© Peuples Noirs Peuples Africains no. 15 (1980) 84-105



DU BON USAGE DE MARX ?

Y. Enagnon

(A propos du livre d'Amady Aly Dieng Hegel, Marx, Engels et les problèmes de l'Afrique Noire, éd. Sankoré, Dakar, 1978.)

Dans cet ouvrage de dimensions modestes (157 pages) et constitué de deux textes écrits en 1975, l'auteur, sénégalais, enseignant à l'Université de Dakar, se défend tout d'abord de chercher « à résoudre les problèmes de l'utilisation du marxisme en Afrique Noire » (p. 5). Il entend, dit-il, « susciter des discussions de fond autour des difficultés de l'application du marxisme dans les pays où le prolétariat industriel n'est pas encore très développé ».

Projet bien d'actualité, dirions-nous à première vue, à l'heure où, comme le rappelait récemment le journaliste J.C. Pomonti, « le socialisme n'a jamais été tant galvaudé ».[1] Projet qui s'inscrit apparemment dans une perspective de recherche, empreinte de sérieux et de modestie, si l'on s'en tient à la profession de foi de l'auteur : « la bonne volonté est notre seule arme; la maîtrise du marxisme nous fait défaut » (p. 5).

Mais à y regarder de plus près, quel sens peut avoir cette distinction, pourtant présentée comme fondamentale, entre [PAGE 107] « les problèmes de l'utilisation du marxisme » et « les difficultés de l'application du marxisme » ? L'auteur d'ailleurs ne se contredit-il pas lui-même quelques lignes plus loin en affirmant : « ce que nous visons ici c'est de créer les conditions d'une véritable discussion sur le rôle du marxisme dans la solution des grands problèmes de notre continent » (P. 5) ?

Ce manque de rigueur dans la définition du but poursuivi est quelque peu troublante, particulièrement quand elle émane d'un enseignant, ceci d'autant plus que « ce texte », selon la présentation de l'éditeur, « est le fruit d'une réflexion et d'un enseignement donné dans le cadre de la Faculté de Droit et de Sciences Economiques de l'Université de Dakar en 1975 ».

S'interroger en réalité sur les « difficultés de l'application du marxisme » impliquerait, à mon sens, que l'auteur se livre à une analyse concrète de questions comme celles de la nature de l'Etat dans les sociétés africaines contemporaines, du mode de production, des classes et de la lutte de classe, de la nécessité et du rôle d'un parti marxiste-léniniste par exemple. A aucun moment pourtant, nous ne serons confrontés à de telles études, si ce ne sont de vagues allusions au mode de production asiatique qui sont loin de s'appuyer sur l'état actuel des recherches en ce domaine, et une référence dans le dernier chapitre aux classes au Sénégal, à propos d'un ouvrage de Majhemout Diop.

Toujours pour en rester au niveau des intentions déclarées de l'auteur, nous sommes amenés aussi à constater que, quoi qu'il en dise, A.A. Dieng ne fait pas en l'occurrence œuvre de pionnier : « il faut bien que quelqu'un commence, même s'il doit commettre des erreurs » (p. 5). La même orientation n'a-t-elle pas été adoptée par son compatriote L.S. Senghor, dès 1948, quand s'interrogeant sur le marxisme en lui refusant tout caractère scientifique et universaliste, il débouchait sur des affirmations de cet ordre : « Les conclusions du Capital ne sont valables que pour la seule Europe Occidentale », ou encore « le "matérialisme historique" n'est qu'une théorie commode pour expliquer la civilisation de l'Europe Occidentale »[2] ? [PAGE 108]

Du point de vue exposition, les trois premiers chapitres traitent des positions de Hegel et de Marx vis-à-vis de l'Afrique Noire, les six chapitres suivants, qui embrassent des réflexions sur les notions de civilisation, de négritude, de philosophie, se caractérisent par un rétrécissement, puis une disparition de l'appareil critique marxiste; on ne retiendra, en ce qui concerne le dixième et dernier chapitre, d'ailleurs très bref, que quelques références au marxisme, quand l'auteur expose « la curieuse démarche pour un homme qui se réclame du marxisme » de M. Diop, présenté pourtant précédemment comme « un homme politique qui utilise le marxisme comme instrument d'analyse » (p. 130). Combat d'arrière-garde, mais pour ou contre le marxisme ?

