© Peuples Noirs Peuples Africains no. 55/56/57/58 (1987) 101-106



B) Monseigneur Albert Ndongmo, parrain bamiléké ?[1]

NOTE

Le samedi 28 mars 1987, à Paris

Monseigneur Albert Ndongmo, ancien évêque de Nkongsamba, de passage à Paris, est invité par M. Tekam Jean-Michel à son domicile, 18, avenue Charles-de-Gaulle, 92 Neuilly-sur-Seine pour y baptiser l'un de ses enfants.

M. Tekam Jean-Michel est Docteur en pharmacie, ingénieur chimiste. Il a enseigné longtemps à la Faculté des Sciences de l'Université de Yaoundé. A propos d'une nomination à un poste où il n'est pas agréé, il se brouille avec l'Administration et entre alors en dissidence. Mécontent, il s'expatrie en Algérie où il est recruté comme enseignant à l'Université d'Alger. Plus tard, lorsque le gouvernement algérien décide l'arabisation de cette institution, les professeurs étrangers sont à la porte, et c'est ainsi que M. Tekam se retrouve à Paris avec son collègue M. Abel Eyenga qui enseignait, lui aussi, à la Faculté de Droit de la même Université.

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Le samedi 28 mars 1987, à 8 heures du matin, a lieu le baptême de l'un des enfants de M. Tekam Jean-Michel.

La cérémonie, présidée par Monseigneur Ndongmo en [PAGE 102] personne, a lieu dans une petite église située à côté du domicile de M. Tekam. Elle est ensuite suivie d'une grande réception qui dure toute la journée et se poursuit tard dans la nuit, jusqu'à 24 heures.

N'y sont invités que les Bamilékés. Aucun Camerounais d'une autre tribu. Aucun étranger.

Assistent notamment à la cérémonie :

– Le Professeur Kapet de Bana;
– Le Dr Kuissu (Docteur en médecine), ami et proche collaborateur de Woungly-Massaga;
– M. Ngaya Flambeau, Premier Vice-Président de la Section R.D.P.C. de Paris;
– M. Nguekam Abraham;
– Tous les Bamilékés du Manidem
– Bref, toute la colonie Bamiléké de Paris.

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Prenant la parole, Monseigneur Ndongmo dit en substance ceci :

Les Bamilékés sont la race la plus nombreuse au Cameroun. Ils sont aussi économiquement les plus forts. Par conséquent, il leur faut le pouvoir politique.

Pour avoir ce pouvoir politique, que faut-il faire ?

Il faut :

1) Conquérir le monopole dans l'Église Catholique du Cameroun;
2) Encourager les naissances parmi les populations bamiléké;
3) Encourager les Bamilékés à être présents dans tous les milieux.

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1) L'Église Catholique, affirme Monseigneur Ndongmo, est actuellement encadrée au Cameroun par 18 archevêques et évêques dont 8 Bamilékés, c'est-à-dire à peu près la moitié de l'épiscopat camerounais. Lui-même, Monseigneur Ndongmo, est actuellement le Consulteur du Pape. [PAGE 103] Rien ne peut se faire au Cameroun sans lui. Comme preuve, la nomination des évêques camerounais de ces dernières années. Bientôt va s'ouvrir à Yaoundé un Institut Catholique dont il est le fondateur pour avoir conçu l'idée et cherché le financement. Il en sera nommé recteur par le Saint-Siège. En cette qualité, il aura le pouvoir de privilégier la formation d'un très grand nombre de prêtres bamilékés; et si le Vatican veut nommer un évêque, il pèsera de tout son poids pour que celui-ci soit bamiléké en priorité.

2) En deuxième lieu, il faut encourager les naissances de sorte que entre l'an 2000 et 2020, la moitié de la population camerounaise soit bamiléké. Chaque jeune femme bamiléké doit avoir 4 enfants au minimum si elle ne peut en donner jusqu'à 12. Il est fort probable qu'après l'an 2000 la démocratie sera bien assise au Cameroun. Et comme il faudra voter démocratiquement partout, les Bamilékés, avec leur argent, auront la majorité. A partir de ce moment-là, le pouvoir politique sera dans leurs mains.

3) En troisième lieu, les Bamilékès doivent être présents dans tous les milieux pour voir et entendre tout ce qui s'y passe. Citant un proverbe, Monseigneur Ndongmo dit qu'il ne faut jamais mettre tous les œufs dans un même panier. Quand on met les œufs dans un seul et même panier, et qu'il arrive que celui-ci se renverse, tous les œufs se cassent inéluctablement. Par contre, si les œufs se trouvent répartis dans plusieurs emballages, on a la chance d'en récupérer quelques-uns. Par conséquent, les Bamilékés doivent être présents dans tous les milieux. C'est pourquoi il faut encourager l'implantation des colonies bamilékés dans toutes les régions du pays. La voie poursuivie depuis quelques années pour la nomination des évêques bamilékés dans différents diocèses du Cameroun correspond bien à cette politique.

En conclusion, il demande à toute l'élite bamiléké de lui apporter son soutien total dans la réalisation de ce projet.

