© Peuples Noirs Peuples Africains no. 23 (1981) 1-10



L'AFFAIRE DEBIZET :

l'Afrique « francophone » enfin débarrassée des réseaux terroristes gaullistes ?

P.N.-P.A.

Socialiste ou pas, la France peut-elle encore maintenir longtemps dans le statut de bantoustans ses anciennes possessions d'Afrique noire, sans les réseaux terroristes hérités du gaullisme et dont le SAC, condamné à la déliquescence après le scandale d'Auriol, était l'archétype ?

Inspirant des sentiments différents aux uns et aux autres, la question va se poser aux progressistes africains autant qu'à leurs adversaires des états-majors du klu-klux-klan à la française. Même en France (et a fortiori en Afrique) peu de gens avaient osé, avant la tuerie d'Auriol, énoncer la camisole de peur que ces officines avaient mise à la société africaine, par crainte non pas tant des représailles que du ridicule, les sectateurs du Grand Sorcier Foccart ayant placé dans les media un grand nombre d'amis habiles à crier au fantasme et à jeter avec élégance à la cantonade le fameux apophtegme de Paul Valéry, qui prétend que ce qui est excessif est sans importance.

Le moindre mérite d'Auriol, si tant est qu'il puisse décemment être question des vertus d'une pareille atrocité, n'aura pas été de placer enfin sous l'éclat aveuglant du jour au moins une partie importante du dispositif [PAGE 2] terroriste légué par de Gaulle à la « coopération franco-africaine », ainsi que la cruauté des méthodes que ses chefs affectionnent dans leur lutte contre leurs ennemis, y compris les progressistes africains. Ainsi se trouvent confirmées non seulement les analyses que nous avons toujours développées ici concernant le climat politique régnant en Afrique dite francophone, mais aussi les vues prospectives que nous exposions dans le numéro 21 de la revue, paru peu après l'élection de François Mitterrand à l'Elysée, où nous annoncions l'effondrement proche ou du moins l'effacement pour une longue période des organisations activistes d'extrême-droite françaises spécialisées dans le terrorisme anti-nègres aussi bien dans l'hexagone qu'en Afrique même.

Rappelons d'abord brièvement les faits; nous en tirerons la leçon plus loin.

Les maîtres des nouveaux klanmen ont commis l'erreur, toujours fatale au terrorisme raciste, de diriger à la fin leur rage contre des Blancs, eux qui avaient été à l'abri de toute sanction tant qu'ils s'étaient bornés à s'en prendre aux moricauds : qu'on se rappelle les nombreux meurtres d'Arabes et d'Africains – passés pratiquement inaperçus, en tout cas jamais punis, bien que perpétrés dans l'hexagone – qui ont émaillé le septennat de Giscard d'Estaing. Si les cinq morts d'Auriol avaient tous été des moricauds, Africains ou Arabes, il n'est pas acquis que la police eût déployé la même diligence, et qu'elle eût mis si promptement la main sur les coupables, bien que la France fût désormais dotée d'un pouvoir dit de gauche. Après tout Vitry-sur-Seine est encore dans nos mémoires.

Donc, le 19 juillet de cette année, une famille de six personnes, dont un enfant, est sauvagement massacrée une nuit à Auriol, petite commune proche de Marseille. Après quelques jours de recherches seulement, la police peut lancer une nouvelle qui explose dans l'actualité comme une bombe énorme : la principale victime du massacre, l'inspecteur de police stagiaire Massié, ainsi que ses auteurs appartiennent tous au Service d'Action Civique (couramment appelé SAC), organisation activiste du gaullisme militant, plus familière des coups tordus de la semi-clandestinité que des joutes oratoires sur les tréteaux républicains.

Remontant d'autant plus hardiment la hiérarchie de [PAGE 3] l'organisation terroriste qu'elle se sent encouragée par le jeune pouvoir socialiste, Mme Llaurens-Guérin, juge d'instruction, ne tarde pas à inculper et à faire écrouer M. Debizet, secrétaire général du SAC, sous le chef de complicité d'assassinat.

