© Peuples Noirs Peuples Africains no. 9 (1979) 69-80



LA LITTÉRATURE CAMEROUNAISE NOUVELLES TENDANCES OU FAUX ESPOIRS?

Eloise A. BRIERE

C'est en 1956 que commença la carrière d'écrivain de René Philombe, alors terrassé par une polynévrite. Prémices de cette carrière, Lettres de ma Cambuse, une série de tableaux peints sur le vif dans lesquels l'auteur a su capter toute la saveur d'un des quartiers populaires de Yaoundé, fut couronné par l'Académie Française[1]. C'est une mesure du talent de Philombe qui n'a jamais quitté son sol natal pour aller apprendre le type de français qui est habituellement récompensé par l'Académie Française. L'année suivante, Philombe écrivait Sola ma chérie dont l'intrigue révèle toute l'hostilité latente qui existe entre jeunes et vieux. La dot dont il est question dans cette œuvre, est pratiquement le seul moyen qui reste aux anciens de s'imposer ; René Philombe montre le côté oppressif de cette coutume. Les parents de Sola la "vendent" à un parti riche mais vieux et pingre, sans tenir compte des sentiments de Sola qui jette son dévolu sur quelqu'un d'autre.

Dans Un Sorcier blanc à Zangali (1970) Philombe se sert d'un thème cher à Mongo Beti et à Ferdinand Oyono : le conflit entre le zèle missionnaire et la société traditionnelle. [PAGE 70] L'année suivante, René Philombe faisait publier une deuxième collection de nouvelles, Histoires queue de chat (1971) qui se passent, pour la plupart, au village; l'auteur pointe un doigt accusateur envers les pratiques, superstitions et les institutions traditionnelles, souvent oppressives, surtout celles qui briment les femmes.

Ainsi, jusqu'en novembre de 1978, il y avait peu pour distinguer la carrière littéraire de René Philombe de celle d'autres écrivains se trouvant au Cameroun. Le conflit entre les religions, l'oppression des femmes (la dot) et la vie traditionnelle avec ses superstitions, forment la matrice des thèmes auxquels les écrivains vivant au Cameroun se sont limités jusqu'à ce jour[2] ; ceci est sans mentionner les [PAGE 71] recueils entiers de poésie et même des livres qui chantent les louanges d'Ahmadou Ahidjo, président du Cameroun[3].

La littérature camerounaise contemporaine donne l'impression que le Cameroun est un havre de paix et d'amour fraternel et que des problèmes tels les conflits religieux, l'exploitation de la femme et la superstition disparaîtront au fil des années. Les deux dernières œuvres de René Philombe, Africapolis et Choc Anti-Choc, contrastent singulièrement avec le corpus des œuvres littéraires camerounaises. Car, même si la censure au Cameroun n'est pas systématique, son existence a promulgué une auto-censure qui, de manière très efficace, a éliminé certains thèmes du répertoire des écrivains[4]. L'auto-censure est la représentation intérieure de la répression dont la face extérieure se trouve dans la société camerounaise. Africapolis et Choc Anti-Choc s'élèvent contre cette répression.

Choc Anti-Choc est une collection de poèmes écrits lorsque Philombe fut prisonnier dans ce qui est appelé un "Centre de Rééducation Civique". Ces poèmes révèlent le côté inconnu de René Philombe, l'écrivain, et jettent un éclairage nouveau sur ses premiers écrits. Alors qu'il écrivait Lettres de ma Cambuse, Sola ma chérie et ses autres œuvres, on venait régulièrement perquisitionner chez Philombe, ce qui le conduisit plusieurs fois en prison. Cependant, les œuvres publiées à cette époque ne portent aucune trace directe de tout cela; néanmoins, leur silence exprime, et de manière éloquente, la nature répressive de ces expériences.

