© Peuples Noirs Peuples Africains no. 24 (1981) 11-51



L'enfer de la terreur nguemiste

LA GUINEE EQUATORIALE

II An 13 : scandales, convoitises, complicités[1]

Max LINIGER-GOUMAZ

1. De l'indépendance à fin 1980

Durant les douze premières années de son existence, la République de Guinée Equatoriale, sous la férule stupide et féroce du groupe népotique de la famille Macias Nguema et Obiang Nguema, s'est acheminée vers un chaos qui l'a réduite – en dépit de richesses multiples et d'une population instruite et laborieuse – à un niveau proche de celui des trente-et-un pays les moins avancés du globe. Après la substitution d'Obiang Nguema à son oncle Macias Nguema, les Nations Unies ont mis en œuvre une opération de « Secours en cas de catastrophe ». Mais les mêmes hommes, parents directs et laquais – que l'on qualifie de nguemistes – continuent à séquestrer le pays et son peuple dans leur seul intérêt. Les secours d'origine diverse, souvent détournés, n'ont pas pu enrayer la catastrophe équato-guinéenne.

Entre l'indépendance, en octobre 1968, et fin 1980, les nguemistes ont bien mérité du qualificatif de hors-la-loi. Supprimant la constitution démocratique élaborée en 1967-68 par des représentants de toutes les ethnies et de toutes les tendances politiques, réduisant au silence les [PAGE 12] Chambres haute et basse, ils ont imposé leur propre constitution qui faisait de Macias Nguema le « président à vie » et « unique miracle » de la Guinée Equatoriale. Le 3 août 1981, Obiang Nguema le taxera de « fils de Lucifer ».

Vis-à-vis des adversaires individuels ou des citoyens trop intelligents pour se faire leurs complices, le pouvoir nguemiste a procédé par la torture, les procès et exécutions sommaires, les « suicides », soit encore par des expulsions de coopérants et de prêtres, ou par des rançonnements[2]. Outre les informations contenues dans le premier volet de cet article, mentionnons le « suicide » du premier vice-président de la République, Bosio Dioco, ou encore ce simulacre de procès d'agriculteurs, à Bata, six mois après les 27 fusillés de juin 1974 (succédant à 118 prisonniers abattus lors d'une mutinerie) : l'avocat J.-L. Jones Dougan (actuellement directeur du registre au ministère de la Justice, et procureur au procès de Macias Nguema) a déclaré avoir été appelé à Bata en janvier 1975 pour présider le procès de ces agriculteurs. Il lui fut toutefois impossible de seulement les approcher; on les fusilla à même la plage.

Vis-à-vis d'adversaires plus puissants, les nguemistes se sont également conduits avec une incroyable lâcheté. En août 1972, sous des prétextes fabriqués, l'armée gabonaise attaquait la Guinée Equatoriale et occupait d'abord quelques îles équato-guinéennes de l'estuaire du Muni : Mbañe, Conga et Cocotiers (la presse affirmant à l'époque que cette agression avait une odeur de pétrole); nuis c'est une longue bande du territoire équato-guinéen, le long du Woleu-Ntem (la zone de Kiosi-Akelengue) qui est usurpée par le Gabon. L'armée dirigée par les nguemistes ne tenta jamais de défendre ces portions de territoire national; on se lança dans une guerre des ondes, avant que des séances de conciliation organisées par l'O.U.A. ne se contentent de geler l'affaire. Ultérieurement, on apprit par l'ex-secrétaire général de la présidence, Asumu Oyono, un temps réfugié au Cameroun, [PAGE 13] qu'en fait Macias Nguema aurait monnayé la cession de quelque 2 000 km2 de territoire national, ce qui est pour le moins contraire à l'intérêt national le plus élémentaire.

Progressivement, le flot des réfugiés politiques saignait la Guinée Equatoriale d'un tiers de ses ressortissants; la main d'œuvre nigériane était évacuée manu militari par Lagos, alors que diverses coopérations bilatérales et multilatérales se retiraient. L'économie, naguère prospère (cacao, café, bois, pêche), et les activités administratives et scolaires s'effondrèrent.

Cela n'empêcha pas diverses sociétés françaises de faire fi de la terreur nguémiste, à l'instar de l'ambassade de France qui restait la seule représentation diplomatique occidentale – hormis l'Espagne – à accepter de rester sur place. L'observateur et analyste des affaires africaines qu'est Philippe Decraene exprima clairement à l'opinion internationale cette triple « complicité » : « Peu attentif aux violations constantes des droits de l'homme en ce pays, le gouvernement de M. Raymond Barre [en fait le gouvernement Giscard d'Estaing et les intérêts qu'il représente, tout aussi tolérants côté empereur Bokassa] avait compris tous les profits qu'une minorité d'hommes d'affaires pouvait tirer d'un Etat qui, sous prétexte de contrebalancer l'influence des pays de l'Est, multipliait les avances en direction de Paris... La construction du palais présidentiel de Bata, d'importants travaux d'infrastructure routière [inexact] et portuaire valurent des contrats intéressants à la Société des Dragages, à Alsthom, aux Chantiers de Bretagne. »[3] Filiale de la S.C.R.E.G., la Société des Dragages et Travaux Publics s'est implantée grâce à l'Union financière pour l'Afrique (comme ce sera le cas après le renversement de Macias Nguema pour la Compagnie française de recherches minières C.F.R.M.), alors que la française Société forestière du Rio Muni était liée au groupe Rotschild. Il ne fait pas de doute, par ailleurs, que les violations territoriales par le Gabon [et les prétentions gabonaises plus récentes que nous évoquerons] sont, elles aussi, l'expression d'intérêts français avant tout.

L'Espagne ayant lâchement décrété la censure [PAGE 14] (la materia reservada) sur les informations en provenance de son ex-colonie, entre début 1971 et fin 1976, le monde resta longtemps sous-informé. C'est encore le cas aujourd'hui pour ce seul pays hispanophone d'Afrique noire. Quant au Vatican, bien que ses deux évêques de Guinée Equatoriale, l'Espagnol Gomez Marijuan et l'Equato-Guinéen Nze Abuy[4] aient dû quitter le pays, il a fait preuve d'un mutisme aussi déplorable que les gouvernements des pays lointains. Il est vrai que le silence des Etats-Unis et la complicité de l'Union soviétique – pour qui la Guinée Equatoriale a été le paradis de la pêche à la crevette (à destination du marché soviétique) et la base de transit des armements et des soldats cubains destinés à l'Angola – sont tout aussi critiquables.

Cette conjuration du silence a heureusement été brisée par le directeur général de l'UNESCO, le Sénégalais A.M. M'Bow qui, le premier, stoppa un projet de coopération multilatérale stagnant en raison de l'incurie nguemiste. Parallèlement, des organisations privées telles que la Commission internationale des juristes, Amnesty international, le Conseil œcuménique des Eglises, le Mouvement international pour l'union fraternelle entre les peuples, la Fédération internationale des Droits de l'Homme, la Société anti-esclavagiste, et bien sûr la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, se mirent à tirer la sonnette d'alarme, pendant que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés continuait à ignorer la foule des réfugiés équato-guinéens.

Après la liquidation du président Macias Nguema, fin septembre 1979, le président et neveu Obiang Nguema, avec la complicité des parents et complices responsables du pouvoir nguemiste antérieur, bénéficia de la protection d'une Espagne qui fait un complexe en raison du désastre de la décolonisation de ses anciens territoires africains, Guinée Equatoriale et Sahara. Le ministre des Affaires étrangères espagnol Oreja parlait le 22 février 1980, devant le Sénat, d'« une affaire morale et une obligation historique ». Cette politique a amené le roi Juan Carlos Ier à se rendre par deux fois en Guinée Equatoriale, en décembre 1979 et décembre 1980, alors que jamais [PAGE 15] auparavant, même à l'occasion de l'indépendance, un chef d'Etat espagnol n'avait fait le déplacement de Santa Isabel.

Mal informés, et s'imaginant, tout comme la population équato-guinéenne, que la terreur nguemiste était évanouie avec Macias Nguema, peut-être aussi parce que les nguemistes adoptaient subitement une attitude défavorable à l'Union soviétique, les pays occidentaux renouèrent progressivement leurs relations avec la Guinée Equatoriale. L'évêque Nze Abuy rentra de son exil américain et romain au milieu 1980. Mais l'aggravation du désordre, la prévarication et l'exaction élevées en système de gouvernement, l'amnistie bidon pour les réfugiés politiques, une armée truffée de l'ex-Jeunesse en marche avec Macias et accaparant les charges civiles autant que les logis civils, l'absence de constitution, la privation des droits civiques d'un peuple entier, les violations des pistoleros du type Mba Oñana, Armengol Nguema, Efa Mba, respectivement oncle, frère de sang et beau-frère d'Obiang Nguema, ont découragé les plus optimistes. Si l'on ajoute le flottement de la coopération espagnole, les Européens prétendus « conseillers » du gouvernement, qui pullulent dans l'espoir d'une prochaine ruée vers le pétrole, on comprendra mieux que pour fin 1980 nous avions été amenés à écrire dans le premier volet de cette étude que « rien n'a changé en Guinée Equatoriale ». Mieux : les nguemistes qui, depuis l'indépendance, salissent la réputation d'une nation aux énormes qualités ont, en 1981, 13e année de la Guinée Equatoriale indépendante, trouvé le moyen d'aggraver encore l'incurie, la corruption et l'obscur despotisme. Ils le font de connivence avec le Maroc et la garde présidentielle qu'il a offerte à Obiang Nguema.[5]

2. 1981 : an 13

Souvent les quolibets et autres bons mots populaires [PAGE 16] définissent mieux un personnage ou une situation politique que de longues analyses. En Guinée Equatoriale circule depuis début 1981 le mot suivant à propos de la junte nguemiste :

Consejo Militar Supremo (C.M.S.) : Con Mongomo siempre (C.M.S.) (toujours avec Mongomo). Nous allons voir combien le génie populaire voit juste.

Après avoir fait arrêter en décembre 1980 le secrétaire technique du ministère de la Défense, S. Bee Ayetebee – un des rares cadres du C.M.S. non originaire de Mongorno (mais de Niefang) – le président Obiang Nguema lui substitua l'Esangui de Mongomo M. Ndong Mba (ex-gouverneur militaire de Fernando Poo et ex-ministre du Travail). Ndong Mba venait pourtant, dans cette dernière fonction, d'échouer dans les négociations avec le Nigeria en vue de l'obtention de main d'œuvre du grand voisin du Nord. Problème lancinant et ancien que celui des forces de travail en Guinée Equatoriale, mais aggravé par le fait que la population, répondant aux recommandations de l'Alianza nacional de Restauración Democrática, pratique systématiquement la résistance passive. Obiang Nguema s'est trouvé réduit à devoir le reconnaître dans son discours du ler janvier 1981, se plaignant du fait que 70 % de la population était inactive. A peine le pays allait-il être admis à l'O.I.T., le 30 janvier 1981, que l'hebdomadaire équato-guinéen Ebano (curieusement intitulé quotidien) confirmait, le 7 février 1981 sous la plume de L. Mbomio, le fait que les Equato-Guinéens ne travaillent pas. Une grève d'étudiants, à Bata, courant février, alors que dans la même ville le consul d'Espagne était molesté par la troupe, confirme le mécontentement général, à tous les niveaux. En janvier 1981, le rapport d'un expert de la F.A.O. signala que depuis plus d'un mois, la plupart des Equato-Guinéens n'avaient plus mangé de viande, et que la malnutrition était générale. Le 17 février, l'officiel Ebano se faisait l'écho de cette réalité, sous la signature de Chendu B. Esono, confirmant ces carences alimentaires : « Nos enfants faméliques... leurs ventres proéminents... sont ceux de la dénutrition. » Il faut donc, précise Esono, écouter le président Obiang Nguema et produire davantage (car une bonne part de l'aide alimentaire arrive avariée ou est monopolisée par l'armée, voire revendue par les cadres du régime). Dans son discours du 3 août 1981, [PAGE 17] à l'occasion du 20 anniversaire de la révolte de palais, Obiang Nguema revint à la charge, demandant à la population de travailler avec enthousiasme. On peut en déduire que la résistance populaire ne faiblit pas.

