© Peuples Noirs Peuples Africains no. 43 (1985) 50-68



QUATRE ENTRETIENS AVEC
PAULIN SOUMANOU VIEYRA (IV)

Pierre HAFFNER

Si nos quatre entretiens se sont déroulés dans quatre villes différentes, Namur, Tunis, Dakar et, « aujourd'hui », Ouagadougou[*], ils ont tous porté sur le même sujet : le cinéma négro-africain, dont l'une des caractéristiques est peut-être justement l'internationalité... Combien d'Africains connaissent en effet leur cinéma sans en même temps devoir prendre l'avion ? La diffusion reste l'une des grandes difficultés, elle explique pourquoi les capitales cinématographiques, ou les capitales devenues cinématographiques pour un temps, permettent seules de suivre pas à pas le cinéma africain tel qu'il se constitue petit à petit.

C'est cette constitution lente mais progressive, qui donne parfois une impression de stagnation ou de régression, que nos entretiens n'ont cessé de circonscrire, avec des percées dans son passé le plus lointain (la formation des premiers cinéastes négro-africains évoquée dans le précédent entretien), des descriptions de ses processus l'organisation (l'évolution de la Fédération panafricaine des cinéastes, en particulier dans le second entretien et le dernier, l'histoire du cinéma au Sénégal, en particulier dans le premier et la première partie du troisième) et des réflexions sur des questions plus générales, plus essentielles (le problème des langues ou de la critique dans le [PAGE 51] second entretien, la formation des cinéastes et ses exigences dans la seconde partie du troisième).

Mais si le « lieu commun » de ces entretiens est le cinéma négro-africain, la personnalité de Paulin Vieyra reste constamment présente – nous disions tout au début qu'ils sont comme une histoire de sa conscience. Cette histoire individuelle peut se rapporter également à l'histoire générale du cinéma africain, puisque l'une débute avec l'autre (voir en particulier le second entretien et la seconde partie du troisième), qu'elles se confondent souvent, et d'abord dans l'évolution du cinéma et de la télévision au Sénégal, et qu'enfin les actions ou les réalisations de Paulin sont à la fois dictées par des désirs personnels et des confrontations à l'histoire objective (le présent entretien est le plus explicite là-dessus).

Ce quatrième entretien a été enregistré à la fin du huitième Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou, et c'est naturellement en ce haut lieu du cinéma africain que le dialogue est le plus serré. Vieyra avoue en effet une « complète remise en question » de bon nombre de ses certitudes, et d'autre part ses avis critiques sont ici des plus vifs, dictés par une expérience et une observation longuement mises à l'épreuve. En ce sens nous souhaitons que leur lucidité ne blessera personne, mais qu'au contraire ils serviront d'enseignement, d'autant que notre cinéaste est également Docteur ès-Lettres[**] ... Paulin Vieyra a réussi ce tour de force d'être à la fois, par son énorme production de courts métrages et ses écrits, le cinéaste d'Afrique noire le plus productif et le plus diplômé... sans que ceci n'entame sa modestie ou sa chaleur, est-il besoin de le souligner !

Ces entretiens pourraient ne pas s'arrêter aujourd'hui, nous ne garantissons pas au lecteur qu'il ne trouvera une suite un jour ou l'autre, puisque d'année en année le cinéma africain connaît de nouveaux événements et que, depuis qu'il est à la retraite du ministère sénégalais de l'information (1980), Paulin n'a cessé d'être actif. Mais nous avons le sentiment qu'un chemin assez important a été parcouru, un chemin au cours duquel des hommes [PAGE 52] de plusieurs générations se sont exprimés, des structures se sont mises en place et des questions cruciales se sont posées avec force. Tout ce que nous souhaitons est qu'au-delà de ce chemin de nouvelles régions se découvrent et que Paulin continue d'en être le témoin.

P.H.
Strasbourg, septembre 1984

Nota bene : De même que pour les précédents entretiens, nos notes sont réduites à des précisions le plus souvent bornées à l'époque révolue avec l'entretien correspondant. On trouvera également des renvois aux notes des premiers entretiens, annoncés ainsi : « cf. PSV I, note... », ou « PSV II » ou « PSV IIII, note... », etc. Ces renvois permettent surtout de suivre un cinéaste ou un sujet d'un entretien à l'autre.

LE QUATRIEME ENTRETIEN
à Ouagadougou, le 13 février 1983

  – Depuis notre entretien de Tunis[1] tu as fais En résidence surveillée[2], ce premier long métrage a-t-il apporté quelque chose de nouveau dans ta vie ?