Répondre à cette question, c'est étudier non seulement la méthode suivie par A. A. Dieng, mais aussi quelques-unes des idées qu'il développe.

Dieng part d'une très bonne intention : critiquer l'européo-centrisme de certains « marxistes européens » qui ont eu une influence sur la formation des intellectuels africains, et dont les vues ont souvent distordu les problèmes réels posés par l'étude des sociétés africaines passées en particulier. Il est toutefois surprenant qu'à la date de publication de son livre, il ne retienne que les chercheurs liés au PCF (dont on sait que les positions sur le plan idéologique et la pratique politique sont depuis les années soixante vivement critiquées comme révisionnistes); ces chercheurs ont effectivement la plupart du temps emboîté le pas à leur parti qui a peu à peu bâti un monument d'opprobre à Staline et à Mao Tsé-Toung, en faisant le silence sur leurs œuvres théoriques ou en les caricaturant. Mao Tsé-Tung en particulier, dans Réformons notre étude, dénonce le dogmatisme dans l'utilisation du marxisme, le caractère superficiel et non dialectique de son application à l'étude de la société chinoise. En ignorant de telles œuvres marxistes qui ont influencé des chercheurs européens contemporains, A. A. Dieng, dans un langage familier, car il rappelle celui de L. S. Senghor, n'est-il pas amené à enfoncer des portes ouvertes en affirmant (p. 41) que « les marxistes africains » doivent « appliquer d'une manière créatrice le matérialisme dialectique et historique à l'étude de leur société » ? Il ne lui a fallu que trente pages pour arriver à cette conclusion originale.

A. A. Dieng consacre par ailleurs beaucoup de temps à nous montrer la responsabilité de Hegel dans l'élaboration [PAGE 109] des conceptions européo-centristes sur l'Afrique; il s'interroge ensuite sur les survivances des vues hégéliennes chez Marx et Engels. Selon lui, Marx et Engels auraient été victimes des idées répandues dans les milieux cultivés de leur époque, ce qui les aurait empêchés de rompre totalement avec les conceptions hégéliennes. Quelles preuves, entre autres, Dieng apporte-t-il à l'appui de cette affirmation ? Marx et Engels auraient ignoré, selon l'auteur, les sociétés africaines, asiatiques, indiennes d'Amérique et océaniennes; et il ne pouvait en être autrement dans la mesure où ils ne connaissaient que des langues européennes, et même parmi celles-ci ils ignoraient l'espagnol, le portugais et le hollandais (langues des premiers colonisateurs). Vérité ou contrevérité ? Engels, dont les dons de polyglotte sont bien connus et dont la collaboration avec Marx a été permanente, parlait douze langues et en lisait vingt; selon Paul Lafargue, il écrivait dans le plus pur castillan et dans un portugais impeccable; en 1852, il a appris le russe; puis la guerre de Crimée et l'actualité des problèmes orientaux l'ont poussé à étudier le persan; en 1864, il s'est mis à l'étude des langues scandinaves, des langues hollando-flamandes, du roumain et du bulgare.