Craignant pour son régime, Obiang Nguema relevait de ses fonctions, le 5 mars 1981, le pré-cité M. Ndong Mba pour lui substituer au ministère de la Défense un autre Esangui de Mongomo, encore plus fiable, Fr. Nguema Edu jusque-là Cdt militaire du fief nguemiste, et ex-chef d'escorte de Macias Nguema. Convaincu que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, Obiang Nguema, accompagné de son cousin vice-président et ministre des Affaires étrangères, Maye Ela, prend le bâton de pèlerin pour aller négocier à Lagos un nouvel accord de travail, après l'échec de Ndong Mba. Alors que les interlocuteurs nigérians exigeaient avant tout la réparation des dommages matériels et moraux causés à leurs ressortissants ayant travaillé en Guinée Equatoriale durant les années antérieures, un fonctionnaire de l'ambassade du Nigeria, à Santa Isabel, était battu sur la voie publique par des membres des services de sécurité équato-guinéens. Et Lagos de rompre les négociations, laissant Obiang Nguema rentrer bredouille.

L'aggravation de la situation intérieure, et la rapide preuve fournie par les nguemistes de leur incapacité d'assurer efficacement le pouvoir, ne les empêcha pas de se décerner des satisfecits. Ainsi, par le décret 6/1981, Obiang Nguema se promeut colonel, élève son oncle Mba Oñana au second grade de la hiérarchie militaire, soit Lt Col., tandis que les cousins Ela Nseng et Maye Ela passent respectivement Cdt des Forces terrestres et Cdt de corvette. Le 2e vice-président, le Bubi Oyo Riqueza, que nous allons retrouver courant 1981 dans des fonctions judiciaires et diplomatiques, devient également commandant. La cérémonie a eu lieu le 31 janvier à Santa Isabel, en présence du Secrétaire général de l'O.U.A., M. Edem Kodjo. Peu après, Maye Ela devait se rendre à la Conférence au sommet de l'O.U.A., accompagné de A. Mba Ndong, secrétaire technique du ministère des Affaires étrangères, et conseiller du C.M.S. pour les affaires diplomatiques, interlocuteur principal de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies. La promotion de plus de 180 cadres de l'armée et de la police se trouve [PAGE 18] justifiée par le Décret précité : « L'abominable ex-régime dont a souffert la Guinée Equatoriale a étendu son action dévastatrice à tous les secteurs de la population et à toutes les institutions de la nation guinéenne, implantant une situation de chaos et de désordre qui empira durant onze ans; les effets de cette situation sont encore sensibles dans la nouvelle société guinéenne [n'oublions pas que Obiang Nguema était vice-ministre des Forces armées sous son oncle Macias Nguema, ministre, et qu'avec ses parents il détenait une large part du pouvoir nguemiste, ne serait-ce qu'en tant qu'exécuteur principal des volontés de son dictateur d'oncle]. Une des institutions qui a le plus été affectée par les conséquences de l'injustice du système de ce gouvernement néfaste est celle des Forces Armées, qui ont subi un grave préjudice par la congélation et la remise à plus tard de la promotion de ses bons éléments, qui supportèrent avec chagrin et abnégation l'arbitraire du dictateur... Cette situation chaotique et honteuse a obligé les militaires, par esprit d'abnégation patriotique, à se lancer à la défense des intérêts sacrés de la Patrie... par le Coup de la Liberté du 3 août 1979 qui a rendu au peuple guinéen la liberté et la tranquillité, avec un haut sens démocratique de convivence pacifique, harmonieuse et pluraliste basée sur la justice et l'équité sociale... ».

Pendant que se déroulait cette mascarade, se préparait un des grands scandales de l'an 1981.

a) L'auto-complot de mars/avril 1981, et l'affaire EXIGENSA

Ex-président du Sénat équato-guinéen (Consejo de la República), M. Mba Ada, réfugié en Espagne depuis 1970, prit le risque de rentrer au pays fin 1979 en compagnie de l'ex-ambassadeur en Espagne, E. Nsue Ngomo. Tous deux ont été battus jusqu'au sang, à Bata, sur ordre de Mba Oñana, alors Cdt militaire du Rio Muni. Quelques mois plus tard, Mba Ada et l'homme d'affaires J. Mba Nsue[6], ex-complice du régime Macias Nguema et lié [PAGE 19] à la droite espagnole ainsi qu'à l'ex-conseiller économique du dictateur défunt, Garcia Trevijano, projettent une affaire d'import-export.

Par le président Obiang Nguema, M. Mba Ada se voit confier l'exploitation d'un grand domaine cacaoyer, à 25 km de San Carlos, la fincaRosita y las Coronas. Le 21 février 1980, EXIGENSA (Exportaciones e Importaciones Generales SA) voit le jour avec un capital initial de un million de bikwele, grâce aux promoteurs que sont l'Espagnol J. Rovira Alepuz, S. Mba Nsue (en nom propre, avec sa Promotora de Empresa de Guinea Ecuatorial SA, PEGESA), et Mba Ada. Ces hommes reçoivent d'Obiang Nguema toutes les assurances pour mener au mieux leurs activités, mais le président se réserve 20 % du capital initial. Bien que se faisant représenter à EXIGENSA par sa sœur Concepción Nchama Elsa, Obiang Nguema écrit lui-même au ministère des Finances, le 16 avril 1980, afin que l'on y établisse pour 50 Mo de pesetas de licences d'importation et d'exportation (garanties par le Banco de Crédito y Dessarollo, dirigé par G. Andombe Buanga). Fin 1980, alors que prospèrent les affaires d'EXIGENSA, Obiang Nguema décide d'augmenter sa participation et de prendre le contrôle de la société, avec 200 nouvelles actions de 1000 bik. Celles-ci sont libellées au nom de son fils de 14 ans, Theodorin, écolier à Paris, représenté par sa mère, Constanza Mangue Okomo Nsue de Obiang.

Afin de concrétiser ce projet, une assemblée extraordinaire d'EXIGENSA est convoquée pour le 31 janvier 1981. Compte tenu de certains vices de forme dans la constitution de la société, l'Espagnol Rovira Alepuz est alors dépouillé de ses 200 actions au bénéfice de Mme Obiang. Puis Mba Nsue vend 150 actions de son portefeuille, dont 100 sont « acquises » pour Obiang Nguema par le fonctionnaire du ministère des Finances, Ela Oyana, chargé de défendre les intérêts du président. Mba Ada se réserve les 50 actions restantes. Le conseil d'administration, alors présidé par Mba Nsue comprend, outre Mba Ada, vice-président, Ela Oyana, Mme Obiang et la sœur du président Obiang Nguema. Celui-ci détient maintenant [PAGE 20] 50 % du capital social. Outre l'élargissement des activités d'EXIGENSA à tous les secteurs de l'économie, le conseil vote un article no 8 des statuts n'autorisant la transmission des actions qu'aux membres de la société, ce qui fut ressenti comme la volonté d'Obiang Nguema de s'approprier progressivement toute la société. Début 1981, le volume d'affaires d'EXIGENSA se montait à 512 Mo de bik. (256 Mo de pesetas), principalement par l'importation de véhicules Isuzu, d'électroménagers et d'exportation de cacao. Grâce à la prospérité de leur affaire, Mba Ada et Mba Nsue acquirent rapidement une solide réputation dans la population. Pendant que commençait à circuler le bruit que les responsables d'EXIGENSA payaient des mercenaires en vue du renversement du régime militaire, les têtes du pouvoir nguemiste continuaient à faire largement appel au crédit de la société : la présidence prélève des marchandises pour 10 Mo de bik.; sur sa seule parole, Mba Oñana, à peine promu inspecteur général des Forces armées, obtient un camion Isuzu et d'autres marchandises pour près de 35 Mo de bik. Seul Maye Ela semble avoir payé la voiture achetée par sa femme. C'est alors qu'éclate la nouvelle d'une prétendue tentative de complot, coiffée par Mba Ada, avec l'accusation de la mise en place, près d'Ebebiyin, au nord-est du Rio Muni, d'un dépôt d'armes. Alors que Mba Ada vient de quitter le pays, et que Maye Ela entreprenait une longue mission en Amérique latine, les principaux collaborateurs d'EXIGENSA, Africains et Européens, sont arrêtés. Courant mars 1981 interviennent diverses démissions ou arrestations de hauts fonctionnaires civils, dont Mba Ndong (Affaires étrangères) Abaga Ondo Maye (Information), etc. Entre le 10 et le 15 avril 1981 ont lieu des combats à Santa Isabel, qui font 19 morts, dont quatre soldats marocains. Près de 200 arrestations sont opérées, suite à cette répression orchestrée par le Lt-Col. Mba Oñana et le frère de sang d'Obiang Nguema, Armengol Nguema, qui confisquèrent tous les biens de la finca Rosita, dont notamment les véhicules à moteur. Le 22 avril, Obiang Nguema dénonçait à la télévision une prétendue « conspiration » contre son gouvernement, et évoquait une « atmosphère troublée ». Les prisons sont alors si pleines qu'un entrepôt commercial dut être réquisitionné pour caser tout le monde. On ne s'étonnera pas d'apprendre [PAGE 21] qu'entre le 3 avril et le 7 mai 1981, le périodique Ebano cessa de paraître. Sa rédaction devait être fort empruntée pour relater les événements en cours...

Le tribunal militaire réuni milieu juin 1981 est composé essentiellement d'hommes qui ont fait partie déjà des nombreux tribunaux militaires et autres cours martiales réunis par le pouvoir nguemiste depuis 1974. La plupart sont des militaires promus le 31 janvier 1981 à des grades supérieurs. Nous y reviendrons.

Les nguemistes civils et militaires figurant parmi les condamnés de juin 1981 seront relaxés immédiatement, tels l'oncle Masié Ntutumu, P. Ekong Andeme, Ondo Edjang, etc., soit condamnés à des peines de six mois seulement, tels Andombe Buanfa, Asumu Nsue, Obiang Enama, etc. Seuls subiront des peines sérieuses quelques lampistes, dont une femme condamnée à trente ans, un soldat totalement inconnu, Damian Owono Mituy, condamné à mort et exécuté le 19 juin (après avoir été torturé à l'éthiopienne)[7]. Quant à Mba Ada, il écope de 20 ans, par contumace. La plupart des personnes arrêtées et condamnées sont des ressortissants de Niefang, Mikomeseng et Ebebiyin, soit originaires d'autres districts que le Wele Nzas commandé par Mongomo. Pratiquement tous sont Fang, ce qui infirme les affirmations de certains que l'histoire de la Guinée Equatoriale est celle de la tentative d'écrasement des Bubi par les Fang. Ce sont en réalité toutes les populations non Esangui, ou parmi ces derniers ceux n'appartenant pas à la famille Nguema, qui sont victimes de la terreur mongomiste.

Le printemps 1981 a permis à Obiang Nguema et à ses complices de répéter des actions qui les avaient déjà distingués sous Macias Nguema, à savoir :

1) Arrestation puis condamnation et exécution de hauts fonctionnaires et de magistrats.

2) Mise à l'ombre de personnalités civiles et militaires déplaisant au pouvoir nguemiste, voire leur exécution.[PAGE 22]

3) Appropriation des biens des personnes arrêtées et condamnées.

