© Peuples Noirs Peuples Africains no. 9 (1979) 1-20



GRANDES LIGNES ET TENDANCES DANS LE THEATRE AFRICAIN ENGAGE

Biodun JEYIFO

1. Shadows in the Horizon de Kole Omotoso, publié à Ibadan (1977);
2. Betrayal in the City de Francis Imbuga, East African Publishing House, (1977);
3. The Chattering and the Song de Femi Osofisan, Ibadan University Press, (1978).

L'exposé et l'analyse de ces trois pièces, récemment publiées et jouées, toutes trois passionnément « engagées », nécessitent quelques remarques préliminaires d'ordre général sur la nature de cet engagement du théâtre africain contemporain. Comme nous allons le voir, l'engagement et les tendances progressistes du théâtre africain ne sont pas sortis du néant, mais sont apparus dans un certain contexte historiquement et culturellement vaste et hétérogène. Ces remarques impliquent que le critique qui s'intéresse à cette question doit combiner les généralisations et les faits particuliers, mettre en corrélation un processus d'abstraction et les éléments spécifiques.

Le concept d'« engagement » n'embrasse pas de façon exhaustive l'éventail des thèmes et styles dans le théâtre africain moderne, mais il se rapporte plutôt à un modèle dominant. Prise dans son sens le plus large, cette notion [PAGE 2] décrit fort bien les préoccupations fondamentales d'un grand nombre de nos dramaturges. D'une longue liste de pièces traitant plus ou moins profondément des réalités sociales et politiques de l'Afrique Noire, nous pouvons retenir celles-ci, qui sont les plus connues et/ou les plus jouées : de Wole Soyinka (Nigeria) : Kongis Harvest, Madmen and Specialists; d'Ama Ata Aidoo (Ghana) : The Dilemna of a Ghost; de Sarif Easmon (Sierra Leone) : The New Patriots; d'Ebrahim Hussein (Tanzanie) : Kinjeketile; de Ngugi Wa Triong's (Kenya) : The Black Hermit, The Trial of Dedan Kimathi ; de Lewis Nkosi (Afrique du Sud) : The Rhythm of Violence; et d'Athel Fugard (Afrique du Sud) : The Blood Knot, Boesman and Lena, Sizwe Bansi is Dead. On peut y ajouter cette brillante et poétique tragédie anti-impérialiste, sur la vie et l'assassinat de Patrice Lumumba : Une Saison au Congo d'Aimé Césaire. Quels sont donc les éléments qui caractérisent et différencient ces pièces ainsi que d'autres pièces socialement engagées dans l'ensemble de la production dramatique moderne en Afrique ?

Au stade le plus large de généralisation, l'élément fondamental de différenciation porte sur l'analyse de la structure sociale et de l'appartenance de classe. Certaines pièces en effet traitent exclusivement des problèmes politiques, sociaux et culturels des élites naissantes, bien que certains de leurs auteurs puissent prétendre parler au nom de la nation tout entière, ou au nom du peuple, ou même de toute l'Afrique. Le théâtre de Sarif Easmon, la pièce d'Aïdoo : The Dilemna of a Ghost, celle de Nkosi : The Rhythm of Violence et dans une certaine mesure Kongi's Harvest de Soyinka, illustrent bien ce type de drames africains traitant ainsi des problèmes sociaux. Contrairement à cette tendance, un autre groupe de pièces évite délibérément de parler de cette élite, de ses préoccupations, de ses problèmes, et s'intéresse aux ouvriers et paysans, aux masses urbaines et rurales, à leurs dirigeants et à leurs délégués; c'est le cas dans The Trial of Dedan Kimathi de Ngugi, Kinjeketile d'Hussein et Sizwe Bansi is Dead de Fugard.

On peut noter au passage qu'il est utile et même nécessaire d'opérer cette division élémentaire, même s'il s'agit d'une généralisation très poussée. La plupart des auteurs dramatiques africains sont effectivement issus de la couche instruite et salariée de la petite-bourgeoisie nationale en formation en Afrique, qu'ils soutiennent leur classe, ou qu'ils [PAGE 3] aient perdu leurs illusions en ce qui la concerne, ou encore qu'ils soient en révolte ouverte contre elle. On peut déterminer la véritable nature de leur engagement, si ce n'est même leur valeur artistique, si on tient compte de la classe sociale à laquelle ils s'intéressent de façon primordiale ou même obsessive, de la sympathie, de l'antipathie, ou des sentiments mitigés qu'ils manifestent à son égard, de la distance qu'ils prennent ou de la solidarité qu'ils expriment vis-à-vis d'elle. Il est inutile de préciser que bon nombre de dramaturges africains n'entendent pas être l'objet de ce type d'analyse, ce en quoi ils ignorent que, depuis l'époque d'Aristote, l'accent a été mis, en ce qui concerne la critique théâtrale, sur l'appartenance sociale des personnages; Aristote en effet enjoignait rigoureusement aux auteurs dramatiques d'observer scrupuleusement les catégorise sociales – que ce soient les patriciens, les hommes du peuple, les femmes ou les esclaves – et la fonction qui était « attribuée » à chacun.

