© Peuples Noirs Peuples Africains no. 45 (1985) 8-34



Journal d'un renversement d'alliance
GUINÉE ÉQUATORIALE, 1983-1985

Titres de presse et histoire immédiate

Max LINIGER-GOUMAZ

Depuis le renversement du dictateur Macias Nguema par le dictateur Obiang Nguema, nous avons par deux fois – grâce aux informations véhiculées par la presse écrite de divers pays – démontré la continuité du régime qui écrase la Guinée Equatoriale[1]. Cela a permis de démonter les techniques de mésinformation, voire de désinformation de ceux qui, à l'intérieur du pays et à l'extérieur, ont intérêt à ce que la libre détermination de son destin par le peuple équato-guinéen soit étouffée. A travers les seuls titres de la presse internationale, il est ainsi possible d'écrire l'histoire immédiate d'un pays. Pour la Guinée Equatoriale, ce nouvel essai se révèle particulièrement intéressant parce qu'il enregistre un nouveau renversement d'alliance, et ce dans le cadre d'un renversement plus vaste opéré en 1979. [PAGE 9]

Un passé récent détestable

Ancienne colonie espagnole venue à l'indépendance en 1968, la Guinée Equatoriale a rapidement plongé dans la terreur sous le joug d'un psychopathe, Macias Nguema, assisté dans ses crimes par sa famille et une série de complices. La majorité des membres de cette bande de hors-la-loi est appelée nguemiste et originaire de la bourgade de Mongomo, au sud-est de la partie continentale du pays, le Rio Muni. En onze ans, avec Macias Nguema, ils ont poussé l'horreur au niveau de ce qu'ont su faire des Bokassa et des Amin Dada, de sorte qu'à côté de dizaines de milliers de morts et de torturés, la nation équato-guinéenne a été amputée d'une diaspora qui représente le tiers de ses effectifs, dont une large majorité des cadres[2].

En août 1979, le chef de l'Armée de terre et gouverneur militaire de Fernando Poo, Obiang Nguema, associé à ses cousins chargés de la marine et du Rio Muni, réussit, avec l'appui des puissances occidentales, dont les Etats-Unis, l'Espagne et la France, ainsi que du voisin gabonais, à détrôner l'oncle président à vie. Grâce à un contingent de 450 soldats marocains prêtés en échange de la renonciation à l'appui au Front Polisario, Obiang Nguema et sa jungle tribale ont, avec leurs amis extérieurs, cultivé le mythe d'un « coup de la liberté ». En effet, hormis la restitution de la liberté de culte, l'ensemble des droits de l'homme restaient gelés sous l'argument fasciste classique qu'il faut d'abord reconstruire avant de discuter. Aussi, les rares spécialistes de la Guinée Equatoriale ont-ils rapidement signalé l'équation élémentaire : Obiang Nguema = Macias Nguema. Des rapports de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies venaient confirmer ce triste constat.

Mais le reste de la machine onusienne, ainsi que les C.E.E., B.A.D., B.I.R.D., F.M.I., P.N.U.D., O.P.E.P., etc., [PAGE 10] débordaient d'enthousiasme et arrosaient les « nouveaux » dirigeants d'aides matérielles et financières substantielles. La situation intérieure continuait pourtant à se dégrader sous le joug de la seconde dictature nguemiste. Parallèlement, les convoitises ne faisaient que s'aiguiser, l'Espagne et la France surtout cherchant à se réserver les ressources en pétrole et en métaux du petit pays du Golfe de Guinée. Le Gabon, qui continue, depuis 1972, à occuper militairement diverses parties du territoire équato-guinéen, cherche aussi à se tailler une part de la manne équato-guinéenne. Les nombreux scandales, des coups d'Etat plus ou moins imaginaires – classiques de l'histoire nguemiste –, la corruption et le viol des libertés fondamentales ne découragèrent ni le roi d'Espagne et son Premier ministre, ni les personnels du P.N.U.D. et de la C.E.E., ou encore de l'Aide suisse en cas de catastrophe, ni le pape Jean-Paul II à faire la cour à la clique des hommes du clan de Mongomo. La presse internationale de 1982 présentait pourtant une liste de titres suffisamment clairs : « 1 000 Mio de pesetas évaporées », « Droits bafoués en Guinée Equatoriale », « Grosse escroquerie », « Corruption en Guinée Equatoriale », « Peur, misère et corruption », etc.

Pour la galerie, on organisa en août 1982 des élections pour une Assemblée nationale populaire, après mise au point par quelques sbires du régime d'une constitution proche de celles du Chili de Pinochet et de la Turquie des colonels. Par une clause additionnelle, Obiang Nguema se faisait désigner président pour sept ans; ce qui fit écrire à Afrique nouvelle, le 2 mars 1983 : « La dictature continue. »

Ce nouvel inventaire des titres de la presse va montrer que ce qui s'amorçait dès 1981 de captage de la Guinée Equatoriale par la France s'est révélé être une opération fort habile et réussie, il est vrai en grande part à cause de la médiocrité de la diplomatie espagnole.

Périodiques :

ABC, Madrid
Actual, Madrid
Africa Business. Londres [PAGE 11]
Africa Now, Londres
Africa Foreign Report, Londres
African Research Bulletin, Londres
Afrique-Asie, Paris Alerta, Santander
Archiv der Gegenwart, Sankt Augustin
Bulletin Quotidien d'Afrique (A.F.P.), Paris
Cambio 16, Madrid
Cameroon Tribune, Yaoundé-Douala
Derechos humanos, Tribuna informativa de la Asociación pro Derechos humanos de España, Madrid
Diario 16
Figaro, Le, Paris
Financial Time, Londres
Hebdo, L', Lausanne
Interviú, Madrid
Jeune Afrique, Paris
Jeune Afrique Economie, Paris
Journal de Genève, Genève
Journal officiel de la République française, Paris
Journal officiel des Communautés européennes, Bruxelles
Marchés tropicaux, Paris
Monde, Le, Paris
Mundo Negro, Madrid
País, El, Madrid
Periódico de Catalunya, Barcelone
Peuples noirs-Peuples africains, Paris-Rouen
Servir al pueblo, Madrid
Sunday Times, Londres
Tages-Anzeiger, Zurich
Tiempo, Madrid
Tribune de Genève, Genève
Vanguardia, La, Barcelone
Vanguardia obrera, La, Madrid
West Africa, Londres
Ya, Madrid.

Les trente-huit périodiques consultés – la plupart quotidiens et hebdomadaires – proviennent de douze villes dans sept pays différents. Un peu moins de la moitié sont espagnols, un tiers est français et un sur cinq britannique (ou du moins publié à Londres); pour la [PAGE 12] période 1983-1985, l'Espagne reste le canal inévitable pour apprendre l'essentiel sur la Guinée Equatoriale. La majorité des journaux et revues analysés sont de tendance centre et centre-droit.

