© Peuples Noirs Peuples Africains no. 45 (1985) 94-116



FINALITE DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ALLEMAND ET DE LA GERMANISTIQUE EN AFRIQUE NOIRE
LE CAS DU CAMEROUN

J. GOMSU


INTRODUCTION

Quelques données statistiques

Dans le Cameroun d'après l'indépendance, l'intégration de l'allemand en tant que seconde langue dans les lycées et collèges a connu une évolution rapide. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la courbe ascendante qu'a suivi l'accroissement du nombre d'élèves apprenant l'allemand. Les chiffres ne datent que du milieu des années 1970, mais ils attestent d'une progression moyenne annuelle de 15,4 %, même si ce pourcentage devrait être relativisé par rapport à l'accroissement global du taux de scolarisation. En 1980, 11 à 13 % des élèves du secondaire apprenaient l'allemand.

De 1975 à 1983, le nombre de professeurs d'allemand dans les établissements secondaires a été également en nette progression, puisqu'il a plus que doublé, passant de 115 à 240, soit une augmentation annuelle de 8 % en moyenne. Dans la même période, le nombre de professeurs camerounais est passé de 100 à 221. En regardant de près le profil des enseignants camerounais, une constatation [PAGE 95] s'impose : la quantité ne s'équilibre pas avec la qualité. En effet, sur les 100 professeurs d'allemand en 1975, seuls 5 étaient titulaires d'une licence; sur les 221 en 1983, seulement 115 avaient une formation universitaire – l'allemand n'ayant pas été pour tout le monde la matière principale dans l'enseignement supérieur[1].

De ces quelques données statistiques on peut tirer la conclusion suivante : l'enseignement de l'allemand dans les classes du secondaire au Cameroun souffre d'un déficit tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Il reste donc un important travail à faire de la part des autorités compétentes pour combler cette lacune et pourvoir tous les établissements secondaires en professeurs d'allemand suffisamment qualifiés.

Au niveau universitaire, des structures ont été mises en place : en 1975-1977, un département de langues (avec une section allemande et une section espagnole) est mis sur pied à l'E.N.S. et en 1977-1978 un département d'allemand voit le jour à l'Université. Sans couvrir en totalité les besoins en professeurs d'allemand, ces deux départements ont permis d'éviter une situation plus catastrophique.

La problématique

Etant donné que la langue fait partie intégrante d'une culture, l'enseignement d'une langue étrangère, en l'occurrence de l'allemand, se situe dans un cadre « hétéroculturel »[2]. Cette assertion de Heinz Göhring présuppose donc la reconnaissance du droit à la différence culturelle. Dans le même ordre d'idées, Grossklaus/Wierlacher proposent une redéfinition du concept de culture et parlent d'un concept de culture élargi (« erweiterter Kulturbegriff »)[3]; le concept de culture ne pouvant plus être perçu [PAGE 96] comme symbolisant uniquement un monde d'idées par opposition au monde matériel et pratique. Dans la discussion sur l'allemand en tant que langue étrangère (Deutsch als Fremdsprache), il est beaucoup question de rencontre interculturelle, de communication intercultutelle, de « compétence communicative ». Cette discussion demeure par trop théorique, car qu'entend-on pas exemple par « compétence communicative » ? Est-ce qu'il y a véritablement communication lorsqu'un Camerounais peut soutenir tant soit peu une conversation avec un Allemand ? Ou lorsque des étudiants camerounais discutent en allemand ? Je prétends que la communication doit aller au-delà du transfert primaire d'un message; elle n'a de sens que lorsque l'arrière-plan sociologique, culturel, politique, etc., est effectivement perçu réciproquement. Pour être plus précis : on ne peut pallier par exemple aux fautes d'un élève de façon efficace que si les interférences sont mises en évidence. De plus, il me semble que cette compétence communicative est surévaluée dans l'enseignement de l'allemand en Afrique. Sans éliminer cette « compétence communicative », il serait judicieux de mettre plus d'accent sur la « compétence cognitive ». Cette dernière permettrait de dépasser l'aspect purement culturel de la langue. On ne saurait donc confiner une langue à cet aspect culturel, au risque de négliger une dimension autrement plus importante, à savoir la dimension idéologique ou économique. L'allemand n'est donc pas seulement une composante culturelle mais aussi et surtout un vecteur idéologique et économique.

Il convient maintenant de poser la question de fond. Les préoccupations d'un germaniste étranger pourraient se résumer en une série de trois questions :

1) enseignement de l'allemand et germanistique pour quoi faire ?;
2) quelle germanistique ?;
3) qu'attendre de l'enseignement de l'allemand et de la germanistique ?

Avant de donner des éléments de réponse à ces questions, je ferai d'abord un aperçu historique sur l'enseignement de l'allemand au Cameroun et tenterai de dégager les motivations des différents protagonistes (promoteurs [PAGE 97] allemands, autorités camerounaises et véritables concernés, c'est-à-dire élèves/étudiants et enseignements). Pour ce faire, je m'appuierai sur une petite enquête effectuée auprès des étudiants et enseignants.

