© Peuples Noirs Peuples Africains no. 63-66 (1988) 75-102



LA FAILLITE DE L'AFRIQUE NOIRE, DE A à Z

Olivier POSTEL-VINAY

Les Etats africains fêteront en 1990 le trentième anniversaire de leur indépendance. Ils n'ont pas de quoi se vanter. Nous non plus, d'ailleurs. La quatrième Convention de Lomé, si elle est signée ce mois-ci, n'y changera rien : l'Afrique noire coule à pic. Conclusion d'une enquête menée en Afrique, à Paris et à Bruxelles, auprès d'une centaine de chefs d'entreprise, banquiers, hauts fonctionnaires, économistes, journalistes, médecins et hommes politiques.

Silencieux, la main tendue vers le sol : voilà la réponse, saisissante de simplicité apportée par l'un des principaux responsables de la coopération internationale à la question : où va l'Afrique ? « Dégringolade », « débandade », « chute libre »... Ces expressions reviennent dans la bouche de vieux routiers – de vieux amoureux – du continent noir.

Souvenons-nous : voici près de trente ans, l'agronome René Dumont publiait l'Afrique noire est mal partie. Malgré les multiples raisons d'espérer qui figuraient dans ce livre, les raisons de douter étaient exprimées avec précision. Les lourdes erreurs des colonisateurs-décolonisateurs étaient clairement [PAGE 76] identifiées : priorité aux infrastructures coûteuses, industrialisation découragée, mécanisation prématurée de l'agriculture, cultures vivrières négligées, sous-estimation des possibilités de l'élevage, encouragement à l'adoption des mœurs occidentales (de l'habitat à l'alcool), regroupement de villages...

Puis les mauvaises habitudes déjà prises par les apprentis sorciers de l'indépendance : « ministres, députés et fonctionnaires, version moderne de la cour de Louis XVI », rémunérations aberrantes des heureux élus, népotisme, villas somptuaires, désintérêt pour la « brousse », port obligatoire de la veste et de la cravate, « corruption, obstacle essentiel au développement » enseignement scolaire conçu en dépit du bon sens dans le droit fil de l'héritage colonial, « africanisation prématurée »[1] des entreprises ... Trente ans après, les maux n'ont guère changé. Mais le gâchis est là, terrible, aveuglant. L'Afrique plonge tête baissée dans l'abîme.

Pour autant qu'on puisse le mesurer, le PIB de l'Afrique noire est aujourd'hui sensiblement égal à celui de la Belgique. Et le PNB par habitant ... n'a pas changé depuis l'époque où écrivait René Dumont. Le taux de croissance de la population est plus élevé que dans toute autre région du globe, le taux de scolarisation et le taux d'encadrement médical sont les plus faibles du monde. L'industrie est inexistante, la population urbaine explosive, les milieux ruraux déstructurés. Alors que le commerce [PAGE 77] mondial s'emballe, le taux de croissance des exportations africaines oscille entre 0 et 2 %. La part de l'Afrique dans le commerce mondial doit être voisine de 1,5 % et continue à baisser rapidement. Les entreprises sont exsangues, les banques étranglées. La dette africaine est supérieure à son PNB. Les Africains sont improductifs, peu motivés. Et la corruption est à son zénith...

A pour agriculture
Le sol est pauvre. La paysannerie est déstructurée.
Les exportations en régression constante.

« Depuis deux ou trois ans, j'ai cessé d'espérer », dit à Abidjan un vieil apôtre du développement agricole. Pourtant, d'après la FAO, la production agricole de l'Afrique noire a augmenté de façon aussi inattendue qu'encourageante en 1985, 1986 et 1988. Mais le retour des pluies dans les pays du Sahel et la hausse passagère du cours de certaines matières premières y sont pour beaucoup. L'indice moyen de la production alimentaire par habitant, d'après la Banque mondiale, est actuellement le même qu'il y a dix ans – alors qu'il a augmenté de 9 % en Inde et de 21 % dans les pays d'Asie orientale dits en développement (Chine, Thaïlande et tous les pays à revenu « faible ou intermédiaire » situés à l'est de ces deux Etats).

Dans une vingtaine de pays africains, cet indice a baissé. Le taux moyen de croissance de la production agricole, qui était déjà de moitié inférieur à celui des pays en développement d'Asie orientale dans la période 1965-1980, est près de cinq fois inférieur depuis cette date. Bien que bénéficiant de fortes préférences tarifaires pour l'entrée en Europe et aux États-Unis, les produits agricoles exportés par l'Afrique noire représentent, depuis vingt ans, une part décroissante des marchés correspondants. Le café africain, le cacao, le coton, le sucre, le tabac, le bois, se frayent difficilement une place sur des marchés saturés et de plus en plus exigeants. [PAGE 78]

En règle générale, le sol africain est pauvre et l'homme n'a pas su le mettre en valeur. Dans les pays du Sahel, la fin de la sécheresse n'a pas enrayé le processus de dégradation des sols. Un récent rapport de l'OCDE conclut que « le système de production alimentaire sahélien est demeuré très traditionnel dans son ensemble, très vulnérable à la sécheresse et peu productif. Il ne s'est adapté ni en quantité ni en qualité aux besoins d'une population qui a doublé, et surtout d'une population urbaine qui a quintuplé ». Le même rapport ne peut que constater, par ailleurs, « la déstructuration de la société rurale. La démotivation des ruraux, qui assistent passivement à la fin d'un monde, engendre la stagnation de l'économie, laquelle renforce le sentiment d'impuissance et de mise à l'écart qu'éprouvent les ruraux ».

Dans les zones pluvieuses, où les gens mangent à leur faim, la situation n'est finalement guère plus brillante, parce que mal gérée. Ainsi la Côte-d'Ivoire longtemps considérée comme le pays phare de l'Afrique noire francophone apparaît soudain très vulnérable. Non seulement parce qu'elle est soumise aux variations des cours du cacao et du café (dont elle reste respectivement premier et troisième producteur mondial), mais parce que ces deux produits sont mal exploités. « Le café est payé le même prix aux planteurs, quelle que soit la qualité, souligne un banquier. Or on atteint 22 % de grains noirs. » Résultat : la Côte-d'Ivoire a d'immenses stocks de café, impossibles à écouler. Même schéma pour le cacao : il y a quatre qualités différentes, mais elles sont payées au même prix ! Du coup, le cacao du Ghana voisin vient aussi discrètement que massivement se mêler aux grains ivoiriens. La chance du pays, c'est que la qualité moyenne de ses fèves soit bonne. C'est dû au sol, non à l'homme. Comme dans de nombreux pays africains, le prix payé au planteur est fixé par l'Etat. Quand le cours mondial monte au-delà de ce prix – cela s'est produit dans les années 70 – l'Etat empoche la différence, qui va alimenter une caisse de stabilisation. Quand le cours mondial baisse, la caisse doit payer la différence. Mais elle ne peut pas le faire, parce que les fonds encaissés pendant les années fastes ont mystérieusement disparu. L'Etat doit donc emprunter. « Au total, [PAGE 79] la Côte-d'Ivoire exporte à perte », juge un expert à Bruxelles. Et les planteurs, qui sont assurés de toucher le même prix en toutes circonstances et quelle que soit la qualité, ne sont incités à accroître ni les rendements ni la qualité. Pourtant, « le cacao pousse tout seul, juge un responsable français. Il n'y a pratiquement rien d'autre à faire qu'à couper ».