Si on se situe à un second niveau plus élaboré d'engagement dans le théâtre africain, on peut identifier les catégories sociales en formation dans le mouvement dialectique individu-société; c'est là pour tous les critiques et leurs écoles la pierre angulaire de l'utilité sociale du théâtre. La phrase célèbre de Marx selon laquelle « ce sont les hommes qui font l'Histoire, mais dans des conditions données », indique l'existence d'un lien dialectique indissoluble entre l'individu et la société, entre la volonté individuelle et le déterminisme, entre le royaume de la liberté et celui de la nécessité.

Pour la majorité de nos auteurs dramatiques africains contemporains, l'individu est presque entièrement libre de soi-même, même quand ils concèdent du bout des lèvres que les traditions dans les sociétés africaines pèsent sur lui. A cet égard, Soyinka illustre le mieux cette tendance; son immense talent mis à part, c'est la raison principale qui le fait apprécier des critiques bourgeois européens; pour eux, c'est dans les œuvres de Soyinka que sont traités clairement et pour la première fois dans le théâtre africain, la vie de l'individu, les stigmates du temps sur son visage et dans toute sa personne, la prise de conscience d'un choix et d'une responsabilité morale personnelle. C'est à juste titre qu'ils voient dans les pièces de Soyinka l'incarnation de l'individualisme propre à la bourgeoisie occidentale. [PAGE 4]

Récemment, on a assisté à l'émergence d'un nombre croissant d'auteurs dramatiques, essentiellement de gauche, qui mettent surtout l'accent sur le déterminisme social dans le mouvement dialectique individu-société. Cette tendance se manifeste chez Mukotani Rugyendo du Kenya et chez Kole Omotoso du Nigéria.

Quelques auteurs parviennent à un équilibre ou au contraire à une tension entre l'individu et les racines socio-historiques de son existence, selon que leur approche est dialectique ou empirique. Dans ce cas, un groupe social, une classe ou un corps constitué détermine les actes de l'individu, lesquels en échange influencent le groupe ou la classe. Et il est intéressant de noter que, là où cette réciprocité est dialectique, comme dans Kinjeketile d'Hussein et Dedan Kimathi de Ngugi, l'attitude de l'auteur est inspirée par une combativité révolutionnaire et par une vision optimiste. Mais là où nous avons affaire à une simple description empirique, quel que soit son degré de profondeur ou d'exactitude, le point de vue de l'auteur se manifeste, soit par un optimisme béat, soit par un fatalisme pessimiste. C'est ce que nous trouvons dans la plupart des pièces de Fugard, plus particulièrement dans la plus célèbre : Sizwe Banzi is Dead et dans The Island.

On peut trouver un dernier niveau de classification dans la critique culturelle contenue dans la vision dramatique de l'auteur. En effet, une pièce engagée conteste ou accepte non seulement une réalité politique et sociale, mais aussi ses éléments culturels. Ainsi, dans Kongis Harvest de Soyinka, ce à quoi nous sommes confrontés, ce n'est pas seulement à l'exposé sévère et méprisant de la domination politique brutale et répressive de Kongi, mais aussi à un univers culturel stérile dans lequel toute valeur, toute communication, toute expression authentique ont été balayées par des slogans vides de sens et un néo-traditionalisme absurde. Par conséquent, l'auteur se tourne avec nostalgie vers une solution idéalisée, vers la culture semi-féodale et théocratique des anciens royaumes Yorouba. En d'autres termes, au profond pessimisme culturel de l'auteur par rapport à notre époque fait pendant un conservatisme foncier sur ce même plan culturel.

Par opposition, la pièce de Ngugi et Mugo : The Trial of Dedan Kimathi montre que la culture se crée ou se forge sous une forme nouvelle à travers la lutte : les anciennes [PAGE 5] chansons, les mythes, les valeurs de naguère, les relations coutumières, les caractères, sont remodelés et prennent une signification différente. Présenté autrement, c'est ce que nous rencontrons dans la pièce de Césaire, Une Saison au Congo, et dans celle d'Hussein : Kinjeketile . En dernière analyse, cela implique qu'il y a une « culture de compromis » et une « culture de résistance », une culture qui s'accorde avec le néo-colonialisme et le soutient, et une qui, de façon radicale, le met en cause et définit une perspective révolutionnaire.

La pièce de Kole Omotoso : Shadows in the Horizon a comme sous-titre : « une pièce sur la destruction de la propriété privée ». Les personnages représentent et défendent les intérêts des deux principales classes sociales au Nigeria – la petite-bourgeoisie exploiteuse et les travailleurs exploités (moins les paysans et les chômeurs), et ils agissent en fonction de ces intérêts. Les accessoires utilisés donnent littéralement l'image de ce dont traite la pièce; la propriété privée (représentée par des maisons et des voitures en miniature).

