© Peuples Noirs Peuples Africains no. 41-42 (1984) 144-211
DOCUMENT :
« Complots de 1963 » :
En août 1963, Houphouët-Boigny déclenche le
« complot d'août 1963 » dit « complot Mockey » (du nom de l'ancien
secrétaire général du P.D.C.I.). Ce complot sera marqué notamment par : Laurent GBAGBO
A MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT PRES LA COUR DE SURETE DE L'ETAT
Nous, Varlet-Mensah Albert, Koffi Brou Pascal Koffi Kouadio Paul, Juges
d'instruction près la Cour de Sûreté de l'Etat;
1) Mockey Jean-Baptiste, né le 14 avril 1915 à Nouamou (Adiaké) de F. Williams Edouard Kangah et de Marie Niamkey Avoula, marié, huit enfants, pharmacien, domicilié à Grand-Bassam, se disant jamais condamné, adjudant de réserve.
2) Gris Camille, né le 8 juin 1919 à Bakpa (Ouragahio) de F. Kissi et de F. Ta Soulou, marié, trois enfants, syndicaliste, domicilié à Abidjan-Marcory, exempté militairement, se disant jamais condamné.
3) Kacou Aoulou, né le 12 février 1913 à Assinie de F. Allouan Kacou et de Etoumy Mian, marié, sept enfants, directeur d'entreprises, domicilié à Abidjan-Marcory, bd Achalme, se disant jamais condamné, recensé militairement classe 1936.
4) Konan Banny Jean, né le 14 juillet 1929 à Divo de P. Konan Banny François et de Djèkè Ahou, marié, six enfants, avocat, domicilié à Abidjan, bd Roume, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
5) Tidiane Dem, né le 8 juin 1908 à Nienkaramadougou de F. Souleymane Mamadou et de Fatimata Ouattara, marié, dix enfants, commerçant à Abidjan-Cocody, exempté militairement, non recensé, se disant jamais condamné.
6) Djessou Loubo, né vers 1917 à Soubré de feu Gnabley Djessou et de feue Groqa Illa, marié, treize enfants, médecin, domicilié à Abidjan-Treichville, av. 21, 2e portion, classe 1939, se disant jamais condamné.
7) Thiam Amadou, né le 5 août 1923 à Dakar de Bokar Thiam et de Anna Fall, marié, neuf enfants, journaliste, domicilié à Abidjan, quartier Indénié (Villa Sorafom), ex-sergent classe 1943, se disant jamais condamné.
8) Capri Djédjé, né vers 1918 à Pidéhio (Gagnoa) de F. Zabadou Nakiet de Maboue Kamale, marié, quatre enfants, médecin, domicilié à Abidjan-Cocody (S.U.C.C.I., no 133), sergent classe 1938, se disant jamais condamné. [PAGE 146]
9) Alloh Jérôme, né le 18 juin 1915 à Monga (Alépé) de F. Alloh Batafoue et de Gnogui Gnonon, marié, treize enfants, instituteur, domicilié à Abidjan-Treichville, av. 5, rue 20, lot 571, se disant jamais condamné, classe militaire 1936.
10) Coffi Gadeau, né vers 1915 à Bomizambo (Tiébissou) de S. Sery Koffi et Diby Affo, marié, douze enfants, commis du Trésor, classe militaire 1935, 2e portion, se disant jamais condamné.
11) Sery Kore René, né en 1914 à Zépéoua (Soubré) de F. Sery Kore et de Goprou Zoua, marié, dix-sept enfants, secrétaire d'Administration, domicilié à Abidjan-Treichville (Habitat), classe militaire 1935, 2e portion, se disant jamais condamné.
12) Goffri Kouassi, né en 1914 à Bakadou (Sassandra) de F. Niako Goffri et de Niaore Léhiri, marié, huit enfants, instituteur, domicilié à Abidjan-Adjamé, non recensé militairement, se disant jamais condamné.
13) Gaoussou Soumahoro, né le 13 août 1924 à Seguéla de F. Manibolo Soumahoro et de F. Massa Karaboué, marié, six enfants, adjoint administratif, domicilié à Abidjan, se disant jamais condamné, classe militaire 1944, réserviste.
14) Dosso Kounadi Tiemoko, né le 8 août 1917 à Grand-Bassam de Tieffing Dosso et de F. Iridje Aminata, marié, onze enfants, comptable, domicilié à Abidjan-Adjamé (quartier Attiécoubé, lot 49 sud-est), exempté militairement, se disant jamais condamné.
15) Baï Tagro, né vers 1922 à Zô de Zozo Baï et de Séry Lale, marié, dix-neuf enfants, attaché administratif, domicilié à Gagnoa, classe militaire 1942, 2e portion, se disant jamais condamné.
16) Kattié Assanvoh, né le 4 mars 1922 à Grand-Bassam de Alphonse Kattié et de F. Eloukou N'Guetta, conseiller aux Affaires administratives, marié, sept enfants, domicilié à Tiassélé, classe 1943, se disant jamais condamné. [PAGE 147]
17) Avit Bayoulou, né le 9 avril 1916 à Sassandra de F. Koulohi Avit et de F. Gbaboulé Dah, marié, treize enfants, secrétaire administratif, domicilié à Dabou, caporal, classe militaire 1938, se disant jamais condamné.
18) Kadio Koffi Séraphin, né en avril 1932 à Ebra Grand-Bassam de feu Koffi Kadjo et de feue Djowouleya, marié, onze enfants, secrétaire administratif, domicilié à Seguélon, exempté militairement, classe 1950, se disant jamais condamné.
19) Ladji Sidibe, né le 6 novembre 1915 à Seguéla de F. Samba Sidibé et de feue Mariame Diomandé, marié, six enfants, planteur, domicilié à Daloa, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
20) Kouakou Anet Adolphe, né le 11 février 1926 à Sogansou (Dimbokro) de feu Kouame Kouakou et de Saha Aya, marié, sept enfants, huissier, domicilié à Dimbokro, se disant jamais condamné, classe militaire 1947.
21) Gassaud Gaston, né vers 1919 à Bahompa (Ouaragahio) de feu Gassaud Ouanyou et de Koffi Gaby, marié, neuf enfants, commis d'administration, domicilié à Abidjan (Nouveau Cocody), se disant jamais condamné, exempté militairement en 1939.
22) Iro Jean-Baptiste, né le 13 juin 1924 à Lagrota (Ouaragahio) de feu Douzan Jean et de Quéni Batiman, marié, neuf enfants, commis à l'Assemblée nationale, domicilié à Abidjan (Marcory-bloc jumelé no 259), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
23) Kuo Sahié Georges, né vers 1929 à Bahompa (Ouaragahio) de feu Kuo Goubo et de feue Tohonon Abi, marié, dix enfants, adjoint administratif, domicilié à Abidjan-Treichville (Habitat Autoroute, bloc R, no, 156), se disant jamais condamné, exempté militairement, classe 1944.