Au Cameroun, un banquier africain dénonce cette « politique absurde de maintien des prix élevés sur le coton, le café, le cacao, alors qu'en réalité les paysans ne tirent de ces cultures que des revenus annexes qui s'ajoutent à ceux tirés des cultures vivrières. Ce qui leur importe, c'est de recevoir un peu d'argent, pour payer l'école et quelques effets, pour boire plus de bière... La preuve ? Ils vendent une partie de leur production à moitié prix au Nigéria voisin ». La grande forêt ivoirienne a disparu, massacrée. Le Nigéria (108 millions d'habitants) a lui carrément délaissé son agriculture. Taux de croissance de la production agricole : 1,7 % de 1965 à 1980; 0,6 % depuis. Le pétrole ! Le pétrole !

Evolution inquiétante : dans les villes d'Afrique noire, les habitudes de consommation alimentaire se calquent de plus en plus sur celles des Européens. On mange du pain et du riz. Comme le blé ne pousse que dans de rares pays d'Afrique, et que le riz n'est pratiquement pas cultivé, ces céréales sont importées. En volume, ces importations ont doublé en quinze ans. Les Camerounais ont bien lancé un programme riz... « Résultat : 130 000 tonnes de riz pourrissent sur place dans le sud du pays au milieu de nulle part, décrit un haut fonctionnaire à Bruxelles. Les Camerounais achètent et distribuent du riz thau ».

B pour Banques
Nationales, elles sont en faillite. Etrangères, elles se replient.
Le système bancaire est à réinventer.

« Le système bancaire est complètement pourri », constate un chef d'entreprise au Cameroun. Depuis deux ou trois ans, les [PAGE 80] banques africaines dans leur ensemble sont en cessation de paiement. Les banques nationales (banques dites de développement, etc.) sont en faillite. Les banques américaines ont plié bagage. Les banques commerciales britanniques se retirent, sauf dans le cas (rare) où elles détiennent la majorité du capital. Du côté des françaises, la tendance est au retrait ou au repli (voir Dynasteurs, juin 1989). Unanimes, les dirigeants des Trois Vieilles jugent, au minimum, « hors de question de continuer à investir en Afrique ». Quand elles le font, c'est contraintes et forcées, pour des raisons politiques, pour se plier aux injonctions du ministère français des finances.

Les raisons de cet état de choses sont à la fois simples et complexes. Simples : les débiteurs, qu'il s'agisse des Etats, des entreprises publiques ou privées, ou des particuliers, sont insolvables ou répugnent à honorer leurs engagements. Après l'indépendance, les banques européennes ont accepté, pour la plupart, de laisser le nouvel Etat entrer dans leur capital. Avec une intensité variable, elles en sont devenues les otages. Elles ont cédé aux pressions tendant à l'africanisation des cadres, et ont laissé, bien souvent, se développer la corruption et le vol. Elles ont été considérées par les Etats comme des vaches à lait, bonnes pour fournir les avances aux agriculteurs avant les récoltes pour financer des projets douteux, pour recruter des agents à foison et construire des agences en dur en pleine brousse. Elles ont naïvement participé à l'euphorie des années 60 et 70, et cru au mirage du développement. Elles n'ont pas su drainer l'épargne populaire. Elles ont prêté aux organismes et aux entreprises qui acceptaient de déposer leurs avoirs chez elles, sans trop regarder la rentabilité des opérations. Aujourd'hui, le mirage s'est évanoui, mais il est trop tard.

La crise actuelle pourrait être considérée comme une excellente occasion de remettre à plat le système bancaire pour lui permettre de repartir, même très amaigri, sur des bases plus saines. Déjà, bon nombre de banques nationales ont été liquidées. Mais les banques commerciales à capitaux européens, qui dominent le marché, sont le plus souvent dans une situation impossible. Se retirer complètement coûte cher (il faut abandonner les créances et payer les déposants). En outre, il est douloureux [PAGE 81] de dresser un constat d'échec pur et simple de dizaines d'années de présence et de se priver d'un marché dont il reste loisible d'imaginer qu'il se développera un jour à nouveau.

Mais rester dans des conditions acceptables suppose d'abord de trouver les sommes nécessaires au comblement du passif, ensuite de convaincre l'Etat concerné d'accepter des conditions drastiques : se retirer du capital, entériner des licenciements massifs, la fermeture de nombreuses agences et d'une manière générale, la perte d'une bonne partie de ses moyens d'intervention. On conçoit que certains Etats, pressés par le FMI, l'acceptent pour certaines banques; on voit mal comment ils pourraient l'accepter pour toutes. Après le palais présidentiel, la banque est par excellence le lieu du pouvoir. Et que dirait le bon peuple, si tous les dirigeants de banque étaient blancs ?

Certains vieux routiers de la banque en Afrique finissent par évoquer des scénarios extrêmes. « Une solution ultime, dit le responsable du réseau international d'une des Trois Vieilles, serait de retirer l'argent et ne laisser que les hommes. » Autrement dit, les banques européennes ne fourniraient plus qu'un encadrement technique, formé de volontaires, à charge pour les Africains d'organiser leur système bancaire comme ils l'entendent[2]. « Nous sommes arrivés à un stade où les remèdes classiques ne peuvent plus fonctionner, estime un autre grand banquier. Si l'on veut éviter que l'Afrique plonge dans l'anarchie – et on le veut nécessairement – il faudra trancher dans le vif et tout réinventer. » En attendant, les banques européennes ont l'esprit ailleurs : en Asie, en Europe...

C pour Corruption
Du chef d'Etat au petit fonctionnaire ce cancer ronge les structures.
Cerveaux et élites fuient.
[PAGE 82]

En droit, selon le Petit Larousse, la corruption est le « crime du fonctionnaire ou de l'employé qui trafique de son autorité, ou de ceux qui cherchent à la corrompre ». D'après le directeur d'un hôpital africain, qui a passé sa vie sur le continent noir, « ce que nous, les Occidentaux, appelons la corruption, le détournement, le vol, n'est pas ressenti comme [tel] ici ». Admettons. Rappelons aussi que la corruption n'est pas l'apanage de l'Afrique. Question de degré... La corruption est plus ou moins répandue selon les pays, mais elle est ici presque toujours à l'œuvre, massivement, tant dans l'appareil d'Etat que dans les entreprises. Au Nigeria, résume, lapidaire, le patron d'une banque qui a fermé ses portes, « nous étions le saint au bordel ». En Côte-d'Ivoire, « où sont partis les dizaines de milliards de francs CFA accumulés par la caisse de stabilisation ? » s'insurge un haut fonctionnaire, qui ajoute à voix basse : « Son patron a été zigouillé. »

« Au Gabon, toutes les fortunes viennent de l'Etat. Elles sont nées de la corruption, souligne le directeur d'une société française. Chacun roule en Mercedes, en BMW, chacun a son palais, parfois deux. Sans parler des résidences en Europe. » AuCameroun, décrit un banquier, « il y a des gens qui doivent à titre personnel 5 à 10 milliards de francs CFA aux banques. Tout le monde les connaît. Ils continuent de rouler en Mercedes et d'habiter dans leur villa. » Un autre banquier raconte : « Un ministre des Finances a réclamé, pour accorder un contrat, un milliard de francs CFA cash. Une société belge a accepté. Il a quitté son poste, mais en emportant l'argent. » « Les dirigeants africains pillent l'Afrique », conclut le directeur international d'une grande banque parisienne.