Il règne dans la pièce d'Omotoso une atmosphère de dépouillement, un mouvement ininterrompu, et les actions et réactions s'enchaînent à un rythme vertigineux : ici l'influence de Peter Weiss est indéniable. Ainsi, c'est à peine si la pièce parvient à dessiner, à travers des allégories, les grandes lignes classiques du passage d'une situation pré-révolutionnaire à une situation révolutionnaire dans une société divisée en classes antagonistes (le contexte ici est nigérian). L'action commence par le spectacle de la panique croissante de la petite-bourgeoisie nationale, se poursuit par des batailles suicidaires à l'intérieur de cette classe, qui à la fin déciment ses rangs et laissent ses membres affaiblis et épuisés avant l'assaut des travailleurs unis et solidaires. La pièce d'Omotoso condense l'ensemble de ces phénomènes politiques et historiques dans une société divisée en classes antagonistes, en s'appuyant pour la mise en scène sur la danse, les chants et le mime. C'est à la fin qu'intervient le point culminant de la pièce, avec le cri de haine de la classe dominante : « Non, vous ne pouvez pas construire sur des ruines ! », auquel répond la détermination des travailleurs :

« Oui, nous construirons ! ».

Du fait que la révolution n'a pas eu lieu au Nigeria, la pièce d'Omotoso peut être considérée, selon la perspective politique et idéologique de chacun, soit comme une pure [PAGE 6] utopie, soit comme une anticipation du futur. Ce sont ces deux réactions opposées que la mise en scène de la pièce a engendrées. C'est là un bon signe, et le théâtre nigérian gagnerait à produire un plus grand nombre de pièces de ce genre.

Pour le reste, la vitesse trépidante à laquelle se déroule l'action dans cette pièce, ainsi que l'accent mis plus sur le spectacle que sur l'action et le dialogue, conduisent dans une certaine mesure à sacrifier l'analyse et la démonstration. Ni les luttes difficiles et meurtrières au sein de la classe dirigeante, ni l'unité et la solidarité croissantes des travailleurs et la lutte de classe ouverte qui intervient à la fin, ne sont représentées dialectiquement ou ancrées dans une réalité sociale concrète. Il en résulte, ce qui est inacceptable, qu'on ne peut pas tirer de la pièce une leçon montrant simultanément l'inévitabilité et la nécessité de la révolution; cette conception se trouve réfutée par la pratique théâtrale de Brecht et Weiss, et en Afrique, de plus en plus, de Ngugi. Le danger en définitive est que, pour un public conscient et engagé, cette attitude peut engendrer une tendance au volontarisme (Nous voulons la révolution, donc elle va venir), et pour un public peu conscient ou hostile, l'idée que tout cela est très bien, il n'y a qu'à laisser les socialistes rêver au jour du grand règlement ! Pour avoir par conséquent une influence réelle, il faut que les pièces révolutionnaires s'appuient sur une observation et une analyse approfondies.

La pièce de Francis Imbuga : Betrayal in the City, a été jouée par la troupe kenyanne au Festival Mondial des Arts Nègres (FESTAC), en 1977 à Lagos. Elle rappelle sur de nombreux points celle de Wole Soyinka : Kongi's Harvest; le personnage de Boss chez Imbuga est très proche de celui de Kongi chez Soyinka, de même que Kafira ressemble à l'Etat totalitaire d'Ysma. Et effectivement, à un moment important dans Betrayal in the City, un des jeunes dissidents invoque Soyinka comme un guide. Et toujours comme dans la pièce de Soyinka, il y a un recours constant à des chants mélancoliques et funèbres interprétés par un chœur, pour exprimer l'état misérable de la situation. Il y a toutefois une différence fondamentale dans la conception et les attitudes respectives des deux auteurs. Tandis que Soyinka, dans Kongi's Harvest, adopte une attitude foncière de dérision, un point de vue ironique, si ce n'est même romantique, la satire d'Imbunga est trop pénétrée d'émotion [PAGE 7] et de sentimentalisme. L'intrigue compliquée à travers laquelle les dissidents, dans une saynète à l'intérieur de la pièce, après avoir attrapé Boss et ses gardes, dirigent d'abord les fusils sur eux, puis abandonnent de leur propre gré leur avantage acquis, est ingénieuse, mais absolument pas convaincante et presque comique. Si les dissidents petits-bourgeois de Kongi's Harvest ne peuvent finalement rien faire contre le dictateur fou d'Isma, Soyinka au moins ne cherche pas à montrer l'immolation des rebelles par eux-mêmes comme une leçon à tirer de la situation.