4) Promotion à des postes clés de laquais de régime. Exemple : Obama Nsue Mengue (dit Mbato), ex-chef de la police intérieure, un des principaux tortionnaires sous Macias Nguema et complice de l'exécution des hauts fonctionnaires fin 1976, est promu le 21 mars 1981 (Décret 69/1981) du poste de premier secrétaire de l'ambassade au Cameroun, à celui d'ambassadeur au Gabon. Simultanément est nommé représentant de la Guinée Equatoriale aux Nations Unies, à New York, l'Esangui P. Esono Obama Eyang. Ce dernier a été promu Lt le 3 février 1981. Bien qu'ayant été relevé de sa fonction de ministre de la Santé pour irrégularités, le 14 février, il a été jugé représentatif de son pays auprès de la communauté internationale. Il sera remplacé en décembre 1981 par Maye Ela.

b) Trafic de drogue

Pendant que se mijotait le simulacre de procès de juin 1981, le corps diplomatique équato-guinéen était secoué par une affaire significative de la qualité de ceux qui le composent. A Madrid, le poste d'ambassadeur est occupé par l'Esangui Evuna Owono Asangono, ex-représentant auprès des Nations Unies. Et voici que milieu mai 1981 l'épouse de l'ambassadeur est surprise par la police militaire espagnole en train d'introduire en Espagne un paquet de 2 kgs de bhang (chanvre indien cultivé en Afrique centrale), à sa sortie d'un avion Hercule de l'armée de l'air espagnole. Elle prétendit que ce colis lui avait été confié par un fonctionnaire du secrétariat d'Etat au Plan, B. Balinga, pour transmission à un fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères en stage de perfectionnement à Madrid, Luis Ondo Eyang. Celui-ci nia être concerné par cette affaire, mais d'autres stagiaires, parents d'Obiang Nguema et de l'ambassadeur Owono Asangono, les Esangui Obiang Mengue et Andrés Santos, répétèrent les affirmations de l'ambassadrice. La presse espagnole révéla que Santos s'était distingué au Gabon déjà dans une affaire de drogue. Toute l'opération aurait en fait été ébruitée par l'ex-chargé d'affaires à Madrid, P. Nsue Ela, pour avoir été congédié par Owono Asangono.[PAGE 23] Il semble bien que ce trafic de drogue était connu des autorités espagnoles bien avant le mécompte de l'ambassadrice. Le 23 mars 1981 déjà, la police madrilène arrêtait l'ex-chef de la police de Macias Nguema, Ciriaco V. Mbomio, célèbre pour les mauvais traitements infligés aux prisonniers de Playa Negra, à Santa Isabel. Mbomio s'était réfugié en Espagne en 1976, en compagnie de son patron le ministre de l'intérieur Masié Ntutumu, cousin de Macias Nguema. A la chute du premier dictateur nguemiste, Mbomio rentra brièvement au pays, puis revint suivre ses affaires dans le domaine des eaux-de-vie et des automobiles. Mbomio s'est toujours défendu d'être mêlé à un trafic de drogue; il a néanmoins été gardé en détention préventive jusqu'au 23 mai, bien après le début de l'affaire précitée.

En dépit de ses dénégations, l'ambassadeur Evuna Owono Asangono est rappelé à Santa Isabel le 29 juin 1981. Son remplacement fut alors envisagé, mais s'avéra impossible. Sous la pression de la presse espagnole, on refusa un premier candidat en la personne de Bonifacio Nguema Esono : cousin de sang de Macias Nguema, celui-ci a été son ministre des Affaires étrangères, puis vice-président de la République après l'assassinat de Bosio Dioco et la mise en résidence surveillée de son successeur Eyegue Ntutumu, et avec Obiang Nguema, le principal responsable des mauvais traitements infligés aux prisonniers de Playa Negra. Après la chute de son cousin Macias Nguema, Nguema Esono a été envoyé à Addis-Abeba comme ambassadeur auprès de l'Ethiopie et de l'O.U.A. A ce premier refus s'ajoute celui de l'instituteur F. Obiang Ologo Ondo, membre du comité central du parti nguemiste lui-aussi (PUNT), ministre de l'Agriculture de 1972 à 1975, puis ministre de la Santé et de l'Education dans le dernier gouvernement Macias Nguema. Mais surtout, Obiang Alogo fut l'animateur et le coordonnateur des diverses campagnes anti-espagnoles de la première république nguemiste. La soumission du dossier de cet autre parent direct d'Obiang Nguema a été ressentie à Madrid comme une provocation. Finalement, Owono Asangono rejoignit à nouveau son poste de Madrid. Décidément, la peau de chagrin nguemiste se rétrécit.

Avec cette affaire de drogue, avec la nomination [PAGE 24] de Mbato à Libreville, les scandales de Mba Oñana à l'O.N.U., à New York, et la nomination d'Esono Obama, puis de Maye Ela au même poste, le régime nguemiste offre, à l'extérieur, le même spectacle lamentable qu'à l'intérieur.

c) Le sabordage du pays par le mépris des règles démocratiques

La Guinée Equatoriale a connu divers types de censure. Nous avons déjà fait allusion à cette pratique par l'Espagne, qui visait à cacher une décolonisation ratée. Levée fin 1976, la materia reservada n'a pas été réintroduite telle quelle; mais elle n'est pas pour autant oubliée. Divers organes de presse ibériques ont accusé le premier responsable de la coopération espagnole avec la Guinée Equatoriale, Alberto Recarte, d'imposer pratiquement la censure (en particulier via l'agence officielle EFE) sur les informations peu reluisantes provenant de Guinée Equatoriale. Commencée sous la présidence Suarez, cette « censure » continuait partiellement avec la présidence Calvo Sotelo[8]. Il est vrai que la plupart des intérêts aujourd'hui actifs dans l'ex-colonie relèvent principalement d'hommes de l'U.C.D. La liaison avec des personnalités comme l'ex-président Suarez et le vice-président Guttierrez Mellado se faisait par l'ambassadeur Graullera. Cette auto-censure espagnole permet d'occulter quelque peu le mécontentement croissant des coopérants espagnols qui réalisent bien, sur place, que coiffés par les incapables mis en place par le C.M.S., ils n'arriveront jamais à faire démarrer le pays. D'où le nombre croissant de défections.

En dépit des efforts de l'establishment espagnol, la presse indépendante a pu relater la dégradation de la situation en Guinée Equatoriale. Les témoignages accablants des journalistes espagnols qui ont pu voir « l'enfer des nguemistes » ont incité la junte à décréter début août 1981 l'interdiction de la vente et de la détention de journaux espagnols. Argument : calomnie contre le chef de l'Etat et propos méprisants pour le pays. Tous les journaux espagnols présents en Guinée Equatoriale [PAGE 25] devaient être brûlés dans les trois jours, ce qui rappelle l'holocauste des livres espagnols traitant de la Guinée Equatoriale, sous Macias Nguema, en 1972 (où se distingua un autre Esangui, cousin d'Obiang Nguema, Manuel Ndongo Asangono, membre du comité Central du PUNT).

Grâce à l'intervention du nouvel ambassadeur d'Espagne, V. Fernandez Trelles – ex-consul à Düsseldorf – et aussi en prévision de la mission en Espagne d'Obiang Nguema en novembre 1981, la sanction fut réduite à trois journaux seulement (Diario 16, Cambio 16, Interviú). Cela permit d'éviter l'isolement des coopérants espagnols et de la Guinée Equatoriale elle-même, en tant que seul pays d'Afrique noire à parler espagnol. Tout national détenteur de journaux interdits est frappé de six mois d'emprisonnement et d'une amende entre 100 000 et 500 000 bik; les étrangers sont passibles de l'expulsion dans les 72 heures. Bien entendu, comme sous Macias Nguema, l'entrée dans le pays de marchandises emballées dans du papier journal est elle aussi prohibée. Ces diverses limites à la libre circulation de l'information, et donc ces entraves aux droits de l'homme, ont été ordonnées sous l'autorité directe d'Obiang Nguema, en remplacement du commissaire à l'Information et au Tourisme, nommé directeur de la Sûreté, le ss/lt Eyi Menzu Andeme, avec la collaboration du secrétaire technique Ricardo Elo, ex-chef de la censure.

Cela nous amène tout naturellement à attirer l'attention sur la constante confusion des pouvoirs dans la Guinée Equatoriale des militaires nguemistes. On peut mentionner, notamment, qu'en mars 1980 le ministre du Travail fit une tournée de recrutement de main d'œuvre au Rio Muni, non pas en compagnie du ministre de l'Agriculture, premier intéressé, mais de celui de l'Intérieur, F. Mba Ondo Nchama (cet Esangui qui s'est notamment signalé par l'interdiction faite au rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies de s'entretenir avec le public à Santa Isabel et ailleurs).

Mais il y a mieux. Lors du procès de juin 1981, le Tribunal comprenait surtout des militaires. Toutefois, simultanément, ces hommes occupent aussi des fonctions ministérielles ou de secrétaires de ministères :

Juge d'instruction : Cdt J. Moro Mba, Cdt militaire [PAGE 26] de Bata, ex-chef des Jeunesses en marche avec Macias, ex-juge d'instruction aux procès de 1974, 1976, 1979.

Président du tribunal : Cdt E. Oyo Riqueza, 2c vice-président de la République, ministre du Travail, président du procès Macias Nguema.

Procureur général : Cap. C. Seriche Bioco, ministre de la Santé depuis le 5 mars 1981.

Avocat de la défense : Cap. C. Mansogo Nsi, secrétaire technique du ministère des Affaires étrangères (en remplacement d'un des accusés, V. Ondo Nsi).

Juges : Cap. M. Ebendeng Nsomo, chef d'Etat major; Ss/lt de frégate P. Bee Ebang Efiri.

Conseiller juridique : M. Eloy Elo Nve Mbengono (de Mongomo).

Secrétaire : Caporal Ekong Awong, ministre adjoint des Finances et Commerce, chargé des Banques.

On constate ainsi une grave confusion des pouvoirs non seulement l'exécutif est truffé de militaires qui accaparent les charges civiles, mais de plus un grand nombre de ces officiers assume les fonctions du pouvoir judiciaire. N'est-ce pas là la meilleure expression de la dictature ?

Un tel régime dictatorial cherche évidemment à contrôler aussi le courrier des particuliers. Nous venons de voir avec la censure de la presse espagnole (sans parler du fait qu'il n'y a pas de presse libre dans le pays même), que les méthodes nguemistes sont toujours en vigueur. Dans sa volonté de contrôler la correspondance, le régime militaire a repris de l'ère nguemiste civile la pratique de la censure du courrier (naguère déjà confiée à l'armée dirigée par Obiang Nguema). Par ailleurs, les services des télécommunications et des postes ne relèvent pas, comme c'est le cas généralement, du ministère des Transports et Communications, voire d'un ministère des Télécommunications. Ils figurent dans les attributions du ministère de l'Intérieur, c'est-à-dire de celui chargé d'une part de l'administration territoriale, et d'autre part de la police et de la sûreté. C'est en effet sous l'autorité du ministre officier F. Mba Ondo Nchama, déjà mentionné, et de son secrétaire technique qui n'est autre que le nguemiste notoire F. Epalepale Ilina (également conseiller politique du C.M.S.)[9] que fonctionnent les deux directions techniques [PAGE 27] des télécommunications et des postes. Elles sont coiffées respectivement par E. Mengue Oyono et D. Elo Ndong. On imagine facilement quelles peuvent être les entraves au trafic des informations privées dans le voisinage de la direction générale de la sûreté, actuellement confiée à I. Eyi Mensui Andeme, lui aussi mentionné plus haut comme transfuge du commissariat d'Etat à l'Information et au Tourisme.

Dans l'intention de n'être plus accusé du monopole militaire sur le gouvernement, Obiang Nguema a publié en 1981 un Décret demandant aux militaires chargés de responsabilités civiles de choisir entre l'armée et la fonction publique. Peu après, les soi-disant commissaires militaires devenaient ministres, pour avoir été mis au bénéfice d'un congé militaire. Ces « civils » de mascarade étaient accompagnés de Buale Bioco, secrétaire technique du ministère de l'Agriculture, promu ministre.

