© Peuples Noirs Peuples Africains no. 13 (1980) 129-140



EN MARGE DE « GO TELL IT ON THE MOUNTAIN? »
« THE ROCKPILE » ET « THE OUTING »

Eugène NGOMA

Des deux nouvelles qui ouvrent Going to meet the man[1], aucune ne justifie le titre du livre de James Baldwin. Les cinq suivantes[2] sont loin de le faire, et s'éloignent même des précédentes. Seule la huitième et dernière est en relation directe avec celui-ci, puisqu'elle s'intitule aussi Going to meet the man[3] Encore que le sens du mot « man » s'oppose à celui que nous connaissons[4]. Mais si les deux premières nouvelles du recueil ressemblent peu aux autres, et ne participent pas du titre de l'ouvrage, elles se rapprochent [PAGE 130] étrangement de Go tell it on the mountain[5] le premier roman de Baldwin, par leurs personnages et leurs situations. L'étude suivante, portant sur The Rockpile et The Outing, trouve sa motivation dans cette remarque fondamentale qui lui imprime d'ailleurs son orientation.

Dans The Rockpile, Baldwin campe un garçon noir, John, auquel son père, pasteur dévot, ne peut pardonner sa naissance hors du mariage. Ceci crée une situation tendue entre père et fils[6]. La maison familiale fait face au rocher qui se dresse dans un espace vide, entre deux maisons. On dit que ce rocher supporte la ligne souterraine du métro, et l'empêche de s'effondrer. Cette pierre attire les enfants du quartier qui viennent y jouer[7]. Elizabeth, la mère de John et de Roy, n'aime pas voir ses enfants dans cet endroit dangereux[8]. Mais un samedi après-midi, avant que Gabriel Grimes, le père, ne rentre du travail, Roy, qui s'est glissé hors de la maison à l'insu de sa mère, est pris dans une bataille d'enfants sur le rocher. Une boîte de conserve vide, lancée à toute volée, le blesse au visage.[9] Le père le trouve dans le salon où la mère, secondée par John et par Sister McCandless, le soigne. Grande est sa colère de voir souffrir Roy, son fils préféré, au lieu de John, cet enfant du péché. Il blâme ainsi sa femme et son fils aîné, qu'il accuse de négligence[10]. Mais le lecteur comprend que rien de ce qu'il dit n'est fondé. Car Roy est têtu, et le délinquant se dessine déjà en lui. [PAGE 131]

Pour une nouvelle de longueur moyenne, The Rockpile offre une impressionnante galerie de personnages. Gabriel, le père, trouve dans l'incident – ou l'accident – survenu sur le roc, l'occasion d'exprimer sa haine, trahissant ainsi le manque d'unité dans sa famille. En effet, une seule contrariété suffit à la diviser, car, si le père adore Roy, la mère prend le parti de John[11]. Dévotion profonde et partialité obtuse caractérisent Gabriel. Pauvre, il s'épuise pourtant à la tâche; et qu'il porte son casse-croûte dans une gamelle au travail, tous les jours, lui donne cependant l'allure d'un brave homme[12]. Elizabeth se distingue, quant à elle, par son affection maternelle et son bon sens. Elle reconnaît que Roy est mauvais garçon, et qu'il ne s'est blessé que parce qu'il lui a désobéi. Consciente du conflit entre John et son père, elle protège de son mieux l'enfant contre la colère et l'injustice de ce dernier. Elle saisit aussi l'importance des facteurs héréditaires qui façonnent à présent l'avenir et la destinée de Roy. Agité et imprudent, celui-ci se lance, selon elle, sur la trace de son père[13]. John se veut garçon sérieux. Il voue à ses parents un respect mêlé de peur, et leur obéit. N'aimant pas les jeux de plein air, il préfère lire et dessiner une locomotive[14]. Sa tante Florence, sœur de son père, habitant le Bronx, mènerait une vie dépravée. En effet, elle fréquenterait des lieux peu recommandables comme... les cinémas. Elle vient parfois voir son frère et sa famille[15]. Sœur McCandless, l'une des « saintes », assiste Roy dans son épreuve. Femme d'un grand courage, elle garde tout son calme, dans ce qui paraît être, à première vue, un grand malheur[16]. En dehors du cercle de famille auquel McCandless adhère, nous assistons au passage – solennel et tragique – du petit Richard, mort, dans les bras de son père, précédé de deux femmes dont sa mère, et suivi de deux agents de police blancs. Le fleuve a pris son dû. Autour d'eux, se pressent les gens de Harlem, hommes et femmes, arborant une mine interdite[17]. [PAGE 132]