I. APERÇU HISTORIQUE

Il convient de reculer assez loin dans le temps pour situer la genèse de l'enseignement de l'allemand au Cameroun. Le colonisateur allemand ouvrit la première école gouvernementale (Regierungsschule) en 1888 à Douala; dans cette école comme dans toutes les autres écoles gouvernementales, l'allemand fut utilisé comme langue d'enseignement. Pendant ce temps, les missionnaires protestants (Mission de Bâle), pour des raisons d'efficacité, n'employaient dans leurs écoles que les langues locales comme langues d'enseignement pour la scolarisation et l'évangélisation, surtout le douala et le bali. Le 1er juin 1886, la Mission de Bâle écrivait entre autres au ministère des Affaires étrangères à Berlin :

    « Die Gesellschaft achtet es für ihre Pflicht, die nationalen Eigentümlichkeiten der Vülker, unter denen sie arbeitet, soweit sie nicht als heidnisch dem Christentum weichem müssen, zu schonen. Sie pflegt daher in ihren Schulen in erster Linie die Volkssprache, ohne dadurch den Unterricht in einer anderen Spache, sofern es Bedürfnis ist, auszuschliessen »[4].

Cette position de la Mission de Bâle apparemment favorable aux peuples colonisés et à leur culture fut démentie quelques années plus tard pendant le conflit linguistique l'opposant au gouvernement colonial : pour justifier son insistance sur l'usage des langues locales, la Mission se référa au cas de l'Inde où l'expansion de l'anglais aurait plutôt favorisé les velléités d'indépendance[5]. Ainsi, [PAGE 98] par analogie historique, les missionnaires conféraient une vertu dangereusement émancipatrice à l'allemand. Eclatante démonstration de leur collusion avec le système d'oppression coloniale, même si dans ce cas la perpétuation de l'ordre établi passait par des méthodes divergentes.

Ainsi, en matière linguistique, il y eut deux conceptions opposées : d'une part, le gouvernement et la congrégation des pères pallottins qui visaient un « dressage » (Deutschrillerei)[6] par le biais de la langue du colonisateur; d'autre part, la Mission de Bâle qui pour ses intérêts propres voulait préserver la langue du colonisé. La Mission de Bâle fit ainsi répandre la langue douala et la langue bali au-delà de leurs régions d'origine. Le gouvernement colonial, pour des raisons politiques et économiques, ne souhaitait pas voir ces langues devenir des trans-ethniques et c'est pourquoi il interdit à la Mission de Bâle de les utiliser comme langues d'enseignement en dehors de leur sphère d'origine.

A cause de cette controverse linguistique, missionnaires et gouvernement se consultèrent et les négociations débouchèrent le 25 avril 1910 sur une loi réorganisant l'enseignement dans la colonie. Dans son paragraphe 2 la loi stipulait que :

    « In Eingeborenenschulen ist als Unterrichtssprache und als Gegenstand des Sprachunterrichts neben der am Schulorte herrschenden Eingebore. nensprache keine andere lebende Sprache zugelassen als die deutsche. An Stelle der am schulorte herrschenden Eingeborenensprache kann mit Genehmigung des Gouverneurs eine verwandte Sprache treten »[7].

L'allemand devenait non seulement matière mais surtout langue obligatoire d'enseignement; c'était capital pour l'ordre colonial. Pour le régime colonial, ce texte était d'une importance décisive puisque la domination économique se doublait d'une domination linguistique. [PAGE 99]

L'impérialisme colonial était aussi et surtout un impérialisme culturel. L'« effet germanisant » (germanisierende Wirkung) de l'école dont nous parle Wolfgang Mehnert était donc extrêmement propice à l'ordre colonial[8]. Il faut insister ici sur le rôle aliénant de la langue dans un système colonial à prédominance économique.

Entre le Traité de Versailles et l'indépendance du Cameroun, l'allemand ne fut pas enseigné dans la partie du Cameroun placée sous mandat britannique. Dans la partie sous mandat français on évita de laisser l'allemand se développer en langue de communication (Verkelusprache) et jusqu'à la création du lycée Leclerc il fut supprimé des programmes scolaires. Le sort que les Allemands avaient réservé à la langue anglaise à leur l'installation au Cameroun devenait celui de leur propre langue. Tout comme les Allemands avaient peur d'une certaine anglophilie véhiculée par la langue anglaise, les Français et les Anglais, en interdisant l'allemand, dévoilaient leur crainte d'une certaine germanophilie. Ceci est une illustration on ne peut plus claire du rôle fondamental de la langue dans la mise en place et le maintien de tous système de domination. Avec l'ouverture du lycée Leclerc, l'allemand fut introduit dans les programmes de l'enseignement secondaire du Cameroun francophone.

Il. LES DIFFERENTS PROTAGONISTES LEURS MOTIVATIONS

Comme on peut le constater grâce à l'aperçu historique, l'enseignement de l'allemand et la germanistique au Cameroun, comme dans la plupart des anciennes colonies françaises, font partie d'un héritage colonial français. C'est ce qui explique justement la non-adoption de l'allemand dans la partie du pays précédemment sous influence britannique. Le fait que l'allemand soit un legs de la colonisation française aura une incidence sur son organisation globale et sur l'élaboration de son contenu. [PAGE 100]

Les promoteurs allemands

A ma connaissance, l'allemand et la germanistique en Afrique noire sont surtout soutenus par la République fédérale d'Allemagne, à l'exception du Mali qui collabore tout aussi bien avec la R.F.A. qu'avec la R.D.A. Quelles intentions sous-tendent la politique de la R.F.A. ? Quelle place occupe la langue dans la politique « d'aide au développement » ? Grosslaus et Wierlacher estiment que « l'aide » technique et économique connaît une notoriété bien plus grande dans l'opinion publique que « l'aide » scientifique et pédagogique[9].