Toujours pour accréditer un semblant de vocation démocratique, et pour légitimer son pouvoir, le C.M.S. a abrogé le 2 avril 1980 la constitution nguemiste du 10 juillet 1973 (soit huit mois seulement après la chute de Macias Nguema); il remettait alors en vigueur la constitution du 22 juin 1968, violée par le régime nguemiste antérieur. Toutefois, une série d'articles n'arrangeant pas les militaires ont été tracés. Il faut rappeler ici que des 46 constituants à l'origine du document de 1968, 40 ont été assassinés par le régime nguemiste dont font partie les hommes en place actuellement.

La constitution démocratique de 1968 ne peut évidemment pas justifier les fonctions présidentielles que se sont arrogé les Obiang Nguema, Maye Ela et Oyo Riqueza. Aussi, le 3 août 1981, au 2e anniversaire de la révolte de palais, Obiang Nguema a-t-il annoncé publiquement l'organisation prochaine d'un référendum constitutionnel sur un nouveau texte de son crû (et déjà prêt, à en croire divers hauts fonctionnaires). Relevons que dans lemême discours, Obiang Nguema a qualifié son prédécesseur Macias Nguema d'« envoyé du diable, fils de Lucifer, [PAGE 28] président des sorciers ». Intéressant propos pour un neveu naguère si dévoué.

Le 14 août 1981, Obiang Nguema, cherchant à cultiver la magnanimité, grâcia 29 prisonniers (sur les centaines remplissant les prisons et hangars du pays) : tous sont des nguemistes. Il s'agit notamment : d'un cousin, M. Micha Nsue, ex-directeur de la sûreté (par la suite remplacé par Obama Nsue Mengue Mbato), puis directeur du ministère de la Justice; de A. Ndongo Owono Ayang, de Mongomo, facteur propulsé en 1978 gouverneur civil de Rio Muni et directeur général de la sûreté, en remplacement du cousin Ela Nseng, actuellement ambassadeur à Pékin. Avec le ss/lt de la Jeunesse en marche avec Macias, T. Ngua Alu, ces membres de la famille Nguema avaient été condamnés fin septembre 1979 à 14 ans de prison, sous l'inculpation de « génocide, malversations de fonds publics, viol systématique des droits de l'homme, et trahison », en lieu et place des actuel chefs du C.M.S., davantage compromis qu'eux. Ont également été grâciés divers condamnés du procès fantoche de juin 1981, dont l'ex-commissaire militaire adjoint du Travail, subordonné d'Oyo Riqueza, M. Asumu Nsue, l'ex-commissaire militaire de l'Industrie, des Mines et de l'Energie, P. Obiang Enama, et l'ex-directeur du Banco de Crédito y Dessarrollo, Andombe Buanga, cité plus haut pour avoir accepté de prêter des fonds à EXIGENSA à la demande d'Obiang Nguema, tous condamnés en principe à six mois d'incarcération.

Pendant qu'Obiang Nguema relâchait des hommes arrêtés et emprisonnés pour impressionner la galerie, il continuait, simultanément, à travailler en vue d'assurer davantage son pouvoir usurpé. Le 15 septembre 1981, il organisa une élection de conseillers des chefs traditionnels. Il ne nous étonnerait pas que cette opération et le référendum constitutionnel annoncé conduisent à la nomination d'Obiang Nguema « à vie », et de voir renaître un parti unique du même style que le PUNT, glorificateur de Macias Nguema.

Pendant que les nguemistes de l'intérieur tentent d'asseoir leur pouvoir chancelant que noie de plus en plus un dramatique chaos économique, les nguemistes de l'extérieur s'agitent eux aussi. Le 11 septembre 1981s'est subitement signalé, à Paris, l'ex-dauphin de Macias Nguema, l'Esangui de Mongomo Daniel Oyono Ayingono.[PAGE 29] Celui-ci fut, avec Obiang Nguema, parmi les complices les plus engagés et les plus pervers de la dictature Macias Nguema, en particulier par la direction de la Juventud en marcha con Macias. Celui que les Equato-Guinéens avaient coutume d'appeler superman, pour avoir dirigé simultanément un nombre invraisemblable de ministères et directions, travaille en compagnie de son beau-frère José Dougan, avec l'avocat espagnol Garcia Trevijano, depuis le renversement de son oncle Macias Nguema. Et voici que ce complice des pires moments de la dictature sanguinaire annonce la création d'un prétendu bloc unique des forces guinéennes démocratiques, qui serait l'alternative au régime militaire, et dont il est évidemment le chef. Prétendant de façon mensongère avoir l'appui de l'ANRD et du FRELIGE[10], Oyono Asangono suggère la création d'un gouvernement d'union nationale comprenant des représentants du régime Obiang Nguema. L'union des nguemistes fait la force... Les liens étroits d'Oyono, Ayingono avec l'Espagne sont bien connus; cela ne l'a pas empêché de proclamer la nécessité du départ des troupes marocaines et espagnoles, tout en soulignant son souhait de ne pas voir le pays tomber dans les mains des Soviétiques (avec lesquels il a pourtant collaboré dix ans durant). Voici un exemple typique des inventions dont sont capables les nguemistes acculés pour tenter de conserver le pouvoir, ou de le reprendre. Il est vrai qu'Oyono Ayingono, tout comme le cousin Obiang Nguema, non seulement ne jouissent d'aucun appui populaire, mais encore, privés de tout prestige, sont l'objet d'une vive détestation de leurs compatriotes de l'intérieur comme de la diaspora. La garde marocaine en fait foi.

Dans un communiqué du 13 septembre 1981, YANRD, en condamnant cette manœuvre de déstabilisation de l'opposition, qualifie le régime nguemiste de « tribalo-fasciste », et rappelle la véritable opposition à la vigilance.[PAGE 30]

d) Intérêts, convoitises, complicités

Alors que fin 1981 sévit dans les zones urbaines une quasi disette, et que les magasins sont vides, hormis des articles nord-coréens ou de l'audio-visuel japonais, le président Obiang Nguema se plaint de la quasi banqueroute du pays, en dépit de l'aide du F.M.I., de la C.E.E. et de l'Espagne. Le déficit de la balance des paiements, évalué fin 1980 à 26 Mo de dollars, a été en partie comblé par le F.M.I., en mars 1981. Selon Le Monde[11] « Obiang Nguema s'est demandé publiquement où étaient passés les millions de dollars de l'aide internationale et a accusé le gouverneur de la Banque centrale, limogé depuis lors, et plusieurs hauts fonctionnaires des finances [mesure en fait liée à l'affaire EXIGENSA] d'avoir des comptes en banque à l'étranger [en particulier en France] et de manipuler les fonds publics pour préparer contre lui un « coup d'Etat économique ». Il est intéressant de signaler que voici quelques mois, on apprit qu'une partie de l'aide espagnole avait servi à la constitution de dépôts à la Banque de Paris et des Pays-Bas. Signe évident de la nervosité du « clan de Mongomo », de tels propos démontrent, d'une part, combien peu les nguemistes maîtrisent la fonction gouvernementale (et cela, ils le démontrent depuis 1968), d'autre part, combien ils sont habitués à attribuer systématiquement la cause de leurs échecs à d'autres.

La garde marocaine chargée de protéger un Obiang Nguema affolé par les dangers qui le guettent tant du côté du peuple que des siens, s'est signalée à diverses reprises par des agressions et des pillages à Santa Isabel. Dans son discours du ler janvier 1981, Obiang Nguema a confirmé « le climat d'insécurité urbaine ». Voici pourquoi, probablement, il vient de demander à l'Espagne, courant septembre 1981, de mettre à sa disposition une brigade anti-terroriste espagnole, à ses yeux plus fiable que la soldatesque marocaine. Fin septembre, le chef de la police nationale espagnole, le général Saenz de Santamaria, négociait à Santa Isabel un traité en matière [PAGE 31] de sécurité. De la sorte, l'oligarchie nguemiste pourra continuer en toute quiétude le pillage du pays et le détournement des assistances étrangères.

Nous avons montré le rôle d'Obiang Nguema dans l'affaire EXIGENSA. Le second dictateur nguemiste n'est pas le seul bénéficiaire du népotisme courant sous Macias Nguema à doubler ses fonctions officielles d'affaires commerciales. Ainsi, le 2e vice-président de la République, Oyo Riqueza, joint-il à sa fonction de Ministre du Travail celle de président de la Chambre de Commerce, Industrie et Agriculture de Fernando Poo; ainsi, Maye Ela, le 2e vice-président, est-il en plus de ses fonctions le ministre des Affaires étrangères président de la Société pétrolière mixte guinéo-espagnole GEPSA[12]. Selon la presse espagnole, Maye Ela serait également lié à des sociétés multinationales, et coifferait diverses affaires d'import-export, en compagnie de sa femme, ce qui lui vaudrait la jalousie du cousin Obiang Nguema. En collaboration avec le commerçant de Valencia, M. Ferris, Maye Ela serait responsable de l'importation en Guinée Equatoriale de marchandises, notamment d'aliments, de qualité inacceptable (information confirmée en partie par Ebano à Santa Isabel). Pour cette raison, Obiang Nguema aurait été amené à réintroduire les licences dont il dispose maintenant à sa guise, notamment en faveur d'EXIGENSA. Se méfiant de son cousin, Obiang Nguema a promu l'oncle Mba Oñana, de sinistre réputation, à un grade supérieur à celui de ses cousins, par mesure de précaution.

Outre les intérêts économiques d'Obiang Nguema et de Maye Ela, et les pillages de Mba Oñana, on peut mentionner les affaires de la belle-mère du président (la suegra), qui poursuit à Bata un juteux commerce d'articles achetés à Santa Isabel dans les magasins d'Etat toujours ouverts, en dépit des conseils du F.M.I. Commerçante, elle aussi, la dernière épouse de Macias Nguema, Monica Bindang, rentrée de Corée du Nord, en même temps que Masié Ntutumu et Ekong Andeme, revenaient d'Espagne, poursuit comme ceux-ci (ex-ministres de feu son mari), une [PAGE 32] affaire d'export-import. Les Masié Ntutumu et Ekong Andeme seront arrêtés à l'occasion du « complot » de mars/avril 1981, mais relâchés après le « procès ».

Dans son allocution du 21 juin 1980 déjà, Obiang Nguema reconnaissait que le commerce local n'était plus que marché noir et trafic de devises. Certes, nombre d'étrangers interlopes contribuent par la spéculation au pourrissement de la situation, mais les hommes du régime sont largement impliqués, d'aucuns ayant même dû être éloignés du pays, tels Elsa Nseng et Mba Oñana.

Mais laissons là cette lassante énumération pour évoquer les convoitises et complicités avec le régime militaire de nombreux pays, voire d'organisations internationales. A peine l'URSS, qui utilisa la Guinée Equatoriale comme relais dans son aide à l'Angola du MPLA par Cubains interposés, voyait-elle l'accord de pêche annulé par la Guinée Equatoriale, fin 1980[13], que les sociétés espagnoles spécialisées dans la vente de poisson espagnol en Guinée Equatoriale (Afripesca, Ebana) se sont remises à la tâche.

Le petit nombre d'entreprises ou d'investisseurs espagnols qui ont accepté de se risquer en Guinée Equatoriale après la disparition de Macias Nguema sont le plus souvent liés à 1'U.C.D[14]. En compagnie des quelques « grossistes » de l'establishment nguemiste, et en collaboration avec les 357 conseillers économiques et administratifs espagnols (auxquels on doit ajouter 110 enseignants), elles exercent une véritable mainmise sur le pays. Ainsi, selon Ph. Decraene[15], de retour de Santa Isabel, les licences d'importation et d'exportation ne sont pratiquement délivrées que par des conseillers espagnols. C'est probablement pour assurer ses chances côté potentiel pétrolier équato-guinéen (face à la concurrence française et aux convoitises gabonaises) que l'Espagne s'apprête à accorder à la Guinée Equatoriale un nouveau crédit stand by [PAGE 33] de 6 Mo de dollars[16], pour soutenir la balance commerciale défaillante (en fait, on subventionne les exportations espagnoles). C'est probablement pour mieux assurer ses chances qu'elle a signé un traité de sécurité avec les nguemistes visant à remplacer les Marocains par un commando espagnol. Obiang Nguema compte, grâce à cette aide, parvenir à réaliser une réforme administrative en profondeur, afin d'éliminer de son gouvernement les éléments pro-soviétiques. N'oublions pas, au moment du retour en force de l'Espagne, que la date de la fête nationale équato-guinéenne, le 12 octobre, a été choisie par l'ex-métropole parce que « Jour de l'Hispanité » !