C'est en 1957 que Philombe fondait deux journaux : La Voix du Citoyen et Bebela Ebug (en ewondo) dont les articles devaient susciter un dialogue autour des problèmes sociaux au Cameroun à la veille de l'indépendance. Dans « Epitre à Monsieur Fouda, premier maire de la première ville camerounaise », de manière typiquement radicale, Philombe s'en prend au maire tout-puissant de la ville de Yaoundé : [PAGE 72]

    Le Peuple également à nous s'intéresse.
    Il bénit mon courage autant que ta richesse
    Ta tête brille d'or, mon front brille d'espoir...[5]

Inspiré par les espoirs nés de l'indépendance, il est probable que René Philombe, membre de la police depuis 1949, chercha à compenser quelque peu son manque de participation directe aux événements qui portèrent le Cameroun à l'indépendance[6]. Sympathisant du mouvement révolutionnaire de l'UPC avec lequel il noua des liens dès 1949, il ne lui fut néanmoins pas possible de traduire sa sympathie en action politique directe[7].

C'est dans « Sur la tombe de mon père », que l'on trouve l'expression de ce manque d'engagement :

    Je n'ai pas bougé
    D'un pas
    Quand le feu m'a surpris
    Sur la tombe de mon père

    Non pas ce feu de brousse
    Africain
    Grignotant
    Sous sa dent
    Orite chaume et Sissongo
    Pour les moissons
    Futures
    Mais le feu des crachats
    Le feu des razzias
    Le feu puant des crachats
    Et de la mort...

    (Hellali, 1964) [PAGE 73]

Le poète termine en indiquant qu'il est un homme calciné; c'est une image qui résume toute l'amertume d'un homme, talentueux et plein de vitalité, obligé d'être spectateur et commentateur, plutôt qu'acteur, dans la lutte historique pour l'indépendance.

C'est ainsi que l'engagement dont fait preuve Philombe en 1960, lui valut cinq mois de prison, le temps d'écrire les neuf poèmes de Choc Anti-Choc. A sa libération, il fit polycopier la collection qui s'intitulait alors Peuple debout, monstre sans âge. Pendant que les éditeurs acceptaient de publier les autres œuvres de Philombe, ces poèmes restèrent sans éditeur jusqu'en 1978. Un examen de ces poèmes nous permettra d'être en mesure de comprendre pourquoi ils ont été voués au silence pendant 18 ans.

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Le premier poème s'intitule « Dédicace » ici le rôle du poète rappelle celui du prêtre qui offre le sang du Christ pour la rémission des péchés pendant la messe. Le poème lui-même est un calligramme et prend la forme d'un calice. C'est un calice qui est rempli de :

    sueurs
    et de sangs
    à tous mes frères
    noirs, blancs, ou jaunes
    qui ont encore le cœur d'admirer
    le sexe rude et dru de la vérité nue
    de la vérité du Chien-Méchant chiant comme un chien.
    (p. 7)

Alors que les préoccupations humanitaires du poète transparaissent dans les cinq premiers vers ci-dessus, c'est sa colère qui éclate dans les deux derniers vers. L'image saisissante de la vérité relevant d'abord de la sexualité, puis de la scatologie ainsi que l'allitération du dernier vers, tout ceci contribue à établir un contraste entre ces vers et ceux qui précèdent. Ce poème est dédié à ceux qui ont encore le courage de regarder la vérité en face. Cet offertoire, comme celui du prêtre, connaîtra son achèvement dans la communion. C'est dans le dernier poème de Choc Anti-Choc, « In Memoriam », que ce moment suprême sera atteint car [PAGE 74] la communion des vivants et des morts se réalise dans la révolution.

Le deuxième poème, « Hymne des révolutionnaires » est chanté par des rebelles qui, ayant brisé l'immobilité qui caractérise le poète dans « Sur la tombe de mon père » (voir p. 4), vont de l'avant, sûrs qu'aucun tyran ne saura arrêter leurs pas : « Rien n'étouffe nos chants; rien n'arrête nos pas ! » (p. 9).

Le motif musical du poème précédent est repris dans « Cantilène à un petit chat » qui doit être accompagné au balafon[8].

Le mot « cantilène » lui-même indique que ce poème est une manière de chant[9]. Cependant, il n'est plus question de chant aux louanges des rebelles du poème précédent; ici, c'est un petit chat qui est le témoin innocent de l'intrusion des «pontifes de la terreur et de la mort » dans l'«humble cambuse » du poète. Lorsque les intrus barbares ont éventré sa cambuse et profané ses livres, le poète est déclaré terroriste et mis en prison. Le petit chat (« mystérieux témoin de mes rêves innocents ») lui, continuera à jouir de la liberté, alors que le poète sera « Claquemuré derrière la terreur de ces barreaux-bourreaux » (p. 14).