Deux lourds problèmes structurels font douter d'une amélioration possible. D'abord, les Etats africains sont en réalité, des monarchies. Le sommet de la pyramide du pouvoir est occupé par un homme seul, qui dirige à discrétion. Il est entouré d'une cour, et d'un semblant de « conseil » (au sens où existait le « conseil du Roy »), qui porte en général le nom de « bureau politique ». Il donne l'exemple : en règle générale, lui-même puise largement dans les caisses publiques, se fait [PAGE 83] construire des palais, achète des hôtels particuliers à Paris et des résidences sur le lac Léman. « Confiant » dans l'économie de son pays, il place tout ce qu'il peut à l'étranger. Et aux différents échelons de la pyramide, la plupart s'ingénient à imiter leur souverain. A chacun ses moyens : à Libreville, les agents de police arrêtent les taxis pour rançonner les passagers.

Ensuite, les fonctionnaires et cadres qui aspirent à l'honnêteté sont victimes des pressions de leur milieu. Concrètement : la famille, le village, la tribu. Dès qu'un individu un peu plus doué ou chanceux que les autres parvient à décrocher un poste dans une administration ou une entreprise, il est assailli de demandes de ses « proches » qui jugeraient scandaleux qu'il ne contribue pas à leur entretien. Les plus proches se font entretenir complètement : gîte, couvert, vêtements, argent de poche. Certains responsables, s'ils se font construire une maison, savent qu'ils doivent prévoir d'en consacrer plusieurs pièces à la « famille ». Ils savent qu'on leur demandera toujours plus. Et doivent s'arranger pour satisfaire ces « besoins ». D'où, aussi, les armées de fonctionnaires, les entreprises bidon, etc. Résultat : les élites véritables sont marginalisées. Les cerveaux s'enfuient... Seuls quelques forts tempéraments s'obligent à rester, à composer avec le système, et rongent leur frein en attendant, sait-on jamais, que l'horizon s'éclaircisse.

D pour Dette
La dette de l'Afrique noire est supérieure à son PNB.
La « conjoncture » n'y est pas pour grand-chose.

La dette extérieure de l'Afrique noire s'élevait à quelque 150 milliards de dollars à la fin de 1988. Cela ne représente guère plus du dixième de l'ensemble de la dette des pays « en développement » (1 240 milliards de dollars), mais c'est parce que l'Afrique est beaucoup plus pauvre que la plupart des autres pays pauvres. Pour l'Afrique, c'est énorme : un peu plus que son PNB ! [PAGE 84]

Certains pays sont relativement peu endettés (Cameroun, Tchad, Rwanda, Zimbabwe ... ). D'autres croulent sous une montagne de dettes : Zambie, Somalie, Mauritanie (plus de deux fois leur PNB), Madagascar Zaïre (une fois et demie). Plus de cent opérations de rééchelonnement ont été consenties par leurs créanciers publics et privés depuis le début des années 80, si bien que certains des plus endettés ont vu leurs charges sensiblement allégées. Si ces accords n'étaient pas intervenus, le service de la dette aurait représenté, en moyenne, 45% des recettes d'exportation de l'Afrique noire en 1986. Néanmoins, le chiffre reste voisin de 20 % pour la majorité des pays, et dépasse 30 % pour certains d'entre eux. Globalement, le service de la dette assumé par l'Afrique noire a représenté 7,5 milliards de dollars en 1988, soit le quart de ses recettes d'exportation.

La « crise » de la dette remonte au début des années 80. Ce qui conduit bon nombre d'observateurs, notamment africains, à incriminer ce qu'ils appellent la « conjoncture », c'est-à-dire les contraintes extérieures, essentiellement la baisse du prix des matières premières. Cette thèse est contestable. L'Afrique n'étant pas parvenue à s'industrialiser, il est vrai que ses recettes d'exportation dépendent quasi exclusivement de la vente de ses matières premières : pétrole, fer, cuivre, manganèse, café, cacao, coton, tabac, sucre, bois... Mais cela signifie que la vulnérabilité est structurelle, non conjoncturelle

Dans les années 70, c'était l'euphorie : le cours des matières premières était à la hausse. Les prix à l'exportation des produits de l'Afrique noire ont augmenté de près de 20 % en moyenne annuelle pendant cette décennie, de 13,5 % si l'on enlève le pétrole (source : Banque mondiale et ONU). Dans un pays comme la Côte-d'Ivoire, qui devait pourtant payer cher son pétrole, l'argent coulait à flots : « On allait en boîte toutes les nuits, on partait en week-end à Paris avec des femmes », se souvient un Ivoirien. Et puis, à partir de 1980, changement de programme. Les années 1980-1984 voient une baisse des prix à l'exportation de 3,6 % en moyenne annuelle (3,3 % sans le pétrole). En 1985, cela s'aggrave : -7 % (-6,2 % sans le pétrole). Pourtant, au milieu de la décennie, nouveau revirement. D'abord du côté des matières premières non pétrolières [PAGE 85] (+6,2 % en 1986, +0,8 % en 1987), puis du côté du pétrole, si bien qu'au total la hausse est de plus de 8,3% en 1987.

La baisse des années 80 n'est donc ni aussi forte ni aussi continue qu'on le dit. En outre, le pétrole bon marché profite aujourd'hui à ceux que le pétrole cher pénalisait hier. Le fond des choses, c'est que les Etats africains avaient été grisés par la croissance et l'argent facile. Ils avaient engagé des dépenses somptueuses, enrôlé des fonctionnaires à la pelle, créé des sociétés publiques dans tous les coins. Au lieu d'épargner, au lieu de chercher à promouvoir une agriculture productive et à jeter les bases d'une industrie, ils ont « claqué leur fric » et, comme cela ne suffisait pas, emprunté et laissé emprunter sans mesure.

Atteints eux aussi par cette euphorie contagieuse, les bailleurs de fonds publics et privés, principalement européens et notamment français, ont volontiers accédé à leurs désirs, sans se soucier, en règle générale, du bien-fondé des opérations qu'ils finançaient. Et aussi, bien sûr, parce qu'à l'époque ils y trouvaient leur compte à court terme. Quand la crise fut venue, les mauvaises habitudes étaient prises, de part et d'autre. Aujourd'hui, les banques occidentales ont cessé de prêter, mais les Etats de l'OCDE et les organismes internationaux se sentent dans l'obligation de continuer, pour des raisons tant politiques qu'humanitaires.

En 1988, comme en 1984, la croissance de la dette africaine s'est sensiblement ralentie. Les projections faites par les organismes internationaux sont que le ralentissement devrait se poursuivre dans la prochaine décennie. Logique : pour tous ses créanciers, l'Afrique est en cessation de paiement et pour longtemps. La tendance est à la transformation des dettes, voire à leur annulation pure et simple. Bien que ce soit plus humiliant pour les Africains, à l'ère du prêt se substitue l'ère du don.