1983

Avril

1 5 « El ministro de Asuntos Extranjeros califica de 'delicadas las relaciones de España con Guinea [Ecuatorial]. Moran recibirá al Español qué fué retenido por las autoridades de Malabo [Santa Isabel] » (Le ministre espagnol des Affaires étrangères qualifie les relations de l'Espagne avec la Guinée Equatoriale de « délicates ». Moran recevra l'Espagnol qui a été retenu par les autorités de Santa Isabel), El País.

11 « L'opposition demande à la France de supprimer son aide à Malabo [Santa Isabel] », Le Figaro.

16 « Obiang [Nguema] recomendó a los Guineanos que aprendieran francés » (Obiang Nguema a recommandé aux Equato-Guinéens d'apprendre le français), El País.

17 « Dificultad entre la oposición de Guinea Ecuatorial para resolver la crisis del país » (Difficultés au sein de l'opposition équato-guinéenne pour résoudre la crise du pays), La Vanguardia.

Mai

24 « España se Diega a entregar al sargento que quisó matar a Obiang [Nguema] » (L'Espagne refuse de remettre le sergent qui a voulu tuer Obiang Nguema), Diario 16.

25 « Revuelta en Guinea Ecuatorial » (Révolte en Guinée Equatoriale), El País.

« Guinée Equatoriale : arrestations en suite d'un putsch manqué », Journal de Genève.

« No hay riesgo, para nuestros compatriotas ni para los intereses españoles en Guinea Ecuatorial. Felipe Gonzalez considera superado el intento de golpe de [PAGE 13] Estado » (Il n'y a pas de risque pour nos compatriotes ni pour les intérêts espagnols en Guinée Equatoriale. Felipe Gonzalez considère la tentative de coup d'Etat comme maîtrisée), Alerta.

« Deterioro de la cooperación hispano-guineana » (Détérioration de la coopération hispano-équato-guinéenne). ABC.

« El gobierno [español] preparó un plan militar para intervenir en Guinea [Ecuatorial] » (Le gouvernement espagnol a préparé un plan militaire pour intervenir en Guinée Equatoriale), Diario 16.

« Los escándalos de Obiang Nguema » (Les scandales d'Obiang Nguema), Diario 16.

« La policia guineana mantiene una estrecha vigilancia de la Embajada española » (La police équato-guinéenne poursuit une étroite surveillance de l'ambassade d'Espagne), Alerta.

« Moran obtiene en Malabo [Santa Isabel] garantia : de qué el sargento asilado, no será ejecutado » (Moran obtient à Santa Isabel des garanties : le sergent réfugié à l'ambassade d'Espagne ne sera pas exécuté), El País.

« Guinea [Ecuatorial] : punto final » (Guinée Equatoriale : point final), Diario 16.

« Equatorial Guinea, France and Spain » (Guinée Equatoriale, la France et l'Espagne), Financial Time.


26 « El ministro Moran reconoció que la ayuda española se pierde en camino » (Le ministre espagnol des Affaires étrangères reconnaît que l'aide espagnole se perd en route), Diario 16.

« Responsabilidad [española] con Guinea [Ecuatorial] » (La responsabilité de l'Espagne face à la Guinée Equatoriale), El Periódico de Catalunya.


27 « Petróleo y uranio, entre los proyectos que interesarian a España (Pétrole et uranium figurent parmi les projets qui intéresseraient l'Espagne), El País.

« El Gobierno [español] se inclina por la integración de Guinea Ecuatorial en la zona francófona » (Le gouvernement espagnol s'incline devant l'intégration de la Guinée Equatoriale dans la zone franc [francophone]), El País.


30 « Les Españoles, rehenes de Obiang [Nguema]. La oposición guineana pide que medie el Rey » (Les [PAGE 14] Espagnols, otages d'Obiang Nguema. L'opposition demande la médiation du roi), Tiempo.

Juin

11 « Probable congelación de la ayuda económica española a Guinea Ecuatorial. Obiang [Nguema] signe incumpliendo lo pactado sobre Miko » (Congélation probable de l'aide économique espagnole à la Guinée Equatoriale. Obiang Nguerna continue à ne pas respecter ce qui a été conclu à propos du sergent Miko), ABC.

17 « Golpe de Estado en Guinea Ecuatorial o el saqueo continuado en un pueblo » (Coup d'Etat en Guinée Equatoriale, ou le pillage permanent d'un peuple), Vanguardia Obrera.

19 « La URSS planeó el golpe de Guinea [Ecuatorial] » (L'URSS a préparé le coup en Guinée Equatoriale), Ya.

23 « Tyrannies africaines », L'Hebdo.

Juillet

1 « Situación de los derechos humanos en Guinea Ecuatorial » (La situation des droits de l'homme en Guinée Equatoriale), Derechos humanos.

« Rift with Spain Heated » (Le fossé avec l'Espagne se creuse), African Research Bulletin.


7 « Democràcia en Guinea [Ecuatorial] ? » (La démocratie en Guinée Equatoriale ?), El País.

« El presidente español dispuesto actuar con Guinea [Ecuatorial] si Obiang [Nguema] no cumple. El gobierno, romperá la relación diplomática. » (Le président du gouvernement espagnol décidé à agir contre la Guinée Equatoriale si Obiang Nguema ne tient pas parole. Le gouvernement rompra les relations diplomatiques), Diario 16.


8 « Deux officiers exécutés », Le Monde.

16 « Obiang [Nguema] se entrevista con Felipe [Gonzalez] en Madrid » (Obiang Nguema a une entrevue avec Felipe Gonzalez à Madrid), Diario 16.

« New Problems with Spain » (Nouveaux problèmes avec l'Espagne), West Africa. [PAGE 15]


27 « No creafs que basta con matar a Macias [Nguema] » (Ne croyez pas qu'il suffise d'exécuter Macias Nguema), Actual.

« El presidente de Guinea [Ecuatorial] T. Obiang [Nguema] Ilega mañana a Madrid. Intento pro-soviético para romper con España » (Le président équato-guinéen T. Obiang Nguema arrive demain à Madrid. Tentative pro-soviétique pour rompre avec l'Espagne), ABC.


28 « El gobierno duda que la visita de Teodoro Obiang [Nguema] resuelva la crisis planteada en la cooperación con Guinea », El País.

29 « Obiang [Nguema] quisó bajar con metralletas » (Obiang Nguema a voulu débarquer à l'aéroport de Madrid avec des mitraillettes), Diario 16.

« La crisis planteada en la cooperación con Guinea [Ecuatorial] » (La crise surgie dans la coopération avec la Guinée Equatoriale), El País.