Dans le poème suivant, « Mais Pourquoi », le poète veut savoir pourquoi il a été mis en prison. La question rhétorique « mais pourquoi » forme la structure rythmique du poème qui est accompagné sur le mvet et le nkên[10]. La répétition de ces deux mots (7 fois pour 6 couplets) souligne la frustration du poète cherchant à comprendre pourquoi il a été mis au ban de la société « comme un fauve dangereux » (p. 15).

« Le Chant des maquisards », également écrit en vers alexandrins, fait écho au ton héroïque et élevé de « L'Hymne des révolutionnaires ». Le ton du vers alexandrin contraste avec celui, plus intime, du vers libre que Philombe utilise dans les poèmes de nature plus personnelle. Les premiers [PAGE 75] quatrains évoquent la période trouble (ca. 1950-1960) au Cameroun quand les Upécistes, membres de l'Union des Populations Camerounaises, se heurtaient à l'armée française. Les images employées par Philombe traduisent toute l'horreur de ce moment de l'histoire :

    Ce Cameroun en deuil, je l'admire et le plains !
    Ses foyers déserts, mais ses tombeaux tous pleins !
    Dans un fleuve de sangs, d'horreur du couvre-feu
    S'agitent chaque nuit des hordes sans aveu.
    (p. 17)

Le huitième quatrain constitue le tournant du poème car le poète parle de la mort de Ruben Um Nyobé et Felix Moumié, leaders des Upécistes[11]. A partir de ce moment, le poète s'identifie totalement avec le mouvement de libération, cherchant à rejoindre le maquis.

    Je veux goûter aussi l'absinthe du péril.
    Ainsi que mes héros, il faut que je m'en aille
    Confondre les tyrans sur le champ de bataille.
    (p. 18)

« Muetismes » est une condamnation d'un régime où la liberté d'expression est inconnue. Le lecteur peut supposer que le « monstre muet » dont il est question ici, est en fait le mouvement U.P.C. lorsqu'il fut obligé de se réfugier dans la clandestinité. C'est dans « Vision », l'avant dernier poème, que le poète voit ce monstre muet retrouver l'usage de la parole :

    Et leurs bouches bavent de mots imprécatoires
    Et leur langue désormais ne tient plus
    Qu'un langage d'airain
    Peuple Debout Monstre Sans Age
    (p. 31) [PAGE 76]

« Le cœur d'un pendu » est le dernier des poèmes écrits en alexandrins dans Choc Anti-Choc. Le poète évoque l'horreur de la mort infligée aux maquisards et leur acceptation héroïque du martyr. Rappelant les images religieuses de « Dédicace », le gibet devient un autel sur lequel le sang pur des maquisards est versé. Les trois derniers quatrains mettent en scène le poète mourant qui accomplit un miracle, car il parvient à mobiliser les masses en jetant son cœur à la foule. Ce geste rappelle d'anciens rites du peuple Beti ainsi que l'absorption symbolique du corps et du sang du Christ par le communiant à la messe, car le cœur du poète insuffle aux masses la force nécessaire pour vaincre « Le Tyran » (p. 22)[12]. L'accompagnement au tam-tam baigne le poème, dont l'action se déroule en pleine éclipse solaire, dans une atmosphère dramatique :

    Où le peuple, tremblant fait taire ses chants lestes.
    Rien ne bouge. Le jour s'éteint en plein midi
    Et le vent s'est figé dans ses lares célestes
    (p. 21)

« Vision » est une composition en cinq parties, chaque partie étant accompagnée sur des instruments traditionnels différents.

I. On entend le crescendo montant des opprimés du monde.

II. Le poète, derrière les barreaux, entend la voix de la révolution qui scande : « Peuple Debout, Monstre Sans Age ! »

III. Le peuple, oint dans les fonts baptismaux de la terreur, se réveille et bouge; le poète, de sa cellule, entend le refrain : « Peuple Debout, Monstre Sans Age ! ».