La nouvelle s'ouvre sur un samedi après-midi qui marque le début du week-end. L'heure en est à la détente, pour la plupart des Harlémiens, tandis que John et Roy craignent déjà, avec l'arrivée prochaine de leur père sévère, une restriction de leur liberté[18]. Le texte nous soumet à une diversité de moments. Ce paisible samedi après-midi connaît une progressive congestion de l'humeur des deux garçons; la fuite de Roy; le déchaînement de violence des enfants; la panique que s'ensuit, avec Roy comme unique victime et vedette; les soins d'Elizabeth; la colère du père marquée par un langage dur, et beaucoup d'hostilité. C'est le retour au « stress ». Le temps, dans ses nombreux aspects, se trouve finalement bloqué dans les tristes émotions ressenties, et la menace paternelle qui plane. Seul, le bruit de ferraille, causé par la gamelle que la mère bouscule par inadvertance, l'en délivre[19]. Harlem se découvre à nous, avec ses traits caractéristiques de ghetto. Dans la maison paternelle, issue de secours – en cas d'incendie – avec l'échelle qui le prolonge, est un lieu de choix d'où l'on peut observer les scènes de la « rue maudite »[20]. Le roc attire les gens, tel une sirène de légende, et on s'y abîme, comme Roy. Le fleuve noie de jeunes vies. L'église paraît comme une absurdité[21] Sous le toit familial, tout l'intérêt se concentre dans le salon où se réfugie le drame de la rue, Roy y est soigné, et Gabriel y cherche querelle à sa femme. Ces lieux pèsent sur la vie. Ils recèlent, en somme, un danger, moindre, mais non moins réel, que le roc ou le fleuve. En dehors du conflit qui oppose un père à son fils, nous apprenons, dans The Rockpile, qu'un samedi ordinaire, à Harlem, est loin d'être monotone. Ce ghetto nous apparaît comme un lieu où l'homme et la nature attentent à la vie de l'homme.

The Rockpile mériterait bien le sous-titre de « Postface à Go tell it on the mountain »[22] Non seulement, la nouvelle rejoint le roman par la fonction du ghetto, mais encore la plupart des personnages du roman se retrouvent ici, avec [PAGE 133] les mêmes noms, dotés de la même personnalité, ou remplissant la même fonction. Ainsi, John et Elizabeth, Gabriel et Roy, Florence et McCandless nous sont connus. D'un livre à l'autre, leur rôle respectif n'a pas changé. Les relations qui lient les uns aux autres demeurent les mêmes. Si Baldwin a introduit ici le roc et le fleuve, il a maintenu l'église ici et là, en amenuisant son rôle dans la nouvelle où elle existe d'une manière implicite par le biais des fidèles.

Le caractère irascible du père semble même ressortir davantage, dans The Rockpile. En tout cas, le conflit entre père et fils, qui, dans les deux cas, ne doit rien au complexe d'Oedipe[23] gagne en violence des sentiments. Le seul changement notable se situe dans le personnage de Richard. Dans le roman, comme dans la nouvelle, il meurt. Dans un cas, c'est un homme majeur qui se suicide en se tranchant les poignets dans sa chambre, loin des siens[24]. Dans l'autre, c'est un enfant qui périt, noyé dans la Harlem River, et que ses parents, éplorés, ramènent à la maison. Mais la mort de cet enfant rappelle celle d'autres « enfants » : Esther et Royal, mère et fils, mais tous deux enfants par l'intensité de l'affection dans laquelle les tiennent leurs parents, et par les bouleversements que cause leur fin[25].

Baldwin, voulait-il faire de cette nouvelle une autre version de la même histoire contée dans le roman ? En tout cas, il ne se répète pas. Le lecteur parcourt ces pages avec un intérêt renouvelé, par rapport à Go tell it on the mountain.

Comme nouvelle, The Outing poursuit plusieurs objectifs. Elle nous en dit davantage sur la tension et l'hostilité empoisonnant [PAGE 134] les rapports entre Gabriel Grimes, pasteur, et son fils John (Johnnie). Elle dépeint aussi la ferveur religieuse des « saints » celle-ci s'illustre au cours d'un service religieux tenu sur la Hudson River, dans le bateau qui les mène en pique-nique à Bear Mountain. Elle souligne aussi la timidité de John qui lui vaut de compromettre les perspectives d'une journée agréable.