  + Je me suis rendu compte qu'entre la pensée que j'ai voulu mettre dans le film et la façon dont on l'a accueilli, il y a un hiatus que finalement je ne m'explique pas vraiment. J'imagine que c'est là le drame du créateur, qui pense toujours qu'au fond il a raison ! L'histoire était [PAGE 53] une fiction, mais elle reposait sur des données réelles, et paradoxalement le film a été mieux reçu en Occident qu'en Afrique... Je me pose donc des questions sur moi-même, sur le phénomène de l'acculturation, je me demande si vraiment j'ai été, avec ce film, un Africain parlant des Africains, ou un acculturé parlant à des gens qui avaient les mêmes conceptions acculturées... Peut-être suis-je l'héritier d'hommes qui avaient une civilisation différente de la mienne, à laquelle, inconsciemment, j'ai fini par adhérer... Ça m'a étonné, quand j'ai présenté le film à la Cinémathèque de Paris en décembre 1980, il venait tout juste de sortir du laboratoire, on m'a dit : « mais c'est fantastique ! un film comme ça ne passera jamais en Afrique ! » Ils ont même trouvé des choses que je n'avais pas mises. J'ai ensuite testé le film sur des publics africains, d'abord à Niamey, les passages comiques marchaient à tous les coups, mais les Africains riaient aussi à des endroits sérieux.

  – Par exemple ?

  + Je ne sais plus, au Sénégal on rit de tout ce qui concerne le planton, le quotidien sénégalais, la façon de manger le riz, l'homme qui part sans laisser d'argent à sa femme, qui rentre et trouve tout de même de quoi manger... D'habitude ces femmes cherchent leur argent ailleurs, comme dit Rouch : elles « boutiquent » leur cul[3] ! Et le mari, en général polygame, ne veut pas savoir ! Ce qui m'a donc frappé c'est qu'une œuvre, face à ceux ou à celles à qui elle est normalement destinée, n'a pas toujours l'impact souhaité. C'est le problème du créateur vis-à-vis de son public. Je ne pense pas qu'un auteur ignore la qualité ou la valeur de son travail, mais il peut être un peu perplexe devant l'accueil et c'est vrai que ce sont les autres qui décrètent qu'on a fait un chef-d'œuvre ou une œuvre détestable.

  – Dans la mesure où tu reconnais que ton film t'échappe, et où tu parles d'acculturation, ne remets-tu pas en question tes vingt années de travail de critique ? [PAGE 54]

  + Je me remets complètement en question ! Mais avec cette différence que je suis maintenant assuré d'avoir raison sur certains points contre les jeunes. Il y a le poids de l'expérience et le poids de la connaissance : à un certain âge on se remet en question, mais pour certaines choses personne ne peut te donner tort ! Tu as raison, même si c'est dans un contexte tout à fait différent, et dans le temps et dans l'espace ! Pour d'autres questions tes certitudes foutent le camp, là il faut tout revoir !

  – Tu ne peux rester dans le vague.

  + Tout cela est assez difficile et complexe. A un certain âge on admet difficilement qu'on puisse être contesté par ceux-ci ou par ceux-là, on se dit qu'on a fait telle expérience, qu'on est passé par là, et puis tout peut s'effondrer. Ce soir on a vu le film d'Ousmane Mbaye[4], il a mis au générique sa maison de production, comme pour tous les cinéastes ce sont toujours des maisons fictives, sans aucune réalité juridique... Celle d'Ousmane c'est l'œil vert[5], il affirme donc une certaine conception esthétique du cinéma, également une notion de solidarité, d'entraide interafricaine, mais avec nos distances c'est évidemment un leurre ! C'est bien, c'est une question de classe d'âge : on est dans la forêt sacrée, on fait des réunions où l'on détermine ce que l'on va faire ensemble, et l'on se surdétermine par rapport à des concepts tout à fait abstrait, comme l'idée de la primauté de l'image... Ils n'ont rien inventé, seulement ils n'ont aucune culture cinématographique, sinon ils sauraient que depuis Dziga Vertov la primauté de l'image revient constamment et que tous les cinéastes de l'époque de ce passage du muet au parlant ont réfléchi là-dessus ! On était passé du muet à la diarrhée verbale du théâtre filmé, et ces jeunes optent à nouveau pour des extrêmes. Le pain sec, dont le titre sénégalais traduit est Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, part d'un a priori d'écriture très forcé, alors l'on insère le sujet dans un canevas, et s'il n'y rentre pas, on [PAGE 55] appuie dessus pour le faire rentrer quand même ! Mais cela ne donne rien, pendant une demi-heure nous voyons de belles images, d'un point de vue esthétique, mais une image photographique c'est autre chose qu'une image cinématographique, à y a une différence monumentale ! Ici nous avons une succession de photos, mais pas d'images cinématographiques qui soient en même temps langage.

  – On avait déjà un peu cette impression dans Rewo Dande Mayo[6].

  + Il y avait encore une ligne directrice, une histoire, ici je suis persuadé que, si l'on montrait ce film à des étudiants en cinéma pour leur faire raconter ce qu'ils avaient vu, il y aurait autant d'histoires que d'étudiants !