IV. Trop longtemps déshumanisé, le peuple prend le cours de l'histoire entre ses propres mains.

V. Le poète non seulement entend son peuple, mais il le voit transfiguré par la grâce de la révolution.

Le finale de cette composition progresse vers une dimension apocalyptique. Ce crescendo trouve son écho dans [PAGE 77] l'accompagnement musical qui, initialement, se fait au mvet; puis, le nkêng, le balafon, la flûte et le tambour sont ajoutés successivement. Ici, le poète amplifie la violence verbale suggérée dans « Dédicace », le premier poème de Choc Anti-Choc; à cet effet, il se sert de l'allitération et de la répétition pour évoquer l'explosion de la colère trop longtemps contenue et le bouleversement soulevé par la révolution.

    Alors dans un ciel enguirlandé de sang
    Et de feu
    Retentit le choc antichoc
    Des crocs
    Et des cracs
    Et voilà qu'ils ont tous la prunelle déflorée
    Par de longues stalactites d'étonnement
    Ces yacks
    Ces macaques
    Ces braques crottés de matraques
    Ces satrapes brandissant des tomahawaks
    (p. 34)

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Ecrite en 1974, la pièce Africapolis se passe dans un royaume africain imaginaire dirigé par le roi-despote, Ekamtid. L'action reprend le fil de celle des révolutionnaires dans Choc Anti-Choc. Ici, le pouvoir ne se trouve plus dans les mains de la « sombre trinité » du colonialisme (le soldat, le missionnaire et le commerçant) dont parle Philombe dans « Vision » (p. 30) car il a été confié au leader noir Ekamtid. Aveuglé par son conseiller obséquieux et ses ministres inefficaces, le Roi apprend qu'un parti politique, « Le Rassemblement Fraternel des Citoyens » sème la subversion dans le pays. Ce parti a été lancé par Boki, de retour en Africapolis après avoir étudié en France. Lorsque lui et Doumbé furent étudiants à Paris, ils se jurèrent que, de retour au pays natal, ils se mettraient au service du peuple d'Africapolis. Pour réaliser ce vœu, Boki devient directeur de la Banque Nationale du Développement où sa politique bouleverse celle pratiquée jusqu'alors : il fait des prêts aux paysans, aux commerçants et même aux chômeurs plutôt qu'aux membres de la bourgeoisie. De son côté, Doumbé trahit le peuple car [PAGE 78] il devient chef de la Sûreté Nationale admettant que : « La France, c'est la France, et l'Africapolis, c'est l'Africapolis ! Il faut être pragmatique... » (p. 56)[13].

La pièce montre que dans le pays néo-colonial d'Africapolis, ni les valeurs traditionnelles (Boki est le seul à demander la bénédiction des anciens) ni celles d'un état moderne (la liberté d'expression et d'assemblée, le droit à l'éducation et à l'information, le droit au travail, etc ... ) n'ont aucune influence sur les affaires de l'Etat. La nature irrationnelle et despotique du régime se voit dans les mesures de dernière urgence introduites par Ekamtid pour éteindre le feu de la révolte[14]. Malgré leur violence, ces mesures ne peuvent arrêter le peuple en colère car, comme l'exprime Boki :

    Personne, mon ami, ne saurait revendiquer la paternité d'une révolution. Elle est allumée et alimentée par le fossé qui existe entre la majorité des pauvres et la minorité des riches égoïstes ! (p. 55)

Dans la scène finale du cinquième acte, le peuple prend le pouvoir et envahit le tribunal où le roi Ekamtid, sa reine et le conseiller, Tom, sont jugés sous la direction de Kwassi Tamtam, le poète clairvoyant que l'on avait accusé de subversion[15].

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Dans l'introduction d'Africapolis, René Philombe ne s'en prend pas à la censure au Cameroun, mais accuse plutôt les [PAGE 79] metteurs en scène camerounais qui manquèrent de courage de monter Africapolis après la représentation initiale à Bafoussarn en 1974. Ne ménageant pas ses mots, Philombe accuse également l'Office National de la Radio Française parce qu'elle a refusé d'émettre cette pièce sous prétexte que cela pourrait offenser ceux qui, en Afrique, sont au pouvoir[16]. Ce que René Philombe semble vouloir dire, c'est que des œuvres littéraires de nature révolutionnaire peuvent en fait être écrites au Cameroun et que la censure n'existe que dans l'imagination de l'écrivain, de l'éditeur et du metteur en scène.