E pour Entreprises [PAGE 86]
Publiques, ce sont des gouffres. Les rares privées qui
réussissent sont des filiales de sociétés étrangères.
L'environnement ne favorise pas l'émergence d'hommes d'affaires.

« L'entreprise est considérée comme une vache à lait, soupire le directeur local d'un groupe français. Une entreprise qui fait des profits est considérée comme une anomalie ». Les entreprises publiques représentent en moyenne 15 % de la production, 25% de l'investissement et de 25 à 30 % de l'emploi salarié de l'Afrique noire. Le caractère quelque peu dissonant de ces chiffres, collectés par la Banque mondiale et le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), en dit long sur l'efficacité desdites entreprises. Il n'est pas étonnant que les flux financiers nets des gouvernements vers les entreprises publiques soient comme le révèle la même source, de 50 % supérieurs aux flux inverses. Encore les prêts ne sont-ils pas comptabilisés...

Dans l'ensemble, les entreprises publiques africaines, quel que soit leur domaine d'activité, sont des gouffres. Elles portent une part de responsabilité substantielle dans le déficit des finances publiques, lequel représente dans certains pays jusqu'à 10 % du PIB (cas du Nigeria), voire 15 % (cas de la Côte-d'Ivoire). La faillite plus ou moins dissimulée de ces entreprises est parfois aggravée par ce que les Africains appellent la « conjoncture ». Elle est en revanche toujours étroitement liée à trois facteurs : l'interventionnisme de l'Etat en matière de prix, de tarifs et de fiscalité; l'impéritie des gestionnaires; la corruption.

Comme l'a souligné à l'époque un Africain, la seule solution qu'ont finalement trouvée les Etats pour sortir la compagnie Air Afrique de l'abîme dans lequel elle était plongée fut de « blanchir » le management. En plaçant à sa tête rien moins que le chef opérateur de l'aide française à l'Afrique, c'est-à-dire le patron de la Caisse centrale de coopération économique. Lequel amena dans ses bagages une subvention de 600 millions de francs et un prêt de ladite Caisse centrale de 230 millions. Il faut dire que les Africains avaient pris la mauvaise habitude de voyager sur cette compagnie sans prendre de billet. On ne [PAGE 87] sait pas encore quelle solution sera choisie pour la Camair (la compagnie aérienne camerounaise)[3], qui compte 2 600 employés, soit autant qu'Air Afrique... « Au Cameroun, il n'y a pas une entreprise publique qui ne soit pas dans une situation catastrophique », souligne un banquier vivant dans ce pays.

Les entreprises privées africaines de quelque importance sont bien peu nombreuses. La raison invoquée est en général que les « vrais hommes d'affaires » africains sont rares.

En Afrique francophone et même au Cameroun, pays pourtant réputé pour ses hommes d'affaires, il n'en existe aucun d'envergure. Il y en aurait au Nigeria. Mais il faut se rendre à l'évidence : les structures économico-politiques ne favorisent pas l'émergence de Bouygues, Goldsmith, ou même Bolloré. Toute personne ayant du pouvoir et de l'argent est immédiatement happée par une foule d'obligations impérieuses dont elle doit s'acquitter d'une part auprès de l'administration, du gouvernement et du chef de l'Etat en personne, d'autre part auprès de sa famille, des gens de son village et de sa tribu. Comme l'environnement législatif et réglementaire est en général peu conforme aux exigences d'une entreprise souhaitant fonctionner sur des bases rationnelles, il n'y a guère de place pour l'émergence d'un véritable capitalisme africain[4].

Les entreprises qui marchent, souvent tant bien que mal, sont donc des entreprises issues de l'époque coloniale ou des filiales [PAGE 88] de sociétés étrangères, qui ont parfois dû accepter une présence de l'Etat dans le capital. En raison de la crise profonde dans laquelle l'Afrique noire s'est enfoncée depuis 1980, celles qui ne sont pas accrochées à un pactole (pétrole, mines, bière, tabac, commerce de grande consommation) sont tentées de se retirer ou de diminuer leurs activités. Comme l'a précisé le rapport établi par Jean-Pierre Prouteau pour le compte du CNPF, les apports privés français à l'Afrique, encore légèrement positifs en 1985, ont enregistré un solde négatif de 3,3 milliards de francs en 1987. Un rapport établi à la demande de la CEE confirme que le mouvement actuel de désinvestissement concerne l'ensemble des entreprises européennes. Cependant, pour l'ensemble des pays du CAD (Comité d'aide au développement de l'OCDE), qui comprend aussi le Japon, les États-Unis, le Canada, la Suisse et quelques autres, le solde des investissements directs était encore légèrement positif (+ 0,6 %) en 1987.

L'un des problèmes est, une fois de plus, que les Etats sont insolvables. Quand ils ne le sont pas, ils répugnent souvent à payer les factures : pour les entreprises du BTP, par exemple, c'est gênant. Bouygues s'est retiré du Cameroun. Mais la dépression affecte aussi les produits de grande consommation et le commerce. Unilever s'est retiré du Cameroun (pour 1 franc symbolique) et, en Afrique de l'Ouest, se replie sur la Côte-d'Ivoire. Optorg adopte une stratégie de retrait, la CFAO est « en pleine déconfiture », la SCOA mène une existence chaotique... Le cas Bolloré (SCAC) fait figure d'exception. « Il fait des bêtises, car il ne connaît pas l'Afrique », estime un vieux de la vieille. On lui laissera le bénéfice du doute. Doit-on s'attendre à voir les Japonais s'implanter massivement ? Pas si fous... En Côte-d'Ivoire, ils ont laissé Renault et Peugeot remonter à 55 % du marché (contre 25 % en 1984). Ce n'est pas bon signe.

E pour Europe
Personne ne se fait d'illusions sur Lomé IV.
L'Afrique ne représente plus que 3 % du commerce de la CEE.
Même les
[PAGE 89] Français détournent la tête, c'est dire...

« Ici, l'Afrique, tout le monde s'en fout. » Celui qui parle ainsi est l'un des principaux hauts fonctionnaires de la CEE chargés de la Convention de Lomé, qui détermine le montant des aides et la nature des préférences commerciales accordées par l'Europe des Douze aux « ACP ». Ce sigle signifie Afrique, Caraïbes, Pacifique, mais en réalité, il s'agit pour l'essentiel, de l'Afrique noire. Les raisons qu'ont les Européens de ne guère s'intéresser à l'Afrique tiennent à un chiffre. Malgré les multiples avantages consentis, le commerce avec cette région du monde ne représente plus que 3 à 3,5 % du commerce de la CEE, et ce maigre pourcentage devrait encore diminuer au cours des prochaines années. La part de l'Afrique noire dans le commerce communautaire diminue beaucoup plus vite que celle des autres régions « en développement ». Du point de vue commercial, l'Afrique, pour l'Europe, c'est peanuts.

Reste une vieille obligation morale ou, selon le point de vue adopté, politique. L'aide de la CEE à l'Afrique représente la moitié de son aide aux pays pauvres. La troisième Convention de Lomé, qui s'achève en février prochain, a représenté, prêts compris, une aide à l'Afrique noire de quelque 1,5 milliard d'écus par an, soit l'équivalent d'un cinquième du service de la dette de ces pays. Ce n'est pas négligeable, même si les pays d'Europe du Nord, Grande-Bretagne en tête, considèrent, à juste titre, qu'une bonne partie de cette aide vient échouer dans la poche de quelques notables. Ils sont plus favorables aux accords commerciaux préférentiels (tarifs et quotas garantis), qui se concrétisent, au moins, par des flux et des retombées tangibles. La prochaine Convention, Lomé IV, imposera sans doute certaines règles destinées à contrôler le bon usage de l'aide. Personne ne se fait d'illusions.

