© Peuples Noirs Peuples Africains no 2 (1978), 157-166.



VIVRE AU CAMEROUN

Christiane REMION-VINCE REMOS

Jeune Antillaise, Ch. Rémion a vécu de 1973 à 1975 au Cameroun. Etudiante à la Falcuté des lettres de Yaoundé, pouvant fréquenter les plus hautes sphères de la société locale, elle a surtout été sensible aux très difficiles conditions de vie du petit peuple des faubourgs africains. Ayant accepté de confier à « Peuples noirs-Peuples africains » quelques souvenirs de son amère expérience africaine, elle nous a donné le témoignage qu'on va lire.

Pour bien comprendre ces propos, il faut avoir constamment en esprit que Ch. Rémion est très métissée et, aux yeux de l'homme camerounais de la rue, pouvait se confondre avec un Européen; mais que la jeune femme partage ardemment l'aspiration de solidarité afro-américaine des jeunes générations antillaises.

« Ce lundi matin, la brume cachait le visage du quartier pauvre Tchinga, dans la banlieue de Yaoundé. Au fur et à mesure que ce voile s'effiloche et se dissipe, Tchinga étale sa tôle ondulée des deux côtés du morne rouge.

« L'unique accès du quartier est une chaussée de terre battue, transformée à la moindre larme du ciel en gadoue glissante; on dirait aujourd'hui un fleuve d'argile rouge, dont l'estuaire serait encombré de monceaux d'immondices qui ne sont autre chose que ces cases où végètent mes amis, des hommes, des femmes, des enfants, qui ont pourtant lutté [PAGE 158] pour secouer le joug des exploiteurs étrangers introduits par la colonisation, mais toujours là.

« Chaque soir à Tchinga, là, en face de mon quartier, se rassemble une foule bigarrée dans le grondement des tam-tams, dans les chants parfumés de beignets frits, de « soyas », brochettes de viande grillées au charbon. J'ai toujours l'impression que ces pauvres gens veulent compenser ainsi la fatalité de misère matérielle et morale façonnée par leurs oppresseurs au cours des années, ou peut-être se préparer à l'inconfort de la nuit imminente. Attirés par la grande ville dont les lumières sont si prometteuses, ils se sont laissé transporter là par l'exode rural, comme jadis leurs frères en Amérique par la traite. Recrus de déceptions, ils restent là quand même, ivres d'on ne sait quelle vaine espérance, plutôt que de s'avouer leur échec en regagnant le village natal.

« J'observais Tchinga se réveillant, Tchinga émergeant de la brume, dans le va-et-vient quotidien.

« J'étais en face, j'habitais le quartier résidentiel « Néo-Bastos », sans l'avoir vraiment choisi; dans notre quartier, il n'était pas dans les usages, je dirais même que c'était une inconvenance d'entretenir quotidiennement des relations avec des habitants des quartiers pauvres; un tel comportement suscitait d'ailleurs l'inquiétude des autorités. On m'avait pressée d'habiter Néo-Bastos et simultanément d'avoir un garçon de maison.

« Je n'avais pas d'amis dans mon quartier, l'Ambassade de France s'en alarmait d'autant plus que je m'abstenais également de paraître dans les soirées mondaines où je me serais fait mal voir, ayant des opinions disons assez personnelles quant à la question de l'aide aux pays pauvres. J'évitais en effet certains sociologues européens de l'université, spécialistes des enquêtes hypocrites sur les causes de la misère, comme s'ils les ignoraient.

« Aux yeux du petit peuple africain, tous les habitants de Néo-Bastos étaient des riches, des gros, des employés d'ambassades étrangères, des gens affichant leur appartenance à un autre monde, quitte à provoquer et même à désespérer les quartiers misérables alentour.