Ce qui risque d'être vrai en 1978 n'a sûrement pas toujours été le cas au Cameroun, sinon, les poèmes de Choc Anti-Choc ne seraient sûrement pas restés dans l'oubli pendant 18 ans et des écrivains exilés tels Mongo Beti seraient sûrement rentrés au pays, attirés par le vent de la libéralisation[17].

René Philombe est bien placé pour mesurer l'évolution de la liberté d'expression au Cameroun. Ayant déjà fait l'objet de la répression pour ses idées, Philombe peut éprouver le sentiment d'avoir bu la coupe jusqu'à la lie, ne craignant plus ni la répression ni la prison. Ou bien, il se peut que le Cameroun se trouve au seuil d'un renouveau de libertés civiles parce que les plaies laissées par les rébellions de l'U.P.C. ont suffisamment guéri pour permettre un dialogue autour des sujets qui, jusqu'ici, ont été perçus comme porteurs potentiels de discorde. Dans ce cas, la publication de Choc Anti-Choc et d'Africapolis serait une indication de changements au Cameroun, peut-être rendus nécessaires compte tenu de l'approche des élections présidentielles (1980). Dans cette optique, il y a même un risque que l'œuvre de René Philombe soit récupérée au profit de l'idéologie dominante. Récemment, nous avons pu lire dans un article de Philippe Decraene dans Le Monde du 5 février 1979, que la parution de la pièce Africapolis est une preuve éclatante de toute l'étendue de la liberté d'expression au Cameroun. Ce que [PAGE 80] l'auteur, qui cite le Dr. Foulon, ancien ministre, a négligé de mentionner, c'est que depuis la représentation initiale par un collège religieux à Bafoussam, petite ville de l'ouest, il y a cinq ans, on refuse systématiquement de jouer Africapolis au Cameroun. Tout comme l'écrivain sans éditeur, la voix du dramaturge ne portera pas bien loin s'il est sans metteur en scène[18]. La parution de telles pièces peut donc même servir les intérêts de l'idéologie dominante car, tout en ayant peu d'envergure à l'intérieur du pays, elles servent néanmoins à redorer l'image du Cameroun à l'étranger.

Les dernières œuvres de René Philombe seront-elles toujours disponibles au Cameroun ? On en trouve actuellement dans les librairies principales de Yaoundé, mais cela ne veut pas dire que la censure à retardement ne surgira pas. Africapolis sera-t-elle jouée et l'écrivain trouvera-t-il un éditeur pour son dernier roman (L'Ancien maquisard) ?... Lesréponses à ces questions nous révèleront l'option vers laquelle le Cameroun s'oriente. Et, peut-être verrons-nous un jour s'élargir la matrice thématique de la littérature camerounaise pour accueillir les sujets que l'écrivain camerounais envie aux écrivains de régimes plus libéraux.

Eloise A. BRIERE
University of Toronto
Fulbright Program in Cameroon


[1] Lettres de ma cambuse, Yaoundé, Clé, 1965, 2e éd. revue et augmentée 1970.

[2] Religion :
Mongo Beti Le Pauvre Christ de Bomba, Paris, Laffont, 1956.
Le Roi Miraculé, Paris, Corréa-Buchot-Chastel, 1958.
Ferdinand OyonoUne vie de boy, Paris, Juliard, 1956; Chemin dEurope, Paris, Julliard, 1960.
lkelle-Matiba Cette Afrique-là, Paris, Présence Africaine, 1963 (1972).
Benjamin Matip Afrique t'ignorons, Paris, éd. Lacoste, 1956,
Patrice Etound M'Balla Lettre ouverte à Sœur Marie-Pierre, Yaoundé, Clé, 1978.

La Femme :
Joseph Owono Tante Bella, Yaoundé, au Messager, 1959.
Mongo Beti Perpétue, Paris, Buchet-Chastel-Correa, 1974.
Guillaume Oyeno M'Bia Trois prétendants... un mari, Yaoundé, Clé, 1964 (1969,
1971).
Francis Bebey Le fils d'Agatha Moudio, Yaoundé, Eds Le Flambeau,1978.

La Tradition :
Etienne Yanou L'homme-dieu de Bisso, Yaoundé, Clé, 1974.
J.M. Nzouankeu Le souffle des ancêtres, Yaoundé, Clé, 1965.
H.G. Ahanda Essomba Le Fruit défendu, Yaoundé, Clé, 1975.

