© Peuples Noirs Peuples Africains no. 63-66 (1988), couverture.



CAMEROUN

UNE DICTATURE MILITAIRE DÉGUISÉE

Qui gouverne au Cameroun ?

Question posée avec pertinence naguère dans un ouvrage qui fit du bruit en son temps. Question tragiquement d'actualité, plus que jamais.

Selon plusieurs témoignages concordants, tous d'excellente source, Paul Biya, l'ami bien connu de François Mitterrand, n'existe pas, réduit qu'il est au rôle de caution civile de militaires imprudemment promus, dont le chef de file est un énergumène qui a séjourné dans un établissement psychiatrique. Il lui suffit, dit-on, d'un froncement de sourcils pour terroriser le « chef de l'Etat ». Celui-ci vit d'ailleurs le plus souvent à Mvomeka, son village natal. D'où cette succession de « bavures » jamais élucidées, toujours impunies, les dernières étant l'assassinat par les militaires d'au moins deux manifestants à Garoua, le 17 janvier dernier, et le retrait de leur passeport aux deux journalistes, Célestin Monga et Plus Njawé, jugés récemment. Ce retrait ne s'est accompagné, comme d'habitude, d'aucune explication.

Une particularité de ces officiers fascisants, genre tontons macoutes : ils ont contribué à l'assèchement des banques en prenant des crédits exorbitants que, aujourd'hui, ils sont bien incapables de rembourser; ils redoutent donc, par-dessus tout, un changement politique au lendemain duquel ils seraient sommés de s'expliquer sur ces dettes. C'est pourquoi on peut tout imaginer, saut de voir ces individus accepter la moindre réelle démocratisation. C'est pourquoi aussi ils s'acharnent contre la presse. Biya est autorisé à faire tous les discours qu'il veut, à condition qu'ils ne débouchent jamais sur des mesures concrètes.

Le prétendu colloque préparatoire à un conférence nationale, organisé par Hogbe Nlend, qui se dit assuré de la neutralité (sic) bienveillante (?) de Paul Biya, est totalement bidon. Ou plutôt c'est le nouveau gadget de Biya et de ses conseillers élyséens pour gagner du temps, selon une stratégie du bunker devenue désormais la seule ressource de ces apprentis sorciers en plein désarroi.

Mongo BETI

Droits de reproduction, traduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
© Editions des Peuples noirs
Responsable de la publication : A. Biyidi-Awala
Publié par la S.A.R.L. « Editions des Peuples noirs »

Composition et Mise en page : S.A.R.L. Peuples Noirs
Achevé d'imprimer en février 1991
sur les presses de l'imprimerie Szikra
Imprimeur à Langres
90200 Giromagny