24) Titilo Laigret Georges, né vers 1926 à Yopohué (Ouaragahio) [PAGE 148] de feu Titilo Gbagro et de F. Lapré Guiminy, marié, dix enfants, employé à la R.A.N., domicilié à Abidjan-Treichville (Cité R.A.N.), exempté militairement, classe 1947, se disant jamais condamné.
25) Bazi Séry, né vers 1916 à Gbaléhio (Soubré) de feu Kore Bazi et de feue Ossiry Zogble, marié, quinze enfants, gendarme, domicilié à Abidjan-Adjamé (Camp des fonctionnaires), se disant jamais condamné, classe militaire 1940.
26) Zebri Blé Lambert, né vers 1933 à Zaragoué (Daloa) de Yape Zebri et de Gbahi Dieto, marié, quatre enfants, militaire domicilié à Abidjan-Adjamé (Camp des fonctionnaires), se disant jamais condamné, classe militaire 1952.
27) Brissy Djegna Clément, né en 1920 à Gagnoa de feu Brissy Djedré et de Outo Kpéyazalé, marié, quatorze enfants, planteur, domicilié à Gagnoa, se disant jamais condamné, exempté militaire, classe 1940.
28) Dakaud Tea André, né vers 1919 à Djedjedigouépa (Ouaragahio) de Tea Ourigouri et de Gboudou Grakao, marié, dix-neuf enfants, secrétaire de Justice, domicilié à Abidjan-Treichville, se disant jamais condamné, classe militaire 1940, 2e portion.
29) Kouassi Alain Martin, né le 1er juin 1936 à Abidjan-Treichville de feu Bohui Maurice et de Adosé Pahiri, marié, deux enfants, élève, domicilié à Abidjan, classe militaire 1956, 2e portion, se disant jamais condamné.
30) Faulet Charles, né le 15 juillet 1921 à Kradji (Soubré) de feu Saki Tali et de feue Djessou, marié, onze enfants, agent commercial, domicilié à Abidjan-Treichville, av. 23, rue 44, lot 548, classe militaire 1941, 2e portion, se disant jamais condamné.
31) Kouakou Aliali Marcel, né vers 1939 à Sogansou (Dimbokro) de feu Kouame Kouakou et de feue Ehouman Ablan, célibataire, infirmier, domicilié à Tabou, se disant jamais condamné, classe militaire 1958, mle 37487. [PAGE 149]
32) N'Guessan Zekre Jules, né en 1927 à Gagaoa de N'Guessan Kouassi et de Gouhounou Ljkpié, marié, cinq enfants, planteur, domicilié à Abidjan-Adjamé, classe militaire 1947, mle 28215, se disant jamais condamné.
33) Ibehi Kacou Evariste, né le 13 mars 1926 à Yopohua (Ouaragahio) de Bame Goubo et de Gnandou, marié, quatorze enfants, infirmier, domicilié à Abidjan-Treichville, se disant jamais condamné, exempté militairement
34) Bohui Christophe, né vers 1929 à Bahompa (Ouaragahio) de Zirignon Aby et de Trigue Brigou, marié, quatre enfants, chauffeur-livreur à la Solibra, domicilié à Abidjan-Marcory, se disant jamais condamné, classe 2e portion militairement.
35) Zahui Kuyo Pierre, né vers 1933 à Bingerville (Carrière) de Zahui Pierre et de Konon Kouayéré, marié, deux enfants, plombier, domicilié à Abidjan-Treichville (av. 8, rue 22), se disant jamais condamné non recensé militairement.
36) Ouraga Norbert, né vers 1912 à Oundjibipa (Ouaragahio) de feu Doudjilé Guitoh et de Gouaméné Déga, marié, dix-neuf enfants, contrôleur des douanes, domicilié à Abidjan-Treichville (cité des douanes), se disant jamais condamné, classe militaire 1932.
37) Wayoro Badobré Raphael, né en 1931 à Niahio (Gagnoa) de feu Badobré Doukoua Siri et de Gounou Dagbolou, marié, trois enfants, mécanographe, domicilié à Abidjan-Treichville (Habitat Arras, no 304), se disant jamais condamné, exempté militairement.
38) Yoro Gnokoury, né vers 1921 à Ony Babré (Gagnoa) de feu Yoro Ouidi et de feue Dassaud Djédré, marié, quatre enfants, secrétaire à la S.-Section des Anciens Combattants d'Adjamé, domicilié à Abidjan-Adjamé (Habitat extension lot no 184), se disant jamais condamné, classe 1940.
39) Ezoua Grégoire Aka Marcel, né en 1917 à Assinie de feu Marcel Aka et de feue Famian N'Gatta, marié, cinq enfants, planteur domicilié à Grand-Bassam, se disant jamais condamné, exempté militairement. [PAGE 150]
40) Obré Rémy, né en 1912 à Blouzom (Gagnoa) de feu Obotou Obré et de feue Yéhou Péhi marié, huit enfants, tailleur, domicilié à Grand-Bassam. (quartier impérial), se disant jamais condamné, exempté militairement.
41) Somolo Akpenan Paul, né en 1933 à Daloa de Somolo Akpénan et de F. Yédé Gbanou, célibataire, sans enfant, commis d'administration, domicilié à Abidjan-Cocody (appartement no 440), se disant jamais condamné, classe militaire 1951.
42) Sokoi Zadi Bernard, né en 1936 à Briéhoa (Gagnoa) de feu Kore Sokoi et de feue Koubonon Kaora, marié, cinq enfants, comptable aux T.P., domicilié à Abidjan-Treichville (av. 3, rue 32, lot 121 A), se disant jamais condamné, classe militaire 1956, 2e portion.
43) Brou Tanoh Marcel, né vers 1920 à Ahoussoubroukro dit Koffikro (Dimbokro) de feu Ahoussou Brou et de feue Tanoh Ane Akpassi, marié, quinze enfants, commerçant, domicilié à Dimbokro, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
44) Affoun Saha, né vers 1911 à Abidjan-Cocody de feu N'Guetta Affoun et de feue Pokou, marié, cinq enfants, chauffeur, domicilié à Sogansou (Dimbokro), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
45) Bley Gnoko Arsène,né en 1927 à Bakayo (Gagnoa) de F. Vouh Bley et de Zomon Djadja, marié, quatre enfants, employé de commerce domicilié à Abidjan-Marcory (Groupement foncier no 624), se disant jamais condamné, exempté militairement, classe 1949.