« Tchinga, enfin sorti du mystère de brume, exhibait son visage morbide, loques étendues, enfants sales rongés de vermine, certains traînant des maladies graves jamais diagnostiquées, d'autres rescapés d'une poliomyélite jamais identifiée, parmi eux des albinos – « blancs Pays » ou « made [PAGE 159] in Cameroun », comme on les appelle ici, sans jamais les rejeter. Avec ses guenilles, tout ce monde faisait preuve d'une inventivité qui, en lui permettant de s'adapter aux difficultés effroyables de sa vie quotidienne, l'enfonçait peut-être encore davantage dans la clochardisation, dans cet abandon qui était pourtant la tarte à la crème, le thème obligé de la rhétorique et de la démagogie du pouvoir, en même temps que d'autres termes ronflants, comme égalité, justice, unité. Quelle exaltante musique devait produire ce tintamarre verbal ! Est-elle la carapace qui préserve le petit peuple de la révolte contre l'insolente richesse des dirigeants et des profiteurs ? Car enfin pourquoi les uns ? Et pourquoi pas les autres ?

« J'avais donc des amis que j'aimais beaucoup dans ce quartier noir séparé du mien par quelques centaines de mètres, et chaque matin je me demandais comment les sociologues africains de l'université et du gouvernement pouvaient bien prendre leur parti de l'incroyable misère des quartiers populaires. Avaient-ils jamais rédigé ne serait-ce qu'un seul rapport ?

« Ce lundi matin, je fus tout à coup intriguée par une sorte de remue-ménage qui semblait troubler Tchinga; je scrutais la colline, quand, m'étant approchée des hibiscus fraîchement plantés dans notre jardin, que vois-je ? Juste derrière la palissade, au milieu des herbes, lovés là comme des serpents verts, armés, des militaires ! Je sursaute et, rentrée précipitamment dans ma maison, je demande à mon ami qui s'apprêtait à partir pour son travail s'il a entendu des bruits insolites la nuit dernière, et s'il sait quelque chose à propos des militaires qui semblent cerner notre quartier. Il n'en sait pas plus que moi. Je regagne la cour pour guetter le premier passant qui pourrait me renseigner.

« Je voyais mal ce qui se passait dans Tchinga, mais je pouvais distinguer le grouillement de militaires habillés de kaki, s'affairant par groupes çà et là, gesticulant, poussant des gens chargés de paquets et vêtus de boubous et de pantalons; on eût dit un déménagement général dans Tchinga, quelque chose comme un exode forcé.

« J'étais ici depuis plusieurs longs mois, pourtant jamais auparavant je n'avais deviné dans Tchinga une telle hostilité à l'égard du quartier chic, son voisin : ce matin-là, très peu de gens traversaient la vallée menant à Néo-Bastos, notre quartier. Je pensai un moment qu'il y avait eu un coup d'Etat. [PAGE 160] Je vis enfin passer des Africains dont l'un parlait à voix haute et, parvenu à ma hauteur, secouait la tête, glissant quelques mots de français dans ses tirades, comme pour me prendre à témoin. « Le pays-là ! le pays-là ! ... » ne cessait-il de psalmodier au milieu de propos où je n'arrivai à cueillir encore qu'un « bonjour, madame ! ».

« J'allai sur le balcon m'assurer que les militaires étaient toujours là dans l'herbe, protégeant sans doute, pour l'occasion, le quartier chic auquel une petite rivière servait déjà de frontière naturelle. Et s'il ne s'agissait que de manœuvres militaires après tout ? me dis-je.

« C'est alors que je vis s'arrêter un taxi jaune orange, puis un type en descendre et se diriger vers une voiture qui stationnait devant chez moi. Il se trouva que je le reconnus : quelques semaines auparavant, il m'avait demandé s'il ne pourrait pas garer sa voiture dans notre cour, car il craignait qu'on ne la lui vole; il m'avait expliqué qu'il habitait en face, c'est-à-dire à Tchinga et qu'il savait que j'y avais des amis. C'était une très grosse et très luxueuse voiture; il avait précisé que la voirie de son quartier, en cours d'aménagement, ne se prêtait pas encore à la circulation de voitures comme la sienne, et que, d'ailleurs, avec leurs veilleurs de nuit et leurs chiens de garde, les heureux habitants de Néo-Bastos possédaient le privilège d'une véritable sécurité.

