© Peuples Noirs Peuples Africains no. 17 (1980) 141-148



DÉCLARATION

DENONÇONS LA MESURE FASCISTE DE DISSOLUTION DE LA F.E.A.N.F.

F.E.A.N.F.

Le gouvernement français vient de dissoudre la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France.

La bourgeoisie impérialiste française vient ainsi de franchir un pas de plus dans la fascisation.

Cette mesure intervient à un moment où, empêtrée jusqu'au cou dans la crise du système capitaliste -révisionniste mondial, la bourgeoisie impérialiste française, aidée par des révisionnistes et réformistes de toutes nuances, cherche les moyens d'en rejeter les conséquences sur la classe ouvrière et le Peuple français, les travailleurs et étudiants étrangers, les pays néo-coloniaux et dominés. La montée de la lutte des peuples de par le monde, en France et dans les néo-colonies aggrave cette crise. La bourgeoisie impérialiste française s'est engagée dans une politique de restructuration capitaliste dont les conséquences sont -.

– la liquidation de secteurs entiers de production devenus moins rentables d'où les fermetures d'entreprises, l'accroissement du chômage, etc.

– La remise en cause des droits démocratiques et sociaux acquis de haute lutte par le peuple français par :[PAGE 142]

    – les atteintes au droit de grève et de manifestation;
    – les atteintes aux droits acquis en matière de santé
    – les atteintes au droit à l'instruction par les fermetures

d'écoles, le démantèlement de filières entières de l'université française, le renforcement de la sélection, l'intégration directe des centres de recherche aux monopoles impérialistes et l'exclusion de plus en plus des enfants des ouvriers, etc.

Pour imposer cette politique anti-populaire, la bourgeoisie impérialiste a mis en place un dispositif législatif répressif que vient renforcer le Projet Peyrefitte pour réprimer et tenter d'étouffer les luttes populaires. Elle a érigé en méthode de gouvernement la xénophobie et le racisme en présentant les étrangers comme étant les responsables de la crise dans le but de mystifier et divertir la classe ouvrière et le peuple français, cultiver en leur sein le chauvinisme pour briser la solidarité de lutte nécessaire entre travailleurs et étudiants français et étrangers, tous victimes de cette même politique.

C'est à cette fin que la bourgeoisie impérialiste française multiplie les mesures, décrets et lois racistes et fascistes Barre-Bonnet-Stoléra-Imbert qui codifient et légalisent la répression, les expulsions arbitraires, les atteintes au droit d'accès libre à l'université ainsi que le décret-loi sur les associations étrangères de 1939.

Cette mesure fasciste intervient à un moment où l'on assiste à l'approfondissement de la hotte de classes dans le monde, en Afrique et singulièrement dans les anciennes colonies françaises avec l'émergence de partis communistes authentiques dans certains pan élevant ainsi le niveau des luttes populaires. Cette évolution de la lutte des peuples africains provoque la panique dans le camp de la réaction et le renforcement de l'alliance entre les impérialistes français et les régimes fantoches qu'ils ont installés au pouvoir en Afrique pour garantir lents intérêts, étouffer la lutte des peuples africains et conjurer la révolution.

La crise a également exacerbé les rivalités inter-impérialistes au point d'obliger les impérialistes français a soigner davantage leurs rapports avec les bourgeoisies réactionnaires au pouvoir en Afrique pour espérer préserver leurs « chasses gardées ». C'est le sens des multiples interventions militaires françaises en Afrique. La récente déclaration du Premier ministre français Raymond Barre [PAGE 143] devant l'Assemblée nationale comparant les universités françaises à un dépotoir qui servirait de refuge aux étudiants étrangers pour organiser la subversion contre les régimes politiques en place dans leurs pays d'origine, illustre parfaitement l'orientation franchement fasciste de la politique de l'impérialisme français.