46) Bougouyou Koukougnon Lambert, né en 1923 à Zigboro (Ouaragahio) de Bougouyou Gony et de Bolou Nabé, marié, deux enfants, coiffeur, domicilié à Abidjan-Treichville (av. 1, rue 22), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
47) Yassi Koudou François, né vers 1910 à Yopohué (Ouaragahio) de feu Yassi Guignin et de feue Gougba Dizoua, marié, dix enfants, restaurateur, domicilié à Abidjan-Treichville (av. 17, rue 12, lot 422), se disant jamais condamné, non recensé militairement. [PAGE 151]
48) Zagadou Ouraga Pierre, né vers 1917 à Logouata (Gagnoa) de Zézé Zagadou et de Sokouli Oulou Gbétiali, marié, huit enfants, tailleur, domicilié à Gagnoa, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
49) Guicho Lohoun Albert, né en 1925 à Nialiépa (Ouaragahio) de feu Guisso Ogouli et de Yahi Ouahi, marié, trois enfants, cuisinier, domicilié à Abidjan-Adjamé (quartier Ebrié), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
50) Gnoleba Dodault Jean, né vers 1925 à Didéguhé (Daloa) de Agoh Dodault et de Zouko Dinguié, marié, sept enfants, employé de commerce, domicilié à Abidjan-Marcory (Cité C.F.C.I.), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
51) Babo Pierre, né le 9 mai 1932 à Abidjan de feu Léon Babo et de feue Denise Doudou, marié, seize enfants, chef du personnel au ministère du Travail et des Affaires sociales, domicilié à Abidjan, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
52) Voli Bi Tra Gérard, né vers 1934 à Toumodi de feu Soun Bi Voli et de feue Droya Salou, marié, six enfants, agent d'exploitation des P.T.T., domicilié à Abidjan-Adjamé (Habitat no 48 C), se disant jamais condamné, non recensé militairement.
53) Godjoua Oro Joachim, né vers 1930 à Kodjouabré-Sahiri de Godjoua Dédi et de feue Bobjékou Krogbogui, divorcé, quatre enfants, coiffeur, domicilié à Port-Bouët, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
54) Kouame Kouassi, né vers 1937 à Attiégouakro Yamoussokro, de Allou Kouamé et de Kacou Akissi, célibataire, sans enfant, tôlier, domicilié à Abidjan, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
55) Dagrou Ziékou Maurice, né vers 1916 à Gougouéhoua. (Soubré) de feu Gogoua Dagrou et de Soko Bouka, marié, treize enfants, planteur, domicilié à Gougouéhoua (Soubré), non recensé militairement, se disant jamais condamné. [PAGE 152]
56) Tape Etienne, né le 6 mai 1934 à Grand Bassam de feu Georges Tapé et de Poussy Diallo, marié, trois enfants, architecte, domicilié à Abidjan-Cocody (S.U.C.C.I.), se disant jamais condamné, classe militaire 1959.
57) D'Almeida Léopold, néle 16 octobre 1932 à Porto-Novo (Dahomey) de feu D'Almeida et de Suzanne Mariano, célibataire, deux enfants, comptable, domicilié à Abidjan-Plateau (bd Pelieu), se disant jamais condamné, classe militaire 1956.
58) Kouame Kouassi, né vers 1930 à Kriniabo (Bouaflé) de feu Amani Kouadio, et de feue Zoro Amenan, marié, quatre enfants, secrétaire administratif (sous-préfet de Ouaragahio) domicilié à Ouaragahio, se disant jamais condamné, classe militaire 1951.
59) Dacoury Tabley Joseph, né le 19 mars 1933 à Dahiropa (Ouaragahio) de Dacoury Tabley Jean et de Zoua Colette, marié, trois enfants, chef de division à la C.C.F.C.I., domicilié à Abidjan (zone 4), se disant jamais condamné, exempté militairement.
60) Sahoua Ama, née vers 1923 à Abengourou de feu Yao Pékou et de Affoua Gnianda, de nationalité ivoirienne, coutume Agni, commerçante, domiciliée à Abidjan-Treichville (av. 14, rue 7, lot 347), divorcée, trois enfants, se disant jamais condamnée.
61) Groga Bada Jules, né en août 1917 à Soubré de feu Groga Doassé et de feue Mahi Akro, marié, cinq enfants, médecin domicilié à Abidjan-Treichville (av. 20, rue 14 barrée), se disant jamais condamné, classe militaire 1938.
62) Mabo Grah Georges, né vers 1924 à Gabaguhé (s.-p. de Soubré) de feu Seri Mabo et de feue Sery Ayebla, de nationalité ivoirienne, coutume Bété, sous-chef d'atelier à la R.A.N., domicilié à la cité R.A.N., Abidjan-Plateau, marié, douze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
63) Gnali Koffi Jean, né vers 1937 à Bayota (Ouaragahio) de feu Gnali et de Seri Honon, de nationalité ivoirienne, coutume bété, [PAGE 153] adjoint administratif domicilié à Abidjan-Adjamé (quartier C.A.F., lot 28), marié, trois enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
64) Abiyou Gabriel, né en 1914 à Zahigbohio (Ouaragahio) de feu Gnady Bodigrah et de feue Gnazé Ouhonon, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, chef de canton, domicilié à Zahigbohio, marié, trente et un enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
65) Kaikpe Michel, né le 6 juin 1932 à Guesio (s.-p. de Gagnoa) de feu Gbli Madou et de feue Attio, de nationalité ivoirienne, coutume bété, commis d'administration, domicilié à Abidjan-Adjamé (Habitat no 72), marié, trois enfants, se disant jamais condamné, 2e portion, classe 1948.
66) Boye Kadjo François, né le 18 mars 1921 à Tiassalé de Koffi Boye et de feue N'Guetta Amena, de nationalité ivoirienne, coutume baoulé, instituteur, domicilié à Abidjan-Marcory, marié, cinq enfants, se disant jamais condamné, ex-militaire, classe 1941.
67) Goli Jacques, né en 1890 à Gnehio-Teguhé (s.-p. de Gagnoa) de feu Djédjé Gaguin et de feue Ogbalehin Zigbakohi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Gnahio, Téguhé, marié, dix-huit enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
68) Kiplé Rabet Prosper, né en 1914 à Guitéhoua (s.-p. de Guibéroua) de feu Kiplé Dimmin et de feue Zekpahi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Guetehoua, marié, trois enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
69) Abou Justin, né en 1905 à Lebam (s.-p. de Guibéroua) de feu Gnahoré Gadou et de feue Brazi Digba, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Lebam, marié, douze enfants, se disant jamais condamné, ex-militaire, classe 1927 (caporal).
70) Digbeu Oré Alexandre, né en 1928 à Guibasahio, (s.-p. de Guibéroua) de feu Digbeu Brezéré et de Yazi Atielé, de nationalité ivoirienne, coutume bété, instructeur des camps de jeunesses, domicilié [PAGE 154] à Guibéroua, marié, cinq enfants, se disant jamais condamné, situation militaire : exempté, classe 1947.