Ce n'est là qu'un exemple limité de la faiblesse de l'argumentation d'A. Aly Dieng. Il semble que ce soit là malheureusement l'illustration de la méthode suivie par l'auteur : ou bien apporter des « preuves » qui n'en sont manifestement pas, au bien s'enthousiasmer, sans esprit critique, pour des thèses récemment exposées, mais pourtant souvent discutables d'un point de vue marxiste telles que celles de M. Tawa et de P. Hountondji sur la philosophie africaine, ou bien encore esquiver le débat par manque de temps ou de compétence. Sur ce dernier point, nous avons relevé quatorze passages où A. A. Dieng nous renvoie à d'autres études (souvent sans référence précise), ou nous promet un approfondissement ou une analyse ultérieure. Que penser, quand, à propos de la négritude, par exemple, il en vient par ce procédé à esquiver le débat sur le fond ? Ainsi, à l'égard du mathématicien sénégalais Souleymane Niang, auquel est consacré le Chapitre IX et dont il oublie de mentionner que la communication s'est située dans le cadre du Colloque sur la Négritude, organisée par l'UPS à Dakar en 1971, un détail pourtant non négligeable, il est d'abord tout miel et tous sourires : « l'intérêt réel et sympathique que nous [PAGE 110] porterons aux réflexions philosophico-sociales d'un Africain comme nous sur sa pratique scientifique justifie une discussion fraternelle »; il passe ensuite rapidement sur la profession de foi pro-négritude de Niang qui amenait pourtant ce dernier à déclarer : « l'émotion est aussi incontestablement une valeur de la négritude. Et par cette valeur la Négritude contribuera au développement de la mathématique », ou encore, « c'est de l'intuition que naît l'induction dont le processus ne se déclenche qu'une fois la propriété sentie. Et le pouvoir intuitif du nègre est remarquable ».[3] D'où le faux raisonnement syllogistique :

    L'intuition est à la base des mathématiques,
    Or, le nègre est intuitif,
    Donc l'intuition nègre contribuera au développement des mathématiques.

CQFD, et la Négritude est réconciliée avec les sciences. Mais tout cela bien sûr ce n'est pas de la politique ! En effet, A. A. Dieng s'empresse de déclarer qu'il se refuse à approfondir les implications socio-politiques des relations entre les conceptions de Niang et celles des théoriciens de la négritude (p. 140). N'était-ce pourtant pas là l'essentiel, hors de quoi tout n'est que bavardage, mais peut-être pas si inoffensif qu'il y paraît !

Peut-être après tout sommes-nous trop exigeants. La table des matières nous promet un chapitre sur la Négritude; sans doute l'auteur y aura-t-il fait le point des critiques marxistes existantes en ce domaine ? Dans ce chapitre (de 4 pages), intitulé « Négritude et Civilisations », il n'est fait mention que d'Alioune Diop dont on nous dit, à la page 103, que lui et Senghor sont « à des degrés divers partisans de la négritude ». Passons sur ce « à des degrés divers » qui mériterait d'être éclairci. La conception d'Alioune Diop est exposée en deux pages, et c'est alors que nous espérons le morceau de résistance : A. A. Dieng va reprendre les critiques marxistes de l'œuvre de Senghor, ce qui l'amènera ipso facto à se prononcer sur les positions politiques de ce dernier au Sénégal. « L. S. Senghor », nous dit Dieng, « apparaît comme le théoricien le plus conséquent d'une certaine conception des civilisations nègres. Ses vues sont discutables et très discutées notamment parmi les intellectuels de notre [PAGE 111] génération... » Quelles sont donc ces vues ? « De nombreux ouvrages ont été produits pour glorifier ou critiquer ces thèses. Nous renvoyons le lecteur à ces travaux. Nous ne pouvons discuter ici l'ensemble de ces travaux. » Et le tour est joué, la négritude et ses critiques escamotées ! Est-ce qu'A. A. Dieng, bien qu'il ne l'avoue pas, ne trouverait pas Senghor « sympathique à bien des égards », comme l'est pour lui cet autre tenant, mais non ténor, de la négritude, le professeur de philosophie Alassane Ndaw (cf. p. 115) ? Ces faux-fuyants de Dieng ne sont pas sans évoquer la démarche de S.S. Adotevi, dont on connaît le pamphlet anti-négritude (Négritude et Négrologues, 1972), qui, dans des entretiens récents avec Cheikh Tidiane Dièye et Bara Diouf[4], dit de Senghor qu'il est « un homme étonnant et fascinant qui ne peut laisser indifférents même ses pires adversaires » il n'est pas loin ensuite de réconcilier Senghor et le marxisme, en procédant à une extension, ou plutôt à une distorsion, de l'un et l'autre, en oubliant seulement les positions anticommunistes toujours déclarées et renouvelées de Senghor, tant sur le plan idéologique que dans sa pratique politique.