30 « Le président Obiang [Nguema] tente de régler à Madrid le contentieux avec l'Espagne », Le Monde. « Los Guineanos sacaron la pistola en la Moncloa ! » (Les Equato-Guinéens ont sorti le pistolet au palais présidentiel espagnol !), Diario 16.

« Gonzalez considera desbloqueadas las relaciones con Guinea Ecuatorial tras reuniones con Obiang [Nguema] » (Gonzalez considère les relations avec la Guinée Equatoriale comme débloquées suite aux réunions avec Obiang Nguema), La Vanguardia.


31 « Sintomas de cambio en las relaciones con Malabo [Santa Isabel] » (Symptômes de changement dans les relations avec Santa Isabel), El País.

« Guinée Equatoriale : dictature et convoitises », Peuples noirs-Peuples africains.

« Felipe Gonzalez visitará Guinea Ecuatorial en un clima de relaciones 'muy constructivas'» (Felipe Gonzalez se rendra en visite en Guinée Equatoriale dans un climat de relations « très constructives »), La Vanguardia.

Août

1-31 « First elections held » (La tenue des premières élections), African Research Bulletin. [PAGE 16]

« Minister resigns » (Un ministre démissionne : E. Buale), African Research Bulletin.


22 « Dirigentes de la oposición guineana se quejan del poco apoyo que reciben de España » (Des dirigeants de l'opposition se plaignent du peu d'appui que leur donne l'Espagne), El País.

23 « La oposición de Guinea Ecuatorial elige sus nuevos dirigentes » (L'opposition équato-guinéenne élit ses nouveaux dirigeants), El País.

28 « Rücktritt Emiliano Buale » (Démission d'E. Buale, ministre de la Santé), Archiv för Gegenwart.

« Guinea Ecuatorial celebrará hoy unas elecciones legislativas con la lista única y sin participación de partidos politicos » (La Guinée Equatoriale tient aujourd'hui des élections législatives avec une liste unique et sans participation de partis politiques), El País.

Septembre

6 « E. Buale-Borico, ex-ministro de Guinea [Ecuatorial] : Obiang [Nguema] tiene su dinero en Suiza » (E. Buale-Borico, ex-ministre de Guinée Equatoriale déclare : Obiang Nguema a son argent en Suisse), Interviú.

« Los candidatos de Obiang [Nguema] copan los 41 escaños de la Asamblea Guineana » (Les candidats d'Obiang Nguema s'arrogent les 41 sièges de l'Assemblée équato-guinéenne), El País.


15 « Hacienda recorta 600 Mio de pesetas la ayuda a la cooperación para 1983 » (Le ministère espagnol des Finances coupe 600 Mio de pesetas à l'aide à la coopération pour 1983), El País.

16 « Création d'une Commission mixte [équato-guinéenne] avec la République centrafricaine », Marchés tropicaux.

19 « Buque de guerra norteamericano en Guinea Ecuatorial » (Navire de guerre des Etats-Unis en Guinée Equatoriale [Spiegel Grove - Cap. Thomas Summerlin], El País.

22 « Dos lineas enfrentadas [A.N.R.D., 4e Congresol »] (Deux courants déchirent l'A.N.R.D. au 4e Congrès), Servir al pueblo. [PAGE 17]

30 « Proposition de règlement du Conseil concernant la conclusion de l'accord entre la C.E.E. et le gouvernement de la République de Guinée Equateriale concernant la pêche au large de la Guinée Equatoriale », Journal officiel des Communautés européennes.

Octobre

1 « Madrid silent over the 'Buale affair'» (Madrid se tait sur « l'affaire Buale »), Africa Now.

12 « Oubli [de la mention de la Guinée Equatoriale dans le discours de Mobutu à Vittel] », Jeune Afrique.

13 « La cooperación [española] al borde del colapso por la incertidumbre económica y politica. La mayoria de los españoles que trabajan en Guinea [Ecuatorial] desean regresar a nuestro, país » (La coopération espagnole proche de l'échec en raison de l'incertitude économique et politique. La majorité des Espagnols qui travaillent en Guinée Equatoriale désirent rentrer en Espagne), El País.

« El gobierno español escéptico sobre la posibilidad de encauzar adecuadamente la ayuda a Guinea [Ecuatorial] » (Le gouvernement est sceptique à propos de la possibilité d'acheminement adéquat de l'aide à la Guinée Equatoriale), El País.


18 « Once jefes de Estado crean en Gabón la Comunidad de países del Africa central » (Onze chefs d'Etat créent au Gabon la Communauté des Etats de l'Afrique centrale), La Vanguardia.

24 « Mercenarios contra Guinea [Ecuatorial]. El Golpe, a punto » (Des mercenaires contre la Guinée Equatoriale. Un coup imminent), Actual.

31 « Un español ha embargado al Gobierno de Obiang [Nguema]. Los negocios guineanos del Gobierno Suarez » (Un Espagnol a obtenu l'embargo du gouvernement d'Obiang Nguema. Les affaires équato-guinéennes du gouvernement Suarez), Tiempo.

Novembre

4 « Deux Sociétés d'Etat transformées en société anonyme », Marchés tropicaux. [PAGE 18]

« France-Guinée Equatoriale : vers un accroissement des affaires », Marchés tropicaux.

« Pétrole et mines : activités des sociétés étrangères [en Guinée Equatoriale] », Marchés tropicaux.

« El Gobierno [español] pondra fin a la 'relación especial' con Guinea Ecuatorial cuando este país entre en la zona africana del franco » (Le gouvernement espagnol mettra fin aux « relations spéciales » avec la Guinée Equatoriale dès que ce pays entrera dans la zone franc), El País.


30 « Guinée Equatoriale : une nouvelle Constitution fasciste », Peuples noirs-Peuples africains.

Décembre

2 « España busca una salida airosa » (L'Espagne cherche une sortie élégante), El País.

12 « Iregularidades en la liquidación con la ex-colonia. España entrega a Francia los recursos de Guinea [Ecuatorial] » (Irrégularités dans la liquidation avec l'ex-colonie. L'Espagne donne à la France les ressources de la Guinée Equatoriale), Tiempo.

20 « Mano a mano en un momento dificil » (Coup par coup en un moment difficile), El País.

22 « La Guinée équatoriale devient le cinquième membre de l'U.D.E.A.C. », Le Monde.

23 « Intégration officielle dans l'U.D.E.A.C. », Marchés tropicaux.

« B.D.E.A.C. : adhésion de la Guinée EquatoriaIe », Marchés tropicaux.


30 « L'adhésion à l'U.D.E.A.C. est prononcée à Bangui », Marchés tropicaux.

« Aéroport [de Bata] : prêt de la Badea », Marchés tropicaux.