En 1973, la R.F.A. a montré qu'elle était préoccupée par l'enseignement de l'allemand et la germanistique dans les pays étrangers en créant la commission d'enquête « Auswärtige Kulturpolitik ». L'avis du gouvernement de Bonn sur le rapport de la commission d'enquête « Auswärtige Kulturpolitik » dénote l'importance de l'expansion de l'allemand dans une politique culturelle extérieure efficiente. Son souci est de voir l'allemand connaître un essor certain à l'étranger, et bien entendu dans les pays en voie de développement aussi. Ladite commission recommandait en effet dans son rapport que les instituts scientifiques se consacrant à la diffusion de la langue allemande à l'étranger soient mieux soutenus. Madame Hildegard Hammbrücher, parlant pour le gouvernement esquisse l'objectif suivant :

    « "Ziel" aller Bemühungen pädagogischer Entwicklungsarbeit "ist es", dass das Interesse und die Freude am Erlernen der deutschen Sprache gefördert, ein aktuelles Deutschandbild vermittel wird und durch beides Bindungen an unser Land und seine Kultur entstehen können. Denn das haben wir in der nunmehr fast ein Jahrzehnt dauernden Diskussion über Ziele und Methoden unserer Kulturpolitik gelernt : auswörtige Kulturpolitik auch im Schulwesen ist zu einem erheblichen Teil Spracharbeit und soll dies bleiben »[10]. [PAGE 101]

Cette conception appelle quelques remarques critiques lorsqu'on pense aux composants habituels de la germanistique : langue, littérature, civilisation. Dans cette prise de position, le travail de langue semble passer pour l'aspect essentiel, au détriment des deux autres dimensions. La complémentarité des trois domaines ne permet pas une telle restriction. De plus, force est de constater que c'est un silence total sur les retombées tout aussi bien politiques qu'économiques de la promotion de l'allemand. Car il est légitime de se poser la question de savoir si la promotion de l'allemand à l'étranger n'est pas politiquement et surtout économiquement intéressée; en d'autres termes, le développement de l'allemand dans un pays du tiers-monde n'est-il pas intimement lié à celui des intérêts politiques et économiques allemands. La nature des liens (Bindungen) avec l'Allemagne devant découler de la diffusion de l'allemand n'est pas en tout cas spécifiée. Liens culturels sûrement, mais liens politiques et économiques aussi. J'aurai plus loin l'occasion de revenir sur cet aspect de la problématique. De quels moyens logistiques dispose le gouvernement de Bonn pour mener à bien sa politique culturelle dans un pays comme le Cameroun ? Je me contenterai de mentionner quelques institutions qui, chacune à son niveau, contribue à la promotion de l'allemand :

1) au niveau secondaire, le Service d'échange pédagogique (Pädagogischer Austauschdienst) cherche à motiver les élèves des lycées et collèges pour l'allemand, ceci en organisant chaque année un concours des meilleurs élèves d'allemand de la classe de première. Les gagnants de ce concours ont la possibilité de visiter l'Allemagne pendant six semaines environ. Cette institution à un rôle de propagande et de manipulation difficilement décelable du premier coup d'œil. En effet, le jeune « touriste » camerounais ou ivoirien de dix-sept - dix-huit ans qui aborde l'Allemagne de façon relativement naïve, est ainsi largement conditionné et influencé pour le choix de ses études supérieures. Le cas le plus connu de l'auteur est celui de son propre lycée (lycée de Bafoussam) où pendant trois ans de suite, entre 1970 et 1972, trois élèves ont été parmi les gagnants de ce concours et se sont tous retrouvés comme par hasard, dans un département d'allemand, [PAGE 102] avec quelques autres gagnants. Ceci me paraît symptomatique, même s'il ne faut pas généraliser de façon abusive et subjective.

2) La « Zentralstelle » fournit surtout des conseillers pédagogiques pour le secondaire et un lecteur pour l'E.N.S.

3) La « Carl-Duisberg-Gesellschaft » permet aux jeunes étrangers désirant faire une formation professionnelle en Allemagne, de se préparer sur le plan de la langue.

4) L'Institut Goethe, sur place au Cameroun, propose également quelques cours de langue. De plus, il lui échoit d'être la fenêtre culturelle de l'Allemagne au Cameroun. Il ressort de mon enquête que l'institut Goethe se trouve en tête de liste des institutions qui ont pu amener des étudiants au choix de l'allemand comme discipline universitaire.

5) Au niveau universitaire, le Service allemand d'échange universitaire (D.A.A.D.) est le partenaire indiqué pour les universités étrangères. Cet organisme joue un rôle déterminant dans la promotion de la langue allemande, puisqu'il contribue de façon essentielle à la formation des enseignants tant au niveau du secondaire que du supérieur (programmes d'Abidjan et de Saarbrücken). Les départements d'allemand des universités africaines ont collaboré ou collaborent avec un lecteur envoyé par le D.A.A.D.

Même si sur le plan conceptuel des choses pourraient être remises en cause, il se dégage du côté de la R.F.A. des agences institutionnalisées au service d'une politique culturelle eurocentriste. L'Allemagne dispose donc de véritables agences et mobilise des moyens non négligeables pour répandre sa langue et sa culture. Que fait le Cameroun pour sa part et quelle conception a-t-il de l'enseignement de l'allemand et de la germanistique ?

Le point de vue des autorités camerounaises

Au Cameroun la situation linguistique est beaucoup plus complexe du fait même que le français, l'anglais tout comme l'allemand constituent des langues étrangères [PAGE 103] et que le terme de langue maternelle (Muttersprache) ne couvre pas le concept de langue nationale.