[3] Colliers de Cauris de F. Sengat-Kuo (Paris, Présence Africaine, 1970) et Cameroun, La Révolution Pacifique du 20 mai de S.M. Eno-Belinga (Yaoundé, éd. Lamaro, 1976).

[4] L'auto-censure fonctionne avec efficacité parce que l'écrivain est persuadé que s'il traite de certains sujets, il sera arrêté. Je connais personnellement deux cas d'écrivains ayant fait l'objet de la répression pour la nature subversive de leurs écrits.

[5] « Epitre à Monsieur Fouda, premier Maire de la première ville camerounaise », 1960, chez l'auteur. cf. Bessala Ngoa, La vie et l'œuvre de René Philombe, Yaoundé, Université de Yaoundé, 1973 (Mémoire, DES, Lettres).

[6] Les désaccords entre René Philombe et ses supérieurs ainsi que son action syndicale occasionnèrent son déplacement d'un service à l'autre et d'une ville à l'autre pendant sa carrière dans la police. cf. Thérèse Barratte Eno-Belinga, Ecrivains, Cinéastes et Artistes Camerounais, Yaoundé, CEPER, 1978.

[7] cf. Bessala Ngoa. op. cit. p. 22.

[8] Balafon : instrument musical camerounais traditionnel.

[9] « Cantilène » : forme poétique lyrique utilisée pour évoquer les morts, habituellement des saints, et chantée pendant la messe au Moyen Age.

[10] Mvet : instrument à cordes qui accompagne la poésie orale au Cameroun.
Nkën : instrument traditionnel à gongs jumelés.

[11] Ruben Um Nyobé, leader de l'UPC, rejoint le maquis quand son parti est interdit. Il fut tué le 13 décembre 1958. F. Moumié remplaça Um Nyobé mais fut également liquidé (le 3 novembre 1960). cf. Mongo Beti, Main basse sur le Cameroun, Paris, Maspéro, 1972. En 1967, R. Philombe fut mis en prison pour avoir prétendument reconstitué l'UPC cf. Bessela, op. cit. p. 27.

[12] Le tsoo, rite beti pour la rémission des péchés, (nsem) exigeait des sacrifices sanglants. cf. Th. Tsala, « Les croyances beti à la lumière de la sémantique et des proverbes », Yaoundé, 1977, p.15.

[13] La divergence entre Boki et Doumbé n'est pas sans rappeler celle entre Ferdinand Oyono et Mongo Beti, depuis l'indépendance. Ecrivains d'importance, ils s'attaquèrent au régime colonial, ce qui semblait les destiner à être les critiques du régime néo-colonial au Cameroun. Mongo Beti a suivi ce destin alors que Ferdianad Oyono est le représentant du Cameroun auprès des Nations Unies; celui-ci se trouvait être ambassadeur en France au moment où Main Basse sur le Cameroun fut interdit en France, à la demande du régime camerounais.

[14] Le Roi accorde une augmentation aux fonctionnaires afin de calmer leur colère suscitée par la politique du crédit de Boki. On ferme toutes les écoles et l'Université parce que le nom de Karl Marx a été prononcé dans une salle de classe du royaume.

[15] Comme le cœur du poète dans « Cœur d'un pendu », le poète visionnaire dirige la ferveur révolutionnaire de son peuple.

[16] Voir l'étude d'Alain Ricard sur l'ORTF et la littérature africaine dans Research in African Literature, no. 2 vol. 4, p. 189-191, Fall 1973.

[17] L'interdiction de Perpétue et Remember Ruben illustre l'inefficacité de la censure au Cameroun : dans un premier temps, on autorisa leur vente, ce n'est que plus tard qu'on s'aperçut qu'ils étaient en fait de nature subversive.

[18] Les éditeurs se méfient de la voix de Philombe; Clé, qui publia Sola ma chérie, Un Sorcier Blanc à Zangali, Lettres de ma Cambuse et Histoires queue de chat, n'a pas cru pouvoir publier les œuvres plus récentes de Philombe. C'est cette situation qui obligea Philombe à créer sa propre maison d'édition : Les Semences Africaines (P.B. 2180, Yaoundé).