© Peuples Noirs Peuples Africains no. 19 (1981) 152-156



NOTE DE LECTURE

C.M.B. BRANN

J.C. ANAFULU, CHINUA ACHEBE : Index préliminaire. Notes de la bibliothèque de Nsukka 3(1978) v. 52 pages (437 citations).

Ecrire une bibliographie d'un auteur vivant et à l'apogée de sa production est une œuvre d'amour en même temps qu'une tâche ingrate, car elle est destinée à être caduque dans des délais très courts. Si l'on veut qu'elle ait une valeur durable, il faut qu'elle donne des renseignements complets sur la période que l'on étudie et offre au chercheur une base de recherche solide.

Cette bibliographie ne répond qu'en partie à cet objectif : la raison principale en est le nombre restreint d'ouvrages de référence auquel le bibliographe peut se référer; la plupart des citations sont extraites de bibliographie existantes plutôt que de l'œuvre elle-même. En ce qui concerne les monographies, c'est la bibliographie de Jahnheinz Jahn et Claus Peter Dressler (1971) qui a été la source principale de renseignements, surtout en ce qui concerne les traductions des ouvrages de Achebe : elle s'arrête probablement en 1969. Pour les traductions [PAGE 153] ultérieures, il aurait fallu consulter l'édition annuelle de l'Index Translation (Unesco, Paris). Pour la littérature parue dans les magazines, les séries bibliographiques de Bernth Lindfors : Bibliographie des articles littéraires dans les journaux nigerians (1946-1972) est cité comme provenant de l'« Association des langues modernes, New York – Section annuelle des littératures africaines à partir de 1970 – » alors que cette collection a été corrigée et publiée par Ibadan University Press sous forme de volumes en 1975.

Pour les thèses sur l'auteur qui nous intéresse, on a cité les compilations de M. Bratton et A. Schneller (1973), on aurait pu y ajouter la liste des thèses de Peter Duignan rassemblée par les bibliothèques microfilmées Universitaires (ce qui aurait permis à M. Anafulu d'ajouter ces références utiles à l'index des microfilms universitaires);mais surtout il aurait fallu consulter et citer des listes de thèses similaires dans le Royaume-Uni, en Allemagne et dans les pays francophones. Pour ces derniers en particulier, les publications Cardan Paris qui possèdent une mine d'œuvres d'Achebe en français, y compris en Afrique francophone – où il exerce sûrement une influence importante.

La liste elle-même présente l'œuvre d'Achebe divisée en genres littéraires – romans, nouvelles, essais, interviews, poèmes, littérature pour enfants;tandis que la critique a été divisée en ouvrages généraux et critiques se rattachant spécifiquement à la production d'Achebe.

A l'intérieur de chaque division, on a répertorié l'œuvre de Achebe par ordre alphabétique des titres. Bien que cette disposition facilite la consultation, elle n'est pas d'une lecture aisée pour le chercheur qui aurait peut-être préféré l'ordre chronologique éclairant l'évolution de l'auteur. Il résulte de cette présentation par ordre alphabétique des répétitions comme no 97 « La langue anglaise et l'écrivain africain », essai célèbre qui est sûrement la même chose que le no 91 « L'écrivain africain et la langue anglaise », titre qu'il porte définitivement dans le recueil d'essais « Morning Yet on Creation Day ». Un double classement l'aurait mis à sa place. En fait, la plupart des essais de ce volume ont été publiés auparavant, fait qui n'est pas clairement mentionné dans l'index récapitulatif. [PAGE 154]

Alors que l'on a heureusement cité les traductions des ouvrages de Achebe, elles ne sont pas à jour ainsi que cela a déjà été mentionné. De plus, pour des raisons inconnues, les titres des traductions dans les langues des pays d'Union Soviétique sont restés secrets, alors qu'on les a indiqués lorsqu'il s'agit d'autres langues marquantes. Ceci ôte au lecteur le plaisir de comparer les transpositions tout à fait différentes des titres originaux des romans. Ainsi par exemple Things fall apart. Ceci est traduit en français par Le monde s'effondre et Un mundo se aleja en espagnol, ce qui est juste, mais en italien Le locuste bianche qui, bien qu'élégant, n'est pas exactement approprié. Pour l'allemand Okonkwo, loder das Alte Stürtzt et non « sturtz » qui figure dans l'index, a un caractère dramatiquement énigmatique, approprié à cette langue tout comme à l'école Jahnsienne des Mystagogues.