Comme je l'ai mentionné plus haut, l'allemand au Cameroun fait partie de l'héritage colonial français. Dans le contexte post-colonial, l'allemand ne pose donc pas un problème à part mais doit être perçu comme tout le système scolaire et universitaire qui a été (et dans une certaine mesure demeure) dépendant du système français. Ceci laisse supposer que l'allemand a été adopté parce qu'il se trouvait dans le curriculum du colonisateur. Quelle est la finalité de l'allemand et de la germanistique pour le Cameroun ? Des prises de position des autorités sur le sujet sont inexistantes, des textes ministériels réglementant la discipline rares. Un texte datant de juillet 1966 contient les instructions, les horaires et les programmes pour « langue, littérature et civilisation allemandes et anglaises » dans l'enseignement secondaire. Cet enseignement doit permettre aux élèves « de communiquer effectivement entre eux » et d'obtenir les « qualités majeures de l'homme véritablement cultivé »[11]. Ce texte est certainement dépassé par le fait même qu'il ne définit pas le contenu à donner à cet enseignement. S'il est normal de chercher à obtenir par l'enseignement de l'allemand un « homme véritablement cultivé », le texte oublie de dire le contexte dans lequel cet homme doit servir, de dire au service de qui il doit se mettre.

Au niveau universitaire, on peut affirmer sans risque de se tromper que l'objectif premier du Cameroun est de former des professeurs d'allemand; c'est d'ailleurs le point de départ de toute la germanistique africaine. Avant la mise en place des structures à l'E.N.S. et à la Faculté, le Cameroun avait eu recours aux coopérants français et, en 1969, la R.F.A. décida de mettre à la disposition du Cameroun des professeurs d'allemand[12]. Entre 1969 et 1973, des étudiants camerounais boursiers du D.A.A.D. furent envoyés en formation au département d'allemand de l'Université d'Abidjan. Ce n'est donc qu'à une date récente que le Cameroun a créé ses propres structures. [PAGE 104]

Concernant justement ces structures, il convient de se demander ce que les autorités compétentes veulent exactement, puisque le département de la Faculté à peine devenu fonctionnel est « fermé provisoirement ». S'agit-il d'inconséquence, de contradiction ou sommes-nous en présence d'une politique délibérée limitant la germanistique à la formation de quelques professeurs d'allemand chaque année à l'E.N.S. ? Etant donné la complémentarité des deux départements, la fermeture, même provisoire, de l'un entraîne indubitablement des perturbations dans le fonctionnement de l'autre. Une illustration : les étudiants de troisième année de l'E.N.S. doivent passer une licence en Faculté, laquelle licence conditionne leur réadmission au second cycle de l'E.N.S. La fermeture du département de la Faculté oblige l'E.N.S. à envoyer ces étudiants faire la licence à l'étranger, ce qui pose des problèmes organisationnels énormes. La suppression de la germanistique à la Faculté va donc fruster les étudiants germanistes de l'E.N.S., frustration d'autant plus ressentie qu'elle peut prendre l'allure d'une injustice par rapport aux étudiants des autres départements. Les étudiants et les enseignants sont déçus par cette fermeture et plaident dans leur grande majorité pour la réouverture du département d'allemand de la Faculté. Peut-on être optimiste quand on sait que l'une des conditions – connue – serait que les promoteurs allemands trouvent un professeur de rang magistral pour que le département soit réouvert. Condition extrêmement difficile à remplir. Pourquoi ne pas libérer un enseignant camerounais pour préparer une thèse d'Etat ? La technologie avancée de la RFA. provoque généralement l'admiration des gouvernants du tiers-monde. L'enseignement de l'allemand trouverait ainsi sa justification dans la nécessité du « transfert de technologie », de l'accès à la technologie moderne.

Du côté camerounais, on a l'impression en définitive qu'il y a un tâtonnement sur l'orientation à donner à l'enseignement de l'allemand et surtout à la germanistique; la conception demeure encore floue.

Les germanistes camerounais

La question de savoir ce que pensent les germanistes [PAGE 105] africains de leur profession ou de leur future profession est légitime, voire indispensable, étant donné que ce sont eux qui traduisent en acte les décisions des autorités. Autrement dit, quelle conception se font-ils de l'allemand ? Qu'est-ce qui les a amenés à la germanistique ? Comment voient-ils l'avenir de l'allemand et de la germanistique ?

Enseignants et étudiants camerounais sont arrivés à la germanistique, poussés par des motivations qu'on pourrait regrouper en trois rubriques :

– intérêt pour la langue allemande et perspectives professionnelles;
– influences diverses
– attrait d'un séjour en R.F.A.

L'intérêt pour l'allemand et le débouché professionnel sont à la base du choix de plus de 65 % des personnes interrogées, par contre 36 % déclarent avoir subi une influence quelconque (famille[13], tierce personne ou institution telle l'Institut Goethe). Il semble établi que l'une des motivations les plus déterminantes pour le choix de la germanistique demeure la possibilité d'un séjour en R.F.A. Dieter Breitenbach dans son article « Zur Theorie der Auslandsausbildung » décèle que la perspective d'étudier à l'étranger est décisive pour le choix de la discipline[14]. C'est ce que confirme le sondage car il montre que plus de 66 % des personnes interrogées sont séduites par la perspective d'un séjour en Allemagne.

Ces différentes motivations constituent sans doute un fait; cependant, il ne faut pas oublier de replacer la germanistique dans le contexte qui est celui d'un pays en voie de développement où le problème de l'emploi se pose avec de plus en plus d'acuité. Je crois donc pouvoir affirmer que malgré ces motivations, la situation du marché du travail et les contraintes sociales jouent également un rôle déterminant chez les germanistes camerounais. [PAGE 106] Il convient donc d'insister sur ces facteurs socio-économique; être germanistique, romaniste ou angliciste, l'essentiel semble être de pouvoir gagner sa vie.

