© Peuples Noirs Peuples Africains no. 12 (1979) 27-36



A PROPOS DE « L'AFFAIRE TRAORE BINY »

Guy Ossito MIDIOHOUAN

Je suis avec beaucoup d'intérêt l'évolution de ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'affaire Traoré Biny ». Que P.N.-P.A. en ait fait son affaire me paraît tout à fait louable et juste. Je ne puis honnêtement m'empêcher de participer à ce débat qui, quoi que puissent penser certains esprits bornés, sera lourd de conséquences pour l'avenir des étudiants africains et des études africanistes en France.

En effet, voici une occasion en or offerte aux étudiants africains de dire, librement et sans détour, ce qu'ils pensent de l'Université française. Chacun devrait se sentir concerné par ce débat qui n'arrive que trop tard et rejaillira sûrement sur la vie de nos intellectuels que le système colonial et néo-colonial et – pour donner dans la tautologie – « la coopération franco-africaine » a drainés et continue de drainer vers la métropole pour finir de les museler lorsque les généreux « coopérants », « spécialistes » et autres « experts »[1] dépêchés en Afrique, aux fins que la revue ne cesse d'ailleurs d'exposer, ont, pour leur part, dégrossi le travail sur place. [PAGE 28]

Mais ne voilà-t-il pas que, chaque chose portant en elle-même sa propre contradiction, ceux-là que l'on forme, informe, modèle pour la perpétuation du système impérialiste français en Afrique, se révèlent en être les ennemis les plus redoutables. Pour parler en termes de marketing – puisque c'est sous ce jour qu'il convient d'examiner les fondements des rapports des pays africains avec la France – « ça a marché » et « ça marche » encore confortablement. Mais « ça marchera » de moins en moins... Jusqu'au jour (ô jour glorieux qui tarde à poindre!) « ça ne marchera plus ».

Le débat actuel est à situer précisément dans ce cadre, sa raison d'être. Ce qui est en cause, c'est l'impérialisme français en Afrique et ses manifestations dans les rapports qu'entretient l'intelligentsia négro-africaine avec l'Université française. A mon avis, ce débat n'est qu'un aspect de la lutte multiforme et résolue que nous menons pour hâter la débâcle de la France impérialiste en Afrique et créer de tous nos élans la nouvelle aurore. C'est fort de cela que j'ai décidé d'écrire ces quelques lignes pour donner mon avis et porter témoignage.

Qui pourrait le nier : aujourd'hui un nombre de plus en plus élevé d'intellectuels africains perçoivent la vraie nature de l'Université française à travers le double rôle qu'elle joue dans la stratégie mise au point par la France impérialiste vis-à-vis de ses néo-colonies en vue de l'exploitation de celles-ci.

Quel est ce double rôle ?

Le premier, c'est celui assigné à tout démarcheur commis à la vente d'un produit. Il « travaille » l'homme pour en faire « un client ». En d'autres termes, ce rôle consiste à détourner l'homme de lui-même d'abord, à faire naître chez lui le besoin de la marchandise qu'on lui propose, à le mettre dans un état de manque qu'il devrait ensuite chercher à combler de lui-même.

Le démarcheur est donc essentiellement (et c'est là le deuxième volet de la chose) un désorienteur. Ce deuxième aspect de son rôle, d'une part, très implicite et fort subtil - donc difficile à appréhender – se manifeste, d'autre part, concrètement lorsqu'il s'agit de détourner l'attention du client potentiel d'un produit concurrentiel pour la tourner vers celui qu'on lui propose préférentiellement.

Pour illustrer notre propos, prenons un exemple, parmi bien d'autres, qui nous aidera à mieux comprendre le rôle [PAGE 29] de l'Université : le service chargé de la publicité chez Renault. Ce service a pour tâche essentielle de préparer le terrain et de faciliter le travail aux concessionnaires qui, eux, « placent la marchandise ». Son rôle est capital (face à la concurrence intérieure et extérieure) pour la survie de l'entreprise de construction automobile qu'est Renault. L'Université française, du moins pour ce qui nous concerne, nous, intellectuels africains, C'est exactement la même chose. Rien de plus, rien de moins. Il suffit d'agrandir l'échelle de la photographie. Telle que nous la connaissons aujourd'hui, telle que nous la subissons (comme on subit la publicité) l'Université française est pour nous la forme achevée de la publicité sophistiquée au service du colonialisme, du néocolonialisme et de l'impérialisme français dans le monde. Ne voyez pas là trois entreprises différentes. Ce ne sont que trois secteurs d'une seule et même « raison sociale » : le capitalisme français. L'université française est pour la société capitaliste avancée et la classe bourgeoise qui y détient les moyens de production et entend les utiliser à son plus grand profit ce qu'est le service de publicité pour Renault et son conseil d'administration. Dans ce genre d'affaire, tout est dans la hiérarchie et les choses deviennent plus claires à notre esprit émoussé par les meurtrissures d'un matraquage séculaire lorsque nous osons démonter le mécanisme de cette douce violence qui cultive la grégarité au service de l'imposture.