Le quatre juillet, jour de l'indépendance américaine, les membres du Mount of Olives Pentecostal Assembly organisent une excursion. Nombre de ces gens, humbles, ne veulent pas manquer cette occasion unique. Des années plus tôt, ils ne s'étaient permis qu'un voyage en métro...[26] Tous manifestent beaucoup d'enthousiasme, sauf Roy qui préférerait rester à la maison[27]. Les fidèles s'embarquent par petits groupes, se saluant, papotant et, plus souvent, invoquant Dieu et le salut[28]. En présence d'amis, et sans en éprouver quelque honte, Gabriel loue Roy qu'il dit pieux et bon. Ce compliment devrait revenir à John. Et ce dernier, excédé, va dire à son père adoptif de ne pas se soucier de lui, Roy pouvant le faire à sa place[29]. Le père, mécontent de ce trait d'ironie, et surtout de cet affront public, se plaint à Elizabeth[30]. Sur le pont du bateau, Roy, John et leur ami David Jackson accordent peu d'intérêt à l'office[31]. Les fidèles, par contre, se réjouissent dans l'ancienne salle des bals. Chants, cris, prières, danses et battements de tambourins s'y mêlent, et la transe s'empare d'eux[32]. Les trois garçons se préoccupent plutôt d'offrir à Sylvia, la fille de Sœur Daniels, une broche dorée représentant un papillon à l'occasion de son anniversaire. Mais les trois amis ne peuvent s'approcher [PAGE 135] d'elle. A Bear Mountain, Elisha, le pianiste de l'église, l'entretient sans désemparer[33]. Les jeux divers, et la promenade dans les bois font la joie des jeunes. Les adultes parlent de la religion, du salut, et lisent leurs bibles[34]. John, timide, se soustrait à ses compagnons, cependant que Roy et David donnent à Sylvia le cadeau qu'ils lui destinaient tous. La fille accompagne ses remerciements sincères et chaleureux d'une recommandation à David de rejoindre l'église, et d'embrasser Dieu[35]. Lorsque, le soir, la sirène du bateau rappelle les passagers, Roy et David ont fait de la rame sur le lac. John n'a pas été avec eux, et se sent déprimé, malgré l'amitié sincère que lui manifeste David, car il a gâché sa journée[36].

The Outing conserve les personnages de The Rockpile dont le portrait se confirme ou se complète. Mais d'autres s'y ajoutent aussi. Le diacre Gabriel Grimes nous est déjà connu. Mais ici, quelque lumière éclaire son passé : il vient du sud, où il dirigeait sa propre église[37]. Sa partialité, présente dans The Rockpile, devient flagrante ici, puisqu'il prête à Roy des vertus qui lui sont étrangères. Pèche-t-il par aveuglement, ou veut-il ériger John en bouc émissaire ? Quelle que soit la réponse à cette question, Gabriel mérite bien le mépris de John. Ce père, adepte de la bible et de la prière, n'a que le mot religion à la bouche. Mais Father James, le pasteur de la Mount of Olives Pentecostal Assembly, lui refuse toute possibilité de prêcher pendant l'office religieux[38]. Par égoïsme ou par jalousie ? peut-on se demander. Mais, au fond, Father Grimes est-il bien l'homme de Dieu qui doit semer « sa » parole ? Sa femme Elizabeth demeure la même bonne épouse et mère que nous connaissions. Mais ses traits se trouvent renforcés. Elle écoute, dans une parfaite indifférence, son mari lui conter l'inconduite de John. Car elle [PAGE 136] sait de quels préjugés Grimes est nourri. Si John garde la même image sympathique, il ne se contente plus de subir son père; à présent, il le défie, en public. Adolescent, il prend conscience de l'existence de son corps, et des changements physiques qui s'y effectuent[39]. L'église ne l'attire guère; mais il partage avec son frère et leur ami la joie de choisir – et d'offrir – un présent à une fille de leur âge. Roy, quant à lui, se distingue par son audace. Nullement ému de la préférence que lui marque son père, il exprime toujours des opinions contraires aux siennes. La religion l'ennuie, mais les filles l'intéressent, et sa réticence dans l'excursion fait place à une joie réelle.