« Je mis donc à profit ce lien pour lui demander ce qui se passait là-bas. Peu loquace, il me confia dans un français mêlé d'expressions camerounaises où revenait fréquemment l'adverbe là : « Madame, de temps en temps là, la police ceinture le quartier, fait le contrôle de tout le monde. Moi-même là, avec les papiers de la voiture, ils m'ont demandé où j'allais, je leur ai dit : à la ville. Parce que si je leur avais dit : je vais regagner ma voiture, ils m'auraient trop embêté comme ça là, j'ai pris le taxi pour venir ici alors que j'habite à côté là même, à cent mètres d'ici ». « Mais que se passe-t-il donc ? insistai-je. Y a-t-il eu un coup d'Etat ? » – « Le contrôle seulement, madame. Ils surveillent aussi pour les armes. Nous maintenant là, on n'est pas tranquilles, tout le monde dénonce, ils vont dans les maisons, ils demandent les tourne-disques, les radios, les papiers, ils disent qu'il y a trop de voleurs, mais ils ne déplorent pas qu'il y ait trop de gros... » Puis il ajoute, comme s'il avait trop dit : « Madame là, vous ne pouvez pas comprendre nos problèmes ; vous même là, vous n'êtes plus noire [PAGE 161] « Apparemment, il appliquait des consignes de discrétion ou même de quarantaine visant les nègres blancs d'Amérique, surtout ceux qui parlaient français. La semence empoisonnée de division jetée par la colonisation avait vite germé et fructifié. J'étais stupéfaite; je pensai à une de mes amies de Tchinga, qui traînait une malaria. Je demandai à mon interlocuteur : « Pensez-vous que je puisse aller en face voir une amie ? » – Il me répondit : « Vous voulez aller dans le quartier là ? Laisse seulement[1] ! on va dire : qu'est-ce qu'un Blanc vient faire là ? – « Mais je ne suis pas blanche ! » rétorquai-je. Il précisa alors avec un sourire : « Pour nous mêmes là, le Noir qui ne parle pas notre langue, et qui habite la maison des Blancs, est un Blanc; et puis je vois que vous parlez le français des Blancs. »

« J'avais bien compris, les points étaient mis sur les i une fois pour toutes. Je ne pus m'empêcher de songer à la négritude, cette jolie foutaise. Je me mis à rouler de sombres réflexions, et quand j'émergeai de nouveau à la réalité, je fus attirée par le bruit d'une voix familière, et aperçus Jacques, le cuisinier des voisins; contrairement à son habitude, il ne m'invita pas à venir faire une petite visite à sa patronne, qui avait fini par le garder après avoir changé dix fois de cuisinier, parce qu'elle n'était pas servie comme elle le désirait; en revanche, il me déclara : « Madame là, tu regardes, tu dis que tu ne comprends pas les Blancs, mais nous mêmes là avec nos chefs africains, ils nous embêtent trop. Je suis parti de chez moi tôt, mais les policiers me gardaient depuis ce matin, la chaleur du soleil montait, montait, les types là ennuient trop ; toi là, tu es noire, et chez toi on ne doit pas embêter comme cela. Il fallait donner la carte de travail, peut-être ils m'auraient demandé la montre si je la portais; ils veulent savoir tout ce que nous faisons. Ah ! quand ils passent comme cela, fit-il avec un grand éclat de rire, ils ramassent tout; si nous n'avons pas les papiers, ils emmènent tout; c'est pour cela, quand j'achète les choses, je veux les papiers; si ton frère t'a offert un cadeau, le tourne-disque de Paris par exemple, si tu n'as pas le papier, tu le perds. »

« Il soulignait fréquemment ses paroles d'un crissement sec obtenu en faisant claquer les deux lèvres l'une sur [PAGE 162] l'autre, manifestation, chez les Camerounais du peuple, d'agacement devant la lenteur d'esprit ou la mauvaise foi de l'interlocuteur. Le cuisinier me quitta.