C'est pourtant tout simple. Quand l'Université a fini de démontrer la supériorité de la civilisation occidentale, c'est-à-dire, pour employer un euphémisme à la mode, la supériorité scientifique et technique de l'occident. Quand elle a seriné l'idéologie du progrès[2] à coup de statistiques sur le nombre de voitures et d'appareils électro-ménagers par ménage. Quand elle a montré le rôle salvateur et d'unification que joue la grande langue internationale française[3] [PAGE 30] face aux innombrables langues vernaculaires et aux non moins innombrables ethnies de l'Afrique broussailleuse (sans tracteurs, ni réfrigérateurs, ni appareils électro-ménagers). Quand elle a convaincu de la nécessité pour l'Afrique, « si elle veut s'en sortir », d'éviter toute rupture avec l'occident, de «dialoguer», de « coopérer » pour le grand bien des masses africaines, qui ne cherchent qu'à avoir des tracteurs, des réfrigérateurs, la technique, en un mot le progrès quoi, répondant ainsi à l'attente généreuse et bienveillante de l'humanisme occidental[4].

Quand elle a prouvé que – en vertu des liens historiques... et tout le reste – au-dessus de toute « coopération » se situe la «coopération franco-africaine »[5] qui s'effectue dans l'ordre (c'est-à-dire avec des régimes politiques stables, la durée étant devenue l'aune de l'efficacité), le respect mutuel, la recherche de solutions pacifiques aux désaccords éventuels au sein des structures prévues à cet effet[6]. Enfin, quand l'Université française a détruit chez l'intellectuel africain tout esprit d'opposition et de critique systématique, cultivé l'esprit de compromis pour banaliser les compromissions futures, quand elle a dénoncé sa révolte (cela donne quelque chose comme « les pulsions primitives qui cherchent à resurgir») et encouragé le larbinisme, c'est alors que se présentent le service de publicité de Renault et tous les autres, jusqu'aux démarcheurs de brosses à dents vitaminées qui font le bonheur de la balance du commerce extérieur de la France. Et tous les « coopérants » en toutes matières, déversés dans nos pays par les A.N.P.E. débordées, préposés à la distribution de prospectus, aussi incompétents les uns que les autres face à nos problèmes, insensibles à nos espérances, qui vont et viennent comme des apparitions presque, titubant sur les mirages de nos besoins, occupant avec des diplômes trafiqués (cela s'est vu !) des postes refusés à des intellectuels africains de niveau supérieur, professant des inepties du genre « Mignonne, allons cueillir la rose » sous les applaudissements des gros culs et autres [PAGE 31] pontes africanistes de la métropole qui réglementent le recrutement dans nos facultés. 0 dérision!

Cela est proprement révoltant. Et cela Traoré Biny – comme de nombreux autres intellectuels africains – en a pris conscience, une conscience aiguë qui a fortement marqué – et à juste titre – ses rapports avec M. Hausser. Il est très important que le présent débat s'élargisse. Il est très important aussi que nous fassions attention à son développement ultérieur. Car beaucoup chercheront à en faire une affaire de personnes, à s'interroger sur la psychologie de Traoré Biny dont – soit dit en passant – j'admire le courage pour avoir osé porter sur la place publique une affaire dans laquelle certaines personnes non ou mal informées et d'autres encore de mauvaise foi ne verraient qu'une gratuite paranoïa, la mégalomanie morbide d'un nègre (encore un!) qui se sent investi du droit de parier au nom de son peuple sous prétexte de narratologie (comme d'autres ont si bien réussi à se le faire reconnaître en passant une agrégation de grammaire), ou encore l'expression de l'amère frustration d'un étudiant orgueilleux mais vaniteux, ambitieux mais médiocre et qui, rappelé à lui-même par un « demi-échec » (qu'on nous démontrera scientifiquement, soyez-en sûrs) cherche à se venger en traînent dans la boue ses maîtres dévoués après n'avoir pas su/pu profiter des conseils et de l'enseignement inspirés par leur haute autorité scientifique (méfiez-vous de ce mot dans ce débat. Il reviendra souvent) reconnue par tous (c'est-à-dire par eux-mêmes).

