CRI INSULAIRE
Georges Antoine LABONTE
et tu te feras eau
et puis île jaillie du volcan
baiser intense nommé de ta soif
fruit de pierre né de ton sexe vidé de ses tonnes d'os et de
chairs
comme un qui devait surprendre
choquer bouleverser
puisque frapper à la moëlle par la blessure unique
la multiplication du sang
et je fume l'heure pour retenir l'image
mille fois encensée par la parole surprise en flagrant délit
infraction du silence
qui veut que la liberté ne soit pas qu'un mot
mais une armée de lumières
un jeu pluriel où tu livreras ton jésus et ton barrabas
ce corps devenu un matin fabriqué où j'emprisonne le feu
pour te faire un bouquet d'espace libre libre qui frappe mes solstices comme
ces cheveux indexés au vif de ma tête cette main fera les gestes
de la nuit dansante de mes reins
[PAGE 97]
prendre tes yeux en otage et en faire le mystère du poème ton cou
se transforme en d'inévitables apocalypses à violenter des
forteresses immondes
je te forgerai un collier de poussière
m'esquinterai-je parmi leur néon et leur laser pour te chercher la
flamme et je t'en ferai une robe à mettre en échec tous les
miracles
tous les incendies
à laver la souillure de nos mensonges je m'humilierai dans la
brûlure de tes seins et ils en pousseront des équinoxes et des
fontaines où iront boire les fantômes de nos exilés
sang exorcisé
sang battu
écrasé
croisé
semence abimée pour que survivent d'autres
nérons
arrête arrête
l'heure s'en va
lourde de sa croix atomique
à changer le monde en sommeil de la mort
silence
la seconde est clouée
à des pôles fascistes
crevée
boxée
K.O.
[PAGE 98]
VISCERAL
Georges Antoine LABONTE
avant
c'était les raisins saignés
à l'incendie des visages sacrifiés
les roues lâchées
au vif des chemins voraces
les étoiles égarées
aux profondeurs des ombres
partout et nulle part
comme la mort
des cascades débordent de remords
des soleils s'interrogent
écrasé comme l'algue
sous le poids du fleuve
un espoir
viscéral
au centre du cri.
Georges Antoine LABONTE
[PAGE 99]
PAYS PLUS FORT QUE LA MORT
Jean-Blaise BILOMBO-SAMBA
Jean-Blaise BILOMBO-SAMBA est étudiant en Pharmacie à
l'Université de Dakar.
Auteur déjà de deux recueils de poèmes, Témoignages
(Editions J.-P. Oswald, 1976) et La Fraternité Différentielle
(Editions Saint-Germain-Des-Près), il prépare un troisième
recueil, A Fleur de Feu.
Dans ses prochaines livraisons, Peuples noirs-Peuples africains publiera
d'autres poèmes de Jean-Blaise BILOMBO-SAMBA ainsi qu'une nouvelle qui
mettra en évidence le talent de cet écrivain.
***
Toi pays de ce peuple découvreur de vie
Dépuceleur de morale et veuf de mort
Qui en appelle aux jours arables contre
Les malédictions les dictions de l'oiseau gris
Des funérailles ail et feraille de larmes
[PAGE 100]
Toi pays jeunesse verte de cette foule
D'espoir fou aux chants de sang au sang en chansons
Qui disent l'histoire de ta blessure et ta romance
Qui disent l'histoire des étoiles de feu
Lieu politique où sonne le tocsin pour les
Sergents sombres d'une saison d'une leçon
Lieu politique d'aujourd'hui puis d'aujourd'hui
Et encore d'aujourd'hui où le vent pâture
Les nègres-tampons mélange étroit de thé
Et d'artichauts désertent ton désert d'égoïsme
Viol des torticolis d'infamies infinie
Rebellion des jours aux foudres fabuleuses !
Ton souffle porte un feu de soif inassouvie
Pays mosaïque des résurgences science de
L'espoir comme une aube dernière aux
Roses insoumises inscrites au futur
Rire rire d'explosion d'un coït d'arc-en-ciel
Phrase du flux des sables Pas graves des grèves
Pétales des naissances plus loin que le froid Gris des peurs/ des ports
d'amertume/ des terrains
Vagues ainsi le vague à l'âme à l'âge
Demain est un orgasme qui mutile la
Raison la maison d'un baiser bistrot de corps
Aux colères exotiques léopards de
Pacotilles qui s'effraient des marées montantes
Comme un demain appelé demain-des-différences
Devoir devenir un devoir partout pour tous
Matin qui rêve sans dormir sans venir de
Plus loin que la nuit issue du cri du sel des sèves
Itinéraire d'une flore tropicale/ tropismes
Vents rouges vertes vallées rives de rires de riz
A foison à bouche-que-veux-tu pari où
Se cherchent des villes des vies vraies des envies
Investies d'hosties aquatiques/ terres d'eau
Le cœur d'un futur socialiste apparaît
[PAGE 101]
Dans le chœur des présences paysannes qui
Pratiquent verticalement les vertus d'orge
Et d'ombres précieuses aux empreintes lumineuses
Sur le parvis de la vie comme un dimanche
Ah pays refus de soleils mis au sommeil
Refus des verrues dans ton corps de gingembre
De janvier engrais des labours initiatiques
Sueur questionnée jusqu'au fruit d'espérance
Pays! il te reste encore le domaine fraternel
A contre-mort sur les bras ouverts des semences
L'immense pouvoir des grains et du pain sur la faim
Et l'encens d'un avenir intraduisible qui
Déjà envahit la respiration sociale.
(A Fleur de Feu.)
Jean-Blaise BILOMBO-SAMBA
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