Alors qu'Omotoso est impatient de voir se réaliser la révolution au Nigeria, Imbuga est absolument paralysé devant la consolidation des forces de la réaction et la répression au Kafira, qui n'est autre que le Kenya. Bien sûr, l'auteur n'identifie pas clairement le Kafira au Kenya, mais les rapports sont indéniables et même transparents : c'est la présence permanente des colons étrangers et des experts expatriés au Kafira ou la place prédominante qu'ils occupent qui font éclater le conflit entre Boss et les professeurs d'Université dissidents auxquels se sont joints les étudiants. Le régime de Boss est fermement attaché au maintien de la domination étrangère sur le pays; il a besoin des expatriés, tout autant que les expatriés ont besoin de lui, parce que ces derniers servent à maintenir à leur place les intellectuels nationalistes que le régime considère comme des rivaux. Et, selon la conception de l'auteur, quand les masses sont non seulement politiquement ignorantes et divisées, mais aussi sont activement manipulées pour mépriser et rejeter les actes patriotiques et nationalistes des dissidents, il n'y a pas d'autre solution qu'une réconciliation générale fondée sur la prise de conscience, par tous ceux qui sont concernés, de la futilité de ces luttes, En bref, la satire âpre, portée à un degré élevé d'émotion, ne peut cacher le fait que l'auteur jette un regard figé sur la réalité.

La vision d'Osofisan est plus posée, ses moyens plus variés, sa perspective plus optimiste. Un militant de gauche a jugé The Chattering and the Song comme la pièce la plus révolutionnaire jamais écrite et jouée au Nigeria. Il peut y avoir quelque chose de vrai dans cette affirmation, à condition de préciser que, bien que le théâtre nigérian soit certainement le plus vivant et le plus prolifique sur le continent, les pièces nigérianes ne sont pas pour autant les plus engagées ou révolutionnaires. [PAGE 8]

Si la pièce d'Omotoso exalte l'inévitabilité de la révolution et celle d'Imbuga son impossibilité, on peut dire que la pièce d'Osofisan traite sur un plan dramatique des problèmes suivants : qu'est-ce qu'un révolutionnaire ? De quoi est-il fait ? En quoi consistent la justesse et la force de la cause qu'il défend ? Il s'agit là bien sûr d'extrapolations par rapport à la pièce; même en effet le théâtre ouvertement didactique, ce qui n'est pas le cas de The Chattering and the Song, développe ses thèses par le biais des mécanismes de l'action dramatique et la mise en œuvre de techniques théâtrales appropriées.

L'action de la pièce se situe dans une société divisée en classes sociales antagonistes, où règne la corruption et où les dirigeants sont caractérisés par leur stérilité intellectuelle et morale. Mais un courant souterrain de révolte bouillonne à l'intérieur de certaines classes, une « Ligue de Paysans » s'est créée et ses adhérents sont recrutés dans toutes les classes exploitées et leurs alliés, la condition étant l'acceptation de la nécessité de la révolution et du programme du mouvement. Ce courant souterrain cependant reste à l'arrière-plan de l'action; il est subtilement représenté par Leje : pendant la plus grande partie de la pièce, il fait le clown et l'ivrogne pour masquer sa véritable identité qu'il ne dévoilera que dans l'épilogue.

Au premier plan de l'action, il y a un trio habité à la fois par l'amour et la haine : Sontri, Mokan et Yajin. Chacun d'eux, dans le contexte d'une société aliénante, doit donner un sens et une justification à sa vie, à son travail et à son amour. Yajin était l'amie de Mokan qu'elle devait épouser. Mais à la veille de la cérémonie de remise des diplômes à l'Université, elle découvre qu'en réalité c'est Sontri, cet homme tourmenté, qu'elle aime. Mokan semble avoir fait contre mauvaise fortune bon cœur, et est resté en apparence ami avec Sontri et Yajin; mais en fait, le ressentiment et la jalousie couvent en lui.

Sontri devient de plus en plus déterminé dans son opposition au système en place; il se laisse d'abord entraîner à combattre pendant la guerre civile, puis adhère à la « Ligue des Paysans », pour laquelle il compose des chants. Mais son angoisse et sa colère deviennent bientôt incontrôlables et il les projette sur la femme qu'il aime, Yajin, qui se trouve être la fille d'un juge influent et bien connu pour sa corruption. [PAGE 9]

Mokan semble mener une vie ostensiblement apolitique, jouant le clown, faisant la fête de manière forcenée et comme s'il voulait consacrer son propre abaissement, mais il est en réalité un agent des services secrets de l'Etat. Le sentiment que, sur le plan personnel, il éprouve d'avoir été injustement trahi, nourrit son opposition à Sontri et à la « Ligue des Paysans » : c'est alors qu'il a recours à un stratagème. L'occasion de se venger et de se démasquer lui-même intervient à la veille du mariage de Sontri et Yajin, dans une saynète montée pour célébrer l'événement. La saynète reconstitue tout à fait à propos un épisode célèbre d'une lutte populaire écrasée par une brutale répression, dans le royaume Yorouba d'Oyo, au 19e siècle. Dans cet épisode, Mokan joue opportunément le rôle d'un garde du palais, d'un homme de confiance et d'un favori de la classe dirigeante. A un moment approprié dans la saynète, il interrompt le déroulement de l'action, prend au piège Sontri et Yajin, et les arrête « au nom du gouvernement légitime de ce pays ».

