© Peuples Noirs Peuples Africains no. 13 (1980) 1-3



P.N.-P.A., AN III

P.N.-P.A.

Mais oui, nous sommes toujours là! Il n'y a pas là de quoi crier victoire, mais il y a là de quoi espérer. Avez-vous jamais entrepris de vider un lac avec un seau? Si vous vous étiez alors livrés à un calcul, en mètres cubes et en nombre de seaux, d'horreur le seau vous serait tombé des mains. Mais, au lieu de calculer, vous vous êtes dit : « Bon, ça ne doit pas être impossible! » Et vous avez commencé à écoper. Ce n'est qu'une fois à la tâche, après avoir déjà soulevé un nombre de seaux qui vous paraît infini, que vous avez constaté que le niveau de l'eau avait baissé d'un millimètre. C'est alors seulement que vous avez mesuré la tâche, découvrant en même temps qu'elle était effectivement possible et qu'il n'y avait plus qu'à continuer. C'est un peu l'expérience que nous avons faite. Nous espérions trop de notre deuxième année; le résultat apparent est minime, en comparaison des efforts qui ont été déployés, mais il existe. Pour reprendre notre métaphore aquatique, avec notre petit seau nous avons travaillé, nous n'avons pas donné des coups d'épée dans l'eau. Alors, pour nous maintenir en forme, nous avons battu le rappel de tous les aphorismes de la morale volontariste : « Il n'est pas besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Nous avons appris aussi que [PAGE 2] des femmes africaines ont construit les routes de la colonisation en puisant le sable avec leurs mains. Peut-être bien qu'il n'est pas inutile de détruire, poignée par poignée, les châteaux de sable de ceux qui font peser sur l'Afrique le poids des préjugés et de la censure pour maintenir, inchangé, le statu quo, misère et oppression d'un côté, orgueil et profit de l'autre.

Nous ne vous régalerons pas du récit des difficultés de l'année écoulée, nous préférons les oublier. Oublions la paperasserie administrative, montagne qui se reforme perpétuellement malgré les heures passées à la réduire. Oublions les textes égarés entre l'imprimeur et nous, corrigés en catastrophe au dernier moment dans l'affolement et qui révéleront leurs coquilles quand, au terme de l'épuisant marathon que représente chaque numéro, on s'assoit pour contempler le fruit de ses efforts. Oublions surtout les soucis matériels que donne une gestion qui sera, cette année encore, déficitaire.

Enumérons plutôt, en toute modestie, les sujets de satisfaction. P.N.-P.A. s'affirme comme un remarquable outil de réflexion critique. Pas encore autant que nos lecteurs le voudraient, pas dans toutes les directions où ils le souhaiteraient, mais peu à peu, cependant, les principaux sujets se trouvent abordés, et des questions cruciales se trouvent posées, qui ne l'avaient été nulle part ailleurs. Ce qui s'affirme, à chaque numéro, c'est la vitalité de l'esprit, qui ne se déploie de façon créatrice que s'il est affranchi du conformisme peureux et de la courtisanerie intéressée. Nous n'avons peur d'aucune puissance et nous ne disposons d'aucune puissance, nous n'attirons donc ni les conformistes ni les courtisans. Sans tambour ni trompette nous affirmons simplement le droit de penser de ceux qui n'ont connu jusqu'à présent, en ce domaine, que des tutelles, et l'étouffement des meilleurs d'entre eux. Si les tambours et les trompettes de la renommée nous manquent c'est que nous ne flattons aucune autorité détentrice de la force matérielle ou d'une pontifiante suffisance moralisatrice. Il se trouve que, sur l'Afrique, ces deux autorités, si souvent en conflit, ont établi de concert leur emprise physique et intellectuelle et mille liens de complicité scellent leur alliance. Cette union sacrée ne peut résister longtemps au discernement d'une analyse lucide affranchie de toute allégeance. [PAGE 3]

Contre toutes les séductions du tape-à-l'œil occidental et de ses magazines-vitrines à usage africain nous avons parié sur l'austérité et l'honnêteté d'une formule à la mesure de nos moyens. Ceux qui viennent à nous le font par choix, ils ne cèdent pas à une quelconque persuasion clandestine insidieuse derrière une trop brillante apparence. Notre progression et notre durée n'en ont que plus de prix, apportant un démenti à ceux qui prennent les Africains comme éternelle clientèle de la verroterie et de la clinquante camelote en tout genre.

Lancé comme un bouteille à la mer, P.N.-P.A. est en train de trouver l'écho en retour qui viendra assurer que son appel n'était pas vain.

P.N.-P.A.