Les cadavres du Mali sont à peine refroidis que d'autres déjà s'amoncellent au Cameroun, République francophone comme par hasard. Oh, la cote où se déclenche la crise de dégoût de l'opinion internationale n'est pas encore atteinte, du moins à l'heure où nous bouclons cette livraison : les appareils de censure du système, auxquels un long rodage de trente ans a conféré l'efficacité que l'on sait, veillent à minimiser le drame – et, ma foi, ils y ont assez bien réussi à ce jour. A Yaoundé, les étudiants dénoncent l'assassinat de huit des leurs. Avez-vous des preuves ? leur demandent benoîtement les journalistes français. Combien de citoyens ont été tués samedi 13 avril à Bafoussam ? Un seul peut-être ? Quatorze ! répondent des témoins oculaires. Des preuves ! leur rétorque-t-on. Mais combien de temps cela peut-il encore durer ? Combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que les cadavres de Camerounais se comptent par centaines ou par milliers – et non plus par dizaines sur lesquelles on peut toujours ergoter ?

D'autant que les forces prétendues de l'ordre semblent avoir reçu pour consigne de pratiquer la politique du pire, c'est-à-dire de la provocation à en juger par les révoltantes exactions auxquelles se livrent militaires, policiers, gendarmes. Nous avons reçu à ce sujet des témoignages écrits ou par téléphone à la fois unanimes et accablants. Tout se passe comme si le pouvoir s'ingéniait à pousser délibérément les populations à bout.

S'il y en a un qui ne doit pas s'en faire, c'est le prince des kleptocrates, Paul Biya. Le robinet des subventions élyséennes a-t-il cessé de cracher les milliards de l'aide (sic) ? Point. Tant il est vrai qu'un cadavre de nègre pèse bien peu sur la conscience d'un "socialiste" français.

Mongo BETI