En revanche, Mme Llaurens-Guérin devra mettre de longues semaines, à supposer qu'elle y soit vraiment parvenue tout à fait aujourd'hui, avant d'établir à l'évidence le mobile du massacre. C'est à ce stade qu'elle est en quelque sorte relayée par la presse écrite, dont les enquêteurs, libres enfin de s'en donner à cœur joie à propos de ce SAC intouchable depuis vingt-trois ans, découvrent des faits inconnus, débusquent des hommes trahis par l'écroulement des paravents, recoupent des événements parfois oubliés, braquent enfin pour ainsi dire incidemment les projecteurs dans les coulisses de la politique africaine. Jamais le public profane n'en aura tant appris sur les mécanismes politiques en honneur en Afrique francophone.

Mais ces révélations n'en sont pas vraiment pour nous à la revue Peuples noirs-Peuples africains.

Sans en posséder l'organigramme, il y avait longtemps que nous connaissions l'existence des tentacules africaines ou anti-immigrés du SAC, ne serait-ce que pour avoir subi diverses agressions de leur part, soit individuellement, soit au titre de la publication. Il y avait longtemps que nous savions, par divers faits et diverses sources, que ces individus évoluaient à la frontière du pur banditisme, au point que nous avions pris l'habitude de les désigner sous l'expression « maffia foccartiste », qui, on le reconnaîtra, dit bien ce qu'elle veut dire.

Nous n'avons cessé d'alerter l'opinion publique à propos d'un paradoxe reflétant la substitution occulte et triomphante des réseaux terroristes de Foccard aux institutions voyantes, et de ce fait périmées, du colonialisme français : l'extrême droite française n'a vu dans les indépendances proclamées en 1960 que l'occasion de prendre en main le gouvernement de l'Afrique dite francophone. Les Noirs qui avaient cru se dégager de la tutelle humiliante des tenants de leur infériorité, se sont bientôt retrouvés face à face avec leurs pires ennemis grouillant, sous prétexte d'assistance technique, dans le sérail charismatique des présidents à vie. Ils avaient cru voir poindre [PAGE 4] l'aube d'une ère de progrès, ils ont été noyés dans une barbarie plus épaisse que du temps de la colonisation. Ils se sont figuré que leur dynamisme allait être libéré, les voici plus que jamais sous la botte des professionnels de l'étouffement; car si la tendance naturelle en France même de la droite est de tout asphyxier, que l'on imagine quels peuvent être les réflexes d'un Debizet promu conseiller d'Omar Bongo « pour les questions de sécurité ».[1]

Le ministère dit de la coopération aura été pendant vingt ans mille fois plus malfaisant que l'ancien ministère des colonies, pourvoyant méthodiquement l'Afrique francophone en fanatiques de la suprématie blanche, vrais fous furieux prêts à user de toutes les directions d'intention et autres restrictions mentales pour déclarer communiste – et vouer ainsi aux gémonies et même à la mort – tout Africain qui s'avisait d'avoir un peu de talent, de montrer un peu de dignité, de témoigner si peu que ce soit d'aspirations nobles.

M. Debizet a donc été, selon Le Monde du 30-31 août 1981, successivement conseiller de feu Tombalbaye, ancien président du Tchad, dans les années soixante, et conseiller encore d'Omar Bongo, président du Gabon, dans les années soixante-dix. Auprès de l'un et de l'autre, il était chargé des questions de sécurité (c'est-à-dire, en bon français, de basse police). A ces époques respectives de l'histoire du Tchad et du Gabon, tout observateur un peu averti soit que la chronique des disparitions inexpliquées des citoyens éminents dans les deux Républiques « francophones » fut particulièrement fournie. C'est là un indice éloquent de la manière dont les présidents africains amis de la France traitent leurs oppositions, sur les conseils de M. Debizet, cela va de soi.

Une mort au moins d'opposant tchadien a défrayé la chronique française, et pour cause : cela se passait à Paris même, en 1973. Un matin d'été, le Dr Outel Bono, prétendant notoire à la succession de feu Tombalbaye, un président tchadien vomi par ses compatriotes, mais que la France veut alors à tout prix sauver de la déconfiture, vient de prendre place comme chaque jour au volant de [PAGE 5] sa voiture dans l'intention de se rendre à l'hôpital parisien où il travaille. Un homme (brun, de type arabe, prétendra la presse, sans doute inspirée) s'approche de la voiture, se penche à la portière comme pour demander un renseignement au médecin et fait feu à bout portant sur l'adversaire de Tombalbaye qui expire presque aussitôt. Le style est celui de l'exécution classique d'un contrat façon maffiosi. Bien entendu, l'enquête de police n'aura aucun résultat et le meurtrier du Dr Outel Bono court toujours. Il est vrai que, à cette époque-là, M. Debizet, officiellement, n'est plus le conseiller de Tombalbaye, étant entré entre temps au service d'Omar Bongo. Il est donc au-dessus de tout soupçon ? Voire...

