© Peuples Noirs Peuples Africains no. 13 (1980) 151-155



PROTESTATIONS

LETTRE OUVERTE à la Section Française d'AMNESTY INTERNATIONAL.
COPIE adressée aux Groupes d'Adoption, au Secrétariat International de Londres et à la Presse.

La dernière Assemblée Générale d'AMNESTY INTERNATIONAL à NANTES, les 17 et 18 mars dernier, a, hélas, confirmé nos craintes quant au fonctionnement interne de la Section Française, et nous conduit à remettre en cause notre engagement au sein du mouvement.

L'un des principaux griefs que nous tenons à formuler provient justement de l'aspect « appareil » de la direction de la Section Française, dont le mode de désignation à l'Assemblée Générale est particulièrement sujet à caution. Le système de liste unique adopté en pratique rappelle fâcheusement les méthodes utilisées dans certains pays; ainsi, pour les élections des membres du bureau exécutif, quatre candidats pour quatre postes à pourvoir ! Cette Assemblée Générale, qui ressemble plus à une mascarade qu'à un réel exercice de démocratie, a pour but d'entériner la politique des gens en place et de renforcer leur mainmise sur les postes à responsabilité. Ainsi, plusieurs votes importants, tant en commission qu'en assemblée plénière, sont effectués tard dans la soirée, après le départ de nombreux délégués : les rapports des commissions Finances et Statuts n'avaient toujours pas été présentés à l'Assemblée Générale le dimanche soir à 17 h. 30. [PAGE 152]

Pourtant, le budget 1979 d'AMNESTY INTERNATIONAL tel qu'il a été adopté représente 4 260 000 F ! Sur cette somme 20 % seulement sont reversés au Secrétariat International de Londres et sont destinés à financer les actions de recherche et d'aide aux prisonniers; les 4/5 restants sont donc affectés au fonctionnement interne de la Section Française. L'effort financier demandé aux groupes tend à absorber l'essentiel de leur activité au détriment de leur vocation initiale : la défense du prisonnier d'opinion.

Exemple : cotisation des groupes en 1978 : 3 500 F, portée à 4 000 F en 1979 pour environ 250 groupes, alors que le fond d'aide aux prisonniers, créé en 1978, n'a jamais servi et ne représente que 3 % du budget, soit 130 000 F !

Nous notons par ailleurs que les produits financiers et accessoires représentent un pourcentage équivalent; AMNESTY INTERNATIONAL est riche. Il est intolérable de constater que l'énergie des militants continue d'être essentiellement axée sur un objectif déjà largement atteint.

Mais c'est surtout devant l'évolution des options initiales et la contradiction entre les principes de base et la réalité que notre désaccord est total. En effet, comment accepter la tiédeur de certaines prises de position ?

– Coupe du Monde de football en Argentine en 1978,

– Affaire CROISSANT (procès, extradition ... ).

Comment accepter le refus de discussion sur l'affaire Mongo BETI ? A ce sujet un responsable national déclare, ulcéré, en Assemblée Générale : « Il est inadmissible que l'on règle cette affaire en cinq minutes, alors qu'elle nous a em... pendant cinq ans. » Ainsi est illustrée une nouvelle fois l'impossibilité de dialogue entre les militants et les instances dirigeantes.

Enfin et surtout, comment accepter la position ambiguë de la Section Française au sujet de la peine de mort ? L'adhésion à AMNESTY INTERNATIONAL implique une opposition inconditionnelle à l'application de cette peine (para. c, article 1 des statuts internationaux). Or nous assistons, depuis de nombreux mois, à des débats interminables et stériles au sein du mouvement : certains membres se déclarant même ouvertement partisans de son maintien. Non seulement la Section Française admet cet état de fait, mais elle transforme actuellement la campagne pour l'abolition de la peine de mort en campagne d'information sur l'abolition de la peine de mort. Pour quels motifs ce reniement ? [PAGE 153]

C'est pourquoi les soussignés décident de cesser toute action au sein d'AMNESTY INTERNATIONAL, entraînant par-là même la dissolution du groupe de MEAUX. Fidèles aux idéaux qui avaient motivé leur adhésion en 1976, ils poursuivront leur lutte pour la défense des droits de la personne humaine.