« Pétrole : coût de prospection », Marchés tropicaux.

1984

Janvier

1 « Guinée Equatoriale : de mal en pis », Bilan économique et social, 1983 (Le Monde). [PAGE 19]

« Equatorial Guinea : Foreign Affairs Secretary sacked » (Guinée Equatoriale : le secrétaire des Affaires étrangères démis), Africa Now.

« The nastiest place on earth » (Le pire endroit de la terre), Sunday Times.


28 « Règlement de la C.E.E. relatif à l'adjudication pour la livraison de farine de froment à la Guinée Equatoriale au titre de l'aide alimentaire », Journal officiel des Communautés européennes.

30 « Guinée Equatoriale : dans la "gueule du loup"» Afrique-Asie.

31 « Cesa el ministro ecuato-guineano de Justicia y Culto » (Démission du ministre équato-guinéen de la Justice et des Cultes), El País.

Février

15 « Schweizer Impfaktion in Aquatorialguinea » (Action de vaccination suisse en Guinée Equatoriale), Tages-Anzeiger.

25 « La Comisión de Juristas demincia el régimen de Guinea Ecuatorial » (La Commission Internationale des Juristes dénonce le régime de Guinée Equatoriale), El País.

Mars

26 « España y Guinea [Ecuatorial], la hora de la verdad » (Espagne et Guinée Equatoriale : l'heure de vérité), El País.

Avril

7 « Hispanoil encuentra gas y condensados de petróleo en Guinea Ecuatorial » (Hispanoil a découvert du gaz et des concentrés de pétrole en Guinée EquatoriaIe), El País.

16 « Remite la epidemia de colera en Guinea Ecuatorial » (L'épidémie de choléra s'affaiblit en Guinée Equatoriale), El País.

26 « Guinea Ecuatorial, una dificil disyuntiva para España. Hora decisiva en las relaciones entre Madrid y su ex colonia africana » (Guinée Equatoriale, un [PAGE 20] choix difficile pour l'Espagne. Moment décisif pour les relations entre Madrid et son ex-colonie africaine), El País.

27 « Guinea Ecuatonal quiere hacer compatible la ayuda de España con su incorporación a la 'zona del franco'» (La Guinée Equatoriale veut rendre compatible l'aide de l'Espagne et son intégration dans la « zone franc »), El País.

Mai

1 « Guinea [Ecuatorial] quedarà en 15 días sin la enseñanza de la UNED por falta de presupuesto » (La Guinée Equatoriale sera privée d'ici quinze jours de l'enseignement de l'Université Nationale [espagnole] d'Enseignement à Distance, faute de budget), El País.

16 « Gonzalez v. Mitterrand » (Gonzalez contre Mitterrand), African Foreign Report.

Juillet

1 « Equatorial Guinea may join Franc Zone » (La Guinée Equatoriale va rejoindre la zone franc), Africa Business.

22 « Décret 679 du 16 juillet 1984 portant publication de l'accord de coopération technique, scientifique et culturel entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Guinée Equatoriale, signé à Paris le 28 novembre 1979 [entré en vigueur le 13 février 1981] », Journal officiel de la République française.

27 « L'accord de pêche avec la C.E.E. », Marchés tropicaux.

« Guinea Ecuatorial firma hoy su incorporación a la zona del franco » (La Guinée Equatoriale signe aujourd'hui son incorporation à la zone franc), El País.


28 « Guinée Equatoriale : entrée dans la zone franc », Le Monde.

31 « Guinée Equatoriale. Bilan positif de la visite en Chine du chef de l'Etat », Marchés tropicaux. [PAGE 21]

Août

1 « Interviú de Obiang Nguema, Mundo Negro.

« Guinea Ecuatorial. Crónica de ma esperanza - (Guinée Equatoriale. Chronique d'un espoir), Mundo Negro.

« La cooperación española » (La coopération espagnole), Mundo Negro.


10 « Guinée Equatoriale. Adhésion officielle à la zone franc », Marchés tropicaux.

17 « Visite d'Obiang Nguema en Chine [populaire] », Marchés tropicaux.

23 « Críticas a Guinea Ecuatorial » (Des critiques de la Guinée Equatoriale), El País.

Septembre

7 « Signature des textes relatifs à l'adhésion de la République de Guinée Equatoriale à la zone d'émission B.C.E.A. », Marchés tropicaux.

Octobre

24 « Obiang convoca ecuato-guineanos a una reunión en Madrid » (Obiang Nguema convoque l'opposition équato-guinéenne à une réunion à Madrid), El País.

25 « Guinea Ecuatorial desmiente una posible reunión con la oposición » (La Guinée Equatoriale dément la possibilité d'une réunion avec l'opposition), El País.

Novembre

5 « Guinée Equatoriale : oncle et neveu, même terreur », Afrique-Asie.

30 « Une nouvelle constitution fasciste », Peuples noirs-Peuples africains.

Décembre

1 « Entrée [de la Guinée Equatoriale] dans la zone franc ». Bulletin quotidien d'Afrique (A.F.P.). [PAGE 22]

Tentative d'enlèvement organisée par l'ambassade de Guinée Equatoriale à Libreville, selon le C.S.D. », Bulletin quotidien d'Afrique (A.F.P.).


7 « Guinée Equatoriale. L'entrée dans la zone franc. La procédure suit son cours », Marchés tropicaux.

14 « Entrée dans la zone franc. Projet de loi au parlement français », Marchés tropicaux.

18 « España 'abdica' en Francia su responsabilidad sobre Guinea Ecuatorial » (L'Espagne abdique en France sa responsabilité en Guinée Equatoriale), Ya.

28 « Adhésion de la Guinée Equatoriale à la Banque des Etats de l'Afrique centrale et à la zone franc », Le Monde.

1985

Janvier

14 « La Guinée Equatoriale a choisi la France. L'Espagne a perdu sa tête de pont en Afrique », Tribune de Genève.

24 « Rupérez, presidente de la Asociación hispano-guineana » (Ruperez, président de l'Association hispano-guinéenne), ABC.

30 « Guinée Equatoriale. La zone franc n'est pas une panacée », Jeune Afrique.

Février

5 « Un español, muerto cuando iba a ser expulsado de Guinea [Ecuatorial] (Un Espagnol, mort alors qu'on l'expulsait de Guinée Equatoriale), Ya.

6 « El ministro del Interior ecuatoguineano deja morir al industrial español en el aeropuerto de Malabo [Santa Isabel] (Le ministre équato-guinéen de l'Intérieur a laissé mourir l'industriel espagnol à l'aéroport de Santa Isabel), Diario 16.

13 « Guinea Ectiatorial y España » (Ginée Equatoriale et Espagne), El País.