  – Revenons à ton film.

  + On m'a dit qu'il a fait la troisième recette au Niger... Il a des défauts énormes, c'est un drame pour tout réalisateur quand il a terminé un film : il a fait un bond en avant de plusieurs années et remis un tas de choses en question, mais c'est trop tard, le film existe ! Lorsqu'on a un tant soit peu de talent et que l'on peut faire beaucoup de films on peut donc arriver au chef-d'œuvre. Il y a une évolution dans la qualité des réalisations d'un certain nombre de réalisateurs qui partent lentement, je peux citer le cas de Souleymane Cissé[7], on sent bien une progression de la réflexion, et j'aimerais que Gaston Kaboré[8] puisse continuer sa carrière parce que du premier coup il a fait une œuvre capitale, très très importante, mais c'est le deuxième film qui importe, là on peut vraiment juger, le premier peut être le fruit du hasard, de [PAGE 56] la chance, de n'importe quoi... Je parle et j'ai oublié ta question !

  – Tu disais que par rapport aux jeunes tu savais que tu avais raison, peux-tu sortir de l'abstraction ? De quelles choses es-tu actuellement certain ?

  + Je sais que la technique cinématographique n'est pas une science infuse, même si l'on a des dispositions. Les jeunes réalisateurs pensent que c'est facile, c'est absurde ! Parmi les cinéastes africains qui ont réussi, il y a des autodidactes mais ce sont des gens qui ont une formation idéologique très solide, ou une formation universitaire, académique, quant aux autres ils font des films s'ils ont des moyens et stagnent dans la médiocrité ou dans le banal. Ça c'est actuellement une de mes certitudes, et c'est aussi une certitude que la formation, même très solide, n'est pas le garant de la réussite artistique, mais elle permet, si on a l'occasion de faire plusieurs expériences, de se perfectionner au point d'arriver à une qualité sérieuse.

  – Nous venons d'achever un festival, la huitième session du Fespaco[9] as-tu le sentiment que le cinéma africain ait progressé ? Personnellement j'ai une impression de répétition, tant au niveau des films qu'à celui du colloque[10].

  + Je n'ai pas cette impression dans le domaine des séminaires, l'idée d'un Centre de recherches est très importante, ce centre mettrait justement à la portée des créateurs les expériences passées pour éviter de faire les mêmes choses, les mêmes erreurs; ce n'est pas nouveau, mais on ne l'a jamais mis en évidence à ce point. Pour le reste il y a effectivement peu de révélations, j'en vois deux, [PAGE 57] qui ne sont pas géniales, le film de Sanou Kollo[11] et le film zaïrois Kin-Kiesse[12]. Quand on voit la qualité de ces films, on sent une sensibilité, une observation très attentive, un sens du rythme, de l'image, du cadrage. Autrement qu'est-ce qu'on a vu ? C'est la répétition de ce qui se faisait il y a vingt ans. J'ai le sentiment que nos cinéastes viennent au cinéma sans connaître le passé du cinéma en général et du cinéma africain en particulier. Au fond, dans la masse des sujets traités par le cinéma africain, mon sujet est unique, pourquoi ? Mon sujet n'est pas insolite, c'est la vie actuelle, mais personne n'a pensé à le traiter, pourquoi ? Parce que moi je connais l'ensemble du cinéma africain et la façon dont on l'a fait, j'ai donc pris un sujet qui n'avait pas été traité : la politique.

  – Peux-tu expliquer pourquoi les gens ne connaissent pas cette histoire ? N'est-ce pas plus de l'indifférence que de l'ignorance ? Pourquoi ont-ils souvent l'air de croire qu'ils inventent tout ?

  + Il y a des différences au niveau de la formation, je le disais aux cinéastes d'Afrique du Nord : votre différence avec nous, c'est que tous vos techniciens et tous vos créateurs ont une formation très solide, universitaire ou autre, à partir de là vous pouvez tout vous permettre. Et puis ils ont une culture à la fois méditerranéenne, française et arabe, ce qui est aussi un avantage. Nous, nous avons une culture africaine, soit, mais la plupart de nos créateurs sont des gens qui me semblent avoir pris le cinéma pour cacher leur échec ailleurs. Quand je vois le background de la plupart des jeunes cinéastes, il n'y a rien, c'est l'échec au baccalauréat, on fait je ne sais quel conservatoire de technique de cinéma où on ne leur demande pas de diplôme particulier. Ceci ne préjuge pas [PAGE 58] de la valeur personnelle des gens, mais détermine tout de même le cinéma qu'ils vont faire : il y a un certain mimétisme, ou simplement des intuitions, il n'y a aucune recherche. Après vingt ans de cinéma, les jeunes pourraient faire des recherches, même à partir des sujets déjà traités, parce que, au fond, le monde est ce qu'il est, les sentiments ne changent pas tellement, l'amour, la peur, la haine, on peut toujours les exprimer, mais différemment ! Les gens ne se cultivent pas, ce qui n'est évidemment pas toujours de leur faute; il n'y a pas des cinémas Partout... Je me demande d'ailleurs s'ils vont au cinéma !

