POEMES
Prière d'un enfant Noir
Monsieur le Père Noël,
Quand, avec votre houlette, l'ECU en poche
Et vos sous en RFA
Vous décidâtes d'un voyage en Afrique,
Pour disiez-vous « apprendre aux Africains que le socialisme
Ce n'est pas bon pour eux
Que le capitalisme,
Il vaut mieux que vous en profitiez pour eux,
Et qu'il n'y a pas de voie pour l'Afrique,
Que la TROISIEME », c'est-à-dire la vôtre
L'obscure voie de la crise, que vous nommez
Pudiquement et hypocritement « libéralisme avancé
».
Quand sans votre cravate, vous donniez l'accolade à
Un président dont l'Afrique fut fière
Mais qu'aujourd'hui elle renie...
Quand enfin vous promettiez que désormais
« L'Afrique sera aux Africains »... Et Alea jacta est !
Vous n'avez pas oublié, Monsieur le Père Noël,
De signer un visa pour la « Force d'intervention Africaine » !
Vous avez pris soin, Monsieur le Père Noël,
Partout, à chaque étape de votre voyage en terre promise
Comme les rois mages d'apporter un cadeau [PAGE 153]
A chacun de vos vassaux
Vous avez pris soin, Monsieur le Père Noël,
De sceller votre amitié avec eux pour que
Dans l'unité de votre troisième voie
Qui passe par l'axe RFA, Washington et ailleurs,
Vous continuiez à réduire à la misère les peuples
Africains...
Mais sachez Monsieur le Père Noël,
Sachez que l'histoire du Père Noël
Avec une barbe blanche couleur de neige,
Lorsqu'on la raconte aux petits enfants africains,
Ils rigolent en disant : « comment voulez-vous qu'on croie
Au Père Noël, un Père Noël noir, avec une barbe blanche
? »
Alors nos grand-mères de répondre : « les soucis fils, les
soucis !
L'Afrique aux Africains, c'est un mot déguisé pour dire :
« Les richesses de l'Afrique à l'Europe des multinationales !
»
Voilà pourquoi aujourd'hui, à l'écharpe rouge qu'il brandissait
Le président Sékou Touré a troqué un boubou
blanc...
Et vive l'alliance et vive l'Euro-Afrique de papa.
Anha RODRIGUES
[PAGE 154]
CLERGE CONGOLAIS
Imperceptible, envahissant, assourdissant et meurtrier :
Il arriva, nous enveloppa, nous troubla et nous posséda.
La brise, le vent, l'ouragan : « La Civilisation ».
Il s'appelait Pierre Savorgnan de Brazza.
Il venait de France pour s'agripper au Congo.
Dans son euphorie civilisatrice.
Tiens ! Il avait deux faces
La brise, le vent, l'ouragan : « Le Christianisme »
Son nom était Philippe Prosper Augouard
Il venait de France pour s'implanter à jamais au Congo,
Dans sa folie salvatrice.
C'était pareil ! Civiliser et Christianiser.
Délivrer les Noirs de la misère, de la sauvagerie.
Tirer les Noirs de la boue du paganisme.
Le nom commun et officiel : Colonialisme.
Au bout de tes courses apostoliques,
O missionnaire : Dieu t'a ouvert la tombe
La tombe du missionnaire : trop tôt pour la plupart
Tu as rejoint la tombe
Ou bien tu repartiras chez toi !
Rien de plus !
A travers mon Congo, ô missionnaire,
Tu t'es mis à ma poursuite
Tu as exploré ma nudité, mon cœur, mon âme
Tu as piétiné mes mœurs, tu as osé me prendre.
Carnage de coutumes, de civilisation, de personnalité !
C'est cela me christianiser, me civiliser : Bravo !
J'ai été leste : c'était sur mes sentiers,
Ma forêt, mon univers.
C'était moi-même j'ai tenu ferme -
Triste, amusant, parlant est l'itinéraire,
D'anthropophage tu m'as traité
« Missionnaire, des anthropophages » tes amis
t'ont appelé-toi Augouard
Quel titre honorable, n'est-ce pas ?
Je l'ai moi aussi vérifié sur ton cadavre
Oh pas assez bon !
Epuisé par la course, tu as été dégoutant
Je t'ai vomi, je t'ai échappé
Je suis resté moi-même : Congo
Par delà la course, les veilles, le carnage,
Tu voulais me donner ton Dieu.
Mais hélas : je l'avais depuis des millénaires
Je le connaissais mon Dieu : NZambi MPungu
Il était tien, il était aussi mien
Il est resté tel : Il est le même
Occidental et africain ? Non
Dieu est Dieu pour tous
Seul lieu où nous avons pu nous communiquer.
C'est l'aube d'un monde nouveau
Il est fini le temps de se renier
Il est fini le temps de la poursuite
Il est fini le temps de la honte
Il est là : le clergé congolais
L'aube du monde nouveau
Fruit du seul lieu commun entre Toi et Moi
Dieu : NZambi MPungu
Les tam-tams déchirent le silence,
Qui succès à la « Civilisation »
Je crie à tue-tête : c'est la joie !
Je bats des mains : c'est l'allégresse !
Mon talon martèle le sol : c'est la vie
Clameur, coups de fusil, extase. [PAGE 156]
C'est le clergé congolais qui apparaît
Tu es là; avance, avance, avance
Te voilà clergé congolais, des vieux et des jeunes
Et te voilà encore; des jeunes tout frais
Clergé congolais, avance et viens.
Moi, ton peuple, je t'attends, je t'attends.
Il est fini le temps de la poursuite
Il est fini le temps de la honte
Chrétien, tu es l'homme de Dieu
Vivant de lui, avec lui pour le peuple.
Clergé congolais, tu es fils du peuple
Avance, oui avance, moi ton peuple
Je t'attends-
Albert Sourire NKOUMBOU
Grand séminariste à Brazzaville
[PAGE 157]
GENERAL
Hier
je voulais une étoile en Plus
une étoile qui nourrisse mes enfants en Plus
et qui mange la provision des autres en Plus
Hier Général
je me demandais SI
une palme verte ne la couronnerait pas
elle cracherait sur ceux qui ne savent plus
quoi manger aux fins-des-mois
Général, hier
je me demandais
SI je ne changerais pas Tout
SI je ne changerais que Tout
Si je changerais aussi Tout
Mais Hier
une pluie m'a surpris
elle a effacé une étoile
puis une autre
elle a effacé une palme
puis une autre
et la grêle a suivi de lambeau en lambeau
ces habits d'épouvante [PAGE 158]
Hé ! je ne suis resté qu'homme.
Demain, Général
je te remettrai tes étoiles
tes salaires
tes-femmes-
tes voitures
tes tortures
tes prisons
et aussi
tes affamés de fin-de-mois
une étoile en PLUS
tu seras général DE-PLUS
moi je veux être un homme
général
une pluie m'a avisé
je ne veux rester qu'HOMME.
* * *
à J-B. Bilombo-Samba
L'AINE
Les enfances fébriles
Sucent avec langueur
Les ma-melles défraîchies
Hélas !
Plus loin irait la traînée
Creuse.
Creuse.
Des lumières inconnues
Creuse.
Dominique NKOUNKOU-MOUNDELE
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