Si l'on prend le dernier roman mentionné dans la préface par le compilateur dont « certains estiment que c'est ce qui se rapproche le plus d'une épopée nationale Igbo», celui qui étudie le domaine littéraire d'Achebe aurait bien aimé savoir le nombre d'éditions et même de tirages d'une édition et si possible d'exemplaires de chaque tirage pour évaluer complètement la manière dont cette épopée nationale a été reçue. Il ne s'agit pas d'arracher à Heinemann ses secrets commerciaux, mais le fait que Things fall apart est régulièrement depuis plusieurs années au programme du certificat de fin d'études secondaires pour l'Afrique occidentale – ce qui ajoute la fortune à la renommée de Achebe – est tout à fait significatif. Et puisque notre auteur n'a écrit qu'un nombre restreint de romans, il aurait été possible de s'aventurer dans ces arcanes, avec le consentement bien entendu de l'éditeur. Ce serait l'œuvre d'un chercheur en même temps que d'un bibliographe qui préparerait le terrain pour les futurs historiens de la littérature. Pour un professeur de littérature anglaise – ce qu'il est maintenant – ce doit être particulièrement encourageant et même distrayant de voir grossir le volume des ouvrages de critique sur son œuvre.

M. Anafulu a inclus non seulement les monographies et les articles mais aussi les thèses non publiées. A cet égard l'index se surpasse, car il serait certes difficile de se procurer le no 164, à savoir « Conférence donnée [PAGE 155] dans le cadre d'un forum sur l'Afrique à l'université wesleyenne de l'Ohio, 1969 ». En ce qui concerne cette conférence, si elle avait eu quelque qualité, le texte en aurait maintenant été publié. Le nombre de textes de conférence et de travaux de séminaires non publiés sur l'œuvre de Achebe doit se compter par centaines. Il est sûrement utile d'avoir une liste des thèses de doctorat d'Etat et autres, mais cela aurait été autrement utile si on avait noté le titre sous lequel elles ont été publiées, quand elles l'ont été ou bien, lorsqu'il s'agit d'ouvrages d'Amérique du Nord, des archives microfilmées des bibliothèques universitaires.

La présentation des articles, d'autre part, est parfois confuse : parfois on nous renseigne sur la ville où le journal est publié, parfois non. Devons-nous supposer que tous les journaux écrits en français – tels no 116 publié dans La Pensée - ont leur siège dans la Ville-Lumière ? On aimerait connaître l'adresse de la publication « Les Lettres Nouvelles ». Les titres des publications apparaissent sous diverses formes, ainsi Prés. Afr, (230), Prés. Africaine (210), Présence Afr. (209) et enfin l'explicite Présence Africaine (237).

Les titres de journaux eux-mêmes, quand ils ne sont pas prosaïquement descriptifs, comme J. Comm Lit. (sous diverses formes), pourraient constituer la trame d'un poème : Odu, Joliso, Okike, Umoja, Conch, Ufahanu, Oduna, Ikorok, Ba Shiru, Asemka, Obsidienne, qui témoignent d'une négritude virile et pleinement assumée, tandis que Compréhension, Transition, Retour, Phare, Tambour peuvent constituer tout un programme, mais sont bien moins évocateurs.

Maintenant que nous avons le monumental Périodiques africains de Carole Travis (Boston, GK Hall, 1977), quelque érudit versé dans les recherches bibliographiques – bibliomètre ou bibliopoète ? – pourrait entreprendre une exploration de ces titres, faisant ainsi surgir une forêt de sortilèges.

Si l'on met de côté ces quelques incongruités dans la présentation des citations, l'absence de diacritique sur les mots et les noms non anglais, et les rares fautes d'orthographe sur les titres étrangers (no 601), l'index est un modèle d'ordre et de sobriété, et un trésor pour les Achebephiles, qui auront la chance d'en obtenir un exemplaire [PAGE 156] à la bibliothèque de l'Université nigeriane de Nsukka.

Enfin, l'index des auteurs montre que d'autres écrivains/critiques ont une prédilection pour Achebe. C'est le cas de Ekwensi (7 citations), Ngugi (7 citations) et Soyinka (7 citations aussi). Parmi les critiques non nigerians, c'est Berth Lindford qui vient en tête avec pas moins de 22 articles, tandis que Eldred Jones de la Sierra Leone se remarque par 6 essais; l'écrivain Gerald Moore, Anglais résidant au Nigeria, et Obiechina en ont 6. Le regretté Oguybesan 3,0. Taiwo 4, Nwoga 4 et Irele 3, pour ne citer que les plus importants et les articles le plus souvent cités.

Une table des matières aurait fourni un outil de recherche supplémentaire pour évaluer l'impact de Achebe sur la critique socio-littéraire et socio-linguistique contemporaine. En fait avec une remarquable modestie, M. Anafulu a écrit un index préliminaire qui, nous l'espérons, sera le précurseur et le catalyseur de matériel bibliographique plus détaillé sur ce romancier-critique ou ce critique-romancier nigerian.

C.M.B. BRANN
Dept. of Languages & Linguistics,
University of Maiduguri (Nigeria)
(décembre 1979).

P.S. – M. Joseph C. Anafulu est vice-bibliothécaire universitaire (Services Publics) à l'Université Nigeriane de Nsukka.