71) Kouame Gaillard Alphonse, né en 1910 à Bahompa (s.-p. de Gagnoa) de feu Bodo Ladou et de feue Gbayoro Guiebah, de nationalité ivoirienne, coutume bété, chauffeur, domicilié à Abidjan-Adjamé, marié, dix-huit enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
72) Bley Zézé Félix, né en 1918 à Guibéroua de feu Bley Zézé et de feue Toutou Nakro, de nationalité ivoirienne, coutume bété, préposé à la préfecture de Bouaké, domicilié à Bouaké-Air France, marié, sept enfants, se disant jamais condamné, ex-militaire, classe 1938.
73) Dedi Yao Bernard, né vers 1930 à Solokou (s.-p. de Ouaragahio) de feu Dedi Zame et de Adjei Kouehi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, chauffeur à la S.I.A.M., domicilié à Abidjan-Marcory, marié, onze enfants, se disant jamais condamné, ancien militaire classe 1953, mle 73621, 2e classe.
74) Dasse Djédjé Bientot, né vers 1915 à Toutoubré (s.-p. de Gagnoa) de feu Dasse Krogbignon et de feue Accaonon, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, chef de Tribu, domicilié à Toutoubré, marié, onze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
75) Seri Ble Gaston, né vers 1906 à Gazahio (s.-p. de Gagnoa) de feu Seri Korowa et de feue Gnébada Zakehi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Gazahio, marié, onze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
76) Mahi Tito Félix,né vers 1923 à Lokobia (s.-p. de Gagnoa) de feu Djigrehi Broukou et de Koudouho Jeanne, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Lokohio, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
77) Barié Wahi Jean-Pierre, né en 1911 à Guézehoua (s.-p. de Guibéroua) de feu Barié Bribri et de feue Guibahi Bondiourou, de [PAGE 155] nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, chef de Tribu, domicilié à Guézeboua, marié, huit enfants, se disant jamais condamné, exempté militairement, classe 1940.
78) Leby Douhoure Nestor, né en 1924 à Mahibou (s.-p. de Gagnoa) de Nassé Zoukou et de feue Ozey Gabi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, comptable, domicilié à Gagnoa, marié, six enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
79) Zougouri Djourou Pierre, né vers 1929 à Kpudehio (s.-p. de Gagnoa) de Zougouri Nagbo et de Djéré Zaragbalé, de nationalité ivoirienne, coutume bété, mécanicien, domicilié à Gagnoa, marié, onze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
80) Gosso Pregnon Lucien, né vers 1921 à Lebré (s.-p. de Guibéroua) de Madou Gosso et de feue Bissa Lahoré, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Lebré, marié, dix enfants, se disant jamais condamné, ancien militaire, classe mle 83405 (caporal).
81) El Hadji Moussa Binaté, né vers 1922 à Seguéla de feu Ibrahima Binaté et de feue Nogoténé Timité, de nationalité ivoirienne, coutume malinké, commerçant, domicilié à Seguéla, marié, cinq enfants, se disant jamais condamné, exempté militairement, 1940.
82) Mekoudo Soumahoro, né vers 1922 à Seguéla de feu Menené Soumahoro et de feue Massongo Tamla, de nationalité ivoirienne, coutume malinké, cultivateur domicilié à Seguéla, marié deux enfants, se disant jamais condamné, exempté militairement, classe 1934.
83) Koné Sory, né vers 1917 à Boley (s.-p. de Seguéla) de feu Macé Koné et de Madogué Diomandé, de nationalité ivoirienne, coutume malinké, chef de canton, domicilié à Boby, marié, douze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
84) Namory Koné, né en 1918 à Moyako (s.-p. de Séguéla) de Kodagaha Koné et de Maboungou Diamandé, de nationalité ivoirienne, coutume malinké, chef de canton domicilié à Boby, marié, douze enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement. [PAGE 156]
85) Bakayoko Anzoumana, né en 1931 à Seguéla de feu Kongatié Bakayoko et de feue Madegbé Binaté, de nationalité ivoirienne, coutume malinké, transporteur, domicilié à Seguéla, marié, un enfant, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
86) Vry Dogo Jean, né vers 1914 à Kosséhoua (s.-p. de Guibéroua) de feu Vri Gbéza et de Dabène Lahoré, de nationalité ivoirienne, coutume bété, chef de canton, domicilié à Kosséhoua, marié, seize enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
87) Loulou Pierre, né le 2 février 1922 à Bamiéoua (s.-p. de Guibéroua) de feu Bley Sokouri et de feue Dahionon Marie, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, domicilié à Gagnoa (quartier Dalbe), marié, vingt enfants, se disant jamais condamné, exempté militairement.
88) Brissy Simon Pierre, né en 1933 à Gagnoa-Village de André Brissy et de Suzanne Dabré, de nationalité ivoirienne, coutume bété, commis-architecte, domicilié à Abidjan-Plateau (avenue du Docteur-Jamot), marié, quatre enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
89) Zépé Koudoti Paul, né vers 1914 à Babré (commune de Gagnoa) de feu Zépé Bahilio et de Dia Kohi, de nationalité ivoirienne, coutume bété, collecteur municipal, domicilié à Gagnoa (quartier Nairayville), marié, huit enfants, se disant jamais condamné, situation militaire : classe 1934.
90) Dallaud Marcel Honoré, né le 17 juillet 1929 à Daliguépa (s.-p. de Gagnoa) de Kouahio Gabriel et de Bahiénon, de nationalité ivoirienne, coutume bété, élève fonctionnaire (E.N.A.), domicilié à Abidjan-Adjamé (220 logements), marié, quatorze enfants, se disant jamais condamné, 2e portion militairement.
91) Kouamé Zadi Nicodème, né le 12 juillet 1924 à Otéhoa (s.-p. Guibéroua) de feu Zézé Kouamé et de Blé Lohoré, de nationalité ivoirienne, coutume bété, planteur, député, domicilié à Gagnoa (quartier Soleil), marié, neuf enfants. [PAGE 157]
92) Koukougnon Anatole, né vers 1914 à Bognoa (s.-p. de Gagnoa) de feu Gnakpakpo Guiagohi et de feue Kouthonon Yobli, de nationalité ivoirienne, coutume bété, secrétaire à la S.-P. P.D.C.I.-R.D.A de Gagnoa, domicilié à Gagnoa, marié, un enfant, se disant jamais condamné, exempté militairement.
93) Bédi Oboudou André, né en 1922 à Tiétiékou (s.-p. de Gagnoa) de feu Gnohité Bédi et de Kossouhou Begorobo, nationalité ivoirienne, coutume bété, domicilié à Gagnoa (quartier Soleil), commis au commissariat de Police de Gagnoa, marié, dix enfants, condamné courant 1963 à trois mois demprisonnement avec sursis pour abus de confiance par la Cour d'Appel d'Abidjan, situation militaire : 2e portion, classe 1947.