14 « Obiang Nguema, président de la République de Guinée Equatoriale », Interview, Jeune Afrique Economie. [PAGE 23]

15 « El embajador español en Guinea Ecuatorial cree en una 'monarquía social'» (L'ambassadeur d'Espagne en Guinée Equatoriale croit en une « monarchie sociale »), El País.

18 « La policia de Obiang [Nguema] quiso detener al embajador [de España]. Guinea Ecuatorial : crece la presión sobre los Españoles » (La police d'Obiang Nguema a voulu arrêter l'ambassadeur d'Espagne. Guinée Equatoriale : accroissement de la pression sur les Espagnols), Cambio 16. 25 [500] « Nigerianos evacuados » ([500] Nigerians évacués), El País.

Mars

6 « Nigeria-Guinée Equatoriale. Lagos pose des conditions pour la répression de la coopération », Cameroon Tribune.

11 « Guinée Equatoriale : un cadavre encombrant », Afrique-Asie.

Illusions et convoitises

Bien que qualifiant les relations avec l'ex-colonie de délicates, entre avril et juin 1983 (suite à un semblant de coup d'Etat à Santa Isabel et un sergent réfugié à l'ambassade d'Espagne), et en dépit du constat de la perte en chemin d'une part importante de l'aide espagnole, Madrid jugeait la situation débloquée dès fin juillet déjà. Selon le président du gouvernement, Felipe Gonzalez, un climat de relations « très constructives » venait d'être trouvé. Dans cette phase qui s'étend du printemps à l'automne 1983, on constate un prudent silence des médias français. Ce mutisme volontaire, nous le retrouverons également en 1984.

Pendant que l'Espagne tentait de régler le différend avec les nguemistes, la presse espagnole ne cachait pas que le pétrole et l'uranium intéressaient particulièrement l'ex-métropole. Côté C.E.E., on travaillait alors à réserver les eaux territoriales équato-guinéennes aux navires de pêche de la communauté, après dix ans de pillage par la flotte soviétique. Et pour marquer l'amitié retrouvée [PAGE 24] avec les U.S.A., un navire de guerre américain faisait escale dans le port de Santa Isabel, son capitaine venant assurer Obiang Nguema de la sympathie de la grande démocratie du Nord pour son régime. Ce qui semble donc compter le plus, ce sont les potentialités du sous-sol et des eaux équato-guinéens, ainsi que la distance prise par rapport à Moscou, et non pas la légalité du pouvoir.

Pendant que les relations hispano-équato-guinéennes connaissaient les habituels soubresauts, avec notamment blocage des avoirs équato-guinéens en Espagne et coupure de 600 Mio de pesetas de l'aide 1983, la France mijotait son affaire. Début octobre, un incident a bien risqué de bloquer l'entreprise : à Vittel, lors de la Conférence franco-africaine, à laquelle participe Obiang Nguema depuis 1981, le président Mobutu, dans le discours inaugural, venait d'oublier de citer la Guinée Equatoriale. Mais la diplomatie du Quai d'Orsay rattrapa ce faux pas. Ce qui dut être payant puisque quinze jours plus tard Marchés tropicaux – pourtant longtemps silencieux – faisait enfin mention de la Guinée Equatoriale : « France-Guinée Equatoriale : vers un accroissement des affaires », « Pétrole et mines ». Et voici que pour Noël 1983, Le Monde annonce que la Guinée Equatoriale de vient le cinquième membre de l'Union Douanière des Etats de l'Afrique Centrale (U.D.E.A.C.), à quoi Marchés tropicaux ajoute, en un foisonnement subit d'articles : « B.D.E.A.C. : adhésion de la Guinée Equatoriale », « Pétrole : coût de prospection », etc. Et tant pis si le Bilan économique et social1983 du Monde décrit la situation de la Guinée Equatoriale comme « allant de mal en pis », ou si le Sunday Times qualifie la Guinée Equatoriale nguemiste de « pire endroit de la terre ».

En fait, toute l'année 1984 sera nécessaire pour concrétiser le captage définitif de la Guinée Equatoriale dans le filet de la zone franc. Nous y reviendrons.

« Gonzalez v. Mitterrand » ou le match Espagne-France

Ce titre du 16 mai 1984, dans African Foreign Report, montre que la lutte entre puissances coloniales du XIXe siècle, en Afrique, n'est pas encore achevée. [PAGE 25]

Durant les négociations hispano-équato-guinéennes de l'été 1983, la presse espagnole annonçait que Felipe Gonzalez allait se rendre dans l'ex-colonie. Début 1984, on apprit de bonne source, à Paris, que le président Mitterrand envisageait lui aussi une halte à Santa Isabel, en juin, durant son voyage en Afrique centrale. Mais la visite de Mitterrand fut annulée à la dernière minute, car il apparut inutile de rendre publiques à ce haut niveau les visées de la France; le voyage de Gonzalez, lui, ne se concrétisa jamais en raison de la dégradation des relations avec la junte. La démission d'Emilio Buale Borico, ingénieur agronome de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (Suisse), ministre de la Santé après avoir été en charge de l'Agriculture, et son exil en Espagne où il révéla l'incapacité nguemiste de gouverner – ainsi que les placements d'Obiang Nguema dans des banques helvétiques – jeta une nouvelle fois une triste lumière sur le désastre économique et politique dû à quinze ans de nguemisme. Compte tenu des incertitudes et du scepticisme espagnol face à l'aide apportée à la Guinée Equatoriale, les coopérants espagnols se montraient de plus en plus découragés (tout comme les quelques rares Onusiens). Le président Gonzalez tenta en vain de les rassurer en mai 1983, alors que la police d'Obiang Nguema maintenait une lourde présence autour de l'ambassade d'Espagne à Santa Isabel. Dès fin mai 1983, le Financial Time flairait la tension montante de la compétition franco-espagnole pour le contrôle de la Guinée Equatoriale, et peu après El País affirmait la disposition du gouvernement de Madrid de voir son ex-colonie entrer dans la zone qu'il qualifiait de francophone alors que l'enjeu était plutôt celui du franc. Côté français, l'intérêt pour la Guinée Equatoriale allait montant, tandis que fin novembre 1983 on annonçait en Espagne la prochaine fin des relations privilégiées avec Santa Isabel. Mais on espérait encore trouver une sortie élégante. Pendant que Tiempo, à Madrid, accusait l'Espagne de brader les richesses de la Guinée Equatoriale au profit de la France, à Paris on se flattait de l'adhésion d'un nouveau membre à l'U.D.E.A.C. Au printemps 1984, El País fera allusion à « l'heure de vérité », pendant que le britannique Africa Business montre la Guinée Equatoriale rejoignant la zone franc et que Paris publiait des accords de coopération pendant que [PAGE 26] Bruxelles signait des accords sur la pêche au profit des membres de la C.E.E. En août 1984, tandis que le catholique Mundo Negro versait des larmes de crocodile avec une « Chronique d'un espoir », les nguemistes ratifiaient leur adhésion à la zone franc. Après un silence qui s'étira d'août à décembre 1984, la presse française exultait tandis que celle d'Espagne parlait d'abdication. Dès janvier 1985, l'helvétique Tribune de Genève appréciait de façon neutre la nouvelle situation : « La Guinée Equatoriale a choisi la France. L'Espagne a perdu sa tête de pont en Afrique ». Obiang Nguema n'avait-il pas recommandé en avril 1983 à ses compatriotes d'apprendre le français ? En février-mars 1985, seule une revue critique comme Afrique-Asie dépeignait la catastrophe équato-guinéenne en titrant sur « Un cadavre encombrant ». Jeune Afrique (Economie), par contre, se montrait laudatif à travers une luxueuse présentation d'une interview d'Obiang Nguema qui comporte, parmi d'autres déclarations discutables du dictateur, des monstruosités comme : « ... s'il y a changement en Guinée Equatoriale, c'est effectivement en ce sens qu'il y a maintenant des libertés. Nous garantissons ces libertés. Certes, la démocratie ne fonctionne pas comme dans les pays occidentaux. D'ailleurs, je connais des pays européens qui ont échoué dans la démocratie. Mais je crois que la démocratie, chez nous, doit être appréciée en tenant compte de la sécurité de l'Etat. Le plus important, c'est la paix, le respect des libertés et des personnes. C'est pourquoi il faut se méfier des informations que véhiculent, de-ci, de-là, certains journaux – principalement la presse espagnole qui publie ce qu'elle a envie de publier... Je dirai que la presse internationale se trompe ou est trompée ».