Mokan, bien sûr, n'a pas compté avec l'astucieux Leje, un dirigeant en fait de la « Ligue des Paysans », qui a suivi de près les événements. Leje est certain que le père de Yajin va user de toute son influence pour qu'elle et Sontri soient libérés; il espère que tous deux auront tiré de l'événement une leçon instructive, en ce qui concerne les passions complexes et les motivations qui impulsent les actes des révolutionnaires aussi bien que ceux des contre-révolutionnaires. La pièce s'achève sur une note de confiance et d'optimisme : la révolution éclatera et réussira, parce qu'elle sera entreprise par des révolutionnaires que leur haine et leur rejet de l'ordre actuel n'auront pas aigri, des révolutionnaires dans les mains desquels le futur est synonyme d'espoir; la société nouvelle qu'ils vont créer permettra aux talents et capacités de chacun de se réaliser. Au milieu de l'optimisme impétueux et de la gaieté contagieuse qui animent la conclusion de la pièce, toute la troupe, sauf Mokan, se retrouve sur scène pour chanter l'hymne de la « Ligue des Paysans »; et Osofisan affirme que : « Ce n'est PAS la fin ».

Sur le plan psychologique, Osofisan saisit profondément les liens entre les motivations personnelles et leur projection dans le monde extérieur. Sa vision esthétique se traduit par la création réussie d'un univers poétique et pénétré par les mythes. La plus grande partie de l'action est exprimée autant par le biais de devinettes, de paraboles [PAGE 10] fondées sur le mime, les danses et les chants, qu'à travers les dialogues. Toutefois, les facteurs subjectifs tiennent une telle place, les éléments politiques et sociaux sont à tel point repoussés à l'arrière-plan, les métaphores dramatiques et les jugements sont souvent si elliptiques et obscurs, qu'on peut, de ce fait, ne pas saisir la véritable inspiration révolutionnaire de cette pièce. C'est en fonction de cela que la note d'optimisme à la fin de la pièce et le chant de la « Ligue des Paysans » peuvent apparaître à certains comme arbitraires, parce que rien ne nous y a préparé ou a permis de l'anticiper.

Les pièces dont je viens de parler montrent au moins que l'engagement » dans le théâtre africain contemporain a pris un tournant décisif. Le principal thème est la révolution : sa nécessité ou son impossibilité, son contexte socio-politique très diversifié, ses perspectives et ses directions possibles. J'ai dans cette discussion insisté beaucoup plus sur le contenu direct ou symbolique des pièces plutôt que sur la forme et les techniques à travers lesquelles ce contenu est représenté. Dans un prochain article, je voudrais montrer que la recherche de styles et de techniques appropriées n'est pas sans rapport avec les thèmes présentés ici : la forme est toujours mise au service du fond, dans un mouvement dialectique.

Biodun JEYIFO
(traduit de l'anglais)

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Extrait de The Chattering and the Song (en français : La Trame et la Chaîne)

Nous avons pensé, pour mieux illustrer cette analyse du théâtre africain contemporain en anglais, livrer à nos lecteurs un extrait d'une des pièces auxquelles il est fait référence dans l'article ci-dessus.

Cet extrait constitue en fait l'épilogue de la pièce

Yajin et Sontri, un poète qui s'élève contre l'ordre établi, celui des profiteurs et des riches, viennent d'être arrêtés; c'est Mokan, ancien fiancé de Yajin, mais aussi membre de la police secrète, qui a permis cette arrestation. L'épilogue [PAGE 11] débute par une confrontation entre Funlola, un artiste-peintre, amie intime de Yajin, et Leje, qu'elle croit appartenir à la police, car il apparaissait très lié à Mokan. Leje a en réalité joué la comédie pour mieux tromper Mokan : il est en fait un des responsables du Mouvement Paysan qui lutte pour une révolution politique. Dans ce passage, les deux jeunes gens, en même temps qu'ils prennent conscience de leur amour, expriment leur espoir dans la lutte commune qui, seule, peut renverser l'Etat, en éliminant l'exploitation de l'homme par l'homme et en extirpant la misère. Ce sont les paysans et leurs alliés qui sont le fer de lance de cette lutte; pour faire disparaître les inégalités sociales et les injustices, il est nécessaire que chacun, quels que soient sa formation, son métier, son origine sociale, soit associé au travail de la terre. C'est cette conception que la mise en scène de l'auteur, fondée entre autres sur les danses et les chants, met en valeur dans cet épilogue qui n'est pas un point final, mais une ouverture sur l'avenir.

[PAGE 12]

Le décor est le même que dans l'acte précédent : la maison où doivent avoir lieu les réjouissances pour le mariage de Yajin et Sontri. On voit Leje assis, seul et en train de boire. Funlola entre.

FUNLOLA : (étonnée) : Vous ici, Leje !

LEJE : Ah, c'est vous. J'ai gagné.

FUNLOLA : (d'un air menaçant) : Gagné quoi ?

LEJE : Un pari.