94) Krasso Joseph, né le 19 avril 1932 à Gagnoa de Kouassi Robert et de Okezié Dialleba, de nationalité ivoirienne, coutume bété, comptable à la S.O.D.E.M.I., domicilié à Abidjan-Treichville (Habitat autoroute, bloc R, logement 196), marié, quatre enfants, se disant jamais condamné, classe 2e portion militairement.
95) Bayeto Gbizié Dominique, né vers 1937 à Lokohio (s.-p. de Gagnoa) de feu Gbizié Djakri et de Dailly Jeanne, de nationalité ivoirienne, coutume bété, commerçant, domicilié à Abidjan-Marcory, marié, sept enfants, se disant jamais condamné, non recensé militairement.
96) Anne-Marie Raggi née Anne-Marie Colle Thomas, née le 8 octobre 1918 à Grand-Bassam de feu Colle Thomas et de Effoua Erokine, de nationalité ivoirienne, commerçante, domiciliée à Grand-Bassam, veuve, deux enfants, jamais condamnée.
Inculpés :
1) d'attentat contre la Sûreté intérieure de
l'Etat;
Tous détenus.
Attendu qu'il résulte de l'information les faits suivants :
A partir du mois d'avril 1963, s'organise à Abidjan un mouvement subversif ayant pour but d'attenter à la vie du président de la République, de renverser et de changer le gouvernement et les institutions de la République de Côte-d'Ivoire.
Comptant sur les oppositions que la mise en exécution de leur projet allait rencontrer, les promoteurs dudit mouvement avaient envisagé l'éventualité d'une guerre civile. L'instigateur en est Mockey Jean-Baptiste. Il convient donc d'examiner successivement :
1) le mouvement subversif,
* * I. LE MOUVEMENT SUBVERSIF 1) Les origines du mouvement Le complot aurait été décidé à Grand-Bassam, en avril 1963, chez la mère de Mockey, au cours d'une réunion à laquelle participaient Thiam, Gris Camille, Kacou Aoulou, Gassaud Gaston, Iro Jean-Baptiste, Capri Djédjé et Dossso Kounadi (déclaration de Dosso).
Mockey avait chargé Sidibé Ladji de prendre tous les contacts nécessaires afin d'asseoir le mouvement. C'est par l'intermédiaire de celui-ci que Banny Jean était amené à donner son adhésion.
Quant à Gris Camille, considéré comme le lieutenant de Mockey, il déployait une intense activité pour obtenir les participations successives de Djessou Loubo et de Séri Koré, en avril, celles de Gaoussou Soumahoro Kattié Assanvo et Kouakou Anet, en mai, celles de Goffri Kouassi, Avit Bayoulou et Bai Tagro, en juin. De son côté, Djessou Loubo contactait, en juillet, Alloh Jérôme et Faulet Charles, puis Mockey lui-même recrutait Coffi Gadeau en mai 1963.
Au début, ce furent des réunions d'amis au cours desquelles étaient discutés les problèmes locaux d'ordre politique, économique et social. Peu à peu, les critiques devinrent précises et virulentes. Alors apparut l'idée d'un changement du régime, changement qui, conclurent-ils, ne pouvait s'opérer que par l'écartement du pouvoir du président Houphouët-Boigny et la révision de la ligne politique interne et externe suivie par le gouvernement qu'il préside. 2) Son organisation Le mouvement ainsi né, il lui fallait une base solide d'action dans la masse. Pour ce faire, une structure hiérarchisée fut instituée, comprenant : [PAGE 159]
Un directoire insurrectionnel, composé de : Mockey Jean-Baptiste, Banny Jean, Gris Camille et Kacou Aoulou. Les intéressés nient l'existence de cet état-major quoique le fait soit confirmé par la majorité des conjurés.
Une assemblée délibérante, constituée par la réunion de tous les membres.
Un organisme d'exécution : les cellules et sections de base, chargées de la propagande et du recrutement à l'intérieur.
Selon Gris Camille, le directoire aurait été formé par Mockey au cours d'une réunion chez Djessou Loubo; il n'y avait pas eu de vote en l'occurrence. Mockey, chef du complot, aurait simplement désigné ses collaborateurs directs, à savoir :
Banny Jean, chargé plus spécialement de l'arrestation du président de la République, et responsable de l'armée ivoirienne. Gris Camille, chargé de l'organisation des comités insurrectionnels locaux, en même temps que délégué auprès des milieux ouvriers en vue de les amener à la subversion,
Kacou Aoulou, responsable de la région d'Aboisso, mais aussi de la caisse du mouvement.
Quant à Mockey, outre la direction de la subversion, il était chargé de rechercher auprès de l'étranger les concours nécessaires.
Les membres du directoire, a précisé Thiam, se réunissaient en comité secret pour élaborer les directives générales de l'insurrection.
S'agissant des cellules, une seule a pratiquement fonctionné. Il s'agit de celle que présidait Gris Camille. Au cours d'une réunion, à laquelle assistait Kacou Aoulou, des délégués de masse avaient été désignés pour le secteur Bété. Gassaud Gaston avait été chargé de la fusion des groupes de jeunes Bétés dits « les 5 D » et les « Sans loi » qu'il aurait à diriger.
Quant aux sections, il n'a été envisagé que la création d'une seule et ce, à Gagnoa. Baï Tagro, alors sous-préfet de cette localité, devait l'organiser. Il affirme avoir confié cette charge à Djegnan Clément. Il apparaît d'ailleurs qu'elle n'a pas eu à regrouper ses membres et n'a tenu d'autre réunion hors celle de Doudoukou, au cours de laquelle Gris Camille annonça le renversement futur du gouvernement et la tentative d'assassinat de Dignan Bailly par le président de la République.
Par contre, de nombreux délégués ont été désignés et chargés d'œuvrer au sein de leurs groupements ethniques respectifs, de leurs circonscriptions d'origine ou de fonction, afin de préparer les esprits à faire prendre position contre la politique du président Houphouët-Boigny.
Ainsi :
Djessou Loubo et Séry Koré, pour les Bétés de
la région de Soubré;
Grâce à ces agents, la subversion couvrait donc d'immenses régions.
* * La préparation du complot s'est faite par contacts entre les conjurés, mais plus encore lors de nombreuses réunions d'information tenues notamment :
a) Aux domiciles de :
Mockey Jean-Baptiste (zone 4),
b) Au cinéma désaffecté puis à celui en cours d'exploitation du quartier impérial, à Grand-Bassam.
Une trentaine, au moins, de réunions se sont tenues chez Djessou Loubo (aux dires de celui-ci).