David Jackson, l'ami des deux frères, n'existe ni dans Go tell it on the mountain, ni dans The Rockpile. Il joue un rôle décisif dans le groupe à trois. On lui doit le choix de la broche. Son amitié pour John est solide. Un geste significatif le prouve; sur la passerelle supérieure du bateau, il donne l'accolade à John qui lui rend son affection[40]. Esprit plein de ressources, et garçon à l'humeur joyeuse, il sait égayer ses amis. Et la patience dont il fait montre leur permet de remettre le cadeau à sa destinataire. Mais l'invitation à suivre Dieu, que Sylvia lui adresse, le prend au dépourvu[41]. Brother Elisha, déjà rencontré dans le roman, fait une cour assidue à Sylvia, et soutient des conversations religieuses avec les adultes[42]. A l'église comme dans le [PAGE 137] bateau, il joue du piano[43]. C'est un « fidèle » à part entière, En ceci, Baldwin a respecté l'Elisha du roman. Là-bas, il était déjà bon musicien, et ses relations avec Ella Mae, petit-fille de Praying Mother Washington, lui avaient déjà,valu les avertissements de son oncle, le pasteur James[44]. Mais, dans le roman, il excellait aussi au basket-ball, à. l'école[45]. Comme David Jakson, Sylvia Daniels est un personnage nouveau. Cette adolescente monopolise à elle seule l'attention des quatre garçons mentionnés plus haut. Elle le doit à sa gentillesse réelle, et au fait qu'elle soit la seule fille de leur âge, dans leur entourage immédiat. Mais la fille de Sœur Daniels écoute bien sa mère; elle songe à l'église et à Dieu, pour elle-même et pour les autres. En Sœur Daniels, autre personnage nouveau, on reconnaît l'émanation d'une Sœur McCandless, que Baldwin a créée dans le roman, et a maintenue dans les deux nouvelles. Dévote, la Daniels, au franc parler, veut préserver sa fille de l'influence néfaste des mauvais garçons qui ne suivent point la loi de Dieu, et que le vice gagne[46]. A côté d'elle, Sœur McCandless, raisonnable dans la première nouvelle, se trouve ici, davantage portée vers la pratique religieuse. Elle soutient de son mieux l'idée d'un office dans le bateau, et apprécie même celle d'en tenir dans le métro. Aussi, affirme-t-elle : « I praise my redeemer wherever I go »[47]. Le personnage de madame Jackson est tout empreint de sympathie, face à ces deux femmes. Les autres fidèles lui savent gré de sa courtoisie aussi[48]. Lorraine, sa fille, ne manque pas de bon sens, qui sait conseiller son frère et des amis sur le choix du cadeau à Sylvia[49].

Nous interrompons, ici, un éventail de portraits qui pourrait [PAGE 138] s'agrandir et s'approfondir davantage[50]. Dans cette nouvelle. C'est une journée entière de repos, de détente que nous observons; du matin au soir, des faits la marquent : embarquement des fidèles qui devisent entre eux; éclat entre Johnnie et son père; grand-messe flottante; amitié scellée entre deux adolescents; multiples loisirs pour tous, dans le site du pique-nique. Le départ achève la belle journée qui n'en est pas une pour John. Mais, à qui la faute ? Ce temps se veut donc à la fois épais, dense, compact d'émotions faites de haine, comme de ferveur religieuse. Simultanément, il se veut aussi limpide, aéré, vide, dans le farniente exceptionnel de ce jour. Sans compter que le climat s'associe à lui. La nuit seule, levée pour permettre cette évasion heureuse, retombe pour y mettre un terme. Nous remarquons donc une dualité du temps qui se partage entre le relâchement vécu quelque peu en marge du temps, et la crispation des émotions. Peu importe que la transe qui saisit les fidèles pendant l'office religieux soit, avant tout, une « libération ». Nous retenons surtout le fait qu'elle sanctionne une extrême tension vers Dieu. Cette histoire étant celle d'une sortie comprenant un aller-retour en bateau, le décor dans lequel elle se déroule change nécessairement, et d'une manière continue. Nous savons déjà que le bateau à quai avait été jadis un navire de luxe, et que la salle du pont, qui abrite la messe, servait de salle des bals. Mais, pendant la célébration de l'office, ce lieu est comme baigné par la grâce divine[51]; la piété profonde qui l'emplit, déborde du navire qui retrouve, en la circonstance, sa gloire passée. Gloire épurée de la souillure mondaine, malgré la présence des « Gentils »[52], qui fait de ce vaisseau une sainte arche de Noé. Du bateau, les vacanciers regardent, sous un soleil de feu, le fleuve profond, et les deux rives où s'alignent « les falaises immuables noir-brun-vert »[53]. Le spectacle n'offre, certes, que peu d'intérêt [PAGE 139] pendant la croisière. Il faut attendre le paysage sauvage de Bear Mountain, avec sa colline boisée et son lac paisible – le cadre du pique-nique – pour jouir de la vue : « the deep earth covered with vivid banners, grass, flowers, thorns, and vines, thrusting upward forever the brutal trees. »[54]. La scène du fleuve emprunte sa mobilité régulière à la course du navire, et nous fait l'effet d'un filin qui se déroule. Sur le chemin du retour, les passagers revoient le même paysage, mais sous un éclairage ténu, dans la nuit qui tombe.