FUNLOLA : Quel pari ?

LEJE : J'ai fait un pari.

FUNLOLA : Je vois...

LEJE : Avec moi-même. Regardez les cartes. J'ai parié que vous reviendrez ici.

FUNLOLA : Et alors ?

LEJE : C'est mon sixième sens. Je ne sais pas perdre.

FUNLOLA : (s'avançant vers lui) : Il y a quelque chose d'autre que vous allez gagner très bientôt.

LEJE : Quoi donc ?

FUNLOLA : Ça ! (Elle le gifle, faisant tomber la bouteille de sa bouche.) [PAGE 13]

LEJE : (exagérant son alarme) : Pitié pour la gnôle !

FUNLOLA : Sortez de cette maison, vous m'entendez Vous n'êtes plus longtemps le bienvenu ici, espèce de rat puant et imbibé d'alcool ! Allez rejoindre au camp votre ami si malin !

LEJE : Mon ami ?

FUNLOLA : Oui, votre ami, le grand chien policier au ventre venimeux comme celui d'un serpent à sonnettes.. Vous croyez avoir gagné, hein ? Attendez seulement ! Attendez demain matin, quand le père de Yajin aura vu le Chef de la Police ! La terre entière sera trop petite pour vous cacher tous les deux !

LEJE : Le père de Yajin est au courant ?

FUNLOLA : Déjà la frousse, hein ? Bisi et Yetunde viennent de partir le voir. Et quand il apprendra... Si j'étais vous, je prendrais mon élan dès maintenant.

LEJE : Merci pour le conseil, mais vous n'êtes pas moi. (Il prend les cartes.) Envie de faire une partie ?

FUNLOLA : Je vous dis de déguerpir d'ici...

LEJE : D'accord, d'accord.

FUNLOLA : Fichez le camp maintenant !

LEJE : Doucement, doucement...

FUNLOLA : DEHORS ! Et que la bière que vous avez ingurgitée ici vous emprisonne le sang, vous fasse mourir lentement et douloureusement.

LEJE : (après un moment) : Dites-moi, Funlola... Jusqu'à quel point êtes-vous sérieuse ? Jusqu'à quel point êtes-vous sincère ?

FUNLOLA : De quoi parlez-vous ?

LEJE : (Il se lève. Sa voix et sa façon de marcher sont tout à coup différentes; presque effrayantes, à tel point que Funlola recule). Je parle de Sontri. Et de Yajin. Si je dépose un secret dans votre main, comme cela... (Il prend sa main tendue) êtes-vous capable de refermer votre poing bien serré sur lui, de le cacher, jusqu'à ce que vous en ayez besoin pour acheter la pitié ?

FUNLOLA : Quel secret ? Qu'est-ce que tout cela veut dire ?

LEJE : Yajin sera libérée demain matin. Son père va s'en assurer. Et si elle sort, Sontri aussi devra [PAGE 14] être relâché. Yajin va obliger son père à obtenir sa libération. Ou bien, en doutez-vous ?

FUNLOLA : (le regardant) : Non. Pas maintenant que vous le dites. Je n'y avais pas pensé de cette façon.

LEJE : il n'y a aucun doute à avoir. J'espère seulement que Sontri cri tirera la leçon. Il faut de la colère pour commencer une révolution, une grande colère même, mais une fois que c'est déclenché, il faut s'en débarrasser, à moins d'y joindre la ruse et la pitié. C'est pourquoi Sontri avait besoin de cette arrestation; Mokan nous a aidés sans le savoir.

FUNLOLA : Vous a aidés ! Qui êtes-vous donc ?

LEJE : Vous le saurez dans un moment. Mais d'abord vous ! Qui êtes-vous ?

FUNLOLA : Moi ?

LEJE : On m'a montré certaines de vos œuvres. Sur vos toiles, la souffrance cesse d'être une abstraction. Elle hurle. Ces membres déformés, Ces yeux creux, ces visages hâves et ridés des miséreux...

FUNLOLA : Vous... vous n'aimez pas ?

LEJE : Vos pinceaux sont impitoyables. Le monde que vous captez est vrai bien sûr, mais vu par un spectateur.

FUNLOLA : J'ai... j'ai souvent rêvé de refaire le monde.

LEJE : Mais ne croyez-vous pas que c'est possible ?

FUNLOLA : Non, c'est une pure illusion. Une chimère.

LEJE : C'est pourtant possible, vous savez. Si nous unissons nos efforts, tous tant que nous sommes, nous pouvons transformer le monde.

FUNLOLA : Comme les tisserins ?

LEJE : A la fois le gazouillis et le chant.

FUNLOLA : Dans nos nids fragiles...

LEJE : Ecoutez, nous disons souvent que le monde est comme nous l'avons trouvé. Mais ce n'est pas vrai ! Pendant que nous dormons, que nous nous croisons les bras, il y a toujours quelques hommes cupides qui refont le monde à leur image. Et quand nous nous réveillons, le monde est déjà différent : il y a de nouveaux murs autour de nous, de nouvelles chaînes à nos poignets... [PAGE 15]

FUNLOLA : Qui êtes-vous, Leje ? Qui êtes-vous donc ?