Ces réunions, très régulières, se raréfient à partir du mois d'août, époque où lecture est donnée par Djessou Loubo d'une lettre de Paraiso Albert, avisant les conjurés que le président de la République avait connaissance de l'existence du complot.
Les membres du directoire et les principaux organisateurs assistaient le plus souvent aux réunions, sauf Mockey qui, à de rares exceptions, se faisait représenter par Gris Camille. Y participaient également les agents d'exécution, venus pour recevoir les instructions nécessaires et être tenus informés des développements de la préparation du complot.
D'après Thiam Amadou, celui chez qui devait se tenir la réunion téléphonait, le jour-même, aux autres membres, en glissant au cours de la conversation les mots « ce soir ». Pour y être admis, il fallait se faire reconnaître au moyen de mots de passe, désignant souvent une couleur, un nom de chose ou de ville (déclarations de Thiam, Dosso et Capri Djédjé). Chez Djessou Loubo, a précisé Thiam, le portier étant illettré, il fallait, pour avoir droit d'entrer, lui enfoncer dans la paume de la main l'ongle de l'auriculaire.
Au cours de ces réunions, qui se tenaient généralement après vingt-deux heures (déclaration de Kacou Aoulou), les griefs invoqués contre le gouvernement étaient rappelés et des instructions étaient communiquées. [PAGE 161]
Il était interdit de prendre des notes (affirmations de Iro Jean-Baptiste).
Pour garder son caractère secret à l'organisation, il n'était tenu aucun registre d'inscription; aucune carte de membre n'était distribuée; il n'était perçu aucune cotisation.
Les décisions prises par le directoire insurrectionnel et les instructions élaborées au cours des réunions étaient communiquées ensuite aux responsables locaux qui devaient en assurer la diffusion et l'exécution auprès des membres acquis au mouvement.
3) Les mobiles des conjurés
Au cours des diverses réunions des thèmes et griefs ont été développés. Si certains étaient d'ordre général, d'autres par contre étaient spécifiquement liés à la situation politique ou sociale de chaque orateur.
Les griefs principaux contre le gouvernement et la personne du président Houphouët-Boigny se résument comme suit :
A) En politique générale
a) Dictature du chef de l'Etat au sein du parti, du gouvernement, de l'Assemblée nationale, auxquels il donne des directives et dont les membres ne jouissent d'aucune liberté d'expression;
b) Inféodation de la Côte-d'Ivoire à l'Occident, créant une subordination de fait à l'ancienne puissance colonisatrice : la France;
c) Détention des postes-clefs des services administratifs par des Européens;
d) Absence de traité avec les pays de l'Est;
e) Installation, contraire à l'esprit d'indépendance, de bases militaires françaises en Côte-d'Ivoire;
f) Absence d'éducation politique des masses.
B) Sur le plan économique et financier
a) Régime préférentiel accordé à la France dans les achats commerciaux; d'où étouffement de la concurrence internationale;
b) Bas prix de vente des produits agricoles, particulièrement café et cacao, en opposition à l'augmentation constante des prix des marchandises manufacturées importées;
c) Main-mise des Européens sur le grand et le petit commerce;
d) Maintien du franc CFA alors que la Côte-d'Ivoire pourrait créer sa propre monnaie;
e) Pouvoir d'achat très bas des citoyens.
C) Sur le plan social
a) Offre insuffisante d'emplois, d'où chômage;
b) Bas salaires des travailleurs dans les secteurs public et privé;
c) Cherté des loyers et notamment des habitations dites « à bon marché »;
d) Train de vie extravagant de certains ministres et députés; excès des déplacements à l'étranger; [PAGE 162]
e) Non accélération de l'africanisation des cadres alors que l'assistance technique est très coûteuse;
f) Hégémonie Baoulé dans le parti, le gouvernement et les hautes fonctions de l'administration.
Il ne s'agissait toutefois là que d'une propagande démagogique, spécieuse mais nécessaire, qui visait essentiellement à légitimer leur action.
Dans une telle entreprise, il est en effet indispensable, pour rallier des partisans, de les convaincre que la cause qu'on leur demande d'embrasser est une juste cause.
En effet, les mobiles profonds qui ont déterminé les promoteurs du mouvement sont tout autres.
Les uns ont agi par ambition. C'est le cas en particulier de Mockey, qui n'a jamais accepté son éviction du Secrétariat général du P.D.C.I.-R.D.A.
Cela résulte à l'évidence des propos qu'il a tenus lors de la réunion organisée chez sa mère, à Bassam.
« Mockey a déclaré que juridiquement, il était le secrétaire du P.D.C.I.-R.D.A., qu'il avait été évincé irrégulièrement par le président Houphouët-Boigny et que bientôt il aurait sa revanche » (déclaration de Thiam).
Cet état d'esprit, qui a été confirmé notamment par Baï Tagro, traduit l'existence, chez ledit Mockey, d'un complexe de frustration et d'un profond ressentiment à l'égard du chef de l'Etat, tenu pour responsable de ses déboires politiques. Son ambition insatisfaite a engendré une haine profonde à l'égard de l'homme qu'il considère, gratuitement, comme ayant été un obstacle à la réalisation de ses aspirations.
C'est là, en définitive, la vraie raison de son comportement et la cause première du complot dont il a été le chef.
Quant à Banny Jean, ambitieux et impatient, il envisageait d'accéder à la vice-présidence de la République, tout en conservant le portefeuille de la Défense.
Kacou Aoulou convoitait le ministère des Finances.
Thiam Amadou ambitionnait d'entrer au Bureau politique du Parti rénové.
Capri Djédjé avait le désir de jouer un rôle politique dans le pays et l'assurance lui avait été donnée qu'il obtiendrait satisfaction.
Iro Jean-Baptiste devait devenir « membre du Cabinet de la présidence », de la future Assemblée nationale. On lui avait, de plus, laissé entendre qu'il obtiendrait un terrain sur lequel l'entrepreneur Bernard devait lui édifier une maison.
Kouakou Anet pensait obtenir un siège de député dans la future Assemblée.
D'autres ont agi par ressentiment, estimant que leurs mérites et leur dévouement antérieur à la cause du R.D.A. n'avaient pas obtenu leur légitime récompense.
Sidibé Ladji se plaignait d'avoir été écarté du pouvoir, alors que ses amis, Mockey et Djibo Sounkalo, compromis en 1959, disait-il, au même titre que lui, avaient été réhabilités et appelés à de hautes responsabilités : le premier comme ambassadeur, le second [PAGE 163] comme conseiller économique et social, maire et député. Il en avait conçu une profonde amertume.