Parmi les Européens, les Français continuent d'occuper une place à part. Contrairement à la Grande-Bretagne, qui a pratiqué le do it yourself, la France est restée dans un rapport étroitement paternaliste avec ses anciennes colonies. La part de l'Afrique dans le commerce français est aussi faible que dans le commerce européen elle est aussi en baisse rapide, [PAGE 90] mais l'aide de la France représente à elle seule plus que l'aide de la CEE. La France est le premier fournisseur d'aide bilatérale à l'Afrique (20 % du total). La Grande-Bretagne est au contraire l'un des moins impliqués (moins de 5 % du total).

L'échec manifeste de l'aide française commence pourtant à irriter les esprits[5]. Quand les Africains se plaignent de ne pas recevoir assez, le Trésor montre les dents. « On les arrose, de quoi se plaignent-ils ? » Face à la déroute des banques : « Nous ne serons pas le cochon payeur. » Des regrets se font jour : « Les Français manquent de courage. En face à face, ils n'osent pas dire la vérité. » De leur côté, les Africains sentent le vent fraîchir. Depuis que la zone franc est en déficit, qu'est devenue la vieille « amitié fraternelle » des hauts fonctionnaires du Trésor ?

Les Anglais ont raison : une partie substantielle de l'aide française est bien sûr, détournée au passage. Au Gabon, on a vu un crédit du Trésor français être exploité dans les quarante-huit heures pour l'achat de deux appartements avenue Victor Hugo. Mais d'autres fonds parviennent à destination. Pourvu que celle-ci soit bien choisie... Et comme le rappelle un responsable ivoirien, l'aide sert aussi à financer le parti au pouvoir en France... Dans cette affaire, la morale et l'immoral font trop bon ménage pour que le « désengagement », craint par certains, préconisé par d'autres, puisse se concrétiser rapidement.

F pour FMI
Ses plans d'ajustement structurel permettent à certains
pays de vivre sous respiration artificielle.

Houphouët a cédé ! Reniant ses engagements, foulant aux pieds la politique qu'il avait menée contre vents et marées, il a accepté de diviser par deux le prix du cacao payé aux planteurs. [PAGE 91] Quelle force surhumaine a donc pu faire ployer l'échine du Vieux Lion, celui dont François Michelin dit : « Des hommes comme lui, il y en a quatre par siècle » ? Cette force surhumaine, c'est une technocratie internationale, le FMI. Créé avec la Banque mondiale après la guerre, le Fonds est le gardien supposé d'une improbable stabilité monétaire internationale. Depuis 1980, date à laquelle l'Afrique a visiblement plongé dans la dépression, il a trouvé dans le continent noir un superbe terrain où exercer ses talents.

Le scénario est toujours le même. Quand les finances publiques d'un pays se transforment en toboggan, il arrive un moment où le chef de l'Etat comprend que la caisse est réellement vide, et que plus personne ne veut lui prêter. Seul recours : le FMI. Qui accepte d'étudier la possibilité de mettre au point, avec l'appui de la Banque mondiale, un programme d'« ajustement structurel », série de mesures d'« assainissement » budgétaire et monétaire destinées à légitimer l'octroi de nouvelles facilités financières. Echantillon de mesures exigibles : modification de prix à la production (condition imposée à Houphouët), fermeture ou vente d'entreprises publiques, baisse des salaires des fonctionnaires, libéralisation des importations, relèvement des taux d'intérêt, encadrement du crédit, dévaluation...

Le chef de l'Etat finit toujours, tôt ou tard, par céder, parce que le tampon du FMI (assorti d'un prêt de « stabilisation ») sert de signal pour tous les autres bailleurs de fonds : Banque mondiale, pays riches, banques. La France elle-même, si jalouse de son autonomie, tend à y subordonner une part croissante de son aide. Bientôt, dans le cadre de la nouvelle Convention de Lomé, la CEE fera de même. L'action du FMI n'est pas inutile. Ses coups de force sont aussi des coups d'avertisseur sonore, qui alertent les consciences endormies sur des points sensibles. En outre, le flot d'argent frais qui suit la signature d'un accord d'ajustement structurel permet de remettre le pays en selle, au moins pour quelque temps. La question est de savoir si les critiques inévitablement suscitées par cet interventionnisme massif sont ou non justifiées.

La Banque mondiale a fait récemment valoir que les pays [PAGE 92] où un plan d'ajustement structurel avait été imposé se sont, en moyenne, mieux comportés que les autres. Ce point de vue est fortement contesté par la Commission économique de l'ONU pour l'Afrique et par la CNUCED (Conférence de l'ONU sur le commerce et le développement). L'argumentaire de la Banque mondiale, il faut l'admettre, n'emporte pas la conviction. On peut malgré tout plaider qu'il est un peu tôt pour se faire une opinion. Certes, une bonne partie des pays qui sont passés sous les fourches caudines du FMI et de la Banque mondiale sont dans un état de délabrement effroyable. Mais certains vont plutôt mieux, ou plutôt moins mal.

Les critiques apportées aux méthodes du FMI ne sont elles-mêmes pas toujours convaincantes. Il lui est ainsi reproché de faire essentiellement de l'aide à la balance des paiements, de l'aide conjoncturelle et non de l'aide structurelle. Ce n'est pas tout à fait exact, comme en témoignent les mesures prises contre l'inflation du secteur public. Surtout, on peut rétorquer que le FMI s'attaque bel et bien aux structures mentales. Les vérités exprimées à l'oral et à l'écrit lors de chaque plan d'ajustement sont dures et bonnes à entendre. La baisse forcée du cacao en Côte-d'Ivoire ne peut manquer de faire réfléchir.

Deuxième reproche : le FMI est composé de « libéraux à tout crin », qui misent sur les lois du marché pour permettre à l'Afrique de trouver les conditions d'un décollage. Alors que l'homme africain aurait, au contraire, besoin de mesures de protection renforcées. Ainsi le FMI voudrait en finir avec la zone franc, considérée par d'autres comme un bon gilet de sauvetage. Vieux débat, vaste sujet... On peut cependant noter que le FMI ne s'oppose nullement aux accords commerciaux préférentiels ou aux programmes d'aide massive, qui sont autant d'entorses au libéralisme pur et dur.

Troisième type de critique : selon l'expression du responsable Afrique d'une grande banque parisienne, le FMI est en train d'organiser la « colonisation financière » du continent noir. Il tente de faire accoucher l'Afrique aux forceps. Il n'est pas dit que celle-ci acceptera de jouer le jeu très longtemps. Les sentiments irrationnels peuvent l'emporter. En outre, jusqu'ici, les plans d'ajustement structurel ont surtout accouché de souris. [PAGE 93] Une fois que l'argent est arrivé, les bonnes résolutions s'estompent. Et le gros bébé africain reste solidement bloqué dans l'utérus, coincé entre une population explosive, la déstructuration du monde rural, le système monarchique, la corruption, etc.