The Outing fait manifestement pendant à la nouvelle précédente. Plus d'un point d'intérêt, commencé là, trouve ici un développement plus complet. Ce jour férié comprend plus de faits que le samedi dans The Rockpile. Les Noirs, dans The Outing, s'évadent de Harlem pour profiter de la nature, avec Dieu. Cette nature, hostile dans The Rockpile, ne menace plus la vie de l'homme. L'élément aquatique (représenté par le fleuve et le lac) et la campagne (ici la forêt) deviennent même un recours dans lequel l'homme puise des forces nouvelles. Mais Satan et le péché demeurent un désastre qui guette à l'horizon. Tout comme The Rockpile, The Outing mériterait bien aussi le sous-titre de « postface » – ou de « post-scriptum » à Go tell it on the mountain. L'auteur a prolongé, dans les deux nouvelles, la vie de certains personnages nés dans le roman. La meilleure continuité est certainement vécue par le héros des trois histoires, c'est-à-dire John, qui reste notre meilleur témoin. Les autres personnages principaux survivent. Il s'agit essentiellement des autres Grimes : la mère, le père et le fils – Elizabeth, Gabriel et Roy. L'absence de Florence est largement compensée par la foule des femmes de l'église, parmi lesquelles Sœur McCandless assure le pont entre les trois textes. Cependant, « l'exclusion » du personnage de Florence, en enlevant de The Outing, cet exemple de « mauvaise vie », lui confère une unité religieuse plus grande, malgré les limites de Gabriel, homme de Dieu[55]. Elisha, présent dans le premier et le dernier textes, manifeste moins d'amitié pour John, mais son rôle dans la pratique religieuse [PAGE 140] du groupe importe davantage que cette altération de l'amitié. Si la première nouvelle révèle l'hostilité et la jalousie aveugles qui compliquent la vie des Noirs, la seconde donne la dimension humaine des gens du ghetto; elle se compose de leur sens communautaire renforcé par le partage d'une même religion. Loin de se situer en marge de Go tell it on the mountain, les deux nouvelles complètent le roman, et le dépassent à plus d'un titre.

Eugène NGOMA
Université Marien N'Gouabi Brazzaville.


[1] The Rockpile, pp. 9-19, et The Outing, pp. 20-48, in Baldwin James : Going to meet the man (1965), Corgi Books, London, 1967, 221 p.

[2] Ibid. Ce sont dans l'ordre : The Manchild, pp. 49-68; Previous condition, pp. 69-86; Sonny's Blues, pp. 87-124; This morning, this evening, so soon, pp. 125-172; Come out the Wilderness, pp. 173-200.

[3] Ibid. Going to meet the man, pp. 201-221.

[4] En dehors de « l'homme », il signifie aussi le « Blanc », ou le « patron », et est l'équivalent de « Charlie ». Mais, dans cette nouvelle, il désigne simplement le Nègre que les Blancs vont lyncher à la campagne, dans une kermesse de joie.

[5] Baldwin James : Go tell it on the mountain (1954), Corgi Books, London, 1967, 254 p.

[6] Baldwin James : Going to meet the man, op. cit. « John Stood just before him... just below him, beneath his fist, his heavy shoe. » p. 16. Cette constatation de la mère traduit bien l'hostilité entre son fils et son époux.

[7] Ibid. Par exemple : « Roy felt it to be his right, not to say his duty, to play there.» p.19.

[8] Ibid. « You children stay away from there, you hear me ? » dit-elle, en fixant surtout Roy, p. 9.

[9] Ibid. « ... now there was a gang fight on the rockpile... Then, something, an empty tin can, flew out of the air and hit him on the forehead... Immediately, one side of Roy's face ran with blood. ». p. 12.

[10] Ibid. « Where was you when all this happened? Who let him go downstairs ? » demande Gabriel à Elizabeth et à John, p. 17.

[11] Ibid. cf. p. 17.

[12] Ibid. cf. p. 16.

[13] Ibid. « He got a head just like his father, it got to be broken before it'll bow. » p.17.

[14] Ibid. cf. p. 11-12.

