© Peuples Noirs Peuples Africains no. 16 (1980) 98-99



POEMES

Gilles CISSOKO et Matondo Kubu TURE

COMPLAINTE DE LA FEMME NOIRE

          A notre mère pour son éternel amour

Homme noir, Homme d'Afrique !
Quelle vie me réserves-tu ?
A quel destin suis-je liée?
Pourquoi me dis-tu que je suis aveugle?
Suis-je uniquement faite pour le foyer ?
Souviens-toi ! Homme noir, qu'ensemble
Nous avons vécu le même passé.
La triste vie de la traite des esclaves
Les sombres années de la colonisation
L'âpre lutte de la libération.
Alors oublies-tu ce récent passé ?
Je réclame le chemin de l'égalité
L'égalité dans le travail
Rappelle-toi que ta lutte est aussi mienne
Cette lutte pour la liberté,
Cette lutte contre la misère de nos peuples.
Homme noir ! Homme d'Afrique !
Dans les usines, les bureaux,
Dans les champs, les chantiers
Travaillons ensemble
Car notre dignité, notre liberté
Sont entre nos mains.
Faisons de la vie de nos peuples
Un avenir vivable et serein.

Gilles CISSOKO

[PAGE 99]

AOUT 1963

quand j'appris les termes de la chanson qui a faim
il était matin sur mon enfance
par un soleil futile de la saison
au lointain de mes dix ans
je me tenais planté à la véranda
la rue fêtait une espèce de cirrhose éclatée
blindés de l'armée française en bastion
police locale sur les nerfs
mais la villa de monsieur le député-ministre
crevait au surgir des cris

13,14,15 août 1963
quelle émotion étranglait mes horizons enfantins
était-ce dur à comprendre
13, 14, 15 août 63 à Mfwa
je dépeçais ma joie enfin découverte

mais sur quel fronton de palais
échouent les salives en herbe
bien que malades de leurs molécules
seul un peuple organisé
triomphe de ses bourreaux

16, 17, 18 et caetera
le clan des encravatés se mit à distribuer
des centimes d'avenir dévalué
seul un ...
oui lui seul...

Matondo Kubu TURE
Cluj Octobre 1972.

Tiré de « Ces visages noirs du pays qui tue » Tome II, à paraître aux éditions Saint-Gemain-des-Prés.