  – Peut-être ne veulent-ils pas voir ce que les autres ont fait avant eux ? On a senti une certaine tension dans l'histoire de L'œil vert...

  + C'est la réaction du fils devant le père. Cela ne veut rien dire, je ne vois pas des jeunes et des anciens en matière de cinéma, peut-être est-ce valable en Occident, mais ici quels sont ceux qui ont fait plus de trois films ? On peut être jeune dans le cinéma et vieux en années, il y a des gens plus jeunes que moi qui ont fait beaucoup plus de films... Simplement il y a un problème qui préoccupe les jeunes, c'est la renommée, et cela commence à devenir un danger : l'ancien on l'encense, on l'écoute, le jeune se sent frustré et se dit qu'après tout il fait des films aussi bien que l'ancien, alors il met en place une théorie et monte une sorte de collectif. Ce n'est pas mauvais si ça débouche vraiment sur une révolution, mais il n'y a pas ici l'équivalent de la Nouvelle Vague, du Cinéma Novo ou de l'avant-garde italienne. C'est pourtant une génération qui devrait révolutionner le cinéma africain, lui donner un coup de poing, le rendre totalement caduque !

  – Le travail de Kaboré ou de Cissé mis à part, avec les films du Niger, de la Côte-d'Ivoire ou d'ailleurs on a un sentiment de régression.

  + Absolument. J'ai été étonné, je ne citerai pas de nom, mais vraiment je n'ai rien appris, je me suis retrouvé vingt ans en arrière dans le cinéma que je faisais... J'ai revu un film de cinq minutes que j'avais fait à l'I.D.H.E.C. [PAGE 59] C'était il y a quatre ans[13], je voudrais que les jeunes le voient, il reste valable, du point de vue du choix et du traitement du scénario comme de la mise en scène, c'est quelque chose que je voudrais retrouver, une sorte de grâce... Chez les jeunes je ne la trouve pas, c'est toujours tordu, c'est du court métrage rallongé en long métrage. Dans ce domaine il faut faire quelque chose pour arrêter cette décadence.

  – Un Centre d'études pourrait effectivement être utile, mais on avait déjà fondé des espérances sur la création de l'école de cinéma de Ouagadougou[14].

  + Il manque l'environnement pour promouvoir une connaissance du cinéma, la Haute-Volta n'a que douze salles !

  – Avec la vidéo de nombreux échanges pourraient se faire, mais, puisque nous avons évoqué L'œil vert, je voudrais passer à une autre association, le C.A.C.

  + C'est tout à fait différent, il ne concerne ni la conception ni la réalisation, ce comité africain de cinéastes est une réunion de gens qui ont fait des films et mettent ensemble leurs œuvres pour les promouvoir, c'est une sorte de coopérative très ouverte : ceux qui n'en font pas partie peuvent pourtant donner leurs films en distribution[15].

  – La vocation du C.A.C. est, je crois, la possibilité d'une distribution dans le monde entier, mais le C.I.D.C.[16] [PAGE 60] n'exclut pas non plus une telle distribution, le C.A.C. a-t-il alors été fondé après un constat de carence du C.I.D.C. ?

  + Non, pas du tout, nous devons diffuser des films, les uns et les autres nous avons des occasions de discuter pour notre propre compte, mais nous avons senti que cela ne suffisait pas. Si on nous refuse notre film c'est fini, avec un organisme comme le C.A.C. nous en proposons plusieurs. Actuellement nous avons un portefeuille de vingt longs métrages, nous avons eu de nouveaux adhérents dans ce FESPACO d'autres cinéastes sentent la nécessité de nous donner leur film. Mais en fait nous ne faisons pas de distribution; nous proposons des films aux distributeurs, qui, eux, les diffusent, nous sommes donc complémentaires au C.I.D.C., nous pouvons même lui proposer des films.

  – Vous pouvez le faire dans la mesure où vous êtes vos propres producteurs.

  + Oui, et nous ne prenons que 12 % sur les tractations que nous faisons en tant que producteurs, alors que la norme est de 35 %. Plus généralement j'insiste sur le fait que le C.A.C. n'est une réaction ni contre la FEPACI, ni contre L'œil vert, ni contre le C.I.D.C., c'est très ouvert. Nous avons des jeunes, la dernière fois ils nous ont même admis dans leur réunion, contrairement au précédent FESPACO, mais c'était peut-être le temps de leur constitution !