L'URSS ne désespère pas de récupérer la Guinée Equatoriale. Si la rupture de l'accord de pêche est effective, l'Union soviétique n'a pas obtempéré à l'ordre de réduction du personnel de l'ambassade de Santa Isabel de 165 à 12 unités; si des exilés rentrés de Moscou ont été battus à leur arrivée par des éléments nguemistes, tels le juriste J. Esono Mbomio, le traité d'assistance militaire conclu en 1977 n'a pas été rompu. Mieux, les Soviétiques ont signé avec les nguemistes un nouvel accord de coopération sportive, accepté des stagiaires journalistes dans la capitale, obtenu l'ouverture d'un bureau de l'agence TASS ; et l'un des deux avions Antonov stationnés en Guinée Equatoriale continue à assurer la liaison Santa Isabel - Bata, avec du personnel soviétique.

La France, elle, semble attendre la déconfiture de la coopération espagnole pour risquer de plus grands moyens. La Guinée Equatoriale se situe au cœur de ce qu'elle prétend être sa zone d'influence; ceci explique pourquoi la France giscardienne a fermé les yeux sur les prébendes versées ces dernières années par les sociétés françaises à la dictature nguemiste. D'après le Frente de Libéracón de Guinéa Ecuatorial (FRELIGE), la France aurait comme arrière-pensée le partage de la Guinée Equatoriale entre le Gabon et le Cameroun, selon un schéma dont on prête la paternité à Ekong Andeme. Toutefois, ce qui semble intéresser la France avant tout, [PAGE 34] ce sont les éventuels gisements de pétrole le long du Rio Muni et autour de Fernando Poo. On sait que les nguemistes ont lorgné un temps du côté de l'UDEAC (Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale composé d'ex-colonies françaises). Mais sans la manne du pétrole, écrit notamment Afrique-Asie, le 3 août 1981, l'UDEAC n'a pas l'intention d'accepter l'intégration en son sein de la Guinée Equatoriale. Avec seulement 11 Mo de francs (2 Mo de dollars), l'aide de la France reste provisoirement bien en retrait des 1000 Mo de pesetas de l'Espagne pour la seule année 1981 (FF 60 Mo/11 Mo de dollars). On privilégie pour le moment les deux centres culturels français de Santa Isabel et de Bata, on encourage le Gabon à obtenir des concessions minières au Rio Muni, on contribue avec la BIRD à l'établissement de la future loi pétrolière, on prête des experts de la SEDES au PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) et on livre à l'Espagne, via ELF-Erepea, un Kriegspiel dont le dernier mot est loin d'être déjà dit, à en croire Ph. Decraene. Toutefois, HISPANOIL commence ses forages en janvier 1982.

Les Etats-Unis, que l'Espagne avait mis au courant de l'opération León qui provoqua le renversement de Macias Nguema, ont réouvert leur ambassade en 1980, avec quatre fonctionnaires (contre 25 pour Cuba). En janvier 1981, ils accordaient à la Guinée Equatoriale nguemiste 1 Mo de dollars (FF 5 Mo), soit la moitié seulement de l'aide française, destinés aux coopératives agricoles naguère pillées sous Macias Nguema (à l'instigation du conseiller Garcia Trevijano) et à la remise en état du parc avicole de Basilé. En novembre 1981, l'ambassadeur résident Walter Stoessel s'installait à Santa Isabel. On ne sait pas grand chose de la position américaine face au régime militaire, sinon qu'une partie de l'aide fournie en 1979/80 a été gaspillée ou revendue au Gabon, ce qui devrait inciter les USA à entourer leur « générosité » de plus de circonspection.

Côté CEE, on envisage une aide de quelque 12 Mo de dollars (FF 70 Mo), suite à une entrevue des ambassades des pays membres, en été 1981, à Santa Isabel. Cela représente un poids légèrement supérieur à l'aide bilatérale espagnole pour 1981. En fait, il s'agit pour la CEE de la simple reconduction des 10 MO de dollars mis � la [PAGE 35] disposition du gouvernement Macias Nguema, mais qui ont été bloqués, vu les violations des droits de l'homme, grâce aux pressions britanniques, et sur l'insistance de l'ANRD. La CEE semble toutefois fort prudente pour le moment; aussi ses 12 Mo de dollars n'ont-ils été que modérément matérialisés jusqu'à présent, résultat peut-être de la mission que fit Claude Cheysson à Santa Isabel, en 1980, avant d'être appelé au gouvernement français par François Mitterrand.

Lorsqu'en février 1980 l'ambassadeur M.R. Engelhard eut présenté ses lettres de créance, la R.F.A. publia en mai une petite monographie de la Guinée Equatoriale[17], malheureusement très superficielle et fourmillant de projections statistiques maladroites. Aucune évaluation de la situation intérieure n'y est tentée. Fin octobre 1980, Obiang Nguema fit une courte apparition à Bonn, après son long séjour français; à cette occasion, le ministre allemand de la coopération, R. Offergeld, l'assura de la volonté de coopération allemande. Mais alors que côté équato-guinéen on a accepté depuis longtemps M. W.F. Koch comme consul honoraire, le gouvernement de Bonn n'a toujours pas accordé l'execuatur fin 1981. On peut mesurer par là la volonté de prudence du gouvernement ouest-allemand face à la dictature nguemiste. Ajoutons que d'autres pays membres de la CEE ont signé des accords de normalisation avec la Guinée Equatoriale fin 1979, puis nommé des ambassadeurs en février 1980, à l'instar de la R.F.A. L'ambassadeur des Pays-Bas, A.L. Schnyders, est actuellement le doyen du corps diplomatique.

Côté système des Nations Unies, si l'UNESCO et l'OMS ont admis la Guinée Equatoriale dès 1980 – en dépit des millions de dollars engouffrés durant l'ère Macias Nguema dans des projets stériles – l'O.I.T., qui a elle aussi gaspillé un beau budget, ne l'admettra que le 30 janvier 1981. A la même date, le conseil d'administration de l'O.M.S., plein d'illusions encore (mais plus probablement ignorant des réalités équato-guinéennes), recommandait « toute l'aide possible sur les plans moral, technique, financier et matériel » pour la Guinée Equatoriale et le Tchad, « deux pays africains confrontés [PAGE 36] à de graves problèmes de santé ».[18] En fait, le rapport médecin/population, en Guinée Equatoriale, se situait en 1976 vers 1/9 000. Il s'est encore aggravé, compte tenu des assassinats, du départ des Cubains, malgré le maintien des équipes médicales chinoises. Mais les actuels problèmes de santé et de malnutrition en Guinée Equatoriale sont bien davantage causés par un ravitaillement insuffisant, dont sont seuls responsables les nguemistes au pouvoir.

La bonne volonté onusienne (sa naïveté, aussi) fera qu'en dépit de la décision de l'Assemblée générale des Nations Unies du 5 décembre 1980 (Résol. 35/10) « de garder la situation en Guinée Equatoriale constamment à l'étude », le PNUD notamment enverra à Santa Isabel, dès février 1981, des experts français (SEDES) et Espagnols (INTESA), soit en provenance précisément des deux pays qui se disputent le plus âprement les richesses de la Guinée Equatoriale. N'aurait-on pas pu trouver des experts hispanophones auprès de bureaux d'études plus neutres ? Après de ridicules éloges de l'avenir économique du pays, formulés en mars 1981 par le F.M.I. et un prêt de 22 Mo de dollars (FF 110 Mo) remboursable en vingt ans (avec un sursis durant les cinq premières années), le F.M.I. est cependant revenu à la raison. L'arrestation, en avril 1981, de la plupart de ses interlocuteurs provoqua le départ de son représentant, en mai, qui jugea la coopération impossible. Ce sera aussi l'opinion du Secrétaire général de l'O.N.U. qui, constatant que les contacts qu'il espérait maintenir avec le gouvernement nguemiste « n'avaient pas pu avoir lieu » – les nguemistes étant en pleine phase d'auto-complot – recommanda à l'ECOSOC (Conseil Economique et Social) de reporter l'examen de l'assistance à la Guinée Equatoriale à la réunion de 1982. Ce report d'un an vise les propositions des experts précités qui envisagèrent gaillardement de recommander des projets pour 59.2 Mo de dollars (FF 300 Mo)! Un amendement proposé par le Canada, toujours vigilant en matière de droits de l'homme, amena l'ECOSOC à confier d'abord l'examen de l'affaire équato-guinéenne à la Commission des Droits de l'Homme. Celle-ci devra statuer en mars 1982 [[PAGE 37] sur l'opportunité de cette aide au régime nguemiste. Toutefois, tous les concours onusiens ne sont pas arrêtés : l'O.I.T., par exemple, envisageait dès fin juin 1981 la mise à disposition du gouvernement des militaires d'un consultant pour la préparation, en trois mois[19], de la loi organique du Travail.

On peut, du côté O.N.U., considérer que les intérêts de la communauté internationale et du peuple équato-guinéen prisonnier de la dictature, sont provisoirement sauvegardés, en attendant que l'on acquière la certitude que l'aide onusienne n'est pas confisquée par l'oligarchie de Mongomo.

Nous avons vu qu'en avril 1981 les troupes marocaines avaient été mêlées aux événements liés à l'auto-complot imaginé par les nguemistes. Quatre soldats marocains morts; c'est là une conséquence du fait que l'armée équato-guinéenne, du moins sa base, est excédée par la présence des mercenaires chérifiens arabophones. En juillet 1981, commentant cette présence, la revue Africa (Dakar) devait déclarer que le régime « moribond » d'Obiang Nguema ne survit que par volonté du roi Hassan II. Les tractations actuelles avec l'Espagne prouvent qu'un important changement est en vue qui pourrait aussi avoir des implications diplomatiques, notamment dans l'affaire du Sahara occidental. Il tombe sous le sens que l'intérêt que le Maroc a montré à la Guinée Equatoriale ne s'explique que par la nécessité de se faire une clientèle dans sa confrontation avec la République sahraoui.

Et les voisins de la Guinée Equatoriale ? La modération du Cameroun est un modèle du genre. Même si certains milieux y prétendent que leur pays a des droits sur le territoire équato-guinéen, l'autorité centrale s'efforce de cultiver le bon voisinage dans le respect des règles de l'O.U.A. Le Cameroun continue à abriter de nombreux réfugiés équato-guinéens démocrates. Cela ne l'empêche pas de tenter de revitaliser la coopération entre les deux pays, à peine amorcée en 1969, puis interrompue parce qu'impossible sous Macias Nguema. En 1981, [PAGE 38] le chargé d'affaires Vessah Njoya est remplacé par l'ambassadeur M. Koss Epangue, après qu'en 1980 le premier ministre camerounais, Paul Biya en personne, ait assisté au premier anniversaire du renversement de Macias Nguema. Parallèlement, la Guinée Equatoriale a muté à Yaoundé, en mars 1981, l'ambassadeur Ekua Miko, le remplaçant au Gabon par le trop fameux Mbato, secrétaire d'ambassade au Cameroun, dont le départ semble avoir été apprécié. En juin 1981, Obiang Nguema lança une opération de charme auprès de divers interlocuteurs africains, et invita notamment le président Ahidjo en visite officielle.

Pour ce qui est du Gabon, on peut rappeler que lors de la réunion de la Commission mixte guinéo-gabonaise de juillet 1980, la délégation gabonaise fit un certain nombre de propositions saugrenues, notamment en offrant à la Guinée Equatoriale du bois d'okoumé, dont elle est un des principaux producteurs mondiaux. On proposa aussi la livraison de pétrole lampant, de gaz domestique, l'installation de 400 lignes de télex, un échange d'enseignants (francophones, bien sûr), un accord de libre circulation aérienne, etc. Rien de tout cela n'est devenu effectif.