I pour Industrie
Recul absolu : la production industrielle est en baisse, sa
part dans le PIB presque revenue au niveau de 1965.

La part de l'industrie dans le PIB de l'Afrique noire a presque doublé entre 1965 et 1980, puis a commencé à redescendre. D'après la Banque mondiale, il se situe aujourd'hui aux alentours de 25 %. Soit 10% de moins que les pays en développement d'Asie orientale... en 1965. L'Inde est à 30% Il faut se méfier de ces chiffres, car l'appareil statistique est plus que sommaire. Mais la Banque mondiale fait ce qu'elle peut pour fournir des comparaisons chiffrées ayant un sens. Toujours d'après elle, la production industrielle africaine, qui avait crû de 9,5 % en moyenne annuelle entre 1965 et 1980, soit deux fois plus vite qu'en Inde, et même davantage, a baissé de 1,2% par an depuis 1987, tandis que l'Inde, elle, accélérait son rythme de croissance, dépassant 7 %.

Si l'on enlève les mines, le BTP et les activités d'infrastructure pour ne considérer que le secteur manufacturier, la part de l'industrie dans le PIB tombe à 11% en 1987, contre 9 % en 1965. Soit, à peu de chose près, le statu quo. En Inde, le secteur manufacturier représente 20 % du PIB. Il faut distinguer entre les usines gérées par des sociétés publiques, qui sont à peu près toutes un gouffre financier, et les usines gérées par des entreprises européennes, qui sont seulement, en général, à la limite de l'asphyxie :

La grande exception, le « champion toutes catégories », dit un Camerounais, ce sont les brasseries. Filiales de groupes européens, elles constituent le plus souvent, en chiffre d'affaires, le premier groupe industriel du pays. Seconde exception, les [PAGE 94] fabriques de cigarettes et de traitement du tabac. La bière et les clopes. L'industrie alimentaire vivote. « On aurait pu imaginer, dit un banquier français, que les Ivoiriens cherchent à transformer eux-mêmes leur cacao. Or non seulement ils ne l'ont pas fait, mais ils n'y ont pas vraiment réfléchi, comme en témoigne le fait que les banquiers ivoiriens ne connaissent rien au commerce du cacao. On met la marchandise sur des bateaux et on attend l'argent. » [6]

Toujours en Côte-d'Ivoire, la société qui exploite l'hévéa – avec succès – a dû abandonner son programme industriel. L'huile de palme est fabriquée à un prix de revient deux fois supérieur à celui de la Malaisie. Au Gabon, « l'industrialisation est la marotte des autorités, raconte un industriel. Ils ont par exemple décidé que le bois gabonais serait désormais transformé sur place à 35 %. Mais c'est un décret... La grosse usine publique de traitement du bois perd 60 millions de francs par an et bouffe son capital ». Toujours au Gabon, un prêt français a servi à construire une usine de matières plastiques. « C'était jouable, raconte un expert. Mais le patron gabonais s'est fait gruger par les vendeurs de matériel, et l'usine est à l'arrêt. Il s'est fait installer un bureau en marbre et se répand dans la ville en disant qu'on l'étrangle. » [PAGE 95]

M comme mentalités
Les salariés considèrent l'argent de l'entreprise comme le leur.
Le temps leur est égal. Beaucoup de choses leur sont égales...

La question est délicate. Certains Africains eux-mêmes sont cependant les premiers à reconnaître que l'état d'esprit général est « antiéconomique ». « L'essentiel est un problème de mentalités », explique un Africain qui occupe la position de numéro 2 dans une entreprise industrielle à capitaux européens. « Quand l'autobus arrive, ou devant le guichet de la banque, les gens se précipitent tous en même temps, même s'ils ne sont pas pressés. Il est d'ailleurs rare qu'ils soient pressés. Le conducteur du train s'arrête pour prendre un repas. Le temps leur est égal. Beaucoup de choses leur sont égales. Si le train est pillé pendant que le conducteur prend son repas, ça lui est égal. Une rupture de canalisation s'est produite récemment, barrant la grand'route. Le responsable ne s'est pas déplacé. Les camions, les bateaux, ne sont pas déchargés. Les gens ne donnent pas de facture. Quand ils en reçoivent, même dans une entreprise ou une administration, ils ne décaissent pas. On prend le train et l'avion sans billet. Les compteurs d'eau et d'électricité ne sont pas relevés. Si l'on se déplace pour acquitter une facture, le guichetier vous dit qu'il n'a pas le temps de s'en occuper... »

« Les salariés considèrent l'argent de leur entreprise comme le leur, dit un banquier. On voit les gens se servir sur les bénéfices, et même sur le capital. Au Sénégal, le cash-flow d'une boîte permet aux dirigeants de l'une des deux factions islamiques de se sucrer. C'est bien connu. Bien entendu, l'usage du chèque bancaire a disparu à peu près partout. » « La productivité ? laissez-moi rire, éclate un spécialiste du développement agricole, les Ivoiriens sont réputés être de gros travailleurs. Il y a des cocotiers. Chacun fait 1500 noix de coco par jour. En Malaisie, ils en font 2 500 pour moins cher. Tout est là : ils sont [PAGE 96] comme ça. » « Compte tenu de leur tempérament lymphatique, je ne vois pas comment ils vont s'en tirer » dit un spécialiste du Nigeria[7].

A cela se mêle un ruineux souci de paraître, qui se traduit, chaque fois que c'est possible, par un style de vie flamboyant, des bâtiments de grand luxe, des routes qui ne mènent nulle part ... La vanité, l'ostentation, une susceptibilité à fleur de peau ... Si Bokassa et Idi Amin ont fait tellement de mal à l'Afrique, c'est malheureusement qu'ils étaient, certes à l'extrême, représentatifs d'une sorte de paranoïa diffuse qu'on rencontre un peu partout. Au Cameroun, un homme d'affaires pourtant présenté en exemple se fait construire, à Douala, une réplique en réduction de la Maison Blanche. La fameuse cathédrale d'Houphouët à Yamoussoukro procède de cet état d'esprit. « Dans les banques nigérianes, tout directeur africain fraîchement nommé demande au garçon d'étage de lui porter sa serviette entre le bureau et l'ascenseur. »

P pour PNB
Depuis 1980, le produit national par habitant baisse
régulièrement.

Le produit intérieur brut de l'ensemble de l'Afrique noire est inférieur à celui de la Belgique (en 1987, selon la Banque mondiale, les chiffres étaient respectivement de 128,8 et 142,3 milliards de dollars). Depuis 1965, le rapport s'est inversé. A l'époque, en effet, le PIB belge était de 16,8 milliards de dollars, le PIB de l'Afrique noire de 26,7 milliards de dollars. [PAGE 97] « Le Tchad, c'est une sous-préfecture française ». « Le Cameroun, c'est moins que le département du Nord. » Il est vrai que les statistiques sont, pour le moins, sujettes à caution. A s'en tenir aux comptes nationaux, le Nigeria représentait ainsi, en 1985, la moitié du total. En 1987, seulement 20 %. Entre-temps, le naira avait été dévalué. Et même revus et corrigés par la Banque mondiale, les chiffres sont trompeurs. Au Zaïre, le marché noir est passible de la prison. Mais selon un haut fonctionnaire international, il représente 90% des échanges intérieurs...