(Suivent les signatures de Roger Favel, Jean-Pierre Lemant, Françoise Montenois, Bernard Thoquenne, Marie-Annick Lemant, Laura Eirot, Lydie Baranton, Hélène Guillaumin, Gérard Maulavé, P.E. de Bruchard, Francis Ruh par procuration).

Département Seine-Maritime
Arrondissement de Rouen
Canton d'Elbeuf
Commune de CLEON

EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS DU CONSEIL MUNICIPAL

L'an mil neuf cent soixante-dix-neuf.

Le premier juin, à dix-huit heures.

Le Conseil Municipal, légalement convoqué, s'est réuni à la Mairie en séance publique sous la présidence de Monsieur RHEM, Maire.

Etaient présents :

MM. RHEM, OVIDE, MOUSTER, BERTON, CHENNEVIERE, CHERRIER, CAILLOU, JOUANNET, LEMONNIER, MORIN, BONNEL, CHEVALIER, ROBINE, Mme AYME,

Formant la majorité des membres en exercice.

Absents : M. BOCQUET, M. LARGESSE, M. PETIT pouvoir à M. OVIDE, M. LACHELIER, Mme YOUINOU pouvoir à Mme AYME, M. LOGNON pouvoir à M. MORIN, M. FERON pouvoir à M. MOUSTER, M. LEMERCIER pouvoir à M. LEMONNIER.

Monsieur ROBINE a été élu Secrétaire [PAGE 154]

MOTION DU CONSEIL MUNICIPAL DE CLEON CONCERNANT LE RETRAIT DES TITRES DE SEJOURS AUX TRAVAILLEURS ALGERIENS

Le Conseil Municipal se voit dans l'obligation de se faire le porte-parole, auprès de l'Etat, des doléances profondes de certains de ses administrés « sans voix » – puisque sans droit de vote et sans libre droit d'association –, à savoir : les travailleurs immigrés de la ville.

Ceux-ci dénoncent avec vigueur l'attitude de l'Administration Préfectorale et de la Police locale qui retirent massivement, ces temps-ci, aux travailleurs immigrés et réfugiés politiques purement et simplement leur titre de séjour contre une promesse uniquement verbale de sursis d'un an et avis écrit de se présenter dans les six mois à la police.

Retirer la carte de résidence à un étranger est un geste très grave, contraire aux conventions signées encore en vigueur, aux droits d'égalité des hommes affirmés par notre Constitution ainsi qu'aux réglementations pratiquées jusqu'ici du séjour des étrangers.

C'est en effet leur seul titre de sécurité dont la possession est exigée jusqu'ici sous peine d'expulsion; il est obligatoirement requis pour le retour en France de travailleur parti en congé annuel dans sa famille; il est indispensable pour toute demande d'embauche et de logement, ainsi que pour toute transaction financière, notamment aux Postes et Télécommunications. Sans lui, le travailleur immigré devient paralysé.

Y ajouter la menace annuelle dans l'avenir d'un possible refus, par la police, de séjour par manque de ressource, de travail ou de santé, c'est le classer comme « suspect » sous tutelle policière, et en tout cas saper toute liberté de décision et d'action nécessaires à la vie de travail, de famille, d'homme, quel qu'il soit.

Le vote de la majorité actuelle, intervenu récemment à l'Assemblée Nationale, et qui porte législation de la présence des immigrés en France, ne peut, par son caractère restrictif, que renforcer les inquiétudes que nous nourrissons. Ainsi, il faudra vingt ans de présence pour être déclaré résident privilégié; mais plus grave est cet autre aspect de la nouvelle loi qui autorise l'INTERNEMENT ADMINISTRATIF SANS CONTROLE JUDICIAIRE. Jamais une atteinte [PAGE 155] aussi grave n'a été portée contre la liberté individuelle et le droit à la défense.

Nous nous rangeons donc, au contraire, aux côtés du Conseil d'Etat qui recommanda déjà plusieurs fois au Gouvernement la pondération dans ses décisions relatives au séjour des étrangers, et qui vient de renouveler ses avertissements.

Pour copie certifiée conforme,
Fait à Cléon, le 6 juin 1979
Le Maire, A. RHEM.