Face à cette « jeune-africânerie » qui rappelle singulièrement d'antérieures glorifications du dictateur nguemiste, la presse espagnole constate que les pressions sur les Espagnols en Guinée Equatoriale s'accentuent, pendant que l'ambassadeur d'Espagne rêve à Santa Isabel à une « monarchie sociale » de type scandinave. Pas gentil pour le roi d'Espagne ! Autre pression, mais sur la Guinée Equatoriale : depuis le Gabon, et avec le concours d'ELF-Aquitaine, la localité équato-guinéenne d'Akalayong, sur l'estuaire du Muni, a été pratiquement occupée; seules les vives protestations d'Obiang Nguema ont permis [PAGE 27] d'éviter pour le moment une nouvelle annexion du type de celle de 1972. Une société mixte veillerait à l'exploitation du pétrole équato-guinéen du Muni, avec la singulière répartition des bénéfices que voici : ELF-Aquitaine (50 %), Gabon (30 %), Guinée Equatoriale (20 %)...

Une opposition divisée

En avril 1983, la presse espagnole fait état de tensions au sein de l'opposition équato-guinéenne, alors qu'à Paris Le Figaro signale que les opposants établis en Espagne demandent à la France de supprimer son aide aux nguemistes. C'est que la plupart des mouvements de résistance à la dictature, le plus souvent peu représentatifs, ne font que graviter autour d'intérêts espagnols, de droite surtout, et la France venait semer le trouble dans leurs projets. Durant l'été 1983, ces mêmes mouvements se plaindront tout autant du peu d'aide que leur accorde l'Espagne.

Le plus souvent élitistes, des mouvements comme Pandeca, F.A.M., Molifuge ont vu plusieurs de leurs cadres répondre au miroir aux alouettes nguemiste en se mettant au service d'Obiang Nguema. Seule l'A.N.R.D., le Frelige et le Frelifer poursuivaient alors une politique non servile. Côté France, on voit poindre, dès 1981, un prétendu Rassemblement pour la libération de la Guinée Equatoriale, auto-création d'un certain Manuel Ruben Ndongo. Finalement, ce dernier, ayant su trouver quelque sept personnes, créa à Paris un second mouvement, la Convergence Sociale Démocratique[3]. Il est peu probable que la France s'engage réellement avec un groupe aussi peu représentatif et sans arrières au pays.

Les manipulations néo-coloniales auxquelles s'est exposé Obiang Nguema ont eu des répercussions côté A.N.R.D. On apprit fin septembre 1983, par Servir al pueblo, que deux courants étaient une nouvelle fois en train de déchirer l'Alliance. Cela amena notamment le [PAGE 28] remplacement de l'ancien secrétaire général, le prof. C.M. Eya Nchama, par le juriste Martin Nsono-Okomo, pendant qu'à Madrid Zaragoza ou Valencia piétinait la Junta coordonadora de la oposición guineana. Les tentations de cette Junte, à laquelle l'A.N.R.D. refusa d'adhérer, de prendre langue avec les nguemistes, ont conduit en octobre 1984 au lancement d'un ballon d'essai avec l'annonce dans El País d'une réunion prétendument convoquée, par Obiang Nguema; cette nouvelle a été démentie aussitôt par Santa Isabel.

Début 1985, la résistance à la dictature nguemiste, tant du côté A.N.R.D. que Frelifer et Frelige, semble quelque peu en veilleuse. En fait, on reconsidère les stratégies. Individuellement, certains leaders, tels le prof. Eya Nchama au sein de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, poursuivent un combat sans relâche. Cette commission décidait en mars 1985 d'envoyer une nouvelle mission en Guinée Equatoriale et vota une résolution qui demande entre autres que le gouvernement d'Obiang Nguema révise sa constitution dans un sens plus démocratique[4]. C'est ce qu'exige aussi une toute fraîche Asociación para el Progreso de Guinea Ecuatorial, fondée début 1985 à Madrid, par quelques Espagnols et des réfugiés, dont d'anciens du gouvernement nguemiste, tel Moto Nsa. Destinée à des milieux modérés et humanistes, l'A.P.G.E. se veut plate-forme de rencontre et soutien de l'hispanité. La présidence a été confiée au sénateur du P.D.P., Javier Rupérez.