Concernant les infrastructures et l'encadrement, il est intéressant de savoir ce que pensent les germanistes camerounais de leur ministère de tutelle. Environ 30 % des personnes interrogées pensent que le ministère de tutelle fait suffisamment pour l'enseignement de l'allemand. Plus de 58 % se déclarent insatisfaits; une bonne majorité serait donc d'avis que l'allemand demeure un « parent pauvre » par rapport aux autres disciplines. Pour expliciter, je dirais que cette attitude négative jette en fait une lumière crue sur un aspect extrêmement important de la question : sur celui de l'insuffisance des infrastructures. Par infrastructures, j'entends ici l'équipement de la bibliothèque en ouvrages de référence afférents aux trois dimensions de la germanistique. Ne m'appuyant que sur le cas de l'E.N.S., je dirais qu'il est impossible d'attendre un travail sérieusement documenté de l'étudiant lorsqu'il ne peut trouver les ouvrages indispensables à la bibliothèque (littérature secondaire surtout). De telles difficultés ne sont pas uniquement celles de l'étudiant, l'enseignant en souffre aussi (à un degré moindre peut-être). Sans être excessif, il faut tout de même reconnaître que la germanistique au Cameroun continue de se faire avec des moyens de bord, dans des conditions passablement rudimentaires[15].

Quant aux perspectives d'avenir de l'allemand au Cameroun, il se fait sentir de façon globale un besoin de réforme et de réorientation. Les suggestions vont de la recherche de nouvelles motivations, en passant par la formation de plus de professeurs d'allemand, par une adaptation de la formation et des manuels d'enseignement, jusqu'à l'instauration de l'allemand comme première langue. Certains pensent que la méthode «Yao lernt Deutsch » devrait être revue, sinon remplacée. D'autres proposent l'extension de l'allemand à la partie du pays où il n'est pas encore enseigné. Il est évident que dans un train de réformes toutes ces propositions ne seraient pas retenues. [PAGE 107]

Elles expriment cependant une situation de malaise et dénotent un fait fondamental : étudiants et enseignants se préoccupent de leur discipline et sont prêts à la problématiser (du moins jusqu'à un certain point). D'aucuns n'hésitent d'ailleurs pas à trouver un rapport entre la situation difficile de la germanistique (fermeture du département de la Faculté) et l'influence politique, économique et culturelle de la France au Cameroun. Il y aurait donc une lutte d'influence entre les politiques culturelles allemande et française. Pourrait-on totalement exclure pareille hypothèse ? Ce qu'il faudrait peut-être ajouter à ces propositions de réforme, c'est que le contexte politique, économique et culturel doit absolument être pris en considération dans les rapports entre un pays du Nord et un pays du Sud. L'allemand et la germanistique se font jusqu'ici dans une situation de dépendance et non entre partenaires égaux[16]. Une éventuelle réforme devrait donc tenir compte de façon critique de ce contexte. Echanges culturels bilatéraux et non comme jusqu'ici unilatéraux.

Pour conclure ces différents points de vue, je voudrais attirer l'attention sur un aspect qui n'est pas toujours suffisamment mis en évidence lorsqu'on aborde la discussion sur l'enseignement de l'allemand et la germanistique : il s'agit du rapport entre les intérêts politico-économiques de la R.F.A. et l'élargissement de sa sphère linguistique. Autrement dit, qu'on le veuille ou non, l'allemand dans un pays du tiers-monde comme le Cameroun est vecteur d'idéologie et ne vient en dernière analyse qu'à la rescousse de la présence économique. « L'aide » économique et technique est en rapport direct, est en interaction avec « l'aide » pédagogique. On peut donc parler d'une continuité entre ce qui se faisait à l'époque coloniale – l'aperçu historique le montre – et ce qui se passe aujourd'hui. A ce propos, Leo Kreutzer écrit :

    « Die Bundesrepublik fördert Deutschunterricht und Germanistik in Afrika im Rahmen ihrer auswärtigen Kulturpolitik. Das Neben – und Miteinander der Vertretung politischer und wirtschaftlicher [PAGE 108] Interessen und einer Kulturraussenpolitik in afrikanischen Entwicklungsländem enthält dabei unverkennbar Momente einer Kontinuität des Neben- und Miteinanders von Kolonisation und Mission aus Kolonialära. Die Vermittlung deutscher Kultur hat in diesem, Zusammenhang die Funktion einer "säkularisierten Missionierung" als flankierende Massnahme zur Stützung politischer und wirtschaftlicher Interessen » [17].

Le germaniste africain est donc intégré dans un système et au-delà de sa fonction d'intermédiaire; il joue, parfois inconsciemment, le rôle de « multiplicateur »[18] sur le plan économique.

Jochen Pleines remplace intentionnellement le terme de « enseignement de langues étrangères » (Fremdsprachenunterricht) par celui de « exportation de langues » (Sprachenexport)[19]. Cette terminologie volontairement provocatrice a quelque chose d'indéniablement positif : ici la langue devient une marchandise exportable comme les autres produits. Jochen Pleines insère l'enseignement des langues étrangères dans le contexte du néo-colonialisme où une indépendance politique formelle laisse subsister une dépendance économique et culturelle. La discussion sur la germanistique devrait de plus en plus tenir compte des rapports économiques entre les pays où elle se pratique et la R.F.A., – surtout lorsqu'il s'agit de pays en voie de développement. Eviter de poser le problème de l'implication entre l'économique et le culturel équivaudrait à pratiquer la politique de l'autruche. Par le biais de l'expansion linguistique, la R.F.A. poursuit des objectifs tant culturels qu'économiques; il y a même un rapport proportionnel entre la présence économique de la R.F.A. et le développement de l'allemand à l'étranger[20]. [PAGE 109]

Même s'il est d'autre part illusoire de croire que l'absence de l'enseignement de l'allemand et de la germanistique exclurait automatiquement l'influence politique, économique et culturelle de la R.F.A.