Si l'on s'attachait à décrire l'économie réelle, le volume de production et d'échanges de l'Afrique noire devrait sans doute être sensiblement revu à la hausse. Mais l'équation Afrique noire-Belgique conserve un bon degré d'approximation. Elle prend tout son sens dès que l'on considère l'Afrique dans le contexte mondial. Ainsi, le budget de l'Etat ivoirien est inférieur aux bénéfices dégagés cette année par la Régie Renault... L'évolution à long terme du PNB africain est également lourde de sens. Surtout si l'on compare avec ce que la Banque mondiale appelle les pays en développement de l'Asie orientale. Le taux de croissance du PNB réel par habitant est sensiblement le même aujourd'hui qu'en 1965. Actuellement, la tendance lourde est à la baisse. Le PNB par habitant a baissé de 3,7 % par an en moyenne entre 1980 et 1985, baissé de 4,4 % en 1987, et sans doute encore légèrement baissé en 1988.

P pour Population
Dans aucune autre région l'explosion démographique n'est aussi élevée,
la scolarisation aussi faible. Quant aux conditions sanitaires...

« Les femmes font désormais un enfant par an, constate un chef d'entreprise ivoirien. C'est contraire à la coutume. Autrefois, elles n'en faisaient que tous les trois ans, sachant qu'on ne peut aller aux champs avec deux enfants sur le dos. » [PAGE 98] Le Nigeria aura 157 millions d'habitants en l'an 2000, 286 millions en l'an 2025, si l'on en croit les projections de la Banque mondiale. C'est dire que peu après l'an 2000, sa population dépassera celle de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et de la France réunies. Avec 108 millions actuellement, il est de loin le pays le plus peuplé d'Afrique noire (suivi par l'Ethiopie : 45 millions; le Zaïre : 34 millions; la Tanzanie : 25 millions). Les deux pays les plus peuplés de l'ancienne Afrique française sont la Côte-d'Ivoire et le Cameroun, avec chacun moins de 12 millions d'habitants. Le pays le moins peuplé est le Gabon où, selon les mauvaises langues, « il n'y a personne » (sans doute pas plus de 700 000 habitants).

Les contrastes sont donc considérables. Ce qui importe, c'est le taux annuel moyen d'accroissement : depuis les années 60, il est le plus élevé de toutes les régions du monde. Au lieu de baisser, le taux s'est encore accru au cours de la présente décennie (3,2% contre 2,1% en Inde, 1,2 % en Chine). Certes, on peut juger que la densité moyenne est encore faible qu'il y a de la place, ce qui est vrai, sauf au Nigeria. Mais les sols sont pauvres, l'agriculture gérée en dépit du bon sens (sauf quelques exceptions très localisées, comme l'hévéa en Côte-d'Ivoire). Les sols continuent de s'appauvrir. Les sociétés rurales, qui représentent encore les deux tiers de la population, se déstructurent.

Malgré l'absence d'industrie, le taux d'accroissement de la population urbaine s'accélère (5,5% dans les années 1965-1980, près de 7 % depuis). La scolarisation est plus faible que partout ailleurs dans le monde (deux à trois fois plus faible qu'en Inde et dans les pays en développement d'Asie orientale). Le nombre de médecins par habitant est dix fois plus faible que dans ces pays (données Banque mondiale). Les villes prennent peu à peu l'allure de poudrières : la majorité de la population a moins de vingt ans, la majorité des adultes est sans formation et sans travail. « Je ne vais plus à Lagos, dit un grand banquier d'Afrique francophone. J'ai peur. » Même la paisible Côte-d'ivoire est désormais aux prises avec le banditisme : la situation ne peut que s'aggraver. Les scientifiques s'étonnent de voir le sida progresser tellement en Afrique noire. Il est possible [PAGE 99] que la génétique y soit pour quelque chose. Il est surtout certain que les conditions de vie, la promiscuité, le loisir forcé, l'ignorance et l'absence d'encadrement médical y sont pour beaucoup. Au Cameroun, il est fortement question de réintroduire l'enseignement du latin dans le secondaire...

Z pour Zone franc
Bouée de sauvetage pour beaucoup, elle fausse les échanges
interafricains et encourage la fuite des capitaux.

Les treize Etats qui appartiennent à la zone franc représentent 70 millions d'habitants, soit un sixième de la population d'Afrique noire, et un PIB de 38 milliards de dollars, soit un tiers du PIB total. Ce qui laisse supposer que les pays de la zone sont mieux lotis que les autres. Ce n'est pas sûr. En revenu par habitant certains de ces pays sont parmi les plus pauvres : Tchad, Burkina, Mali, Niger... L'un d'eux, le Gabon, est un « scandale géologique »[8], un « émirat » : le bruit court que c'est le pays du monde où l'on consomme le plus de champagne par habitant. Quant aux deux « pays phares » de la zone que sont le Cameroun et la Côte-d'Ivoire, leurs finances sont à l'agonie. D'une manière générale, les chiffres ne rendent pas compte de la surévaluation du franc CFA. Si la monnaie de ces pays n'était pas fixe par rapport au franc français (1 FF = 50 F CFA), on la verrait s'écrouler et le PIB réel par habitant de pays comme la Côte-d'Ivoire et le Cameroun rejoindre ceux du [PAGE 100] Ghana et du Nigeria.

Mais justement, vous voyez bien, disent les partisans de la zone franc, c'est un moyen d'assurer aux Etats et aux populations des revenus supérieurs à ceux qu'ils auraient s'ils étaient livrés à eux-mêmes. Les entreprises françaises, qui ne connaissent pas en général le reste de l'Afrique, se félicitent pour leur part d'un système qui leur facilite comptabilité et transferts. La question est de savoir si les effets pervers ne l'emportent pas sur les avantages.

« Si la Côte-d'Ivoire n'avait pas été dans la zone franc, le problème du cacao se serait résolu de lui-même », soutient un haut fonctionnaire parisien. Dans la langue des économistes, on dit que la zone franc pèse de manière insupportable, à la longue, sur le coût des facteurs : il faut payer les planteurs en francs lourds, alors que leurs collègues du Ghana ou de Malaisie se contentent de roupie de sansonnet. Globalement, l'appartenance à la zone franc diminue la compétitivité de l'économie et, sauf période exceptionnelle, oblige l'Etat à intervenir massivement pour financer les exportations. Compte tenu de la faiblesse de l'industrie dans ces pays, le gain procuré par le bas coût relatif des importations (en francs ou en devises) ne compense pas la perte enregistrée à l'export.

La zone franc fausse les échanges interafricains. Pour obtenir des francs CFA, les voisins écoulent massivement leurs marchandises, en fraude, dans les pays de la zone. Le mouvement est d'autant plus fort que la monnaie des pays voisins a tendance à se déprécier. La dévaluation du naira nigérian a ainsi entraîné au Cameroun un boom des achats de voitures en provenance du Nigeria, ce qui n'a pas fait l'affaire des exportateurs français.

La zone franc encourage la fuite des capitaux. Sauf tracasseries occasionnelles, rien ne s'oppose aux virements faits par des notables ou des entreprises africaines sur des comptes en France, en Suisse ou ailleurs. Il n'existe pas, semble-t-il, de statistiques permettant d'évaluer le montant global de ces virements, mais il représente certainement, chaque année, une fraction substantielle du PIB. La fuite des capitaux concerne aussi les billets de banque. D'après une étude de la Banque centrale [PAGE 101] des Etats de l'Afrique centrale, 41,6 % des billets de la zone « circulaient à l'extérieur » de celle-ci en 1986. Depuis, le phénomène se serait encore amplifié.