« La gardienne d'enfants d'à-côté me raconta la même histoire. Je décidai de me rendre auprès de mon amie camerounaise que dévorait la malaria; ses parents lui annoncèrent mon arrivée. En guise de paroles d'accueil, elle me dit : « Ma cocotte, regarde le désordre ! » et ces mots s'accompagnèrent d'un grand éclat de rire. Elle poursuivit : « On dirait qu'un cyclone de chez toi est venu ravager Tchinga. » Elle continuait à rire aux éclats. Je me penchai pour l'embrasser avant de lui demander « Que se passe-t-il donc ? ». Elle me fait ce récit stupéfiant « La nuit dernière, la police frappe à notre porte; avec les militaires, les voilà qui se mettent à tout contrôler dans la maison. Moi-même là, avec ma fièvre, je dis à un type Moi, aujourd'hui, je ne bouge pas, tellement je suis malade alors tu es là pour m'apporter le médicament ? Il me répond : Donne les papiers du tourne-disque ! Je lui dis : Je ne sais même pas si je suis morte ou vivante, et tout ce que toi tu trouves à me dire, c'est donne les papiers du tourne-disque ? Mais il persiste et ajoute : Et les papiers de la machine ? Alors, je réponds : Moi là je ne sais rien. Il menace de tout emmener, alors je lui dis : Eh bien, emmène tout, pars avec tout si tu veux, moi je ne bouge pas. Finalement, en scrutant bien dans la pénombre, je reconnais un militaire, un ami originaire de mon village. Ma chère, tu as failli ne plus entendre Fellah et la musique du village. En tout cas, je ne sais pas si les Blancs font ça en France, mais ici, c'est devenu la persécution dans le pays. D'ailleurs, je crois que je vais venir habiter le quartier des gros là-bas, à Néo-Bastos, parce que, là-bas, ils ne contrôlent jamais. Ici, on ne nous laisse pas tranquilles. Tant de visites dans un quartier de pouilleux ! Tchinga serait-il, sans le savoir, le palais présidentiel ? » Je lui dis que je l'invitais de bon cœur; elle savait fort bien qu'à Yaoundé comme en France, elle serait la bienvenue dans ma maison.

« Elle ne s'arrêtait pas de rire aux éclats, savourant ma consternation devant l'hallucinant chaos que les grands adultes avaient envoyé fomenter chez elle et dans tout le quartier populaire de Tchinga. J'étais assise au pied de son lit, silencieuse; elle, de son côté, laissait toujours libre cours à ce rire saccadé, qui traduisait on ne sait quel fatalisme, quelle acceptation perverse d'un ordre de choses à la [PAGE 163] fois outrageant et imparable. Elle me dit : « Tu réfléchis, n'est-ce pas ? Tout ça te fait peur ? Ce qui se passe ici, on y est habitués, nous autres. Heureusement que les parents vont remettre de l'ordre dans ce capharnaüm, sinon comment je ferais, moi ? La malaria là, malgré la nivaquine des Blancs là, ça ne change rien. J'ai au moins 42o de fièvre. »

« Jusque-là, j'étais restée très calme, bien que très émue, sourdement révoltée, triste. Tout à coup, je lui dis : « Et ça te fait rire ? » Elle répondit : « Que veux-tu que je fasse ? que je me batte avec les policiers ? Ils doivent se figurer que le jour où nous n'aurons plus ces terribles visites, cela nous manquera, que nous serons malheureux ». Elle était pleine d'humour, cette fille, je l'aimais bien, nous nous entendions à merveille. Elle reprit : « Je sais bien que chez toi on ne peut pas faire ça. » Je lui dis : « Tu es bien mal informée, ma vieille ! Dans un environnement d'injustice, la mauvaise conscience entraîne partout la même peur; et celle-ci engendre toujours cette rage de violence que j'observe dans ton pays[2].