Autre remarque qui montre la faculté de survol dont fait preuve A. A. Dieng dans ses lectures, quand il veut à tout prix faire entrer les faits dans une idée préconçue : ainsi, à la page 111, parlant des critiques de La Philosophie bantoue de P. Tempels, il nous annonce qu'il va examiner uniquement les réactions émanant des intellectuels africains (souligné par moi) à cet ouvrage; il cite alors Cheikh Anta Diop, Aimé Patri (antillais), puis Franz Crabay, auteur d'un article paru dans Diogène en 1965. Or, Hountondji écrit à propos de ce même Crahay : « la réaction européenne (souligné par moi) la plus saine que nous connaissions à ce jour face à l'entreprise de Tempels reste celle de Franz Crahay... »[5] Il ne s'agit pas, comme on pourrait le penser, d'ignorance excusable de la part de Dieng, mais de lecture superficielle; Dieng a lu Hountondji puisqu'il cite les critiques portées par ce dernier à l'encontre de Crahay, à la page 36 du même ouvrage... Et ceci conduit A. A. Dieng à des déclarations de ce genre, formellement correctes, mais violées [PAGE 112] à la base puisqu'un des termes du raisonnement est erroné * « De la rigueur et de l'objectivité scientifique sont nécessaires à tout Africain qui veut contribuer de façon durable à l'œuvre de libération et de rénovation de l'Afrique. C'est pourquoi nous sommes attentifs aux remarques de F. Crahay, lorsque celui-ci pose les conditions nécessaires à la naissance et au développement d'une philosophie bantoue » (p. 115). A vouloir trop prouver...

Nous pourrions par ailleurs multiplier les exemples de répétitions, de redites, où l'auteur, lorsque la difficulté surgit qui impliquerait de sa part une véritable prise de position critique, s'esquive par une pirouette en nous renvoyant à la critique des autres. De page en page, nous avons l'impression d'une fuite en avant, d'un escamotage de ce que Dieng a pourtant lui-même appelé « les problèmes de l'Afrique Noire ». A. A. Dieng serait-il un illusionniste ?

Hommage mérité à l'œuvre de Cheikh Anta Diop, appel justifié aux intellectuels africains pour qu'ils tiennent compte de ses thèses; mais ne fallait-il pas aussi suggérer quelques directions critiques, en marxiste, vis-à-vis de l'œuvre de Cheikh Anta Diop ? Par exemple, il ne suffit pas de dire qu'il a contesté la thèse du matriarcat généralisé reprise de Morgan par Engels; c'est là une critique du schéma évolutif des sociétés selon les marxistes, et non une critique marxiste de Cheikh Anta Diop. Et même que vaut cet argument toujours rabâché, selon lequel le livre d'Engels (L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat) serait dépassé, sa thèse sur le matriarcat condamnée, etc. C'est oublier qu'Engels lui-même a reconnu le caractère relatif de ce tableau de l'évolution humaine tracé par Morgan et repris par lui en corrélation avec les thèses développées dans l'Idéologie Allemande – « Cette théorie », écrit-il, « permit à Morgan d'esquisser, pour la première fois, une histoire de la famille, où tout au moins les étapes classiques de l'évolution sont fixées grosso modo et provisoirement, autant que le permette la documentation actuellement connue ».[6] (Souligné par moi.) Qu'est-ce d'ailleurs à côté de l'immense effort, fait au XIXe siècle, pour penser l'ensemble de l'évolution humaine d'un point de vue matérialiste, en rejetant les théories créationnistes qui faisaient du couple biblique les [PAGE 113] premiers hommes, de la famille conjugale (bourgeoise) le type le plus élevé de la famille, de la propriété privée le modèle et la fin de tout ? S'il est juste de stigmatiser les informations quelques fois vieillies et les interprétations dépassées sur lesquelles se sont appuyés Marx et Engels à leur époque, ne serait-il pas bon tout autant d'insister aussi sur l'intérêt et la valeur toujours actuels de leurs positions philosophiques, y compris pour les peuples africains ? Il peut paraître bien honnête et courageux de s'interroger sur l'application du marxisme à l'Afrique, à condition de ne pas éluder les véritables problèmes. C'est en tout état de cause une démarche foncièrement politique qui ne peut que laisser sceptique sur les buts réels visés par l'auteur.