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COMMENTAIRES ET RÉFLEXIONS DE L'U.P.C.

1) L'Union des Populations du Cameroun (U.P.C.) telle qu'elle a été conçue, organisée et mise en pratique par Ruben Um Nyobe, son fondateur, condamne la violence sous toutes ses formes.

2) Elle encourage l'Unité nationale et condamne, par conséquent, le tribalisme, surtout lorsque celui-ci prend une forme hégémonique et dominatrice.

3) Des héritiers spirituels de Um Nyobe restent fidèles à ses idéaux. Ils ne cautionnent pas les rencontres tendant à déstabiliser le pays par la domination d'une tribu sur les autres.

4) L'Église Catholique est universelle et l'U.P.C. ne pense pas qu'un prélat ambitieux – fut-il consulteur de sa Sainteté ou recteur d'une université catholique puisse s'en emparer pour imposer sa volonté diabolique à l'ensemble de l'épiscopat camerounais.

5) Après avoir tenté de mouiller l'U.P.C. en passant par Ernest Ouandie, Monseigneur Ndongmo cherche maintenant à compromettre l'Église Catholique. Cet éminent prélat a-t-il seulement tiré les enseignements de son procès de 1971 ou des événements du 6 avril 1984 ?

6) Une tribu qui se disperse à travers les quatre coins du territoire national non pour y apporter son dynamisme, mais au contraire pour s'emparer des terrains et s'accaparer des moyens économiques, souvent par des procédés frauduleux, sème les germes de la guerre civile.

7) Les Bamilékés doivent savoir que s'ils veulent créer au Cameroun une situation semblable à celle du Liban, l'U.P.C. ne l'admettra jamais, par respect et fidélité pour ses principes[2].

Yaoundé, le 7 mai 1987.

– FIN –

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NOTE

Vers 1968, Ouandie Ernest s'est rendu en Algérie où il a reçu une aide importante en armes et en argent, notamment de plusieurs pays de l'Est. Monseigneur Ndongmo est donc allé le rencontrer là-bas à Alger. « Voilà, lui dit alors Ouandie, l'argent qu'on m'a donné, au nom de l'U.P.C., pour chasser Ahidjo du pouvoir ». Monseigneur Ndongmo répondit alors à Ouandie : « Donne-moi une partie de cet argent. Je fais le commerce avec nos frères (Bamilékés). Moi, je vais te garder chez-moi à Nkongsamba et te couvrir dans tes déplacements pour te permettre d'ouvrir ton front de maquis dans notre région. Pendant le même temps, je te financerai avec les profits obtenus dans le commerce ». Alors, ils se mirent d'accord et Ndongmo rentra au Cameroun comme il était venu, via Rome, muni de l'argent. Ouandie le suivit quelque temps plus tard. Cependant, arrivés au Cameroun, ils se brouillèrent parce que Monseigneur Ndongmo, ne voulait plus donner de l'argent à Ouandie comme promis pour ouvrir le front du maquis.

Ouandie se voyant alors en difficulté entre en rapport avec Woungly-Massaga qu'il dépêcha pour une mission secrète à Cuba. Celui-ci leur exposa le projet : « Le dernier chef historique de l'U.P.C., Ouandie Ernest, se trouve au maquis au Cameroun. Il a besoin d'une aide militaire urgente pour renverser le pouvoir en place à Yaoundé ».

Les Cubains approuvèrent le projet et remirent à Woungly d'importantes sommes d'argent avec promesse de lui envoyer un soutien logistique avec le concours de deux mille militaires cubains. Cependant, rentré en Europe, Woungly détourna l'argent et les Cubains étant sans nouvelles n'envoyèrent pas leurs militaires. Raison pour laquelle les Cubains ne veulent plus entendre parler de Woungly et c'est aussi la raison pour laquelle sa femme et ses enfants ont été gardés en otage à Havane depuis 18 ans. Lui-même ne peut plus y mettre les pieds. C'est aussi la raison pour laquelle certains de ces partisans se sont brouillés avec lui[3].

4 juin 1987.

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ADDITIF A LA NOTE DU 7 MAI 1987

Au mois de janvier de cette année (1987), M. Tekam Jean-Michel, s'était rendu au Canada pour rencontrer Monseigneur Ndongmo. Ensemble, ils ont fait le point de la situation et chargé Tekam Jean-Michel de convoquer la réunion de Paris sous le couvert du baptême de son enfant (28 mars 1987).

Une délégation de personnalités bamilékés conduite par le Dr Tagny Mathieu, ancien maire de Bafoussam et membre influent de la Section R.D.P.C. de la Mifi, avait fait le voyage de Paris pour prendre part à ces assises[4].

Yaoundé, le 11 mai 1987.

– FIN –


[1] Titre de la Rédaction.

[2] L'absence de signature atteste à elle seule que cette déclaration est un faux grossier, une tentative de manipulation d'un pouvoir réduit à faire flèche de tout bois. (N.D.L.R.).

[3] Version fantaisiste d'un épisode sanglant de l'histoire du Cameroun. Voir « Main basse sur le Cameroun » de Mongo Beti. (N.D.L.R.).

[4] Toujours pas de signature !