Là n'est pas le nœud du problème. « L'affaire Traoré Biny » nous invite à examiner sous un jour nouveau les rapports entre l'Université française et nous, intellectuels africains; elle nous invite à dénoncer ce qui doit être dénoncé, c'est-à-dire tout; à amorcer à travers le débat en cours une tentative de réinvention de notre avenir aujourd'hui bouché par la «coopération franco-africaine ». Il s'agit – oui, il faut le dire – de créer un nouveau rapport de force entre l'Université française et nous. Nous qui sommes sans voix dans l'Université. Nous dont personne ne demande l'avis. Nous qui, en dehors des titres universitaires et des conditions requises pour l'inscription, devons jurer sur l'honneur (pièces à l'appui) à l'Etat français de faire venir l'argent de chez nous pour vivre en France. Nous que l'on rançonne[7]. Nous qui vivons à tout instant dans l'angoisse de [PAGE 32] perdre cette satanée carte de séjour, dans la hantise de nous voir expulsé pour « trouble de l'ordre public ». Nous que l'Université abrutit, que l'Etat exploite (à plus d'un titre). C'est de nous qu'il s'agit...

J'ai vu, il y a quelques années, un panneau publicitaire vantant les mérites d'une marque d'aspirateurs qui proposait à peu près à l'attention du passant le slogan que voici :

    « Puissant comme un lion
    Résistant comme un éléphant
    Silencieux comme une carpe »

(à la seule différence que sur le panneau les deux animaux et le poisson figuraient sous forme de représentations picturales. Ce qui décuplait la force du message en faisant appel à l'imaginaire du passant). Mais voilà, une personne fort avisée vint à passer par-là qui perçut le caractère abusif de ce slogan mystificateur. Il s'arrêta, prit son temps, et ajouta bien lisiblement au crayon-feutre noir :

« Con comme un balai »

Et la réalité jaillit de ce post-scriptum sagace, implacable mais vraie, ruinant parfaitement la crédibilité du message.

Nous devons procéder ainsi. Il s'agit pour nous, aujourd'hui, de lever le voile sur le sort qui est le nôtre dans l'Université française. Il s'agit pour nous de couvrir de nos graffiti la gigantesque affiche publicitaire qu'elle constitue pour montrer la vraie nature de son enseignement. Vous verrez que lorsque nos graffiti commenceront à attirer l'attention, alors éclatera sous leur frivole apparence de peines perdues la densité subversive de notre entreprise téméraire. Et le Figaro publiera un sondage de la SOFRES qui indiquera que 60 % des intellectuels africains formés en France et interrogés[8] sont contents de leur formation; 35 % sont plutôt satisfaits et 5 % regrettent de n'être pas allés en U.R.S.S. Et comme personne ne se laisse plus [PAGE 33] prendre à l'hameçon des sondages (nouvelle trouvaille du capitalisme avancé pour pallier à la baisse de l'influence de l'Eglise), le problème prendra alors sa dimension réelle et le travail de sape systématique de « l'élite intellectuelle africaine » confié à l'université française par l'Etat impérialiste apparaîtra alors sous son vrai jour.

Telle qu'elle se présente à nous aujourd'hui, l'Université française est le service de publicité du capitalisme français chargé de la promotion de trois produits essentiels : l'aliénation, la soumission et l'obscurantisme. Entre la liberté qu'elle proclame et l'esclavage, la domination, l'impérialisme qu'elle aide objectivement à perpétuer, il n'y a guère de compromis possible. Ça, Traoré Biny l'a saisi et il a manifesté de façon résolue que cela a assez duré. Voilà qui est plus important pour nos peuples, plus honorable que toutes les thèses en huit tomes « scientifiquement » élaborées et soutenues avec brio et « mention très bien » devant l'aréopage des plus éminents africanistes.

J'ai moi-même soutenu une thèse en Sorbonne et suis en mesure de dire, pour avoir parlé de ce problème avec de nombreux camarades, que l'impression qui domine parmi les thésards africains en France, c'est ce sentiment vague, indéfini, qui se rapprocherait d'une culpabilité mélancolique et qui nous fait penser que nous pouvons être bien plus utiles et mieux nous épanouir ailleurs pendant les trois ou quatre ans que nous passons en métropole à faire la courbette à des professeurs qui se servent de nous pour asseoir leur renommée « d'africanistes ». C'est cela, le système, qui se sert de nous pour dominer nos peuples, car pendant que nous nous faisons scier la personnalité à corriger nos fautes d'orthographe (voyez-vous ce qu'on nous donne à combattre, nous qui avons soif de lutte vraie), la rue Monsieur place ses pions.