« Malgré le désordre et l'émotion accablante, quelqu'un avait mis un disque et on entendait une musique du village de mon amie. Elle me dit : « Tu es quand même gentille d'être venue, parce que les Blancs restent habituellement chez eux quand ils voient ceci. » Je lui répondis : « Je suis concernée moi aussi par l'oppression et l'injustice, et je ne suis pas blanche. J'emprunte leur langue pour communiquer, car je suis d'une tribu déportée en Amérique il y a trois siècles. Après tout, mes ancêtres venaient peut-être en partie de chez toi. »

« Je riais moi aussi sans arrêt maintenant, comme par contagion; elle reprit, pointant son index sur moi : « Toi, ma fille, tu auras des ennuis dans ce pays ! » Quelques mois plus tard, cette prédiction se concrétisait. Le coup qui me frappa fut aussi inattendu qu'injuste; un jour, on m'ordonna de [PAGE 164] partir. A ma protestation, on répondit que ma sécurité ne pouvait plus être garantie; les autorités françaises ou camerounaises auprès desquelles je ne manquai pas de m'enquérir avec insistance des raisons de mon expulsion, me confiaient à l'envi que cela valait mieux pour moi.

« Certains de mes amis me révélèrent mezzo voce que mes yeux voyaient trop de choses; d'autres que j'avais eu tort de ne pas aller plus souvent à l'Ambassade de France ainsi qu'aux dîners des Blancs où, pour meubler le temps, ces dames et leurs maris se déboutonnaient au sujet de leurs domestiques noirs, parfois avec l'acquiescement de parvenus africains couverts de « boys » eux-mêmes. D'autres me rappelèrent que j'avais un jour d'agacement fait comprendre à un officiel africain qu'il était bien mal venu de parler de liberté alors que, au moment où Tchinga était passé au peigne fin, Néo-Bastos, son voisin intouchable, était protégé par un cordon de militaires. D'aucuns me firent remarquer que mon comportement différait trop de celui de mes compatriotes dont l'arrogance outrageante était légendaire. D'autres m'apprirent que de discrètes enquêtes avaient permis de m'identifier comme une intrigante dont la motivation profonde était de susciter un changement politique dans ses Antilles natales. Les plus cyniques me déclarèrent tout de go : « Tu t'occupes des affaires des nègres et tu habites le quartier des Blancs ? »

« J'allais donc quitter Tchinga, abandonner Tchinga dans ses guenilles, sa malaria, sa faim, sa misère, sa souffrance quotidienne; les pauvres continueraient à se faire rançonner par l'Etat de leurs maigres biens, de tous ces pitoyables objets revendus aux enchères et dont le prix devait aller remplir les caisses en forme de tonneaux des Danaïdes du Parti Unique; les étudiants, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, se muniraient toujours obligatoirement de la carte du Parti, s'ils désirent terminer leurs études en sécurité certains continueraient à dénoncer leurs camarades, en tirant parti de tous les prétextes, comme j'avais été dénoncée moi-même. On avait présenté ma maison comme un vrai carrefour d'ethnies, les autorités savaient qu'on y entendait les vérités du petit peuple; de fait, en pénétrant chez moi, les gens laissaient spontanément au vestiaire les mesquins privilèges, les sordides distinctions qui, au dehors, les dressaient les uns contre les autres et favorisaient les entreprises de ségrégation des oppresseurs. En pénétrant chez moi, chacun savait qu'il [PAGE 165] y rencontrerait des représentants de toutes les classes, de toutes les ethnies. Une amie m'avait fait cette confidence : « Tu sais ? beaucoup de gens réclament justice chez toi, alors que jamais on ne les verrait ni ne les entendrait ailleurs. » Je lui avais répondu : « Cela démystifie bien des institutions et des slogans. Et qui sait ? les gens qui viennent chez moi ne se verront peut-être plus désormais sans se reconnaître comme frères ni sans se désigner mutuellement leurs communs oppresseurs. »

Propos recueillis par Vince Remos


[1] N'en faites rien.

[2] Cette interprétation purement sociale, et d'ailleurs exacte, ne suffit malheureusement pas à rendre compte de la formidable répression que subissent les masses camerounaises depuis plus de vingt ans. Les observateurs étrangers les plus honnêtes et les plus lucides s'y rabattent faute de disposer des éléments d'histoire que les pouvoirs français et camerounais dissimulent soigneusement et qui montrent à l'évidence que toutes ces exactions et atrocités sont perpétrées dans le vain espoir d'extirper l'U.P.C., parti révolutionnaire qui combat l'impérialisme au Cameroun depuis trente ans. N.D.L.R.