« No creaís que basta con matar a Macias » Nguema

Exécuter Macias Nguema ne suffit pas, écrivait Actual en juillet 1983, dans le sens de l'avertissement lancé en septembre 1979 déjà par la Commission Internationale des Juristes, à l'occasion du procès et de l'exécution du premier dictateur nguemiste. On soulignait alors que tous les complices de Macias Nguema restaient en place; ils le sont toujours. Aussi, Afrique-Asie devait-elle insister [PAGE 29] en novembre 1984 sur l'évident constat : « Guinée Equatoriale : oncle et neveu, même terreur. »

Si Diario 16 faisait allusion en mai 1983 aux « scandales d'Obiang Nguema » et qu'en Suisse L'Hebdo évoquait en juin la Guinée Equatoriale parmi les « tyrannies africaines », en juillet les nguemistes colportaient leurs mauvaises manières jusque sur le sol espagnol. En effet, venu pour discuter avec Felipe Gonzalez, « Obiang Nguema a voulu débarquer à Madrid avec des mitraillettes ». Mieux : après l'épisode de l'aéroport, les gorilles d'Obiang Nguema arrivant à la résidence du Premier ministre ont à nouveau « sorti le pistolet », au point que Gonzalez dut se rendre dans les jardins de la Moncloa pour leur faire savoir qu'en Espagne ce sont les forces espagnoles qui se chargent du maintien de l'ordre et de la protection des personnes.

Nous avons déjà signalé les révélations de l'ex-ministre Buale Borico sur l'incompétence et la corruption nguemiste. En janvier 1984, c'est le ministre de la Justice qui quitte son poste, peu avant que la Commission Internationale des Juristes ne dénonce fermement la dictature d'Obiang Nguema devant la Commission des Droits de l'Homme, à propos du simulacre de constitution de 1982 et d'élections législatives de 1983.

Fin 1984 , c'est via l'Agence France Presse qu'est diffusée la nouvelle de l'enlèvement d'une Equato-Guinéenne par du personnel de l'ambassade nguemiste à Libreville. Cette pratique remonte aux débuts du pouvoir de Macias Nguema; bel exemple de continuité.

Début 1985 un Nigerian était assassiné à Santa Isabel par un officier de sécurité équato-guinéen. Cela contribua à détériorer des relations assez tièdes, et milieu février la presse du Nigeria faisait état d'une expédition navale et aéroportée pour évacuer des Nigérians réduits à l'esclavage ». En fait, ce sont quarante-huit travailleurs qui furent rapatriés. Lors de la visite à Lagos du ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, Ongueme Nguema (de Mongomo, comme il se doit), le général Tunde Idiagbon, numéro 2 du régime militaire, posa une série de conditions préalables avant toute reprise de la « coopération » entre les deux pays. On se rappelait trop, à Lagos, les nombreux assassinats et sévices dont furent victimes des Nigerians sous Macias Nguema, et l'opération [PAGE 30] aéro-navale de 1976 qui permit d'évacuer 25 000 Nigerians, à la barbe de l'armée d'Obiang Nguema. Les nguemistes continuant à pratiquer une politique de terreur, Lagos exige donc :

– que cessent les « mauvais traitements et notamment la torture » dont sont victimes des Nigerians en Guinée Equatoriale;

– que Santa Isabel cesse « tout encouragement aux contrebandiers ou aux immigrants illégitimes »;

– que l'ambassade à Santa Isabel soit informée en cas d'arrestation de ressortissants nigerians et que les visites consulaires soient autorisées.

Bien entendu, Onguene Nguema a démenti que des sévices aient été infligés à la colonie nigeriane; mais s'il pouvait juger les entretiens comme « excellents », il lui fallut qualifier le résultat obtenu de « satisfaisant » seulement.

Cette affaire avec le Nigeria est confirmée par la mort d'un homme d'affaires espagnol, à l'aéroport de Santa Isabel, en raison du refus du ministre de l'Intérieur, Eyi Monsui Andeme de le faire soigner d'urgence à l'hôpital de la capitale. Eyi Monsui Andeme, bien entendu Esangui de Mongomo, est un anti-Espagne réputé et s'était fait remarquer sous Macias comme tortionnaire. Les deux morts étrangers du début 1985 montrent, s'il le faut encore, que la Guinée Equatoriale reste victime du banditisme nguemiste. Mais si les étrangers peuvent parfois bénéficier de l'assistance de leur gouvernement, les nationaux sont, eux, à la merci des hors-la-loi du clan de Mongemo.

Même si la presse ne le cite jamais dans ses titres, il faut ici signaler que le moteur de la terreur nguemiste est, depuis 1979, un cousin d'Obiang Nguema, le lieutenant-colonel Frucuoso Mba Oñana, ancien tailleur, propulsé à de hautes destinées militaires grâce à Macias Nguema, via des stages en U.R.S.S. et en Corée du Nord. Connu pour son arrogance – il suffit de lire entre les lignes les rapports d'expertise de la Commission des Droits de l'Homme – Mba Oñana a la réputation d'avoir ligoté l'ambassadeur de son pays dans le bureau de la mission équato-guinéenne à l'O.N.U., à New York. On le crédite aussi de sévices ordonnés contre des réfugiés rentrés au pays, de détournements de vivres fournis par [PAGE 31] l'Espagne, de morts dues à sa gâchette trop facile; c'est lui encore qui fut l'organisateur du faux complot d'avril 1981, en compagnie d'un frère d'Obiang Nguema, Armengol Nguema, autre pistolero réputé, ce qui permit l'arrestation de près de 200 fonctionnaires et magistrats, mais aussi la confiscation des avoirs de la Société Exigensa, notamment des véhicules, créée par un réfugié rentré d'exil. Promu lieutenant-colonel en février 1981 et inspecteur général des Forces armées en mars, il devint en octobre 1982 vice-Premier ministre chargé de la Défense, coordonnateur, planificateur et inspecteur de la Police nationale. Quant aux véhicules pris à Exigensa, il les exploite en tant que président de l'Office des transports Oficar.

Quelques enseignements pour l'avenir

Cette nouvelle expérience d'histoire immédiate par voie de titres de la presse prouve une fois encore – si besoin est – qu'en Guinée Equatoriale c'est une même dictature qui frappe depuis dix-sept ans. Si on est passé de Macias Nguema à Obiang Nguema, avec quelques changements mineurs qui tiennent au fait que le premier était un malade mental, le contexte général du nguemisme n'a pas évolué. Certes, on pourrait affiner encore l'analyse. Pour cela, le lecteur intéressé voudra notamment se reporter au nouveau volume de la Bibliografia general de Guinea Ecuatorial qui vient de paraître[5].

Par malheur, pour des raisons qui ne peuvent tenir qu'aux intérêts mercantiles – sinon il faudrait parler d'actes imbéciles – les démocraties occidentales (pléonasme, car je n'en connais point d'orientales) soutiennent la dictature du clan de Mongomo, à l'instar de la Suisse qui bâtit une léproserie et des dispensaires, et qui vaccine; des Etats-Unis, qui fournissent médicaments, aliments, fonds pour réorganiser un parc avicole; de la C.E.E. et de ses membres individuels, qui livrent de la farine de froment pour contrecarrer la résistance passive [PAGE 32] des paysans planteurs de manioc et d'igname; de l'Espagne, qui cherche à sauver ce qui peut encore l'être. Quant à la France si discrète, elle a réussi par le captage de la Guinée Equatoriale dans sa zone franc la mise sous sa coupe du quasi monopole du commerce d'okoumé. Sans parler des intérêts pétroliers, minéraliers, etc. Mais comme l'a laissé entendre Jeune Afrique en janvier 1985, « la zone franc n'est pas une panacée ». Aussi longtemps, en effet, que la Guinée Equatoriale étouffera sous « une constitution fasciste » (Peuples noirs-Peuples africains, novembre 1983) continueront les abus : enlèvements, torture, travaux forcés ou esclavage, assassinats, prévarication, etc.