Ce qui intéressa le plus les Equato-Guinéens lors des discussions, c'est la révision de l'accord pétrolier signé à la lé ère par Obiang Nguema, le 13 novembre 1979, probablement en reconnaissance de l'aide gabonaise dans le renversement de Macias Nguema, et qui donne au Gabon la possibilité d'effectuer des recherches et des exploitations pétrolières dans le sud-ouest de Rio Muni (via Petrogab). Or, la délégation équato-guinéenne souligna que cet accord était caduc pour n'avoir pas été négocié d'abord par les experts des deux pays, et demanda son réexamen.

En avril 1981, la Guinée Equatoriale accordait diverses concessions de recherches à la société pétrolière mixte guinéo-espagnole GEPSA (président : Maye Ela), et simultanément l'Espagne répondait favorablement à la demande du gouvernement nguemiste d'une aide urgente avec 30 000 t de kérosène, complétant cet envoi par la prise en charge de 17 candidats spécialistes des hydrocarbures, aux Canaries. Avec clairvoyance, l'Express fit savoir courant mars 1981 déjà qu'une guéguerre – le Kriegspiel mentionné par Ph. Decraene – sévissait entre [PAGE 39] l'Espagne et la France pour l'obtention de permis en Guinée Equatoriale[20]. Après qu'en avril 1981 encore la Guinée Equatoriale eut signé avec l'Argentine un accord de coopération en matière pétrolière, le Gabon envoya une nouvelle mission à Santa Isabel, fin juillet, craignant que les espoirs gabonais d'exploiter le pétrole des deux îles Elobey notamment soient totalement ruinés. Les Gabonais prétendent que Macias Nguema – qui agissait manifestement en usurpateur du pouvoir après avoir fait taire tous les organes législatifs de la République – leur aurait cédé 5 Mo de barils de cru; mais les militaires et leurs conseillers espagnols ne semblent pas disposés à entrer dans ces vues. Nous avons fait allusion plus haut à l'affirmation du FRELIGE que le Gabon était vivement encouragé par la France dans la chasse aux concessions minières au Rio Muni. Aussi est-on légitimement en droit de se demander si la tension naissante entre le gouvernement Mitterrand, en France, et le Gabon du président Bongo (lui aussi gardé par des Marocains), ne modifiera pas cet état de choses.

La volonté de résister à toutes les prétentions, territoriales, minières, sur leur pays reçu de l'Espagne, via le Traité de Paris, est le seul point où se rejoignent absolument tous les Equato-Guinéens.

e) La résistance populaire – La relève

Le régime militaire se targue de quelques réalisations, le plus souvent purement formelles, telle notamment la création d'un secrétariat d'Etat pour la Promotion féminine, le 5 mars 1981, alors que depuis plusieurs années existe, au sein de l'ANRD, l'Organisation des femmes de Guinée Equatoriale (OMGE). La plupart des femmes qui constituent les cadres de ce secrétariat d'Etat sont issues des quelques familles mongomistes au pouvoir ou – comme pour donner bonne conscience au C.M.S. – veuves de victimes du nguemisme, telle Maria Nsue Angue Osa, directrice technique, dont le mari, ambassadeur en Ethiopie et auprès de l'O.U.A. a été assassiné par deux envoyés du régime, fin 1976, à Addis-Abeba. On peut faire allusion également à la réouverture, au printemps 1981, de l'Ecole Martin Luther King, qui forme des instituteurs [PAGE 40] et des administrateurs auxiliaires. Mais la direction en a été confiée à Lorenzo Madiba, issu des services de la Présidence de la République, alors que le secrétaire, Ondo Eto, était auparavant chef de cabinet du ministre de l'intérieur. Intéressante initiative encore que celle de février 1981, par la coopération espagnole, d'une Ecole d'hôtellerie (Miramar), ainsi que de cours du soir dans diverses professions (comme l'avait tenté l'O.I.T. en 1973-74). Hélas, ces activités sont, comme sous Macias Nguema, fréquemment perturbées par les sbires du régime. Quant à l'éducation scolaire, elle fonctionne partiellement grâce aux 110 enseignants espagnols, dont 90 % de religieux. Côté ministère de l'Education, on a repêché d'anciens instituteurs survivants et des prêtres ainsi que quelques réfugiés ayant appartenus aux AMALIGE et Frente anti-Macias (tels C. Ochaga ou L. Mbomio mais qui ne détiennent pas de leviers de commande déterminants[21].

Par là est confirmé le fait qu'outre les violences déjà mentionnées à l'endroit des nationaux rentrés au pays, la prétendue amnistie décrétée par Obiang Nguema en octobre 1979 n'était qu'un simulacre. Le refus du tiers de la population – à l'abri à l'étranger – de revenir au pays aussi longtemps que sévira la terreur nguemiste constitue le plus sévère désaveu des héritiers de Macias Nguema. Le renversement de celui-ci a d'ailleurs amené les faux « anti-nguemistes » à se découvrir, ce qui présente l'avantage de décanter le nombre excessif de prétendus mouvements d'opposition à la dictature. Aujourd'hui ne subsistent plus, dans l'ordre d'importance numérique de leurs membres, que l'ANRD (Alianza Nacional de Restauración Democrática) et le FRELIGE (Frente de Liberación de Guinea Ecuatorial), ce dernier composé presque exclusivement de quelques universitaires. Dans son manifeste du congrès de Malaga, de septembre 1981, le FRELIGE a souligné, outre le fait que la tyrannie nguemiste est la même puis treize ans, que la seule manière d'arriver à la paix en Guinée Equatoriale est une négociation entre la diaspora et le C.M.S.. Mais pour lui, le retour à la démocratie passe forcément par l'aide paternelle de l'Espagne. [PAGE 41] Seule l'ANRD peut effectivement faire état d'une sérieuse assise populaire, à l'intérieur du pays comme dans la diaspora. C'est ce qui fait dire au spécialiste de l'Afrique Claude Wauthier, dans Jeune Afrique, en septembre 1981 : « De tous les mouvements d'opposition à Macias en exil, il ne reste que l'ANRD, dont le secrétaire général est un universitaire, le professeur Eya Nchama, pour réclamer que les choses changent enfin dans un pays qui n'a recouvré qu'un semblant de liberté ». – Il est un fait que depuis sa création, en 1974, l'ANRD est présente auprès de toutes les instances internationales, en particulier les conférences sur les P.M.A., les réfugiés d'Afrique, ou aux sessions de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, etc. Par son périodique La Voz del Pueblo, par ses communiqués sur les événements de Guinée Equatoriale et les manœuvres nguemistes, par ses contacts avec la presse internationale, ses activitéssociales (de nombreux boursiers en formation dans divers pays), son animation de la résistance populaire à l'intérieur, l'ANRD est manifestement le seul volet viable comme alternative au régime nguemiste. Ce qui ne veut pas dire qu'elle cherche à monopoliser le pouvoir; il s'agit d'un mouvement regroupant toutes les ethnies, tant du Rio Muni que de Fernando Poo et d'Annobon, et qui vise une démocratie pluraliste dans le respect d'une constitution qui devrait être élaborée par des représentants de toutes les tendances de la nation équato-guinéenne.

Les nguemistes sont bien conscients du poids politique de l'ANRD. Aussi est-ce de ce côté-là que l'on tente de semer la confusion dans l'opinion des nationaux comme des étrangers. L'ex-dauphin de Macias Nguema, Daniel Oyono Ayingono, l'homme-orchestre de la dictature nguemiste civile, collaborateur de Garcia Trevijano à Madrid, a laissé croire à la presse le 10 septembre 1981, à Paris, qu'avec divers mouvements d'opposition il aurait constitué un conseil de commandement de la révolution. Celui-ci serait composé de patriotes et de socialistes, ainsi que d'un « Bloc unique des Forces démocratiques guinéennes ». Oyono Asangono prétendit même jouir de l'appui de « deux branches » de l'ANRD. Or, d'une part, l'ANRD n'est pas fractionné[22], d'autre part, à aucun moment [PAGE 42] elle n'a engagé de transactions avec un homme depuis longtemps déconsidéré et qui n'a jamais représenté davantage que lui-même et ses parents Esangui de Mongomo. Bien entendu, superman suggère un gouvernement d'union nationale « comprenant des représentants du régime actuel », composé de ses cousins et oncles. Notons ici combien est subtilement utilisé le terme démocratique, tant chez les nguemistes que chez d'autres, afin de se couvrir des mérites de l'Alianza Nacional de Restauración Democrática.

A côté des nguemistes et de leurs complices espagnols et autres, il y a les manipulations de certaines puissances surtout préoccupées par le pétrole équato-guinéen. C'est ainsi que l'on a appris de Dakar, en août 1980, la création d'un Rassemblement démocratique de Libération de la Guinée Equatoriale, prétendue fusion – comme chez Oyono Asangono – de quatre partis, dont on ne dit d'ailleurs rien. Si beaucoup de mouvements anti-Macias Nguema étaient le fait des seuls membres de leur comité respectif, le RDLGE fait mieux encore : prétendant regrouper 30 000 membres, et être le seul basé en Afrique – dans le cocon de la francophonie sénégalaise – ce « mouvement » est le fruit de la seule imagination d'un personnage parfaitement inconnu, Manuel Ruben Ndongo. Lui aussi n'existe que par référence à l'ANRD, qu'il taxe de marxiste-léniniste et de non-représentatif à cause de son secrétariat en Suisse. Hormis deux interviews de complaisance dans la presse dakaroise, la baudruche du RDLGE s'est dégonflée fin 1980 déjà.

Dans son effort de représentation de la Guinée Equatoriale partout où le sort du pays est en question – mais toujours par des voies pacifiques – l'ANRD a été amenée à participer depuis plusieurs années aux travaux de la Commission des Droits de l'Homme. Le 10 mars 1981, à Genève, à travers le Mouvement international pour l'Union fraternelle entre les races et les peuples (UFER), l'ANRD a démontré que si en RCA ou en Ouganda la dictature avait disparu avec la chute des tyrans, la liquidation de Macias Nguema par son entourage familial n'avait rien modifié en Guinée Equatoriale. Dans cette même session de la commission, l'ANRD a démontré que la Guinée Equatoriale, plus que d'autres pays du tiers-monde, dispose d'un nombre élevé de spécialistes de toutes les professions, aujourd'hui exilés, avec lesquels [PAGE 43] une république revenue à la démocratie pourrait compter pour entamer un vrai développement. Lors de la session d'été 1981 de la Commission des Droits de l'Homme, le Prof. Eya Nchama, a démontré qu'on ne saurait rien attendre « d'un gouvernement dont la ligne fondamentale est le terrorisme d'Etat. ».[23]

La médiocrité du gouvernement militaire est apparue clairement à travers le discours du Cdt Oyo Riqueza, 2e vice-président de la République et ministre du Travail, à la Conférence sur les pays les moins avancés (P.M.A.), à Paris, le 7 septembre 1981. Après de longues politesses et lamentations globales sur le sous-développement, Oyo Riqueza évoqua « la situation si désespérante héritée du régime antérieur [ce qui est un mensonge, puisqu'il s'agit du même régime que l'actuel]. Puis il ajouta textuellement : « Même si la République de Guinée Equatoriale ne fait pas partie des 31 pays reconnus officiellement comme les moins avancés, ma Délégation est persuadée que dans un futur pas très éloigné et après examen minutieux de notre dossier, la République de Guinée Equatoriale sera également incluse dans le groupe cité ». On peut, c'est indubitable, faire confiance aux nguemistes et au C.M.S. pour que ce moment ne tarde plus...

Après ces propos malhabiles et hypocrites, l'intervention du Prof. C.M. Eya Nchama a permis d'offrir une autre vision de la Guinée Equatoriale. Son allocution a d'ailleurs été applaudie avec enthousiasme par la Conférence. Voici résumés les propos du secrétaire général de l'ANRD :

1) Les P.M.A. sont essentiellement des pays désorganisés.