Les opposants gabonais, quant à eux, tombent habituellement avec moins d'éclat. Le cas de feu Germain Mba est cependant assez connu, sans doute à cause de l'envergure internationale de sa personnalité, et de son opposition intermittente au régime d'Omar Bongo. En 1971, il est froidement assassiné à coups de revolver une nuit alors qu'il rentrait à son domicile, ayant passé la soirée dans un cinéma. Malgré les ténèbres, des témoins ont parfaitement distingué les terroristes, deux Blancs. M. Debizet est officiellement conseiller auprès d'Omar Bongo pour les questions de sécurité.

Voici du moins une affaire à laquelle la recherche du mobile de la tuerie d'Auriol a donné une grande publicité : un certain Robert Luong, citoyen français, assigné à résidence à Villeneuve-sur-Lot, en dehors de toute procédure judiciaire, mais sur l'ordre d'Omar Bongo qui lui en veut d'être l'amant de son épouse, est assassiné dans cette ville dans des circonstances qui ne laissent aucun doute sur la responsabilité du roitelet gabonais. Ni la police ni la magistrature françaises ne bougent. M. Debizet est toujours le conseiller d'Omar Bongo pour les questions de sécurité. Il ne saurait donc, en toute hypothèse, être au-dessus de tout soupçon.

On petit lire ces lignes édifiantes dans le Journal du Dimanche du 2 août 1981 : « A ceux qui s'étonneraient de voir des Français dans l'entourage direct du président du Gabon, précisons que sa garde présidentielle, la seule force de l'ordre à laquelle il ait confiance, est commandée par Loulou Martin, ancien colonel de l'armée française et présentement général. Son adjoint s'appelle de Bettencourt, [PAGE 6] lui aussi ancien commandant de l'armée française. Autour d'eux, soixante hommes, anciens légionnaires, parachutistes ou mercenaires, tous cooptés, la piétaille étant fournie par les 1.500 Batéké (la tribu d'appartenance d'Omar Bongo). Ajoutons que 730 assistants techniques français résident au Gabon, ainsi que 500 militaires, et que 140 conseillers techniques militaires servent dans l'armée gabonaise. Précisons encore que Pierre Debizet, patron du SAC, est toujours conseiller technique du chef de l'Etat gabonais pour la rétribution mensuelle de 20.000 F... »

Dans Afrique-Asie du 14-27 septembre 1981, un Gabonais témoigne ainsi : « Le Gabon est devenu une jungle. Tous les bandits y trouvent un lieu de prédilection où ils peuvent évoluer sans être inquiétés de quelque manière que ce soit. C'est ainsi qu'à Libreville il est courant de trouver un peu partout des cadavres d'hommes, de femmes, d'enfants sauvagement mutilés. Aucune enquête n'est jamais faite pour retrouver les coupables de pareils agissements parce que, la plupart du temps, des personnalités politiques y sont mêlées. La vie d'un Gabonais n'a plus de valeur sous le régime Bongo... » Ne faudrait-il pas plutôt écrire : « La vie d'un Gabonais n'a plus de valeur sous le régime Debizet ? ». Voilà en tout cas une situation qui rappelle fâcheusement le Salvador à propos duquel François Mitterrand vient d'adopter, de concert avec le président mexicain, des positions en flèche. Il est vrai que dans le même temps, ou à peu près, il recevait en grande pompe Omar Bongo à l'Elysée. Comprenne qui pourra.

Ce climat de terreur, sciemment organisé par de soi-disant assistants techniques français, à l'imitation de leurs homologues américains opérant en Amérique latine, tout puissants dans les entourages de présidents africains « amis de la France », s'observe dans toutes les capitales de l'Afrique dite francophone, pratiquement sans exception. En ce qui concerne le Cameroun, par exemple, faut-il rappeler les faits mille fois stigmatisés par nous ici ou ailleurs : exécutions d'opposants sur la place publique, extermination fréquente de villages entiers soupçonnés d'abriter des résistants, exposition de têtes de maquisards pris les armes à la main et aussitôt décapités, camps de concentration, disparitions de citoyens soupçonnés d'avoir une activité d'opposition – le tout supervisé [PAGE 7] de la coulisse par des assistants techniques français. Sur place, beaucoup de ces individus ne font guère mystère de leurs véritables fonctions; ce cynisme fait partie d'une stratégie visant à donner le sentiment de leur impuissance aux populations pour saper leur moral et détourner les militants potentiels de toute tentative de s'organiser.