  – Nous avons fait l'historique de la FEPACI dans les précédents entretiens[17], où en est-elle actuellement ? Le troisième congrès n'a toujours pas eu lieu...

  + Il y a eu des changements de statuts, ils ont donné une prédominance au président par rapport au secrétaire général, les personnalités ont changé, autrefois il y avait une collaboration, aujourd'hui il y a un président qui paraît indifférent aux problèmes et un secrétaire général qui semble un peu inconscient et un peu affairiste, qui [PAGE 61] fait de la FESPACI sa chose... Comment expliquer qu'ayant pris la FEPACI en main en 1975, il n'y ait en 1983 que 80 000 F CFA en caisse ? Même avec la restriction c'est difficile ! Où est l'action du secrétaire général en direction des gouvernements ? des organismes internationaux ? de tout organisme qui peut donner des subventions ? J'ai été trésorier et je sais que, quand on se démène un peu, on a de l'argent. L'absence de collégialité est mauvaise, quand personne ne vous rappelle à l'ordre, vous faites des bêtises !

  – Johnson[18] a démissionné.

  + Oui, Le président Bongo a donné 25 millions de F CFA – il en aurait promis 100 – pour le Congrès. Les 25 sont une certitude, confirmée par le président de l'Association des cinéastes gabonais, Philippe Mory[19], qui a reçu cet argent et en a donné une part à Johnson, utilisant le reste pour réparer des caméras en vue d'un reportage sur le congrès. De fait il n'y a plus d'argent dans la caisse, les cinéastes réclament des preuves et demandent des comptes, d'autant que Johnson continue à dire qu'il n'a rien reçu et qu'il est prêt à le prouver ! Ce qui me gêne c'est qu'on aurait dû laisser Johnson de côté, et le voici élu président de l'Association des cinéastes sénégalais... On ne peut pas le condamner sans preuves, il faut poursuivre l'affaire et découvrir la vérité ! On avait lancé l'opération à partir d'Alger, on devait constituer un comité FEPACI pour démissionner Johnson, mais il a pris les devants et le résultat est le même. Ce comité est en place, il a quatre membres et a cherché un homme nouveau, c'est Moussa Bathily[20], inconnu et pur par rapport à tous ces problèmes. Pour nous l'important, maintenant, c'est le Congrès, c'est là que nous pourrons réadapter les statuts aux réalités africaines : le problème des distances, [PAGE 62] la difficulté d'avoir des fonds, le renouvellement du bureau. L'actuel président s'appuie sur des statuts qui lui donnent un certain poids : il ne peut pas être démissionné, étant élu par le congrès de 1975... C'est difficile : la Tunisie désigne le président et le vice-président, le Congrès ratifie, si le président démissionne, l'association des cinéastes tunisiens est en droit de proposer un autre président jusqu'au prochain congrès, où il est ratifié ou non, et de même pour le secrétaire général désigné par le Sénégal. Pour le moment les cinéastes tunisiens ne peuvent pas démissionner Babaï[21], puisque sa désignation avait été ratifiée par le Congrès d'Alger. Il est donc urgent d'organiser le troisième congrès, on en a débattu ici, l'Algérie a levé la main, le Maroc a fait des propositions, on a dit que si on fait un congrès ce sera celui du renouveau, on espère pouvoir le faire à Ouagadougou, pour asseoir définitivement Ouagadougou comme capitale du cinéma africain... il fallait poser la question de principe aux autorités voltaïques, comme toujours les consultations se sont faites à 7 heures du matin, Sembène a vu le ministre, le ministre a vu le premier ministre qui a vu le président, et ils ont donné leur accord de principe.

  – Cette notion de capitale du cinéma, d'un certain point de vue, est très artificielle, très fragile, du point de vue de l'infrastructure toute autre capitale pourrait très vite remplacer Ouaga, c'est un choix très sentimental.

  + Il y a du sentimental, mais les cinéastes d'Afrique noire ne peuvent que se sentir chez eux ici, et il est remarquable de constater que nos camarades d'Afrique du Nord se sentent également à l'aise. La ville n'est pas trop grande, on ne se perd pas, on n'est pas dispersé, l'important ce sont les films et les discussions entre nous, une autre capitale un tant soit peu vaste peut faire éclater ce sentiment d'unité et de collaboration interpersonnelle que donne Ouagadougou. Nous ne voyons pas toujours les films dans les meilleures conditions, mais nous nous rencontrons et nous approfondissons nos connaissances, nous avons le temps de parler. [PAGE 63]

  – Ce qui est également remarquable c'est que le FESPACO est à son troisième président voltaïque et que cela se passe quand même toujours de la même façon.

  + Oui, parce que le Festival est un événement national : on arrête la grève, on lève le couvre-feu...

  – Est-il vrai, comme le disait N'Gakane[22] au cours du colloque, que la FEPACI n'a jamais occupé son fauteuil d'observateur à l'O.U.A. ?