III. PLAIDOYER POUR UNE REFORME ET UNE REORIENTATION DE L'ENSEIGNEMENT DE L'ALLEMAND ET DE LA GERMANISTIQUE

Le pourquoi de l'enseignement de l'allemand et de la germanistique en Afrique appelle des réponses divergentes. Leo Kreutzer dans la communication citée ci-dessus attire justement l'attention sur la difficulté de légitimer cette discipline et sur le caractère controversé de la légitimation. Les trois protagonistes dont il a été question partent généralement de points de vue différents. Le rayonnement culturel semble être le seul objectif avoué de la R.F.A. Du côté camerounais, même sans prise de position officielle, il est possible de dire que l'allemand est enseigné pour des raisons tout aussi bien culturelles, scientifiques qu'économiques. La thèse selon laquelle cette discipline est au service de l'impérialisme culturel et économique ne saurait non plus être ignorée[21]. Ces divergences dans la recherche d'une légitimation de l'allemand et de la germanistique n'en rendent la discussion que plus enrichissante. En tenant compte de cette controverse, on peut essayer de dégager le profil à donner à l'enseignement et à la germanistique en Afrique.

Au stade actuel de la discussion sur l'enseignement de l'allemand comme langue étrangère, un consensus semble se dégager autour du concept de « germanistique contrastive ». La germanistique internationale où ce qui était bon pour les étudiants allemands l'était aussi pour le germaniste tout court, doit donc faire place à la « germanistique contrastive » dont l'orientation devrait [PAGE 110] permettre d'éviter le piège de l'impérialisme culturel et de tenir compte de la différence de cultures entre les protagonistes en présence. Wolfgang Zimmer présente le programme de formation des professeurs d'allemand africains à l'Université de la Sarre comme un exemple de contrastivité grâce à la collaboration d'autres instituts en dehors de l'institut de germanistique[22]. Le programme de Sarrebruck n'est certainement pas l'idéal, surtout si la majorité des étudiants n'ont pas (surtout au début du programme) d'autres possibilités que la recherche sur les contes (Märchenforschung). La contrastivité de la germanistique ne peut être effective que si l'on travaille de façon interdisciplinaire, elle dépend donc de l'interdisciplinarité. Ce qu'on craint, c'est que cette interdisciplinarité achoppe sur une certaine rigidité des structures académiques. Quel contenu donner à cette « germanistique contrastive » ?

Il convient de souligner que sur le plan conceptuel la germanistique africaine doit se démarquer de celle conçue pour des étudiants allemands ou français; cette différenciation s'impose. Ici le maître mot s'appelle adaptation. La contrastivité de la germanistique sous-entend son intégration dans le contexte de l'Afrique post-coloniale, son africanisation. Africanisation qui ne saurait se limiter au remplacement d'enseignants européens par des enseignants africains sortant souvent du même moule. Elle doit se faire en profondeur : la réflexion sur le contenu à donner à la germanistique doit prévaloir, réflexion indispensable non seulement sur le plan théorique mais aussi sur le plan méthodologique. Il serait possible par exemple que dans l'enseignement de la littérature et de la civilisation, les critères de choix des textes, des auteurs et des thèmes, tiennent compte des préoccupations des étudiants et des réalités locales. En civilisation, on partirait par exemple des situations semblables ou comparables. La comparatistique en littérature permettrait d'intégrer des auteurs africains dans le programme. Sur le plan strictement linguistique, la définition d'une véritable [PAGE 111] politique de langues pour les pays africains est souhaitable pour éviter le phénomène de « glottophagie » dont parle Louis-Jean Calvet[23]. Le souhait est que de par son contenu, la « germanistique contrastive » contribue à rapprocher l'étudiant africain de ses réalités et non pas à l'en éloigner.

