© Peuples Noirs Peuples Africains no. 10 (1979) 145-148



POEMES

Harrie GARUBA

ESTRANGEMENT: KANO' 78

(For a friend, Comrade Peasant)

Walking along craggy footpaths,
dusty, save for the lenience of the wind;
footpaths careering along a landscape
of drought, into the belly of the land
in famine

I watched

bare-footed children in ragged clothes,
white ragged clothes we are a
religious people), turning russet-coloured
in a silent covenant with the amber
of a waning day.

I watched

shadows lengthening into the dusk,
the invasion of a gnawing silence,
shredded, occasionally, by animal sounds :
the whistle of a homing bird,
the frightened screech of an owl,
the hum-humm of descending darkness
and [PAGE 146]

I went

passing on my way, herdsmen
returning, rod across the shoulders,
to the peasant peace of loving arms,
the pleasant filth of rotting shacks
but

I saw

the shooting pain of wounded dreams,
dreams shorn of wings, of colour,
of voice of tone : dreams ruptured
in the ranks screams of poli-trick-cians

In league

businessmen, professionals, prophets,
professors and
poets singing in the chloroform
dream of money
And

I felt

estranged. Surely the poet is
estranged who cannot share
his people's fount of being ?

Harrie GARUBA
Publié avec l'autorisation du magazine « Positive Review »
[PAGE 147]

ALIENATION : KANO 1978

(A un ami, un camarade paysan)

J'ai marché le long des sentiers rocailleux,
poussiéreux, si ce n'est la douceur du vent,
des sentiers en lacets sur un paysage
de sécheresse, dans le sein d'une terre de famine
Sous mes yeux
des enfants pieds nus en haillons,
de blancs haillons (ne sommes-nous pas
un peuple croyant), se colorant en roux,
dans un accord silencieux,
avec l'ambre d'un jour déclinant.

Sous mes yeux

des ombres s'allongeaient dans le crépuscule,
dans un silence envahissant et mordant
par moments coupé de cris animaux :
le sifflement d'un oiseau rentrant au nid,
le cri effrayé d'une chouette,
les bruits des ténèbres qui s'étendent,
puis

J'ai marché

J'ai rencontré des pasteurs
leur bâton au travers des épaules, revenant
vers le calme bucolique de bras aimants,
la saleté attachante de taudis immondes,
mais

J'ai vu

la douleur apaisante de rêves blessés,
de rêves aux ailes coupées, sans couleur,
sans voix, sans musique : de rêves éclatés
dans les cris exubérants des poli-tricheurs

de connivence avec

les hommes d'affaires, les experts, les prophètes,
les universitaires et
les poètes bercés par les rêves chloroformés
d'argent
Et

Je me suis senti

Etranger. N'est-il pas aliéné
le poète impuissant
à partager la source de vie
de son peuple ?

Harrie GARUBA
(traduit de l'anglais avec l'autorisation de Positive Review)