Toutefois, ils se dissimulent souvent aussi derrière des façades fort honorables. Un grand nombre sont, par exemple, dans l'enseignement. On n'imagine pas combien de coopérants enseignants sont des affidés du Grand Sorcier Foccart. Débarquant en Afrique comme maîtres auxiliaires, c'est-à-dire comme agents de statut extrêmement précaire, ils sont, de tous les expatriés blancs, les plus vulnérables aux sollicitations de recruteurs de la nouvelle maffia qui leur fait miroiter une titularisation rapide, et même, s'ils donnent satisfaction, une brillante carrière universitaire en France, à l'expiration de leur contrat. Et les voilà acquis aux idéaux, aux objectifs et aux méthodes de la maffia terroriste française.

Certains de ces individus, sous couvert d'amitié et de solidarité anti-impérialiste, ont fréquemment tenté d'approcher les collaborateurs ou les dirigeants de notre revue, auprès desquels ils étaient de toute évidence chargés de jouer les moutons.

Dieu merci, les coopérants ou anciens coopérants français en Afrique francophone, enseignants ou autres, ne sont pas tous des espions au service de la terreur blanche. On en rencontre qui sont des hommes de bonne foi, de dévouement et même d'abnégation. Certains ont fait preuve sur place d'une conscience chrétienne admirable, préférant renoncer aux avantages divers d'une belle situation plutôt que de trahir leurs idéaux. A la revue, l'expérience nous a appris en quelque sorte à distinguer le bon grain de l'ivraie.

Le déguisement le plus chic, c'est la carte de journaliste, fausse ou vraie. Nous profitons de cette occasion pour mettre en garde les intellectuels et les militants africains, qu'ils résident en Afrique ou en France, contre l'engeance détestable des journalistes français opérant ou ayant opéré en Afrique. Ils ont acquis une dangereuse dextérité dans l'art de tirer les vers du nez aux Africains, en mettant en avant l'exercice désintéressé de leur profession. [PAGE 8]

Un personnage que nous ne cessons de dénoncer ici a longtemps joué ce rôle avec une rare efficacité : il s'agit d'Hervé Bourges qui, après avoir exercé pendant sept longues années l'honorable profession de directeur de l'Ecole Internationale de journalisme de Yaoundé, poste rêvé pour accomplir ses abjectes besognes, a occupé récemment des fonctions aussi importantes que discrètes à l'UNESCO avant d'être nommé le 24 septembre de cette année directeur de Radio France Internationale : homme aux ambitions triviales, il pourra désormais mitonner à grandes brassées la propagande grossière de cette « Voix de l'Amérique » de l'impérialisme français – Radio France Internationale étant aux media français ce que sont les chiottes à la cuisine d'un appartement bourgeois.

D'une manière générale, les dirigeants et les animateurs de la maffia terroriste en Afrique francophone se recrutent dans deux sphères, à peine différenciées d'ailleurs, de la classe dominante française, à savoir les catholiques intégristes et les natifs (ou assimilés) de l'outre-mer. Les deux pères fondateurs de la secte, Foccart et feu Aujoulat, cumulaient précisément ces deux caractéristiques. Sans être né aux colonies, Foccart est allié aux békés des Antilles. A peu près de même âge, Aujoulat, qui était né en Algérie, débarqua comme missionnaire au Cameroun dans l'entre-deux-guerres; il ne tarda pas à y entamer une brillante carrière politique à laquelle les indépendances ne mirent fin qu'en apparence; il demeura un conseiller d'Ahmadou Ahidjo, le dictateur camerounais, jusqu'à sa mort en 1973 : il laissait une pépinière de jeunes loups de l'assistance technique dont un des plus beaux fleurons allait être précisément Hervé Bourges.

Dans cette nouvelle génération de techniciens du terrorisme en Afrique francophone, il est de bon ton de faire état d'une époque, heureusement révolue bien sûr, où l'on a flirté avec le parti communiste français, à moins que l'on n'en ait été membre. La finalité de cette tactique est, en rassurant l'interlocuteur africain (tous les Africains ne sont-ils pas sectateurs ou sympathisants de M. Marchais, selon un fantasme qui a la vie dure dans la bourgeoisie française imprégnée de colonialisme ?), de le conditionner de telle sorte qu'il se laisse aller à la confidence et livre son secret.