Alloh Jérôme serait venu au mouvement par rancune. Ses brillants états de service ne lui avaient valu, déclarait-il, aucun poste de commandement et n'avaient été récompensés que par une promotion au grade de Commandeur de l'Ordre national, alors que dans le même temps, Mockey, dont la fidélité était pourtant sujette à caution, était élevé à la dignité de Grand Officier. Le chef de l'Etat, selon lui, aurait également fait preuve d'ingratitude à son égard, en ne lui accordant aucun secours lors de la maladie de ses deux enfants ou des funérailles de son père, alors que dans les mêmes circonstances, Sidibé Ladji, pour son fils, Dem Tidiane et l'huissier Diop, pour les obsèques de leur père, avaient reçu une aide substantielle.
Dosso Kounadi se plaignait, ayant fait trois ans d'emprisonnement pour son action au sein du R.D.A., de ne pas avoir obtenu la récompense qu'il était en droit d'en attendre, alors que d'anciens adversaires du parti avaient bénéficié, a-t-il dit, « de privilèges incroyables ». En cas de réussite du complot, il devait être député.
Certains ont cru aux récompenses qui leur étaient promises par les dirigeants de la subversion.
Gris Camille et Kacou Aoulou avaient dit à Laigret Georges que le futur gouvernement lui ferait construire une villa.
Bohui Christophe avait la certitude d'être nommé chauffeur dans une ambassade.
Bazy Séry espérait les galons de lieutenant et Zébri Blé Lambert ceux d'adjudant. Sokoï Zadi Bernard et Gassaud Gaston escomptaient une bourse d'études à l'I.H.E.O.M, Ouraga Norbert ferait partie d'un Cabinet ministériel.
Aux habitants de Grand-Bassam, on avait promis de leur construire un port de pêche, et aux gens de Yopohua, de lever le plan de leur village et d'y faire un lotissement.
Quelques-uns des conjurés ont agi par peur.
« La peur a dicté mes gestes », déclare Goffri Kouassi. « Les meilleurs lieutenants du président Houphouët faisaient partie de la subversion. J'ai voulu préserver ma famille. »
Gaoussou Soumahoro a prétendu de même avoir adhéré au mouvement en raison de la peur que lui inspiraient ses promoteurs, tous, gens de caractère violent et vindicatif.
Dem Tidiane et Coffi Gadeau ont voulu être dans la même barque que les conjurés, par crainte de perdre leur portefeuille en cas de succès de la subversion.
Enfin, certains ont agi par vengeance.
Au cours d'une réunion chez Djessou, Gris devait déclarer : « Il ne s'agit pas de discuter du bien fondé ou non des condamnations prononcées à Yamoussokro; il faut prendre conscience de la déclaration de guerre du président Houphouët-Boigny à la Franc-Maçonnerie et en relever le défi. »
Le mouvement ainsi défini, il reste à déterminer ses objectifs.
* * [PAGE 164] II BUTS POURSUIVIS De l'esprit des conjurés et de l'aspect de leurs activités, au-delà de l'analyse des faits imputables à chacun, il apparaît une résolution sans équivoque :
1) de renverser le gouvernement constitutionnel ivoirien par de voies
illégales, par la violence, par une insurrection armée;
* *
A) Le renversement du gouvernement constitutionnel L'on ne saurait mieux faire à cet égard que d'emprunter au dossier de l'Information les propres aveux des inculpés. Les choses y sont dites avec toute la franchise et la clarté désirables.
Mockey Jean-Baptiste : « Le but réel du mouvement était le renversement du gouvernement. »
Banny Jean : « Nous avons voulu renverser le gouvernement afin de réaliser une politique essentiellement, fondamentalement, radicalement différente de celle pratiquée. »
Thiam Amadou : « L'objectif de nos réunions était le renversement du gouvernement et son remplacement par un autre qui serait dirigé par Jean-Baptiste Mockey. »
Coffi Gadeau : « Le mouvement critiquait le Parti, le gouvernement et le chef de l'Etat sur tous ces critères (dictature, manque d'africanisation.... etc.). Il voulait prendre le pouvoir, aux fins de porter toutes les modifications radicales à cet état de choses. »
Séry Koré : « Chaque délégué du mouvement devait rassembler les membres acquis au mouvement et les armer de toutes sortes d'instruments (flèches empoisonnées, matchettes, couteaux, bouts de bois, armes à feu) et les faire descendre sur Abidjan au jour "j" de l'insurrection. »
Ainsi donc, dans l'optique des comploteurs, le meilleur des mondes politiques possibles ne sera la Côte-d'Ivoire que si le gouvernement en place était relégué au musée des souvenirs. Il fallait donc s'y employer.
* * De tout temps, le pays bété fut une aire favorable à des résistances inconsidérées au P.D.C.I.-R.D.A., au gouvernement constitutionnel. Il importait donc d'instaurer au cœur même de cette région une section active du mouvement subversif. Dans cette optique, [PAGE 165] le sous-préfet Baï Tagro accepta de mettre discrètement au service de la conjuration son dynamisme et sa popularité.
Les deux acolytes de son choix, Brissy Djégna Clément et Depri Domoraud Antoine, battirent activement la campagne pour propager la nouvelle de l'insurrection prochaine, pour accréditer l'assertion selon laquelle le président Houphouët-Boigny a attenté à la vie de Dignan Bailly, député de Gagnoa. Cette dernière nouvelle fut l'un des thèmes de la grande réunion de Doudoukou, du 18 août 1963, organisée par Dépri, à l'instigation de Gris Camille, Doudoukou, village notamment connu comme réfractaire au P.D.C.I.
Et pour un plus grand rayonnement de la subversion, Brissy obtint l'adhésion à l'organisation de :
Vry Dogo Jean, chef de canton à Kassehoua,
Dans une autre portion du pays bété, à Issia, à Soubré et dans leurs environs, les députés Djessou Loubo, Séry Koré, secondés de l'employé de commerce Faulet Charles, devaient s'employer à recruter des sympathisants, mais, semble-t-il, n'ont pas obtenu des résultats appréciables.
Les armes de persuasion étaient l'insuffisance des routes et des écoles, les prix anormalement bas du café et du cacao.
A Abidjan, le ministre Gris Camille, le docteur Capri Djédjé se rallient une multitude de jeunes bétés pleins de turbulence et d'allant. Ce sont :
Gassaud Gaston, commis à l'Enregistrement,
Il a suffi de leur dire qu'avec un nouveau gouvernement, un nouveau jour va luire pour le pays bété.
Ancien syndicaliste et ministre du Travail, Gris Camille aborde les syndicalistes, les travailleurs, les cheminots comme Laigret Georges. Il les gagne à la cause de la subversion en les entretenant de l'inexistence en Côte-d'Ivoire du droit de grève, du droit d'exprimer librement ses opinions. On les rencontre à l'une des réunions tenues à son domicile.
Il faut mettre l'accent sur ce fait que Gris Camille dirigeait personnellement et activement tous ces recrutements, et cette campagne de pervertissement, de pourrissement des esprits en milieu bété d'Abidjan et de province.