LEJE : Eh oui, vous voyez, les tisserins acceptent tout cela, et partout, chaque jour, nous aussi nous abandonnons les armes, nous nous mettons à ramper sur le ventre comme les lézards. Nous disons oui à tout, nous disons oui trop tôt, oui trop facilement, parce que nous avons une envie désespérée de nous établir et de nous reposer, même avant que le combat n'ait commencé... Ma carte, votre carte, la dernière carte, jeu ! Et la partie est perdue... (Sa voix s'altère.)

FUNLOLA : (allant à lui) : Pas moi, Leje, pas moi. J'ai renoncé à tout cela !

LEJE : Oui, mais par quoi l'as-tu remplacé ? Des illusions, le coin le plus reculé du nid. Ecoute, nous pouvons t'apporter la plénitude, si tu te joins à nous. Nous pouvons satisfaire tes aspirations profondes avec la chaude camaraderie des opprimés. Viens avec nous, nous pouvons utiliser ton talent et ton énergie, ta profonde sincérité. Adhère à la Ligue des Paysans.

FUNLOLA : La Ligue des Paysans...

LEJE : Oui. Donc tu sais qui je suis maintenant.

FUNLOLA : Tu es Dsongongon, le responsable paysan !

LEJE : Ce n'est qu'un surnom. J'en ai beaucoup d'autres.

FUNLOLA : Tu es celui que la Police recherche !

LEJE : La police ne comprend rien. Qu'est-ce qu'un seul homme dans une révolution ? Une fois qu'un mouvement est déclenché, il ira jusqu'au bout dans sa quête de justice, avec ou sans ceux qui ont aidé à allumer l'étincelle. L'histoire ne se souviendra pas de nous.

FUNLOLA : Mais pourquoi as-tu besoin de moi ?

LEJE : L'Organisation a besoin de tous les gens compétents. Le monde entier, vois-tu, est comme une ferme en friche, et toutes les mains doivent peiner, à la fois pour en cultiver les terres et pour en retirer les fruits.

FUNLOLA : Et Mokan ?

LEJE : (riant) : Ce cher ami ! Il m'a donné des [PAGE 16] informations précieuses ! Comme on dit, si on connaissait parfaitement ses amis...

FUNLOLA : (elle rit aussi) : Tu sais, je désirais te connaître depuis longtemps. Tu n'étais alors qu'un rêve que je caressais dans mon sommeil. Et maintenant, soudain, tu es devenu une réalité.

LEJE : Et alors ?

FUNLOLA : J'ai peur. Vois comme je frissonne !

LEJE : (l'entourant de ses bras) : Je te protégerai.

FUNLOLA : Mais imagine... imagine que je ne croie plus en rien ?

LEJE : Allons donc. Personne n'en arrive jamais là. Même pas dans le désespoir. Personne ne marche volontairement au-delà de la terre ferme. C'est-à-dire sans se noyer.

FUNLOLA : Mais s'ils ont quelque chose à quoi s'accrocher ?

LEJE : Comme ton art, par exemple ? Un simple moyen de surnager ?

FUNLOLA : La pitié aide l'artiste à surnager.

LEJE : Très bien alors, ce que je t'offre, c'est une chance de garder tes pieds sur la terre ferme.

FUNLOLA : Tu es si convaincant, tu sais. Mais qu'arriverat-il si je me dessèche ? Si l'esprit créateur meurt en moi ?

LEJE : Ce n'est pas possible. A ce moment-là tu auras déjà planté tes racines. (Il sourit) Tu vois, ta préoccupation est une de celles qui m'est familière. Dans ma quête d'adhérents, j'entre en contact, mettons, avec un menuisier et il me demande : qu'arrivera-t-il si je perds mon habileté ? Ou avec un forgeron qui s'inquiète : qu'arrivera-t-il si la lutte m'entraîne sur le chemin de l'exil ? Me coupe de mes racines ? Que deviendront la vieille forge, les outils abandonnés ?

FUNLOLA : Oui, c'est cela, qu'arrivera-t-il ?

LEJE : Je réponds invariablement : un renouveau. On ne demandera jamais à un de ceux qui s'engagent de rompre avec ses racines ancestrales.

FUNLOLA : Vraiment ?

LEJE : Bien au contraire ! Mais les saisons changent, l'oppression et l'injustice réapparaissent sous [PAGE 17] de nouvelles formes, et de nouvelles armes doivent être forgées pour les éliminer.

FUNLOLA : Ta foi doit être profonde...

LEJE : Ecoute, c'est comme cela que le peuple se renouvelle, c'est ainsi que nous survivons tous, ensemble...

FUNLOLA : En donnant sa vie pour la cause ?

LEJE : En multipliant cette vie en innombrables jeunes pousses.

FUNLOLA : S'engager ?