On ne dira jamais assez combien ces techniques, qui, en [PAGE 9] définitive, relèvent du plus vulgaire terrorisme, ont rempli leur office : n'ont-elles pas pendant longtemps et pour longtemps pétrifié d'horreur les populations d'Afrique francophone dont la vie politique paraît étrangement pâle si on la compare à celle, bouillonnante, des populations sœurs de pays anglophones voisins ?

Le démantèlement des officines terroristes françaises en Afrique francophone se produira nécessairement maintenant, du fait de la chute de Debizet et de la déliquescence du SAC qui doit en être la conséquence. Une telle évolution doit avoir pour effet de libérer à nouveau le dynamisme de nos leaders, l'énergie militante de notre jeunesse, la vitalité des organisations de masse, l'espérance des exilés. C'est d'ailleurs ce que chacun constate déjà à mille signes qui ne trompent pas.

L'effervescence de ce renouveau contrastera cependant de plus en plus fâcheusement avec la pleutrerie ou, peut-être mieux encore, l'hypocrisie papelarde du nouveau pouvoir français de « gauche », qui, apparemment oublieux de toutes les promesses du Parti Socialiste faites quand il était dans l'opposition, semble se disposer à chausser les bottes du giscardisme africain. Voilà qui n'est pas fait pour rassurer même les esprits les plus modérés – auxquels nous reconnaissons bien volontiers, mais non sans fierté, ne pas appartenir.

Comment François Mitterrand compte-t-il maintenir l'Afrique francophone dans le corset de contraintes (politiques, économiques, sociales, culturelles) légué par les héritages conjugués du giscardisme safariste et de l'archéo-gaullisme, tout en se débarrassant des hommes et des pratiques qui formaient le soubassement de la coopération franco-africaine façon Debizet, Foccart et compagnie ?

Comment étouffer notre dynamisme créateur, comment réduire nos intellectuels au silence, comment diviser en permanence nos dirigeants politiques, comment opposer ethnies et factions entre elles, comment continuer à dominer l'Afrique et à la piller, en un mot comment juguler notre légitime appétit d'un destin autonome sans mettre en œuvre les techniques du terrorisme sournois qui ont si brillamment réussi depuis vingt-trois ans ?

François Mitterrand ne se condamne-t-il pas, bon gré mal gré, à fabriquer, tôt ou tard, ses propres Foccart et [PAGE 10] ses propres Debizet, pour garder cette Afrique décidément indispensable autant qu'introuvable, dont un journaliste du Monde nous disait récemment, sur un ton goguenard, que le nouveau président venait d'attraper le virus, tout comme son prédécesseur ?

Décidément la France est de plus en plus malade de l'Afrique. Le temps qui passe, loin d'apporter aucun soulagement, exaspère au contraire le mal.

P.N.-P.A.

N.B. – Un certain Yves B. Ngapet, un de ces petits aventuriers aussi inconsistants qu'irresponsables, dont notre continent est malheureusement prodigue, ayant tenté d'impliquer Peuples noirs-Peuples africains dans ses magouilles avec le Parti Socialiste Français, nous nous devons de rappeler à tous nos amis et lecteurs que ni la revue Peuples noirs-Peuples africains ni Mongo Beti, son directeur, ne sont parties prenantes dans aucun projet, combinaison ou spéculation ayant pour finalité la conquête du pouvoir politique dans une République africaine.

Non que nous nous désintéressions du sort des populations africaines livrées au caprice du capitalisme sauvage des firmes françaises ni du combat nécessaire contre toutes les formes du néo-colonialisme – bien au contraire !

Mais il saute aux yeux de tous les hommes de réflexion que Peuples noirs-Peuples africains perdrait toute sa crédibilité si la publication, cessant d'être la tribune de tous les combattants de l'émancipation des Noirs, devenait le tremplin d'ambitions individuelles ou partisanes.

Nous reviendrons sur cette affaire (et sur une autre non moins significative) dans le prochain numéro.


[1] A 20.000 F avoués de gages mensuels! Bigre, messieurs les intégristes ne sont pas précisément des champions du renoncement !