Au total, on peut dire que la majeure partie de l'épargne de ces pays a fui et continue de fuir à l'étranger. « Si on faisait le compte des exportations de capitaux, on trouverait de quoi assainir les finances publiques », dit un banquier camerounais.

La zone franc entretient la mentalité d'assisté, et ce de bas en haut de la pyramide sociale. Chacun sait bien que si la France retirait son appui, la monnaie de ces pays s'écroulerait. Le système des comptes d'opération du Trésor permet également aux banques centrales régionales d'obtenir des avances quasi automatiques du Trésor français au profit des différents Etats de leur ressort. La situation réelle de ces comptes est confidentielle, mais tout le monde sait qu'elle est devenue largement débitrice, en dépit de l'aide financière massive que la France injecte par ailleurs. Ainsi, en juin 1988, la position de la Côte-d'Ivoire était débitrice de 660 millions de dollars, soit près des deux tiers du budget de l'Etat ivoirien. Il est vrai qu'à la même époque la dette totale de la Côte-d'Ivoire s'élevait à 13,6 milliards de dollars...

Depuis quelque temps, le franc CFA est « déjà dévalué dans les esprits » dit le responsable international d'une grande banque française. « J'interdis à nos filiales africaines d'emprunter en devises. Tout le monde fait pareil. » Inversement, les dépôts en francs CFA se font rares... Les institutions internationales poussent à la roue. « Je ne connais aucun expert du FMI ou de la Banque mondiale qui soit pour le maintien de la zone franc », dit un fonctionnaire parisien. La perspective même lointaine, de l'union monétaire européenne devrait aussi exercer une pression dans ce sens. « Si la zone franc éclate, eh bien, nous battrons monnaie », dit un banquier camerounais. Qui ajoute : « Tant pis pour les entreprises françaises. »

Terminer par une note d'espoir ne serait pas rendre service aux Africains. Nous ne le ferons donc pas. Il va sans dire que ce tableau extrêmement sombre devrait comporter, pour être fidèle à la réalité, quelques taches de lumière. Elles existent, mais elles sont si rares. Comme le veut la formule : ce sont les [PAGE 102] exceptions qui confirment la règle.

Où va l'Afrique ? Vers le chaos, sans doute possible. Pour les uns, on va clairement « vers une répartition entre mégalopoles et zones désertiques ». Si tel était le cas, le chaos serait, à coup sûr, sanglant. Pour d'autres, l'Afrique noire va se replier sur elle-même. Elle va profiter de son énorme territoire et retourner « vivre au village ». Déjà s'esquisse un peu partout un phénomène de retour à la terre. Il est difficile d'en apprécier l'ampleur. L'hypothèse serait alors celle d'un chaos bon enfant, « avec tout au plus quelques guéguerres tribales ». On retrouverait, dit un banquier, « l'Europe du XIVe siècle ». Comme si, après l'accession à l'indépendance, le retour au Moyen Age pouvait constituer la destinée d'un continent. « Le problème de fond, estime un financier, c'est sans doute que le modèle de civilisation que nous leur avons apporté[9] ne leur convient pas. Nous avons fait comme les Danois au Groenland : nous avons déstructuré leur culture. Ils ont pris tous nos défauts – c'était facile – et aucune de nos qualités. »

Olivier POSTEL-VINAY
(Dynasteurs, décembre 1989)


[1] Pourquoi les intellectuels africains, tout en appréciant l'ouvrage à sa juste valeur, ne lui ont-ils pas voué le culte que, semble-t-il rétrospectivement, il devait mériter ? Peut-être avons-nous été quelque peu rebutés par des concepts douteux, tels cette "africanisation prématurée" un concept bien français, il faut le dire et qui ne signifie rien. Ce thème, avec sa résonance faussement cartésienne mais réellement mystique sinon mystifiante est antimoderniste, en ce qu'il s'oppose à la pratique, à l'expérience, valeur tangible. Il y a un siècle le Japon n'était pas une nation industrielle. Plutôt que de subir la phraséologie moralisante de mentors souvent vaseux, les japonais eurent la sagesse de refuser la colonisation, et de se mettre à la pratique. Ils sont les meilleurs aujourd'hui et dament le pion à l'Occident. Qui doit décider du meilleur moment d'une africanisation ? A quel titre ? (NDLR)

[2] On dirait que le bon sens commence enfin à s'imposer ! (NDLR)

[3] La Camair vient d'être blanchie à son tour ! (NDLR)

[4] Les méthodes brutales utilisées par certains Etats africains francophones pour décourager l'initiative noire manquent malheureusement dans cet inventaire : au Cameroun, ce fut longtemps l'usage de refuser la patente aux autochtones (surtout s'ils étaient bamilékés) dans des domaines comme le transport maritime. La propriété de la banque n'est accessible que depuis peu aux Camerounais, encore faut-il qu'ils soient des amis personnels du chef de l'Etat. Non seulement ce que dénonce l'auteur était connu depuis des décennies, mais le phénomène n'a pu naître que dans l'atmosphère créée par la politique africaine de Foccart, mélange de décervelage et de terrorisme sorte de mussolinisme mou que les socialistes n'ont au demeurant pas renié. (NDLR)

[5] On ne connaît pourtant encore de cet échec-iceberg que la partie émergée, c'est-à-dire, comme chacun sait à peine le dixième. (NDLR)

[6] L'irresponsabilité ou l'incompétence – et même les deux associées – suffisent-elles pour expliquer cette abdication ? N'est-ce pas plutôt la traduction d'un pacte plus ou moins tacite plus ou moins bien intériorisé par les Noirs, entre les classes dirigeantes du Nord et ces premières générations de dirigeants africains, et qui pourrait s'exprimer ainsi : laissez-nous faire, nous vous laissons le reste ? La lecture du Monde (quotidien français très influent en ce domaine) tout au long des années 70 suggère irrésistiblement cette interprétation. (NDLR)

[7] Ces jugements sont évidemment injustes sinon totalement erronés. Quel peuple serait productif dans les conditions d'anarcho-fascisme où barbotent les sociétés africaines en grande partie par la faute des puissances européennes, mentors des despotes noirs dont l'archétype actuel est le maréchal Mobutu. Pourquoi François Mitterrand, désormais seul au demeurant, s'obstine-t-il à soutenir ce pithécanthrope politique ? (NDLR)

[8] Aussi les explications données jusqu'ici pour élucider le mystère de la faillite du Gabon (comme dans une moindre mesure de la faillite du Cameroun) demeurent-elles inacceptables. Comment un tel déluge de pétrole (au moins huit millions de tonnes chaque année) n'a-t-il pas pu submerger, d'une façon ou d'une autre une si petite poignée d'habitants (au plus sept cent mille nous dit-on) ? Comme on dit dans les polars le mystère demeure entier... En effet, l'histoire récente de l'Afrique ex-française n'est-elle pas un gigantesque polar ? (NDLR)

[9] Imposé n'est-il pas le seul terme approprié ? (NDLR)