J'en connais, moi, des « africanistes » à Paris et je puis vous dire que c'est un milieu infect. Je terminerai par mon témoignage et prendrai tout simplement un exemple, parmi bien d'autres que je tiendrai pour l'instant en réserve. J'ai déjà dit qu'il nous faut absolument éviter de personnaliser le débat. Mais celui-ci a besoin, pour sa bonne tenue, d'exemples concrets. Je ne citerai donc pas de noms, en tout cas pas aujourd'hui et j'espère que je n'aurai pas à le faire.

Ceci se passe en 1979. A Paris. Dans un séminaire de D.E.A. de littérature négro-africaine, un africaniste (Professeur, [PAGE 34] s'il vous plaît, il a dirigé et dirige plusieurs thèses et ne compte plus ses missions en Afrique, au Cameroun et au Togo notamment) décide en accord avec ses étudiants d'aborder les problèmes de méthodologie critique. En l'occurrence, il s'agissait de voir dans quelle mesure la « nouvelle critique » pourrait fournir des grilles d'interprétation à la littérature négro-africaine – sujet passionnant, n'est-ce pas ? Chacun se lança à corps perdu dans la discussion, mais très vite de nombreuses confusions apparurent que notre Professeur ne parvint pas à dissiper et qui finirent par empêcher toute évolution de la réflexion. On décida à l'unanimité de faire marche arrière, de commencer par où il eût fallu commencer, c'est-à-dire par un exposé préalable sur la « nouvelle critique », non que les étudiants n'en eussent jamais entendu parler, mais parce qu'ils souhaitaient que M. le Professeur apportât un peu plus de lumière à leur lanterne à travers un exposé clair qui eût eu le mérite de rectifier ce qu'ils savaient déjà sur ce sujet et qui était source de confusion. D'ailleurs, ayant perçu cette attente et voulant répondre à leur studieuse disponibilité, le professeur prit courageusement la chose en main et revint quinze jours plus tard avec son texte qu'il débita sans vouloir souffrir une question. Lorsqu'il reprit son souffle, un étudiant osa demander quelques éclaircissements. Et notre professeur lui tint à peu près ce langage : « Je n'y connais rien. Je n'en sais pas plus que vous. J'avoue que je ne comprends rien à la nouvelle critique. » Stupéfaction générale. La discussion s'arrêta là. Et foin de l'interprétation de la littérature négro-africaine! Et tant mieux...

Ce même Professeur (toujours le même), « africaniste de renommée internationale », ne manque pourtant pas d'être sympathique. Du moins c'est ce qu'il me semble. Car il réussit à faire venir des étudiantes chez lui pour se faire « faire de la cuisine africaine », je n'y vois aucun mal. Un professeur peut, que dis-je, a le droit, comme toute autre personne, d'avoir les relations qu'il souhaite avec qui il rencontre. Cela d'autant plus que les étudiantes qu'il invite, adultes, sont responsables devant elles-mêmes et elles seules de leur vie privée. Notre « africaniste » aime « les plats épicés ». Quoi de plus normal ! De Gustibus..

Il est de coutume que notre « africaniste », après les repas épicés, développe toute son habileté pour retenir ses hôtes-cuisinières au-delà de l'heure du dernier métro. Alors, il les [PAGE 35] prie très amicalement d'économiser l'argent du taxi et d'accepter un lit qu'il leur offre généreusement.

Jusque-là, rien de grave encore. Mais – et c'est à ce niveau qu'il nous faut combattre les goûts épicés du professeur qui deviennent proprement odieux – il est des étudiantes combatives qui résistent aux ruts du ponte lubrique et ça donne ceci : « Si tu ne te laisses pas faire comme les autres, tu ne passeras jamais ta thèse. » Vous, vous appelez cela du chantage. Qui peut vous en empêcher ? Pour moi, ça s'appelle « la promotion de la femme africaine ».

C'est ainsi que l'« africaniste » a voulu « promouvoir » une étudiante voltaïque (mariée, un enfant) qui fit circuler en juin 1979 au sein du groupe de D.E.A. dont nous parlions plus haut une lettre écrite de sa main (imprudence ou ineptie ?), preuve irréfutable de sa lubricité. Cette lettre, je l'ai lue, de mes yeux lue, et nous fûmes nombreux à le faire. C'est ce même jour que la jeune femme voltaïque nous informa que depuis trois ans le professeur la poursuit de ses assiduités, lui jurant, à chaque fois qu'il en a l'occasion, qu'elle ne s'en tirerait qu'en se laissant « baiser » [9] (si vous avez un autre mot, passez-le-moi).