  + Samb[23] l'a occupé à Rabat, il a été également à l'UNESCO et à l'O.C.A.M.

  – Le travail de la FEPACI est d'abord un travail politique, un travail de « consciencisation », un travail idéologique, militant, et maintenant on a l'impression que le cinéma africain se fourvoie dans des films qui paraissent dans l'ensemble faibles du point de vue de ce travail.

  + C'est vrai, parce que les auteurs ne sont pas formés idéologiquement. Même quand on fait un mélodrame en Afrique, il faut y mettre une certaine idéologie.

  – En ce sens la FEPACI n'a peut-être pas eu une action très réelle sur les cinéastes.

  + C'est une fédération d'associations nationales, le travail se fait au niveau des associations nationales, la fédération coordonne, impulse, elle ne fait pas le reste. En fait la FEPACI a connu, de 1970 à 1975, une période de mise en place des associations, nous sommes partis de cinq associations nationales et nous sommes arrivés à trente-trois, pour une cinquantaine de pays africains.

  – Tu as dit l'autre jour que, même au Sénégal, les cinéastes ne regardent pas leur film entre eux pour en [PAGE 64] discuter l'esprit ouvert, alors que peut représenter ce travail des associations ? uniquement un travail des cinéastes en direction du gouvernement de leur pays ?

  + C'est ce que je leur reproche, mais actuellement il y a peut-être une volonté de coopération entre gens de même âge, les films se font peut-être de façon un peu plus coopérative, on retrouve ce qui nous était arrivé au début, quand le film nous paraissait important, et non pas ce qu'on allait gagner... Je ne sais pas trop, je n'ai jamais vu des réunions de cinéastes, ni au Sénégal, ni ailleurs, où l'on discute profondément des problèmes sans élever la voix, sans passion, avec sérénité. On a l'impression que ceux qui prennent la parole veulent être ceci ou cela, ou veulent faire passer à tout prix leurs idées, ce n'est pas possible ! On ne peut pas avoir toujours raison ! On confronte ses idées avec celles des autres et on garde les meilleures, c'est ça la méthode ! Tu parlais tout à l'heure du colloque, tu disais que depuis le temps que nous faisions des résolutions nous avions tout dit, je ne le pense pas, dans ces confrontations il se révèle des aspects nouveaux, qui donnent de nouveaux éclairages pour des possibilités d'actions.

  – Vous avez fait ici un colloque sur la critique[24] et décidé la création d'un prix, d'une revue, etc.... actuellement il y a Unir-Cinéma[25] qui est presque une revue confessionnelle et qui n'existe guère en tant que revue.

Les résolutions sont excellentes, mais la machine ne suit pas ! Pour la mise en place il faut des gens, nous sommes tous des créateurs, si on veut s'occuper d'autre chose il faut s'y adonner, donc avoir un emploi qui le permette, de quoi vivre. C'est pour ça que je me méfie de ces grandes envolées, de ces grandes décisions, elles sont lettre morte une fois rentrés chez nous, même si ces décisions paraissent aller de soi ! [PAGE 65]

  – Dans nos entretiens nous avons toujours essayé de faire le point sur ce qui se passe au Sénégal, que s'est-il passé d'important depuis 1981 ?

  + Nous avons fait des réunions de travail pour mettre en place l'organisation du cinéma au Sénégal.

  – La SIDEC[26] est passée à la culture, cela a-t-il eu des répercutions particulières ?

  + Pas pour l'instant, on a voulu que ce soit un même ministère qui englobe le tout, les actualités mises à part, on voudrait également donner une dimension culturelle à la SIDEC, qui n'a jusqu'à présent que des préoccupations purement financières. On est toujours sur la même lancée, le ministre actuel est un homme politique, c'est pourquoi le cinéma, et même le département, passent au second plan. On a fait un travail qui devrait être déterminant pour la mise en place de la distribution et du processus de financement des films.

  – Le rôle des Journées des cinéastes[27] a-t-il été important à ce niveau ?

  + Elles avaient relancé les problèmes, mais il n'est plus question d'un centre du cinéma, on demande simplement un centre technique. Il y a un Code du cinéma au Sénégal à mettre en place, nous avons travaillé dans ce sens pour savoir qui est qui, pour établir des cartes professionnelles.

  – S'agit-il toujours de vœux pieux ?

  + Nous avons mis ce travail sur papier. Ce qui nous a étonné, c'est une réunion interministérielle, présidée par le premier ministre, en décembre 1982. Brusquement le premier ministre a décidé qu'il allait allouer une subvention annuelle de 250 millions au cinéma, comme ça ! [PAGE 66] Ce n'est pas du tout ce que nous désirons, c'est de l'argent à fonds perdus, c'est dangereux, on n'a même pas déterminé comment on allait attribuer ces fonds.