Il serait certainement souhaitable que la Guinée Equatoriale puisse trouver une bonne place dans le concert des nations libres. Mais cela suppose que l'Occident unanime présente aux nguemistes les mêmes conditions que celles énoncées par la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, en mars 1985, à savoir :

– amender sérieusement la loi fondamentale dans le sens du respect des droits de l'homme;

– adhérer aux pactes relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, d'une part, et des droits civiques et politiques, d'autre part, afin de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Ces exigences vont dans le même sens que celles posées par le gouvernement du Nigeria, début mars 1985.

Il faut espérer que le patronage de la France amènera la dictature nguemiste à autoriser les activités syndicales et politiques, dans le simple respect des engagements signés par le pays lors de son adhésion aux Nations Unies et aux Institutions spécialisées, dont l'O.I.T. Au cas où le népotisme des hommes de Mongomo ne cesserait pas et que l'Assemblée nationale populaire continuerait à n'être qu'une chambre de ratification des décrets du dictateur, on se mettrait alors à penser que les bontés de la France avec l'Afrique se satisfont systématiquement du viol des libertés fondamentales. Cela confirme les critiques récentes de la francophonie[6]. [PAGE 33]

Il faut espérer que les efforts de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, en mettant à disposition de la Guinée Equatoriale des conseillers de bonne volonté, contribuera à faim entendre raison à un régime qui gagnerait gros à prendre le risque dé la démocratie. Encore qu'il s'agit de s'entendre sur le sens des mots.

Durant la session de février-mars 1985 de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, à Genève, l'Internationale démocrate-chrétienne a déposé une communication écrite visant à attirer l'attention sur la situation réelle en Guinée Equatoriale[7]. On y lit notamment : « Après le coup d'Etat du 3 août 1979, qui avait fait naître des espoirs quant à la démocratisation du pays, la situation a effectivement empiré car le nouveau régime a adopté les mesures suivantes :

    Institutionnalisation des « Jeunesses en marche » à travers la création d'un nouveau corps paramilitaire, la Sûreté. Celle-ci, comme avant le coup d'Etat, reste un instrument servant à semer la terreur dans les villes et les villages :

    Etablissement d'une Chambre des représentants composée de membres choisis arbitrairement par le président de la République;

    Proclamation d'une Charte de privilèges – et non d'une Constitution – qui, outre ses innombrables défauts formels, donne pratiquement les pleins pouvoirs au chef de l'Etat. »

Puis l'Internationale démocrate-chrétienne – à laquelle sont affiliés la plupart des partis démo-chrétiens du globe – énumère les violations des droits de l'homme proprement dites dont sont coupables les nguemistes
– détentions arbitraires;
– torture physique et psychologique; [PAGE 34]
– disparitions mystérieuses;
– interdiction du droit d'association;
– inexistence de la liberté d'expression;
– libertés religieuse et de culte très limitées et conditionnées par l'acceptation par le gouvernement;
– viol du droit à la santé par l'encouragement à la consommation de drogues et de boissons alcooliques.

Et d'émettre le souhait que se réunisse enfin une Convention politique comprenant gouvernement et opposition, observateurs des O.N.U., O.U.A., Commission de l'Europe et organismes humanitaires internationaux. La Convention établirait « un programme de normalisation démocratique, comportant notamment l'amnistie générale pour les prisonniers politiques, la garantie de l'impunité pour les réfugiés, l'élaboration d'une loi sur la liberté d'association et la formation de partis politiques, la constitution d'un gouvernement provisoire avec une ample base politique, la création d'une Assemblée constituante chargée d'élaborer une constitution et d'organiser des élections libres et démocratiques.

Allez, France !

Max LINIGER-GOUMAZ
Prof. Ecole supérieure de cadres pour l'économie
et l'administration et Ecole supérieure de commerce,
Lausanne


[1] M. Liniger-Goumaz, « Guinée Equatoriale. Deux ans de dictature post-Macias Nguema. Les titres de la presse internationale : indices d'histoire immédiate », Genève-Afrique, XVIII, 2, Genève, 1980, pp. 155-180.
« Guinée Equatoriale : Dictature et convoitises (1982-1983). Les titres de la presse internationale comme indices d'histoire immédiate », Peuples noirs-Peuples africains, VI, 34, Paris-Rouen, juillet-août 1983, pp. 18-52.

[2] M. Liniger-Goumaz, Guinée Equatoriale. De la dictature des colons à la dictature des Colonels, Les Editions du Temps, Genève, 1982, pp. 161-207; M. Liniger-Goumaz, De la Guinée Equatoriale nguemiste. Eléments pour le dossier de l'afro-fascisme, Les Editions du Temps, Genève, 1983, pp. 51-110; « Guinée Equatoriale », in O.N.U. et dictatures. De la démocratie et des droits de l'homme, L'Harmattan, Paris, 1984, 284 p. (pp. 85-164).

[3] Son principal associé est Secundino Oyono, qui a tenté de se donner comme représentant de l'A.N.R.D. en inventant un organisme fictif : Acción Nacional de Reforma Dernocrática, dans le cadre d'une claire opération d'intoxication.

[4] Commission des Droits de l'Homme, La situation en Guinée Equatoriale, Projet de résolution à l'ECOSOC, Genève, 11 mars 1985, 2 p., Doc. E/CN. 4/1985/L. 39 et E/CN. 4/1985/30.

[5] M. Liniger-Goumaz, Bibliografia general de Guinea Ecuatorial, vol. V, Les Editions du Temps, Genève, 1985, 264 p., Fr.s. 87, – Commandes à Editions du Temps, 1349 La Chaux, Suisse. C.C.P. Genève 12-3851.

[6] G.O. Midiohouan, « Portée idéologique et fondements politiques de la francophonie (vue d'Afrique) », Peuples noirs-Peuples africains, 43, Rouen, janvier-février 1985, pp. 12-36.

[7] Internationale démocrate-chrétienne, Communication écrite Présentée à la Commission des Droits de l'Homme. Nations Unies. Question de la violation des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Conseil économique et social, Genève, 22 février 1985, Doc. E/CN. 4/1985/NGO/36, 2 p.