N'est-il pas aussi surprenant que dans son approche des écrivains qui se réclament du marxisme, Dieng utilise deux poids et deux mesures, au détriment essentiellement des seconds : ainsi, alors que, comme nous l'avons montré, il esquive le débat sur Senghor et n'a que de douces paroles pour Ndaw et Niang, il se déchaîne contre Majhemout Diop pour son schématisme, les erreurs contenues dans ses analyse, etc. A. A. Dieng n'ignore pas qui est Majhemout Diop; ce dernier, dont on peut condamner le ralliement au régime senghorien, fut l'un des fondateurs du PAI, à cette époque parti marxiste-léniniste, qui a participé aux luttes pour l'indépendance, prônant le « Non » au Référendum de 1958, et dénonçant en particulier la Communauté gaulliste; emprisonné, M. Diop a ensuite passé quatorze ans en exil au Mali. Comment, en universitaire tranchant et méprisant (car M. Diop lui, pharmacien, n'est pas un universitaire), signaler les défauts par lesquels pêche l'analyse des classes au Sénégal chez M. Diop, sans se référer à la pratique politique de ce dernier depuis son retour au Sénégal ? Cette pratique n'a-t-elle pas des fondements et des répercussions idéologiques ? Comment laisser croire que c'est parce qu'il est marxiste que M. Diop commet de telles erreurs, alors qu'une analyse minutieuse de sa pratique politique conduirait peut-être à une conclusion inverse ?

Il s'agit là, selon moi, de mauvaise foi intellectuelle, non exempte aussi de pédantisme, que rien ne saurait masquer, pas même les vibrantes déclarations, la larme à l'œil, par lesquelles l'auteur veut prouver la sincérité de sa démarche, en tant qu'ancien militant qui tire les leçons de son expérience passée : « Cette démarche est dictée par nos échecs [PAGE 114] et nos déceptions, véritables fumiers qui féconderont nos succès et nos espoirs... Nous ne sommes que des intellectuels qui ont (sic) perdu leurs attaches sociales, mais qui cherchent à s'ancrer là où se joue l'histoire de nos pays » (p. 19). Etc.

En bref, ce livre nous apparaît comme un exercice intellectuel où règne le confusionnisme le plus complet, que ne peut cacher la souplesse du sophisme qui jongle avec les mots et contourne insidieusement le sujet au lieu de l'attaquer, dans l'exposition d'abord, les thèmes se chevauchant, les idées se répétant, les débats annoncés étant sans cesse repoussés; sur le fond ensuite, puisque les problèmes réels des sociétés africaines sont passées sous silence. A. A. Dieng, dans ce livre, ressemble à un touche-à-tout, qui a picoré ici et là les thèses des uns et des autres; il manque à son propos l'armature critique indispensable. Bien qu'une telle conclusion ne soit pas formulée par l'auteur, il nous a semblé qu'il s'agit finalement pour lui de laisser entendre que le marxisme a échoué (ou presque) en ce qui concerne l'Afrique, que le marxisme et l'Afrique sont en définitive inconciliables, dans la mesure où le marxisme est avant tout un instrument d'analyse européen. En ce sens, et en dernière analyse, l'auteur d'un tel ouvrage n'apporte-t-il pas de l'eau à la thèse célèbre de Senghor selon laquelle le marxisme doit être « repensé par des têtes noires » ? Repensé ou enterré ?

Y. E.


[1] J.C. Pomonti : Le Mal Africain, « L'homme mange l'homme », Le Monde, 24 septembre 1979.

[2] LS. Senghor : « Marxisme et Humanisme », La Revue Socialiste, mars 1948, publié dans Liberté 2 : Nation et Voie africaine du Socialisme, Le Seuil, 1971.

[3] S. Niang, « Négritude et Mathématique », Présence Atricaine, no 78, 2e trim. l97l, p. 27-47.

[4] « Négritude : dans la tête, Marxisme : les Diafoitus du siècle », Le Soleil, 24-25 et 26 mars 1979.

[5] P.J. Hountondji : Sur la « philosophie africaine », Maspero, 1976, note 18, p. 30.

[6] F. Engels : L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, Ed. Sociales, 1954, Préface de 1891, p. 25.