Voici autant d'éléments qui éclairent les objectifs de l'impérialisme français. Ce qui est en cause, ce n'est pas l'immigration tout court. L'impérialisme a besoin de la main-d'œuvre immigrée mais il la veut docile, taillable et corvéable à merci. Ce qui est en cause, c'est la fraction la plus consciente et la plus combative de l'immigration qui lutte et montre sa détermination à développer la solidarité avec la classe ouvrière française pour refuser ensemble de faire les frais de la crise au moment même où la classe ouvrière retrouve son parti communiste (le Parti communiste des ouvriers de France P.O.C.F.), lequel travaille à arracher les ouvriers à l'influence nocive de la bourgeoisie, des réformismes et révisionnistes, diviseurs et fossoyeurs des luttes ouvrières et populaires en France. La bourgeoisie impérialiste et les révisionnistes redoutent la révolution. C'est pourquoi ils ne reculeront devant rien pour tenter de la conjurer.

Depuis sa création en 1950, la F.E.A.N.F. a toujours pris le parti des peuples contre l'impérialisme. Elle s'est toujours attachée à défendre les intérêts matériels et moraux des étudiants africains dont les conditions de vie n'ont cessé de se dégrader pour atteindre aujourd'hui da limite du supportable avec les lois Barre-Bonnet-Stoléru-Saunier-Seité et le décret Imbert.

Grâce à son orientation anti-impérialiste, la F.E.A.N.P. a fait prendre conscience aux étudiants africains de la nécessité de lier leur sort à celui des peuples d'Afrique dont ils sont partie intégrante et qui vivent dans la misère la plus noire.

Les étudiants africains ont acquis la conviction que la domination impérialiste sur l'Afrique depuis la colonisation jusqu'à nos jours constitue la cause fondamentale de la misère des peuples africains et explique leur présence ici en France.

C'est pourquoi la F.E.A.N.F. s'est toujours rangée aux côtés des peuples africains dans leurs luttes contre l'impérialisme international, français en particulier. La F.E.A.N.F. a constamment dénoncé les affres de la domination impérialiste colonialiste et néo-colonialiste et contribué ainsi à la prise de conscience grandissante [PAGE 144] des peuples africains, de la jeunesse notamment sur les causes d'exploitation et l'humiliation dont ils sont victimes.

C'est pourquoi la F.E.A.N.F. a toujours constitué la cible à abattre pour les impérialistes français et leurs complices et alliées les bourgeoisies réactionnaires africaines.

Depuis 1977, l'impérialisme français a sorti de ses tiroirs le décret-loi de 1939 pour tenter d'imposer aux organisations étrangères, à la F.E.A.N.F. en particulier de nouveaux statuts dans lesquels ces organisations dont la F.E.A.N.F. doivent renoncer à « faire de la politique » c'est-à-dire se faire les complices par leur silence de la politique d'exploitation et de misère des impérialistes français et de leurs valets et alliés africains notamment. Devant le refus de la F.E.A.N.F. d'obtempérer, la police de l'impérialisme français a alterné hésitation et menace de dissolution. Alors pourquoi cette mesure intervient-elle aujourd'hui ?

Aux autres raisons invoquées plus haut notamment l'approfondissement de la lutte de classes sur le continent africain, il faut ajouter :

1) la tenue victorieuses du 33e congrès extraordinaire qui a permis à la F.E.A.N.F. de surmonter la crise qui la minait et dont ses ennemis les impérialistes, leurs agents et les liquidateurs en notre sein espéraient sa mort certaine. C'est au grand dam des ennemis de la F.E.A.N.P. que le 33e congrès a fait le bilan critique de la vie et de l'orientation de la Fédération depuis sa naissance et indiqué la nécessité de rompre avec les flottements du passé pour placer plus nettement et plus conséquemment la F.E.AN.F. dans le camp des peuples et de la révolution en appelant les étudiants africains à :

– Dénoncer et combattre l'impérialisme, le social-impérialisme, la bourgeoisie, la réaction et l'opportunisme; cultiver en leur sein l'attachement à la démocratie et le désir de participer à la révolution.