[15] Ibid. cf. p. 10.

[16] Ibid. cf. p. 13

[17] Ibid. cf. p. 10-11

[18] Ibid. « until he came to end their freedom, they sat, watching and longening above the street. » p. 10.

[19] Ibid. cf. p. 19.

[20] Ibid. « the wickedness of the street », p. 10

[21] Ibid. On ne voit pas l'église, mais on voit passer les membres de l'église – the church-members – qui se fondent dans la masse des pécheurs, cf. p. 10.

[22] Le roman est privilégié à cause de sa longueur, et de son importance, sans tenir compte que la nouvelle elle-même peut avoir paru longtemps avant le recueil (de nouvelles) qui le contient.

[23] Tout au moins au début, John est l'enfant naturel d'Elizabeth, ce que le puritanisme outré de Gabriel ne peut accepter.

[24] Baldwin James : Go tell it on the mountain, op. cit. cf. p. 200.

[25] Ibid. notamment sur la mère de Esther, grand-mère de Royal, et sur Gabriel Grimes, amant d'Esther et géniteur de Royal.

[26] Baldwin James : Going to meet the man, op. cit. « ... on other outings they had merely taken a subway ride as far as Pelhom Bay or Van Cortlandt Park. » p. 20.

[27] Ibid. « Got a good mind to stay home » dit Roy à son frère.

[28] Ibid. pp. 22-23.

[29] Ibid. « Don't worry about me, Daddy. Roy'll see to it that I behave » p. 26.

[30] Ibid. cf. p. 31.

[31] Ibid. « they were isolated from the joy that moved everything beside them » – pendant le service religieux, pp. 38-39.

[32] Ibid. « a woman cried out and began the Shout... One by one the power of God moved others. » p. 40.

[33] Ibid. cf. p. 42.

[34] Ibid. cf. pp. 46-47.

[35] Ibid. « Why don't you get saved?... Why don't you ?... If you really want to be saved. He'll save you. » p. 45.

[36] Ibid. « the day was ruined for him » p. 47.

[37] Ibid. Grimes confie à Father James : « I used to have my own church down home. » p. 32.

[38] Ibid. A sa demande de prêcher, James lui répond : « You don't want to run too fast, Deacon Grimes... You just take your time » pp. 32-33.

[39] Ibid. « This was the summer in which they all abruptly began to grow older, their bodies becoming troublesome and awkward and even dangerous and their voices not to be trusted. » p. 21. Pareille évocation se rencontre dans deux autres ouvrages : voir : Baldwin James : Go tell it on the mountain, op. cit. : « (While the yellow stain on the ceiling slowly transformed itself into a woman's nakedness) he remembered that it was his fourteenth birthday and that he had sinned » p. 19. Voir aussi : Baldwin James : The fire next time (1963), Penguin Books, London, 1965, 89 p. « ... during the summer that I became fourten... my friends began to drink and smoke, and embarked – at first avid, then groaning – on their sexual careers » (Down at the cross) pp. 23-24.

[40] Ibid. cf. p. 33.

[41] Ibid. David avoue : « It's not fair ... you oughtn't to catch me all unprepared like that. Now I don't know what, to say » pp. 45-46.

[42] Ibid. cf. p. 47.

[43] Ibid. cf. p. 39-40.

[44] Baldwin James : Go tell it on the mountain, op. cit. p. 17.

[45] Ibid. cf. p. 18.

[46] Baldwin James : Going to meet the man, op. cit. « Sylvia, you be careful how you speak to these unsaved boys... Don't like the way that little Jackson boy looks at you. That child's got a demon. You be careful. » p. 32.

[47] Ibid. p. 21.

[48] Ibid. cf. p. 21.

[49] Ibid. « Finally, and at the suggestion of David's older sister, Lorraine, they bought a small, gold-plated pin cut in the shape of a butterfly. » p. 21.

[50] Ibid. Parmi les personnages on compte Reverend Peters, qui doit faire le sermon, Lois, le dernier-né des Grimes; Elizabeth, une camarade de Roy; Deacon Jones qui seconde Father James avec Deacon Grimes, et Sister Russell, une femme de l'église. Mais leur rôle est négligeable.

[51] Ibid. cf. p. 41.

[52] Ibid. cf. p.36.

[53] Ibid. cf. p. 36.

[54] Ibid. cf. p. 43.

[55] Ibid. Malgré aussi ]a présence des « Gentils » sur le bateau et celle des jeunes, non encore acquis à Dieu. cf. pp. 38-39, et p. 36.