  – C'est un mécénat d'Etat qui empêche...

  + ...les problèmes de se résoudre, en effet ! Actuellement il n'y a rien de particulier, en principe cet argent est pour 1984, on aura une commission qui déterminera quels scénarios en bénéficieront, en principe c'est pour faire trois longs métrages, mais quel jury, quel organisme déterminera le choix ? Ce n'est pas l'idéal, nous voulons un autofinancement du cinéma, une caisse qui peut être une garantie des prêts bancaires, des départements spécialisés dans les financements de films dans les banques, des banques qui sachent que financer un film c'est autre chose que construire des villas. Pour l'instant rien n'est à l'horizon, la plupart des cinéastes ont des projets, Gaïdo Ba doit être au montage, L'œil[28] doit sortir, Sa Dag Ga[29] doit être gonflé, le principe est acquis par la SIDEC, mais il n'y a aucun nouveau projet à l'horizon.

  – Le Samory de Sembène ?

  + C'est une très grosse affaire.

  – Est-ce que ce n'est pas un projet qui bloque tout le reste ? Sembène aurait sans doute pu faire des films en attendant LE film...

  + C'est ce que font les autres cinéastes. Depuis 1976 Sembène a écrit un roman en deux tomes[30], ça prend du temps, mais je pense qu'il avait des sujets qu'il pouvait réaliser, au moins pour garder la main, sept ans sans film c'est important.

  – Le montage financier est-il terminé ? [PAGE 67]

  + Je ne sais pas encore comment le Samory se fera, trois pays sont concernés, même quatre[31], je ne sais pas ce qu'ils donneront, pour l'instant nous sommes à la recherche d'une espèce de préfinancement pour les repérages et les travaux de préparation.

  – Et toi-même ?

  + J'ai un scénario.

  – Wolle Wolle Voi Voi ?

  + Oui, je ne l'ai pas du tout travaillé, c'est une continuation de mon précédent film.

  – Est-ce qu'avec ces sujets de politique-fiction tu n'exagères pas un peu ? Est-ce que, par rapport à la manière dont aujourd'hui les choses se mettent en place en Afrique, on peut simplifier les situations comme tu le fais ?

  + Regarde par exemple le sergent Doe, c'est un exemple typique, un sergent filiforme qui prend le pouvoir, et maintenant c'est un homme d'affaire américain, avec cigare et costume à trois pièces ! Tu as vu comme moi sa photo dans Jeune Afrique, ce n'est plus du tout le même personnage, et ce seul cas me donne raison, je n'analyse pas, je raconte une histoire, si les autres veulent généraliser c'est leur affaire ! Mais il faut bien voir tous ces militaires qui sont au pouvoir... regarde le Bénin, la Révolution est partie en l'air, le président est maintenant un homme prospère !

  – Avec tout cela tu ne nous feras jamais le film sentimental qui paraissait te tenir à cœur !

  + Si, j'ai toujours La promesse des fleurs, mais totalement changé, enrichi[32]. .. Ça me tient vraiment à cœur, [PAGE 68] et l'amour est toujours tragique, sinon il n'y a pas d'histoire ! et pas de cinéma ! Mais mon histoire ne se termine pas mal, il y aura une ouverture sur l'espoir, il faut quand même faire rêver les gens pour que les choses existent...

  – Je te remercie.

Pierre HAFFNER

(Premiers entretiens dans les nos 37, 38, 39 et 40.)


[*] A cette époque Ouagadougou n'était pas encore la capitale du Burkina-Faso, le lecteur comprendra que pour la transcription de cet entretien et pour les notes nous ayons gardé les termes de Haute-Volta ou de Voltaïque.

[**] Paulin Vieyra a soutenu un Doctorat d'Etat intitulé « A la recherche du cinéma africain » le 3 novembre 1982 à l'Université de Paris X-Nanterre. Son directeur de thèse était Jean Rouch. P.N.-P.A. a publié le premier entretien dans le numéro 37, le second dans le numéro 38, la première partie du troisième dans le numéro 39, la seconde partie dans le numéro 40.

[1] Entretien du 21 novembre 1978, cf. PSV II.

[2] Pour la filmographie de PSV, cf. PSV I, note 3. Générique de En résidence surveillée, scénario de PSV d'après une idée de Abdou Anta Ka et PSV, prises de vues de Philippe Cassard, prise de son de Jules Diagne, musique de Francis Bebey, interprétation de Douta Seck, Joseph Sane, Michel Coulon, Marie-Jeanne Gueye.

[3] Expression utilisée dans Petit à petit (France, 1970) par le personnage interprété par la future réalisatrice Safi Faye.

[4] Pour Ousmane Mbaye, cf. PSV III 1, note 16, et PSV III 2, note 21.

[5] Collectif créé au 70 FESPACO, en février 1981, et regroupant la plupart des jeunes cinéastes présents à ce festival.