– Rejeter l'influence du spontanéisme et du populisme des révolutionnaires prétendument sympathisants du M.L. qui, au lieu d'œuvrer à la création du parti marxiste-léniniste viennent faire jouer au mouvement étudiant le rôle d'avant-garde, de « groupernent dirigeant » de la classe ouvrière et de nos peuples.

– Lier notre sort à celui des ouvriers et paysans en luttant pied à pied pour la défense et le respect de nos droits démocratiques [PAGE 145] et sociaux et refuser de jouer le rôle d'agents del'impérialisme et de la bourgeoisie.

– Soutenir et populariser les justes luttes de la classe ouvrière et des peuples dans nos pays en Afrique et dans le monde; soutenir l'Albanie socialiste.

– Se convaincre de la nécessité de la direction de la classe ouvrière en se mettant consciemment sous l'influence de son idéologie par une appréciation correcte de la situation objective et subjective sur les plans international, africain et national.

Approfondir notre connaissance des réalités économiques et sociales de nos sociétés et des expériences de lutte de libération nationale et sociale dans le monde.

2) La reprise des activités de la F.E.A.N.F. à la lumière de la nouvelle orientation après une période de léthargie, de désarroi politique et de flottement due à la crise que traversait notre organisation. Au nombre de ces activités, citons :

a) le grand meeting du 1er mars en commémoration de la journée du 21 février;

b) la manifestation dans la rue le 1er mai aux côtés de la classe ouvrière et de la jeunesse révolutionnaire de France à Paris et en province;

c) la participation active de la F.E.A.N.F. aux récentes luttes contre les lois et décrets fascistes et xénophobes et dans les universités notamment en province.

Aujourd'hui, en France, plus aucune association ou organisation anti-impérialiste n'est a l'abri de cette mesure fascite et répressive. Avant la F.E A.N.F., d'autres organisations anti-impérialistes ont été frappées de la même mesure dont les dernières en date sont : l'Association des étudiants et stagiaires Dahoméens en France (A.E.D.) en avril 1979; le Mouvement des travailleurs ivoiriens en France (Mo.T.I.F.) en juin 1979; l'Union nationale des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire (U.N.E.E.C.1.) en février 1980, l'Association des étudiants d'origine malgache (A.E.O.M.) en 1980.

La mesure répressive et fasciste de dissolution de la F.E.A.N.F. vise à empêcher la prise de conscience des étudiants africains et étouffer la voix protestataire de la jeunesse africaine ainsi que la popularisation des justes luttes des peuples d'Afrique.

Mais la vie nous enseigne que la répression n'a jamais réussi [PAGE 146] à arrêter la roue de l'histoire. la répression fasciste de l'impérialisme français ne pourra jamais tuer -la prise de conscience grandissante et le désir ardent de la jeunesse africaine, organisée au sein de la F.E.A.N.F. notamment de participer aux côtés des peuples d'Afrique à la révolution sous la direction de la classe ouvrière et de son parti, le Parti communiste authentique.

Notre conviction est donc claire : rien, absolument rien 'le peut sauver durablement la bourgeoisie impérialiste française, ses complices et alliées les bourgeoisies réactionnaires africaines et leur système pourri et agonisant de leur fin inéluctable.

Ainsi apparaît clairement la nature politique de la mesure qui frappe la F.E.A.N.F. Cette mesure fasciste est inacceptable et doit être dénoncée par tous les hommes attachés a la liberté et à la démocratie.

La F.E.A.N.F. fait appel à toutes les forces de progrès, aux organisations démocratiques en France et dans le monde pour condamner et dénoncer cette mesure fasciste et en exiger l'abrogation pure et simple.

NON A LA DISSOLUTION DE LA F.E.A.N.F.!
LES PEUPLES DU MONDE VAINCRONT!
LES PEUPLES D'AFRIQUE VAINCRONT!
VIVE LA F.E.A.N.F. !

Paris, le 18 juin 1980
Le Comité exécutif de la F.E.A.N.F.