Décidément, les mois de juillet sont bien funestes au Gabon. En 1978, le gouvernement gabonais décidait l'expulsion d'environ dix mille ressortissants béninois, dans des conditions humanitaires scandaleuses. Il y eut des centaines de morts parmi eux.

En 1979, il fait exécuter publiquement deux condamnés, deux voleurs; le plus jeune n'avait pas dix-neuf ans...

Gabonais, que ferez-vous pour qu'en 1980 la conception des droits de l'homme soit différente au Gabon ?

EXECUTIONS

Ils étaient tous là
les petits
les grands
les femmes
les hommes.
Il y avait toute la ville...
Vous étiez cinquante mille
à vous tasser
à vous serrer [PAGE 157]

à hurler !
Devant vous la plage
la plage et deux poteaux
Vous étiez venus pour voir
voir mourir
deux hommes
que les soldats enchaînent maintenant aux poteaux.
Maintenant il n'y a plus que les deux hommes
vous
vous qui êtes cinquante mille
toute la ville !
Et une poignée de tueurs !

A vous voir on se croirait à la fête.
On ne vient que pour les fêtes ?
Vous vous aimez les fêtes macabres.
Ah, voir mourir
voir mourir pour oublier vos propres morts !
Pourtant
les deux en face
les ligotés
les condamnés
étaient seuls
seuls avec leur propre mort.
Peut-être auriez-vous pu changer leur sort
mais pas un cri en leur faveur
pas un geste pour apaiser leur peur
rien que vos yeux fixés sur eux
rien d'autre pour ces deux.
Bien sûr ils étaient deux voleurs.
Bien sûr vous avez vous-mêmes peur
mais baissez vos yeux
ce sont vos frères qu'ils assassinent !
Vous n'avez donc pas compris
que peut-être un jour
vous aussi vous serez pris.
Vos chefs suivent une funeste mode
celle des tueurs
celle des profiteurs
celle des exploiteurs.
Vos chefs assassinent.
Mais déjà les armes pointent
les condamnés une dernière fois
regardent [PAGE 158]
la plage le soleil la ville
et vous voient vous.
Vous qui étiez
cinquante mille.
Et le sang gicle
votre sang gicle !
Le saviez-vous ?
Les deux hommes sont morts.
Vous étiez toute la ville pour les voir mourir.
Vos grands chefs n'étaient pas là.
Ils étaient dans leur palais.
Choisissaient-ils les deux suivants
Les deux suivants
qui traceront en rouge
sur une plage dorée du Gabon
des mots qui vous parlent d'insurrection !
Ne regardez plus mourir les fusillés
ce sont vos frères qu'ils ont tués...

François RAVELE

Extrait d'un recueil intitulé « Délivrance »,
publié aux éditions Arcam
40, rue de Bretagne - 75003 Paris
64 pages - 24 F
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