Voilà l'autre face de l'Université française et des études africanistes en France : le bâton et la carotte. Le viol et l'humiliation et, par-dessus tout, la domination et l'exploitation impérialiste. C'est cela qu'il nous faut absolument combattre.

Dénonçons tous ces EDUCASTREURS.

Combattons fermement leurs semblables, les « coopérants ». Entre eux et nous, il ne peut y avoir d'autres rapports que conflictuels. La lutte. La lutte à mort !

Guy Ossito MIDIOHOUAN

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Nous avons accepté de publier cette protestation qui ne manque ni de lyrisme, ni d'éloquence, ni d'une passion légitime dans son objet. Mais trop de passion peut nuire. Les traits s'égarent lorsqu'ils sont dirigés sur une cible ou [PAGE 36] trop globale, et on tombe alors dans une rhétorique de meeting, ou anonyme, ce qui ne peut en aucun cas être compensé par l'énormité des faits dénoncés, bien au contraire, cela aggraverait plutôt l'inefficacité du trait. Plus le fait est énorme plus il a besoin d'être extrêmement précis pour être crédible. Mais ce qui m'amène à intervenir c'est la nature des derniers faits cités. Cela me gêne que l'auteur, apportant « son » témoignage, se mette à la place de ces femmes en danger d'être violées pour rapporter « leur » expérience. Ces récits de seconde main ont cependant une valeur de témoignage. Ils témoignent, de façon éclatante, que le rapport de la femme au savoir est tellement angoissant pour l'imaginaire machiste qu'il fait l'objet, dès qu'il s'établit, d'anecdotes-types où la femme est immanquablement refoulée dans un domaine qu'elle n'aurait jamais dû quitter : le sexuel. L'homme, dans sa lutte contre le pouvoir, défend ses idées, son être, la femme défend ses fesses, son corps. C'est là sa part du combat politique. Soit, mais alors j'aimerais entendre un jour un valeureux militant me raconter comment, invité à dîner par un ministre, il a accepté, puis quand, au dessert, celui-ci lui a proposé de devenir président du Centrafrique, il s'est levé, outragé, en disant : « Vous ne m'avez pas regardé, Monsieur ! » Comme chacun le sait, c'est exactement comme cela que ça se passe, tant le pouvoir en est réduit quasiment à la mendicité. De même, que penseriez-vous de celui qui viendrait vous dire : « Ah, mon cher, voici trois ans qu'on m'inonde des lettres les plus pressantes pour que j'accepte la Légion d'honneur, sinon on me retire mon abonnement au gaz et à l'électricité. » ? Allons, si le machisme et, avec lui tous les pouvoirs, se mettait dans des postures aussi ridicules, il ne serait pas bien difficile de les empêcher de nuire. Hélas, ils n'en sont pas encore là, ni les uns, ni les autres. Leur corruption et leur violence empruntent des voies autrement retorses et dangereuses !

Odile TOBNER


[1] Je souhaiterais que la revue, après celui-ci, ouvre un débat sur tous ces imposteurs.

[2] Allez faire un tour dans les cités ouvrières des banlieues. Ça progresse de ce côté-là...

[3] A ce propos, ne vous laissez plus faire le coup du « Oh ! vous qui parlez et écrivez si bien la langue française ! » Tout intellectuel africain qui s'entend dire cette ineptie doit désormais se sentir en danger de mort et faire sa réponse en conséquence. La France se sert de nous, intellectuels africains, pour mettre nos peuples à genoux. Servons-nous de la langue français pour abattre l'impérialisme français.

[4] Celui-là, il a totalement perdu le sens du ridicule.

[5] Tout comme du temps où le système colonial français était meilleur que le système colonial britannique.

[6] Vous voyez ce que je veux dire. La rencontre de Giscard et de Senghor dans le château que ce dernier a acheté en France, par exemple. Il y en a d'autres, bien sûr.

[7] Si Monsieur Hausser savait ce que cela coûte aujourd'hui à un étudiant africain de « rester en France 6 mois de plus », il aurait pensé à trouver une autre solution au problème qui se posait à son étudiant.

[8] Avez-vous déjà rencontré un sondé ? Moi, jamais. Ni aucun de mes amis. Dites-moi si vous en connaissez et les questions qu'on leur a posées.

[9] A mettre en rapport avec l'impérialisme français et l'Afrique.