[6] Pour Rewo Dande Mayo de Cheikh Ngaïdo Bah, cf. PSV III 2, notes 21 et 22.

[7] Pour Souleymane Cissé, cf. PSV II, note 27, PSV III 1, note 19 et PSV III 2, note 17.

[8] Le Voltaïque Gaston Kaboré, licencié d'histoire et formé au cinéma à l'Institut National Audiovisuel de Paris, réalise d'abord des courts métrages documentaires, Stockez et conservez les grains (1978), Regards sur le VIe FESPACO (1980), etc., puis le long métrage Wend Kuni (Le don de Dieu) (1982).

[9] Le 8e FESPACO s'est tenu du 5 au 13 février 1983, cf. notre article dans P.N.-P.A., no 35, septembre-octobre 1983.

[10] Il s'agissait du Séminaire international sur le film africain et son public, qui s'est déroulé les 11 et 12 février 1983. Parmi les recommandations écrites à l'issue du séminaire, on trouve en effet celle concernant la création d'un « Centre interafricain permanent d'information d'archivage, de conservation et de recherche concernant le cinéma et l'audiovisuel ».

[11] Le cinéaste voltaïque Sanou Kollo Daniel a été formé au Conservatoire Indépendant du Cinéma Français puis à l'Institut National Audiovisuel, il est l'auteur des courts métrages Beogho Naba (1978) et Les dodos (1980), puis du long métrage Paweogo (L'Emigrant) (1982-1983).

[12] Kin-Kiesse (1982) est un court métrage du cinéaste zaïrois Ngangura Mwézé, formé à l'Institut des Arts de Diffusion de Bruxelles. Il est également l'auteur des courts métrages Tam-tam électronique (1973) et Cheri Samba (1980).

[13] C'était il y a quatre ans était le film de promotion de l'Institut des Hautes Etudes Cinématographiques de PSV (1954). Le sujet de ce court métrage de fiction est le rapport entre la musique négro-africaine et la musique occidentale classique.

[14] L'Institut Africain d'Etudes Cinématographiques (INAFEC) a été créé en 1976 avec l'aide de l'UNESCO. Il est rattaché à l'Université.

[15] Le Comité Africain de Cinéastes a son bureau parisien à Soleil O, 72 bis, rue Philippe-de-Girard, 75018 Paris.

[16] Le Consortium Interafricain de Distribution Cinématographique est issu d'un projet ratifié par les membres de l'O.C.A.M. à Port-Louis en 1973 et a depuis 1979 son siège Ouagadougou. Le P.D.G. en est le cinéaste nigérien Inoussa Inoussa.

[17] PSV a évoqué la naissance de la FEPACI dans notre premier entretien et son évolution dans le second.

[18] Pour Johnson Traoré, cf. PSV II, note 27, PSV III 1, note 13 et PSV III 2, note 16.

[19] Philippe Mory avait été en particulier acteur et assistant de Michel Drach, auteur du long métrage Les tam-tams se sont tus (1972), puis de courts métrages O.U.A. (1977), Un enfant du village (1978), Dix ans de rénovation (1980)...

[20] Pour Moussa Bathily, cf. PSV III 1, note 5 et PSV III 2, note 12.

[21] Pour Brahim Babaï, cf. PSV II, note 17.

[22] Lionel N'Gakane, cinéaste et écrivain sud-africain, en exil depuis 1950 est l'auteur des courts métrages Debout, Bantou (1964), Jemina and Johnny (1975), Once Upon a Time (1975)...

[23] Pour Babacar Samb, C. PSV I, note 7, PSV II note 18, PSV III 1, note 10, PSV III 2, note 11.

[24] Au 6e FESPACO eut lieu du 5 au 8 février 1979 un colloque sur la critique africaine de cinéma.

[25] Unir Cinéma / Revue de cinéma africain, B.P. 160, Saint-Louis-du-Sénégal.

[26] Pour la Société d'Importation, de Distribution et d'Exploitation Cinématographique, cf. en particulier PSV I, qui racontait sa mise en place progressive, et PSV III 1.

[27] Pour les Journées des Cinéastes Sénégalais, cf. PSV III 2, note 22.

[28] L'œil, film de Tierno Sow, cf. PSV I, note 16 et PSV III 1, note 9.

[29] Sa Dagga, film de Momar Thiam, cf. PSV 1, note 24, PSV III 1, note 6 et PSV III 2, note 14.

[30] Le roman de Sembène est Le dernier de l'empire, cf. PSV II, note 23.

[31] Les pays co-producteurs du Samory étaient le Sénégal, la Guinée, la Côte-d'Ivoire, le Mali et la Haute-Volta. Actuellement des accords paraissent avoir été signés avec l'Algérie et le ministère français de la Culture.

[32] Pour La promesse des fleurs, cf. PSV II.