oppose au pouvoir du « C.M.R.N » au sein duquel il compte du reste de nombreux partisans : exemple, le général Alphonse Mbaïkoua ministre d'Etat chargé de la Justice et no 2 du « C.M.R.N. ». Là encore il est question de contradictions entre personnes du même bord, défendant des intérêts personnels divergents. A terme, le M.L.P.C. est appelé à rejoindre le « C.M.R.N. » ou alors à se saborder, car encore une fois il ne représente pas le peuple travailleur centrafricain, par conséquent incapable de fournir une alternative populaire et nationale au « C.M.R.N. ». [PAGE 31]

B – Les tâches essentielles et urgentes inhérentes à la période actuelle

Devant la faillite générale de « l'opposition » en « R.C.A. », il est plus qu'urgent que les patriotes authentiques et sincères élèvent leur esprit d'initiative, de détermination et de sacrifice au seuil de la nouvelle année, prennent en main les tâches essentielles inhérentes à la mobilisation et l'organisation des masses laborieuses et populaires.

– Il ne saurait être question d'avancer, à l'instar de certains, la revendication démagogique et insensée d'élections présidentielles ou autres législatives, folklore destiné à divertir la classe ouvrière et le peuple au profit de la classe dirigeante dans le contexte actuel.

– Encore moins, il ne saurait être question de se rallier au pouvoir pro-impérialiste du C.M.R.N. avec à sa tête le général Kolingba, pour lui servir de caution, pour trahir les masses laborieuses et populaires.

La situation du peuple « centrafricain » dans la période actuelle impose aux patriotes « centrafricains » de se battre par tous les moyens sur le programme suivant :

1. Le départ immédiat et inconditionnel des troupes françaises d'occupation.

2. La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques.

3. La démission pure et simple du « Comité Militaire de Redressement National ».

4. La formation d'un Gouvernement National Démocratique provisoire chargée de prendre toutes les dispositions en vue de l'organisation d'une Grande Conférence Nationale sur l'avenir du pays.

5. L'instauration des libertés démocratiques pour le peuple.

Comme on peut le constater, seul un tel programme minimal et urgent, correspondant aux préoccupations essentielles du peuple « centrafricain » au cours de la période actuelle, peut ouvrir la voie à la démocratie véritable en « République Centrafricaine », à la solution à terme par le peuple lui-même de la contradiction fondamentale qui l'oppose à l'impérialisme international et à l'impérialisme français en particulier qui le dominent et l'oppriment. [PAGE 32]

A l'instar du dirigeant du mouvement de libération nationale indochinois Ho Chi Minh, les patriotes, les progressistes, les démocrates... « centrafricains » doivent se dire :

« Rien n'est plus cher que l'Indépendance et la Liberté. »

L'avenir de la « R.C.A. » est à ce prix !

EZINKA


[1] Cet article est antérieur au récent coup d'Etat avorté de M. Ange Patassé (N.D.L.R.).