2) La pauvreté des pays du Sud est due à l'Ordre économique international injuste, qui remonte à l'ère coloniale.

3) Il n'y a pas qu'une forme de développement. Souvent le mode de développement est imposé de l'extérieur.

4) « Beaucoup de pays sous-développés se rendent à de grandes conférences comme celle-ci pour demander de l'aide économique et financière pour leur développement, mais en même temps ils écartent leurs concitoyens de ce [PAGE 44] processus de développement... Nous pensons que le développement doit être un processus global... le développement doit se faire en prenant en considération les droits civils et politiques comme les droits sociaux, économiques et culturels des travailleurs. »

5) Le développement des P.M.A. n'est possible qu'avec la « suppression des oligarchies, des dictatures fascistes et des tyrans imposés par le Nord, afin de laisser au peuple le soin de veiller à son propre développement ». Cessez-donc, à travers vos aides inconsidérées, de subventionner les dictatures!

Le lecteur est maintenant en mesure de se faire lui-même une opinion sur les qualités respectives de ces deux interventions. Nul doute qu'il perçoit sans difficulté où se trouve la vraie Guinée Equatoriale.

3. Le dernier mois

Le coût de la vie prend une envolée astronomique[24]. Les coopérants espagnols, dont de nombreux ont subi des sévices, marquent une lassitude croissante, tandis que 23 enseignants malmenés par les nguemistes, en 1978, réclament au gouvernement espagnol et à la Guinée Equatoriale 23 millions de pesetas d'indemnités pour pertes de salaires, de biens privés, etc.

Le mécontentement populaire commence à se structurer. Ainsi, le directeur de Radio Bata, T. Nguesa Mangue, est décédé suite à une attaque au cocktail Molotov (que le régime a camouflée en accident de motocyclette).

Après la libération de quelques prisonniers nguemistes, en août, la junte a repris les arrestations milieu septembre. Mais comme au printemps, il s'agit d'une nouvelle supercherie. La duplicité nguemiste a consisté cette fois-ci à arrêter des parents, en particulier le frère de Daniel Oyono Ayingono, le Cap. de frégate Luis Oyono (déjà [PAGE 45] incarcéré brièvement en avril) et des militaires considérés comme pro-soviétiques[25].

L'état de pourrissement de la situation a accéléré la conclusion de l'accord d'assistance militaire avec l'Espagne, d'un montant de 3 000 millions de pesetas (40 Mo de FF)[26] :

    – création de deux compagnies guinéennes de sécurité, entraînées dans des Académies militaires espagnoles. L'une sera affectée à la sécurité du président, l'autre servira au Rio Muni. C'est en effet parmi les Fang et les Ndowe de la côte que les nguemistes Esangui sont le plus contestés;
    – recyclage en Espagne de tous les officiers formés en URSSet en Corée du Nord;
    – fourniture de deux Aviocar, amorce d'une Force aérienne;
    – 4 canonnières garde-côtes (2 pour Fernando Poo, 2 pour le Rio Muni);
    – fourniture de transports tout-terrain.

Une corvette légère était sur place fin septembre 1981 déjà.

Tous les milieux espagnols ne sont pas convaincus de l'opportunité d'une telle politique face à la junte nguemiste, et la contestation s'élève tant à gauche qu'à droite. Au nom de cette dernière, l'ex-ministre Fraga Irribarne (qui avait représenté le généralissime Franco aux célébrations de 1'Indépendance de la Guinée Equatoriale, le 12 octobre 1968) a posé le 21 septembre 1981 une série de questions au gouvernement espagnol :

    – Selon quels critères l'aide espagnole est-elle distribuée ?
    – Les sociétés espagnoles (Hispanoil, Adaro) jouissent-elles, en compensation, d'un traitement préférentiel ? [PAGE 46]
    – Pourquoi les propriétaires espagnols n'ont-ils pas été indemnisés et pourquoi les Espagnols ont-ils été autorisés à occuper des biens appartenant à d'autres Espagnols (notamment l'hôtel Bahia) ?

Compte tenu du durcissement de la résistance populaire, à l'extérieur comme à l'intérieur, et en dépit des hésitations accrues de l'opinion espagnole quant à l'opportunité de l'aide à la dictature nguemiste, le président Obiang Nguema s'est réjoui, dans son allocution du 12 octobre 1981, à l'aube de l'An 14, de « l'heureuse coïncidence » des deux fêtes nationales équato-guinéenne et espagnole (Jour de l'Hispanité). Grâce à l'armée espagnole et à la complicité de quelques intérêts ibériques, déjà mentionnés, il s'est cru assez fort pour tromper une nouvelle fois le peuple en affirmant que les finalités de son régime étaient : la liberté du peuple, le bien-être social, l'amélioration des conditions économiques. De plus, il a annoncé en échange de l'aide militaire espagnole, la levée de la censure de périodiques espagnols, décidée en août. Ce scénario jure avec le portrait de la Guinée Equatoriale nguemiste transmis fin septembre 1981 par le correspondant du grand quotidien catalan La Vanguardia : « La corruption publique et privée, le chaos administratif, la violence arbitraire, la paresse générale [en fait, il s'agit de la résistance populaire], le découragement, tout comme la faim, les maladies et l'analphabétisme continuent à caractériser la vie guinéenne. L'espoir né du « coup de la liberté » [chute de Macias] a cédé le pas à la démoralisation collective que quelques fonctionnaires vénaux aident sans nul doute à consolider ».

« L'héritage de Macias [Nguema] n'a malheureusement pas été liquidé en Guinée. Les fonctionnaires civils et militaires de l'ancien régime subsistent aux postes clés et reproduisent, sans la moindre discrétion, les usages appris durant le temps du dictateur sanguinaire. Le C.M.S. n'a pas pu, ou n'a pas su jusqu'à présent restaurer la paix sociale, reconstruire l'économie, mettre sur pied un Etat, réorganiser l'armée et la police, construire des maisons, des hôpitaux et des écoles, en somme, en terminer avec l'indigence, le crime et les... démons familiers[27]. [PAGE 47] Contes de journaliste ? Qui mieux que celui qui a été durant deux ans l'ambassadeur d'Espagne auprès de la junte, J.L. Graullera, pourrait apprécier la justesse de ces vues ? Fin septembre 1981, Graullera a déclaré : « le passage de Macias [Nguema] à Obiang [Nguema] ne suppose pas la disparition du macisme [nguemisme). J'ai pu constater personnellement que le macisme comporte un sens de destruction et de privilèges. Le système de destruction a été freiné, mais il faudra beaucoup pour éliminer le système des privilèges »[28]. La perpétuation des abus et des passe-droits, la propension à faire usage de ce qui ne vous appartient pas, c'est exactement l'idéologie qui inspire aujourd'hui encore le pouvoir nguemiste militaire.

4. La « Suisse africaine »

Fin août 1979, trois semaines après la révolte de palais, le Cdt T. Obiang Nguema déclarait au journal Le Monde : « Nous sommes fils de l'Espagne, et nous voulons rétablir des liens privilégiés avec elle ». Au onzième anniversaire de la République, le 12 octobre 1979, le Lt-Col. Obiang Nguema faisait la déclaration suivante : « Le nouveau gouvernement instauré par le C.M.S. sera guidé dans sa politique nationale par les principes du respect scrupuleux des droits de l'homme, la restauration de la démocratie dans le pays, la réhabilitation des valeurs économiques, culturelles, sociales et de croyance de la nation guinéenne, la réorganisation des institutions administratives, garantir la propriété publique et privée, comme le respect des valeurs humaines de dignité, liberté et intégrité des personnes et l'inviolabilité du domicile de tout citoyen ». Devant le roi Juan Carlos Ier, à Santa Isabel, le 13 décembre 1979, Obiang Nguema demanda à « son » roi et au peuple espagnol qu'ils fassent de la République de Guinée Equatoriale la tant espérée « Suisse de l'Afrique. Notre espoir est que nos aspirations rencontrent celles de Votre Gouvernement et du peuple espagnol».

Un an plus tard, en novembre 1980, à Paris, le chef du C.M.S. affirmait en conférence de presse qu'« on ne peut à la fois reconstruire le pays et instaurer la démocratie ». [PAGE 48] Puis le ler janvier 1981, peu avant de se proclamer Colonel, Obiang Nguema prétendit qu'avec le C.M.S. il avait « tracé une ligne d'action conséquente qui part du noble vœu de rendre toujours plus effective la participation du peuple aux tâches de l'Etat». Mais, ajouta-t-il, les exigences des milieux démocratiques ne visent à rien d'autre qu'à saboter le travail réalisé par le C.M.S.

Combien les « fils de l'Espagne » sont-ils éloignés de la réalité d'une « Suisse africaine » ! Le vice-président Oyo Riqueza vient d'implorer les pays riches, le 7 septembre 1981, de bien vouloir admettre que la Guinée Equatoriale nguemiste est ruinée autant que les 31 P.M.A. Il n'exagérait guère, car comme le laissait entendre El Pais (non censuré), le 12 septembre : « Le progrès et le bien être sont deux termes inconnus en Guinée Equatoriale depuis l'époque de la colonisation ».

Treize ans de nguemisme civil et militaire ont fait d'un pays relativement prospère en 1968 – alors qualifié de « Suisse africaine – un autre Haïti grâce aux « Duvalier de Mongomo ». Rentré de Guinée Equatoriale, le journaliste catalan Fr. Moro écrivait dans Diario 16 (censuré), le 31 août 1981 : « La seule chose qui sépare Macias de Teodoro [Obiang Nguema] et ceux qui l'assistèrent dans la chute de Fr. Macias est le fait que depuis des mois on ne leur payait pas leur solde de centurions de la terreur. Aujourd'hui on voit très clairement que Teodoro n'agit pas sous les prémisses d'honneur qu'il était censé apprendre à l'Académie militaire générale de Saragosse, mais en fonction des discours dont il s'est nourri en tant qu'homme de tribu, les Fang [Esangui] de Mongomo ». L'ex-ambassadeur d'Espagne – et représentant des intérêts regroupés dans l'U.C.D. – J.L. Graullera, qualifié de « vice-roi », ne dit pas autre chose. Le 27 septembre 1981, il déclare à El Pais (non censuré) que le macisme = (nguemisme) « consiste en la perpétuation des abus et passe-droits, et à faire usage de ce qui ne vous appartient pas... le passage de Macias à Obiang ne suppose pas sa disparition ». Et de laisser entendre, en termes à peine voilés, que si l'armée nguemiste (ce « pouvoir parallèle ») voulait bien cesser d'interférer dans les affaires civiles, les choses iraient autrement. Mais Graullera est d'avis que même ainsi « il faudra beaucoup pour éliminer le [PAGE 49] système des privilèges, car les nguemistes civils ne sont pas neutralisés. C'est pourtant au seul prix du rétablissement des règles de droit, économiques et civiles, qu'un développement du pays peut être envisagé.

Ni fils de l'Espagne, ni Suisse africaine; ni loyal, ni démocrate. Quelle continuité dans la perversité de Macias Nguema à Obiang Nguema ! L'axiome de Lord Acton : « Le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument » prend ici toute sa signification.

Il est fort à parier qu'en s'enfermant de plus en plus dans un ghetto politique et économique, le pouvoir militaire nguemiste va s'orienter sur des voies semblables à celles suivies par son prédécesseur civil. On peut s'attendre à ce qu'un parti unique, ou un multipartisme factice, voire une simulation d'assemblée législative voient le jour sur le modèle du PUNT. Mieux, on peut prévoir – hormis le cas non impossible d'une nouvelle révolte de palais par des cousins et oncles intéressés – qu'Obiang Nguema sera lui aussi promu « président à vie ». Et l'on sait quel est en général le procédé unique pour remplacer quelqu'un désigné pour un semblable terme.