Au niveau méthodologique et didactique, il reste beaucoup à faire, surtout pour l'enseignement secondaire. Une tentative visant à adapter les manuels au contexte existe déjà : la méthode « Yao Lernt Deutsch ». Cette méthode ne fait pas l'unanimité comme le montre l'enquête, elle est vivement critiquée et même taxée de « Papageimethode ». Pour la confection de nouveaux manuels adaptés on attend beaucoup des professeurs d'allemand (toutes catégories confondues), tant il est vrai que les véritables concernés doivent prendre l'initiative pour changer quelque chose. Cependant l'inertie qu'on observe de leur part ne laisse présager aucun espoir de changement à court ou à moyen terme. Au séminaire organisé à Cotonou en 1980 par le D.A.A.D., une commission fut spécialement chargée de se pencher sur le problème de la confection des manuels, mais à en croire le responsable de cette commission, rien n'a encore été fait. Cette inertie pourrait cependant provenir d'un problème d'initiation théorique et du facteur temps, ce ne sont pas pour autant des problèmes insurmontables, des voies et moyens devraient être trouvés. La balle se trouve désormais dans le camp des enseignants africains. La germanistique ne pourrait en fait avoir d'autre fonction que découlant de celle attribuée à l'Université africaine en général, ce qui veut dire qu'une réforme de la germanistique suppose une réforme globale de tout le système d'enseignement. Dans l'introduction du livre « Hochschule, Wissenschaft und Entwicklung in Afrika » apparaît le concept de « l'Université orientée vers le développement » (entwicklungsorientierte Universität)[24]. L'Université ne doit pas rester coupée des réalités locales, l'accent doit y être mis sur une formation en rapport avec les besoins réels de la communauté. Si cette thèse préconisant l'insertion de l'Université [PAGE 112] dans le processus de développement est juste en soi, on ne saurait cependant s'empêcher de demander quelle définition il convient de donner au terme développement. Cela revient à poser la question de savoir si les nations industrialisées constituent un modèle de développement valable et exportable. Etant donné le cadre particulier qui est celui du continent africain, son développement doit chercher ses critères spécifiques et ne doit pas signifier qu'il faut à tout prix rattraper le retard pris sur les pays industrialisés. Tant il est vrai que le développement ne saurait être réduit à la croissance économique et à l'augmentation du revenu par tête d'habitant, au risque d'aboutir à la « croissance sans développement » ou au « mal-développement » dont la principale caractéristique est la marginalisation de la majorité de la population. Une germanistique africaine ayant subit une réforme profonde, pratiquée dans le cadre d'une Université africaine également réformée, pourrait contribuer à chercher cette autre nouvelle voie de développement par une réflexion critique et libre.

D'autre part, la « germanistique contrastive » pourrait jouer un rôle dans la formation de l'esprit critique et dans le processus de prise de conscience, c'est-à-dire un rôle émancipateur, même s'il faut convenir avec Moussa Gueye que le contact avec l'autre n'entraîne pas nécessairement une perception plus consciente de soi et de sa réalité[25]. Une « germanistique contrastive » procédant tant à l'auto-critique (Selbstkritik) qu'à la critique d'autrui (Fremdkritik) devient une nécessité. Critique idéologique et critique sociale doivent faire partie intégrante de la germanistique africaine.

L'une des caractéristiques essentielles de la germanistique africaine est qu'elle s'est presque exclusivement orientée vers la formation des professeurs d'allemand. Il se pose la question de savoir si à plus ou moins longue échéance il ne serait pas indispensable de nuancer quelque peu cette fonction d'auto-reproduction. C'est-à-dire de chercher à adapter la germanistique aux exigences du marché du travail. La demande en professeurs d'allemand, relativement grande aujourd'hui, tendra à diminuer [PAGE 113] progressivement et il n'est pas exclu que ce secteur soit saturé d'ici quelques années. Que deviendront alors les étudiants germanistes finissant leur formation ? Bien sûr, on parle du secteur touristique ou diplomatique, mais est-ce suffisant ? Il est vrai qu'un germaniste n'est ni traducteur ni interprète, mais faute de mieux on peut suggérer l'introduction d'une spécialisation en traduction dans les départements d'allemand pour élargir les débouchés. Cette question de débouchés, sans être le problème fondamental de la germanistique, mérite qu'on s'y attarde.

Amadou Booker Sadji de l'Université de Dakar voudrait par exemple voir instaurer un « allemand scientifique et technique » pour que les élèves des séries scientifiques puissent poursuivre des études dans des Universités germanophones[26]. De prime abord, cette proposition a sa justesse lorsqu'on sait qu'un étudiant étranger voulant poursuivre ses études en Allemagne de l'Ouest doit sacrifier au moins deux semestres dans un « Studien-Kolleg » avant de commencer à suivre ses cours. Ç'aurait donc été un gain appréciable en temps s'il pouvait commencer tout de suite. A mon avis, il subsiste une interrogation : l'élève désirant étudier en Allemagne a-t-il tant besoin de connaissance en allemand tout court ou d'un « allemand scientifique et technique » ? De plus, je doute que l'enseignant du département d'allemand puisse transmettre de façon adéquate cet « allemand scientifique et technique » qui ne saurait être acquis que dans un cadre bien déterminé. D'autre part, ce qu'on voudrait savoir, c'est si l'extension de l'allemand aux séries scientifiques serait suivie par celle des autres langues étrangères qui peuvent aussi donner accès à la technologie, telles le russe, l'italien... Autrement dit, le projet de « l'allemand scientifique et technique » s'insère-t-il dans un cadre de réforme globale de l'enseignement des langues étrangères ? Ce qui inquiète Leo Kreutzer dans ce projet de « l'allemand scientifique et technique », c'est que la germanistique ne se transforme en un « secteur de prestation de services » (Dienstleistungssektor) pour les autres [PAGE 114] Facultés et qu'ainsi la question du sens de la germanistique ne soit en fait contournée; de ce fait, une telle proposition de réforme nuirait en définitive à la germanistique[27]. Pour moi, une réorientation marquée vers les sciences sociales serait plus judicieuse, ce qui paraît plus en accord avec le principe de l'interdisciplinarité déterminant pour la « germanistique contrastive ».

Dans leur article cité plus haut, Grossklaus/Wierlacher laissent apparaître un aspect tout à fait intéressant :

    « Nur soll davon ausgegangen werden, dass es neben den enormen materiellen Bedürfnissen in Entwicklungsgesellschaften symbolische Bedürfnisse gibt – Bedürfnisse nach Sinnverständigung – und weiter, dass für dieses « symbolische » Feld die Kulturwissenschaften zuständig sind »[28].