LEJE : C'est comme mettre à jour de nouvelles racines.

FUNLOLA : Tout mettre en jeu ?

LEJE : Comme de nouvelles feuilles qui poussent ! Les jeunes feuilles font la fierté du chêne.

FUNLOLA : Le chêne fait la fierté de la forêt. Pourtant je préfère le palmier.

LEJE : D'accord, les feuilles vertes du palmier alors ! Les feuilles vertes font la fierté du palmier !

FUNLOLA : Les palmiers fertiles font l'orgueil du pays. Même vêtus de rouge, de ce rouge qui est la couleur du sang ?

LEJE : Le rouge est la couleur de la victoire. Les plumes rouges font l'orgueil du faisan.

FUNLOLA : Les faisans font la fierté des bons chasseurs.

LEJE : Tu vois ?

FUNLOLA : Les bons chasseurs font la fierté de leur peuple.

LEJE : Les bons chasseurs et les bons fermiers.

FUNLOLA : Je me rends. Tu es un vrai chat.

LEJE : Un chat ?

FUNLOLA : Tu as eu raison de moi avec ton astuce.

LEJE : D'accord, mettons que je sois un chat, et toi tu es... euh...

FUNLOLA : Oui, Ologbo ?[1]

LEJE : Une tortue ! Mettons que tu sois une tortue : Iwori Otura !

FUNLOLA : Mettons que tu sois un chat et moi une tortue...

LEJE : La famine et la sécheresse ravagent le pays...

FUNLOLA : La famine : Iwori Otura... [PAGE 18]

LEJE : Tu as faim et la soif dessèche ta gorge...

FUNLOLA : La sécheresse : lwori Otura...

LEJE : De faim et de soif tu dépéris,
Je te croise : je suis le Chat
Le grand voyageur...

FUNLOLA : Pitié, ma vie est entre tes mains :
lwori Otura : Tu as parcouru le monde,
Conduis-moi à l'abri, vers des terres fertiles...

LEJE : Iwori Otura : prends seulement ma main
Accroche-toi à moi
J'ai parcouru le monde, je les connais toutes,
Ces terres fertiles...

FUNLOLA : Iwori Otura : Sois gentil avec moi.
Faible et affamé, tout juste comme un fil...

LEJE : Un fil dans le métier qui tisse le pays ?
Je suis la trame...

FUNLOLA : Et moi la chaîne ?

LEJE : Iwori Otura : A travers le métier,
Nous ne ferons qu'un en dansant,
Moi la trame et toi la chaîne...

FUNLOLA : Dansant ensemble,
Le pays nous tissons : Iwori Otura...

LEJE : De nouveaux modèles nous tisserons à partir de notre monde.
Et ferons de notre danse un voyage d'espoir...

FUNLOLA : Toi la trame et moi la chaîne...

LEJE : Iwori Otura : A travers le métier...

FUNLOLA : Chaîne et trame, corps et âme...

LEJE : Arrangeront le monde en des dessins tout neufs...

FUNLOLA : Arrangeront le monde en des dessins nouveaux...

LEJE : Si nous ne faisons qu'un en dansant...

FUNLOLA : Si nous luttons ensemble...

LEJE : Iwori Otura !

FUNLOLA : lwori Otura : Toi et moi ne faisant qu'un.

ENSEMBLE : Iwori Otura ...

ENSEMBLE : Iwori Otura ...

ENSEMBLE : Iwori Otura !

(Les lumières diminuent lentement, jusqu'à ce que finalement les deux acteurs restent dans le rayon du projecteur. La scène se prolonge. [PAGE 19] Puis, soudain, de partout, des battements de tam-tam et des chants. Les acteurs, tous dans leurs vêtements ordinaires maintenant, dansent selon le rythme de la moisson. Ils entonnent le Chant des Paysans. Les spectateurs se joignent à eux.
CE N'EST PAS LA FIN.)

LE CHANT DES PAYSANS

1. Fils de la terre nous deviendrons
Et notre travail créera l'abondance
Dans notre pays
La révolte sera chose du passé
Quand la faim sera brisée
L'exploitation nous combattrons
Et selon nos besoins mangerons

Refrain
Défrichons la forêt
Labourons le sol
Rendons-le fertile
Plantons-y des graines
Récoltons le maïs
Apportons les ignames
Fixons-les dans notre sol
Objet de nos soins
Fruit de nos efforts
Et des saisons
Dans notre pays
Chantons la moisson.

2. Fils de la terre nous deviendrons
Dans notre pays
Les insectes nuisibles exterminerons
Pour la justice nous lutterons
Et du travail pour tous
L'oppression nous bannirons
Tous unis cultivons notre sol

Refrain [PAGE 20]

3. Fils de la terre nous deviendrons
Et dans nos vies
Les mauvaises herbes nous brûlerons
Que dans notre travail commun
Cesse l'aliénation
Et dans notre fraternelle union
Meure l'individualisme.

Refrain.

(Traduit de l'anglais.)


[1] Ologbo : chat en yorouba