© Peuples Noirs Peuples Africains no. 10 (1979) 156-158



POEMES

Les quatre poèmes qu'on va lire sont extraits de « Le Feu en Terre », recueil de poésie populaire publié par Claude Lafosse aux éditions du Châtaignier. 124 pages. 20 F. Ecrire à Claude LAFOSSE - B.P. 3225 - 31036 TOULOUSE.

MON CHAMP,

Semences joliettes, univers d'épis radieux
blés dorés de gloire, les grains penauds
sous le couvercle noir des orages vengeurs,
chaumes de tendresse pour paillasson.
Des vallées à l'euphorie d'une sympathie de coloris,
des milliers de mains pailleuses.

A l'aurore boréale,
une levure aux feux étincelants d'espoir,
les cieux boursouflés d'amours en voyage.

La pâte terrestre se mordore
pour le berceau de ta nuit croustillante,
n'efface plus ta faim. [PAGE 157]

LE CERCUEIL

De violentes ferrailles tordues,
elle était adolescente,
l'heure des artères s'est arrêtée,
la vie maternelle s'est enfuie.
L'accident m'a terrassé
comme une eau vrillante
avec ses spirales refroidies.
Mon corps échoué sur une méduse,
le palais glacé, les yeux absents.
Dieu, est-il nihiliste ?

LE CRI DU SPORT,

Lévrier vainqueur,
le sportif aux poumons en bataille.
Baves humaines brûlantes,
nature alléchée à la compétition d'un Cœur d'argent,

croche-pieds d'un bonheur perdu.
Une discipline militarisée,
parfois l'orgueil d'une spirale au vide vertigineux.
Les Dieux du stade encerclés de gradins,
des grilles pour les fauves,
le chauvinisme exacerbé d'un obscurantisme primaire.

Violence d'un fondu enthousiaste,
mimétisme viril d'un bain de foule,
une colossale mâchoire carrée,
l'échafaudage national de muscles puissants,
l'écran d'une politique unanime.

Les ministres mussoliniens convoqués
en marathon totalitaire,
sautent leur cercle de feu.

Les enfants bondissent en éclats de pétales,
Leurs corps joyeux à la frénésie d'herbes fraîches,
une vitalité naturelle leur rit au nez. [PAGE 158]

ESSAI ATOMIQUE

Les politiciens prestigieux,
les services secrets sans scrupules,
les militaires étoilés,
deux directeurs de journaux bien peignés,
un P.D.G. de la télévision qui a fait sa toilette,
une bonne douzaine de capitalistes et leurs papiers d'identité,
sont à leur chapiteau funéraire,
leur abri anti-atomique.
Les seuls prisonniers de la radioactivité,
comme des cafards épinglés dans une boîte d'allumettes.
Triste orgueil scélérat aux lendemains rongés,
triste fin des demi-seigneurs
qui ont glissé sur leur régime.

Claude LAFOSSE