Le sous-développement n'étant pas uniquement économique et technique, il faudrait des citoyens qui puissent réfléchir de façon critique sur la construction de la société future, non plus seulement dans le domaine de l'enseignement, mais aussi dans celui des sciences sociales et des media. Une germanistique dont le produit est constitué par des hommes capables d'exercer, de par une formation appropriée, une critique idéologique et sociale, doit jouer un rôle qui vient équilibrer celui des disciplines traditionnellement réputées scientifiques. Une telle fonction pratique attribuée à la germanistique est d'autant plus souhaitable qu'aucune science ne peut prétendre se développer en dehors de la société, ce qui ne signifie pas qu'elle doit être asservie par la société et surtout par une forme de société donnée.

De ce qui vient d'être sommairement exposé, il se dégage un impératif pour ceux qui conçoivent et organisent et pour ceux qui étudient la germanistique : elle doit être réformée et réorientée. La germanistique se cherche encore tant du point de vue légitimation que du point de [PAGE 115] vue forme et contenu. Le débat autour de sa finalité reste contradictoire et sa réforme et sa réorientation ne pourraient se faire que dans la mesure où il existe une concertation favorisant un échange d'expériences et amenant chacun à repenser sa conception et ses formules. Par ailleurs, il faut souligner qu'une réforme de la germanistique qui n'est pas intégrée dans le concept global d'une réforme de tout le système d'enseignement perdrait de son efficacité, autrement dit, la germanistique n'est qu'un aspect d'un problème très complexe. Pour terminer, il convient de se demander si les « partenaires », c'est-à-dire les « décideurs » ne trouvent pas leur compte dans le statu quo, s'ils sont ouverts à la discussion.

J. GOMSU


[1] Ces chiffres viennent de l'Inspection nationale d'allemand.

[2] Heinz Gühring, « Deutsch als Freindsprache und interkulturelle Kommunikation », in A. Wierlacher (éd.), Fremdsprache Deutsch, p. 70.

[3] G. Grossklaus/A. Wierlacher, « Zur kulturpolitischen Situierung fremdsprachlicher Germanistik », in Fremdsprache Deutsch, p. 98.

[4] W. Schlatter, Geschichte der Basler Mission 1815-1915, Basel, 1916, p. 218.

[5] Ibid., p. 316.

[6] Ibid., p. 318.

[7] Julius Ruppel, Die Landeslesetzgebung für das Schutzgebiet Kamerun, Berlin, 1912, no 614, Schulardnung vom 25-10-1910.

[8] W. Mehnert, « Zur Genesis und Funktion der "Regierunsschulen" in den Africa-Kolonien des deutschen Imperialismus 1884-1914 », in African Studies, 1967, pp. 143-155.

[9] G. Grossklaus/A. Wierlacher, op. cit, p. 91.

[10] G. Grossklaus/A. Wierlacher, op. cit., p. 93.

[11] Langue, littérature et civilisation allemandes et anglaises, Yaoundé, 1966.

[12] Lettre du ministère des Affaires étrangères à l'ambassade de la R.F.A., à Yaoundé du 16 août 1969.

[13] Seul un faible pourcentage des personnes interrogées (31 %) semble être motivé par un membre de la famille ayant connu la période coloniale allemande et pas une majorité comme le prétend Judith Eboa, Die Lage des Deutschunterrichts in Kamerun, manuscrit.

[14] Dieter Breitenbach, « Zur Theorie der Auslandsausbildung », in A. Wierlacher (éd.), Fremdsprache Deutsch, p. 113f.

[15] Pour la germanistique, la bibliothèque de l'E.N.S. dispose d'une cinquantaine de titres. C'est vraiment dérisoire !

[16] Moussa Gueye, « Ansätze einer Ideoloeekritik des Deutschunterrichts in der Republik Senegal », Diss. Osnabrück, 1982, p. 7f.

[17] Leo Kreutzer, Legitimationsprobleme einer Germanistik im frankophonen Afrika. Fach- und Informationstagung des Auswartigen Amtes über DaF in Westafrika und Madagaskar in Lomé vom 8-10 November 1983.

[18] Gomsu, in Saarbrücker Zeitung, 13-14 Dezember 1980.

[19] Jochen Pleines, Rundbrief vom 19-4-1983.

[20] Alois Wierlacher signale ce rapport proportionnel dans son article « Deutsch als Fremdsprache », p. 14 :« Die deutsche Wirtschaft ist in kaum einein anderen Entwicklungsland so stark vertreten wie in Brasilien... Und die Germanistik des Landes hat sich eine bemerkenswerte Ausweitung ihrer Angebotspalette einfallen lassen. »

[21] Cf. Moussa Gueye, op. cit., pp. 1-4.Cf. Moussa Gueye, op. cit., pp. 1-4.

[22] W. Zimmer, « Plädoyer für ein adressatenspezifische, kontrastive Germanistik für afrikanische Deutschlehrer. Aus der Praxis der Saarbrücker Maîtrise-Programm », in Zielsprache Deutsch, 4, 1982, pp. 40-49.

[23] L-J. Calvet, Linguistique et colonialisme, Paris, 1974.

[24] Hochschule, Wissenschatt und Entwicklung in Afrika, Bonn, D.A.A.D. (Hg.), p. 15f.

[25] Moussa Gueye, op. cit., p. 95f.

[26] Amadou Booker Sadji, « Prolégomènes à propos de l'enseignement de l'allemand et des études germaniques au Sénégal », in Etudes germano-africaines, 1983, p. 25.

[27] Leo Kreutzer, op. cit.

[28] Grossklaus/Wierlacher, op. cit., p. 105.

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