A moins que, dans un élan miraculeux de sens démocratique, ou simplement d'instinct de survie, Obiang Nguema et les siens tentent de réaliser réellement la soi-disant « Suisse africaine ». Cela suppose que soient accomplies les recommandations minimales formulées par l'expert de la commission des Droits de l'Homme des Nations Unies pour la réunion de février/mars 1981, en particulier l'élaboration d'une constitution issue des débats d'une constituante représentative de toute la nation équato-guinéenne, et votée au suffrage universel direct. Cette nouvelle constitution « sera démocratique, représentative et pluraliste, afin d'assurer une protection efficace des droits de l'homme... il s'agira de créer un modèle de démocratie équato-guinéenne plutôt que de copier quelque modèle déjà connu mais éloigné du mode d'être, de penser et de sentir du peuple de Guinée Equatoriale ». Aucune constitution ne saurait être mise en place sans qu'un débat public libre ait lieu, sans qu'une loi sur les associations ne voie le jour. Pour cela, il faudrait que la liberté d'expression soit complète. Peut-être alors verrat-on poindre une lueur de « suissité ».

La position qu'adopteront les Nations Unies sera déterminante [PAGE 50] pour l'avenir de la Guinée Equatoriale. Leur pression sur le régime nguemiste et ceux qui le soutiennent ne constitue en rien une atteinte à la souveraineté nationale, mais représente bien plus une assistance à nation en danger. Il y a pour la communauté internationale « devoir d'ingérence ». C'est exactement ce qu'exprimait devant la Commission des Droits de l'Homme le Prof. Eya Nchama (ANRD), fin août 1981, en réponse à des attaques de la part de la délégation marocaine : « Les Nations Unies devraient être rassurées de voir venir à elles les peuples opprimés et menacés dans leur existence, car ceux-ci font ainsi partie de plein droit de ces Nations Unies qui proclament dans leur Charte qu'elles représentent les peuples : « Nous peuples des Nations Unies ». Tant que les groupes et populations opprimés croient suffisamment aux Nations Unies pour se tourner vers ce forum dans leur recherche pour l'égalité et la justice, il y a de l'espoir, on peut dialoguer. Il faut commencer à s'inquiéter lorsque ces peuples ou leurs représentants, déçus et désespérés, ne viennent plus vers les Nations Unies, mais décident de régler leurs problèmes par eux-mêmes, en utilisant d'autres moyens, allant souvent, parce qu'ils sont poussés à bout, jusqu'à la violence. »[29]

Seule une réconciliation nationale, un pacte social et politique entre toutes les tendances, permettrait d'envisager le passage à une Guinée Equatoriale qui ne serait plus mise au banc des démocraties. Cela suppose avant tout que cessent les appels des Equato-Guinéens à l'assistance de protecteurs étrangers, que ce soit l'Espagne, le Maroc, la France ou l'URSS. Les Nations Unies ont ici un rôle majeur à jouer.

Dans le pacte fondamental de la Suisse, signé le 1er août 1291 (aujourd'hui encore date de la Fête nationale), on relève la volonté de se prêter secours en cas d'attaque, de refuser d'accueillir des juges étrangers sur son territoire, de s'en remettre à l'avis d'arbitres en cas de querelles. En cas de discorde entre Confédérés, [PAGE 51] si l'une des parties refuse de laisser juger sa cause ou ne veut pas se soumettre à un arrangement, les autres parties devront se tourner contre elle.

Les choses sont donc bien claires : il faut négocier. Peut-être sous l'arbitrage de la Commission des Droits de l'Homme. Surtout, il faut résoudre les problèmes entre Equato-Guinéens. Cela suppose une plate-forme de rencontre, et que l'on fasse taire bien des ressentiments, des suspicions, des préjugés. Mais c'est là la seule possibilité de survie du pays. Plus on est petit, plus les Raminagrobis sont à l'affût. Surtout si le sous-sol recèle du pétrole, et que la géo-politique fait de votre sol, de vos mers, une zone stratégique.

Par le remaniement ministériel du 8 décembre 1981, Obiang Nguema s'est séparé de ses vice-présidents Maye Ela et Oyo Riqueza. Le ministre de la Santé (procureur du procès bidon de juin 1981) Seriche Borico Dugan devient 2e vice-président; de l'Intérieur, Mba Ondo passe à l'O.U.A. et remplace le cousin de Macias, B. Nguema. Des noms nouveaux se font jour : Obondo aux Affaires étrangères, Ncué aux Finances. Et l'on murmure que Mba Oñana deviendrait le vice-président. Permanence du nguemisme...

Il serait intéressant de vérifier si la solidarité internationale, à travers les Nations Unies en particulier, parviendra à faciliter le retour de la Guinée Equatoriale à un ordre démocratique. Evoquant récemment « le cercle vicieux de la peur et de l'illégalité»[30], le juriste latino-américain S.M. Lozada a signalé que « Les derniers jours des dictateurs ne sont pas mieux, ou moins violents, que les premiers. Ainsi, dans le passage difficile de l'autocratie à la démocratie, la solidarité internationale sera un soutien inestimable. » On ne saurait donc mieux faire que d'encourager le président Obiang Nguema et le C.M.S. de relire le discours du 12 octobre 1979, qui fait d'une politique guidée par les principes les droits de l'homme, de la démocratie, de la réhabilitation des valeurs économiques, culturelles, sociales et des croyances, du respect de l'homme, la cible à viser pour ne pas se condamner face à l'histoire.

Max LINIGER-GOUMAZ


[1] « Rien n'a changé », PN-PA., septembre-octobre 1981.

[2] Liniger-Goumaz, M.,« Le tarif du président ». Le Monde, 24-25 juin 1979, p. 16. Alors que les prisonniers équato-guinéens étaient parfois relâchés en échange de 10 000-100 000 bikwele (ex-peseta), le prix de la libération de vieux missionnaires espagnols s'élevait à 50 000 bik.

[3] Decraene, Ph., « La Guinée Equatoriale, toujours menacée de destabilisation ». Le Monde diplomatique, Paris, juin 1981, p. 10.

[4] Cousin du ministre des Affaires étrangères, Ndongo Miyone, assassiné en 1969.

[5] En échange de l'abandon par la Guinée Equatoriale de la reconnaissance du Front Polisario. Fort curieusement, le Maroc se montre maintenant favorable à un référendum dans l'ex-Sahara espagnol, alors que la présence de ses troupes chez Obiang Nguema visait àempêcher une telle démarche.

[6] Considéré comme le Machiavel de la Guinée Equatoriale, broutant à tous les rateliers, Mba Nsue est généralement en voyage en Espagne. Son conseiller serait l'économiste espagnol Velarde Fuentes, qui préparerait un plan de développement économique de la Guinée Equatoriale.

[7] On appelle ainsi une position de torture « en mémoire des Ethiopiens qui travaillaient avec les services de sécurité du Président Macias Nguema en 1972-74 ». Fieu, Equatorial Guinea – Macias Country. The fergotten Refugees. Genève, 1978, p. 35. Ces cadres ethiopiens faisaient partie de l'assistance technique de l'OUA.

[8] Cf notamment La Calle. Madrid, 4 mars 1981, p. 30.

[9] L'hebdomadaire espagnol Interviú (interdit), a révélé que Epalepale Ilina avait des liens fructueux avec des investisseurs espagnols. La censure des journaux espagnols ne rend donc pas service qu'aux seuls nguemistes. Cette censure a été levée le 12 octobre 1981.

[10] Ainsi que de mouvements fictifs tels les Front des démocrates, Front révolutionnaire, Front socialiste. Signalons qu'on accuse Oyono Ayingono d'être responsable de l'assassinat de l'ex-vice-président de la République, le Bubi Bosio Dioco, en 1975, et de son camouflage en « suicide ».

[11] « Le président Obiang Nguema souhaite un accroissement de l'aide militaire espagnole ». Le Monde. Paris, 23 septembre 1981, p. 6.

[12] Maye Ela a comme secrétaire l'ex-directeur de la Banque centrale, sous Macias Nguema, D. Ondo Maye, et se fait conseiller par l'Espagnol M. Uriate, ex-directeur de L''Institutos de Estudis Africanos. Maye Ela et Oyo Rigueza perdent leur poste de vice-président en décembre 1981.

[13] L'URSS signait en juillet 1981 un autre accord de pêche, avec la Guinée Conakry.

[14] Afripesca, Alena, Besora y Galliana, Jover, Ebana, Elzagirre, Escuder y Galliana, Garcia Minaur, Gran Canarias, Grimaldi, Malo, Mora-Mayo, Pastory Pena (Lintee) Ramon y Vizcaina, Sogesa (Frry), Soguisa (F. Roig).

[15] « Tensions internes et convoitises étrangères. La Guinée Equatoriale, toujours menacée de déstabilisation ». Le Monde diplomatique. Paris, juin 1981, p. 10, op. cit.

[16] Semble-t-il offert en dollars libres d'impôt sur vingt ans, dont cinq ans de rémission d'intérêts, à 3 % l'an. Le temps d'utilisation du crédit serait de deux ans après ratification. En fait, ce prêt servira à financer les travaux non effectués par l'Espagne dans le cadre de ses engagements signés depuis 1970.

[17] Satistisches Bundeamt, Länderkurzbericht Aquatorialguinea. Wiebaden, 1980, 20 p.

[18] Chronique de l'ONU, 4. Genève, avril 1981.

[19] Le rapport du PNUD, de septembre 1980, avait prévu six mois. On a donc coupé la papaye en deux, comme s'il était possible de transiger avec la dictature.

[20] Paris, 21 mars 1981. La destitution de Maye Ela, le 8 décembre 1981, et son envoi à l'ONU, montre que d'autres s'intéressent à GEPSA

[21] Le 8 décembre 1981, L. Mbomis a été promu ministre de la Culture. – « L'espoir déçu ». Jeune Afrique. Paris, 9 septembre 1981, pp. 50-51.

[22] Sinon que certains membres exclus pour incapacité ou esprit non démocratique, tels B. Nsue Ngomo et M. Mba Ada, prétendent encore la représenter.

[23] 34e période de session, thème 8 du programme. Genève, 21 août 1981.

[24] Le salaire moyen (sept. 81) s'élève à 8000 bik; les prix sont actuellement de : 1 500 bik. un kg de sucre, 500 bik. un kg de viande, 400 bik. une bière, un repas au restaurant 4 000 bik. Un salaire permet donc d'acheter 5 kg de sucre, 2 repas au restaurant. La médiocrité de l'approvisionnement incite d'ailleurs de plus en plus de coopérants à aller pêcher à la canne dans la baie de Santa Isabel. Le personnel de l'ONU touche une indemnité de vie chère quotidienne de 10 200 bik (20 400 pesetas).
Selon l'expert FAO, Wolfgang Sachers (RFA), la malnutrition est générale (janvier 1981).

[25] Pedro Ela, cousin, fils du leader nguemiste décédé (empoisonné ?); Ricardo Ela, chef adjoint de la police politique sous Macias Nguema, Secrétaire technique adjoint Information et Tourisme; Isidoro, Eyi Mensuy Andeme, lieutenant, Directeur général de la sûreté, Commissaire d'Etat, Information et Tourisme; Carmelo Owono Ndong Andme, sous-lieutenant, ingénieur aéronautique, formé en URSS, Commissaire d'Etat au Plan, Développement et Coopération.

[26] Boletin Oficial de las Cortes Generales. Madrid, 5 septembre 1981.

[27] « Guinea, un problema complejo ». La Vanguardia. Barcelone, 24 septembre 1981, p. 5 (journal non censuré).

[28] Graullera, J.L., « Interview ». El Pais semanal. Madrid, 27 septembre 1981, pp. 11-15 (journal non censuré).

[29] ECOSOC, Commission des Droits de l'Homme, Sous-commission de lutte contre les mesures discriminatoires, 34e Session, point 10. Genève, 25 août 1981 : « Etude du problème de la discrimination à l'encontre des populations autochtones ».

[30] Le Monde diplomatique. Paris, septembre 1981, p. 28.