* * [PAGE 166] Sous d'autres cieux, de Grand-Bassam, d'Adiéké, d'Aboisso, et de leur périphérie immédiate, les conjurés Mockey Jean-Baptiste, Kacou Aoulou Alloh Jérôme exploitaient les anciennes rancunes progressistes et les événements du Sanwi.
* * Au Nord, c'est la détention, à Yamoussokro, des Koné Amadou et Issa Bamba, etc., qui est le cheval de bataille des comploteurs Dem Tidiane et Soumahoro Gaoussou, tant à Korhogo qu'à Séguéla et dans les villages environnants.
L'actif et jeune député Gaoussou choisit ses lieutenants parmi les chefs coutumiers (Koné Sory) et parmi les représentants des jeunes (comme Bakayoko Zoumana dit de Gaulle).
Des sous-préfets : Kattié Assanvo à Tiassalé, Avit Bayoulou à Dabou, réalisent leur adhésion à la conjuration par leur ferme détermination d'installer des barrages aux chefs-lieux de leurs circonscriptions administratives afin de bloquer la circulation routière vers Abidjan à l'heure de la révolution.
Les cheminots (l'on peut citer Laigret Georges) promettent d'empêcher des trains de renforts, militaires ou civils provenant de l'intérieur, d'atteindre Abidjan, privant ainsi la capitale de tout secours en faveur du gouvernement.
Le ministre Thiam Amadou, occupant la radio, devait ordonner la diffusion des informations subversives.
Les délégués provinciaux (Baï Tagro, Gaoussou Soumaboro, Dem Tidiane, Alloh Jérôme.... etc.), les responsables locaux du complot qui ont constitué des groupes de choc sur toute l'étendue du territoire national, s'engageaient, le jour « J » :
à s'opposer aux autorités locales au cas où
celles-ci ne suivraient pas le mouvement;
Pour stimuler l'ardeur de certains comploteurs, la direction du mouvement se fait grande prometteuse :
offre d'un véhicule « Opel » et envoi en stage
d'élèves-officiers du sergent-chef Zébri Blé
Lambert; Quant au milieu Baoulé, l'instruction n'a pu révéler ni la quantité, ni la qualité des recrues qui ont pu y être faites par Coffi Gadeau ou par Banny Jean.
* * Ainsi, comme une araignée, la subversion tissait sa toile sur les différentes régions du pays. Les résultats de cette activité ne se firent pas longtemps attendre :
La fabrication de flèches empoisonnées est confiée
à Dassé Djédjé, chef de Tribu à
Toutoubré (Gagnoa).
L'huissier Kouakou Anet, de Dimbokro, les livre au sous-préfet Coffi Séraphin de Lakota, qui les fait parvenir au ministre Gris Camille, lequel les remet à son tour au ministre Kacou Aoulou.
Sous l'impulsion de Gris Camille et de Capri Djédjé, trois associations de jeunes Bétés :
la J.B.A. (Jeunesse Bété d'Abidjan), s'organisent en commandos insurrectionnels respectivement dirigés par Gassaud Gaston, par Koukougnon Gigla et par Azo Pierre, qui, pour le triomphe de la violence, se tiennent prêts au jour « J », aidés des syndicalistes et des travailleurs, à s'attaquer au gouvernement, à investir le port, le palais présidentiel, les édifices publics, avec, à la bouche :
« A bas Houphouët
Des gardes du corps les plus sûrs du chef de l'Etat, comme Bazy Séry, des militaires du palais, comme Zébry Blé Lambert, acceptent d'être du nombre des comploteurs. Et Banny Jean, ministre de la Défense, apporte aux conjurés le concours de l'Armée, avec la complicité du colonel Beaudelaire, de l'adjudant Robin.
C'était l'atout numéro un de la réussite de l'organisation subversive.
A côté de ces promesses, figurent des serments. En effet, le Sommet, l'Equipe de conception du complot, conscient du danger que cette entreprise leur faisait courir, a fait prêter serment à certaines recrues hésitantes, douteuses (Gaoussou Soumahoro jure, chez la mère de Mockey à Grand-Bassam, sur le fétiche « Assohoun », Iro Jean-Baptiste, chez Kacou Aoulou à Abidjan, sur une cartouche).
Il y a plus. Les conjurés ne reculent même pas devant l'assassinat. C'est de cette sorte que Zézé Victor, devenu dangereux par les propos qu'il tenait, fut réduit au silence, de peur qu'il ne fît découvrir le complot.
Enfin, usant d'une autre arme psychologique pour frapper l'esprit des membres de la subversion, le directoire décidait d'adopter un drapeau de couleur rouge, emblème, disait-il, d'indépendance [PAGE 168] réelle et non fictive, et dont la confection fut confiée à l'humble tailleur bété Obré Rémy de Grand-Bassam.
Tout ce chapelet de faits est, sans l'ombre d'un doute, révélateur de la ferme volonté des conjurés de réussir le coup d'Etat, de renverser le gouvernement.
* * B) Excitation des citoyens à la guerre civile
Il eut été naïf pour les conjurés de penser, de croire que le renversement de ce gouvernement présidé par Houphouët-Boigny s'opérerait sans mal, sans difficultés, le 28 août 1963, lors de son retour à Abidjan, venant d'Adis-Abeba. Sa grande popularité, son audience nationale, son prestige incontesté, la fidélité de certains de ses amis, de ses compagnons de lutte au sein du R.D.A., la masse paysanne qui n'a pas la mémoire courte, d'autres éléments imprévisibles entreraient certainement en jeu et constitueraient de sérieux obstacles à la victoire rêvée des comploteurs. Certains de ceux-ci en ont eu claire conscience.
Banny Jean : « Il n'a pas été expressément décidé d'exciter la population à la guerre civile. Il est probable cependant que le développement de l'action y aurait conduit, car des gens se seraient nécessairement manifestés en faveur de Houphouët-Boigny. »
Goffri Kouassi : « Il était donc fatal d'envisager, du fait de la popularité du président Houphouët-Boigny, un accrochage sérieux entre les membres de la subversion et les partisans du chef de l'Etat. La guerre civile était inévitable en toutes ses horreurs. »
Toutes les recrues de l'organisation subversive, excitées en conséquence par une propagande ad'hoc (dictature du président Houphouët, sa haine des Bétés et des Agnis, la tentative d'assassinat de Dignan Bailly par le chef de l'Etat, les bas salaires... etc.) étaient donc prêtes, organisées en commandos, en groupes de combat, à lutter avec des armes modernes, des flèches, des matchettes pour leur nouvelle cause si leurs chefs éprouvaient la moindre contrariété au moment de l'action décisive.
Gris Camille : « Le jour du coup d'Etat, les partisans du président Houphouët seraient neutralisés par tous les moyens, même, au besoin, par une bataille rangée. De tous les coins de la Côte-d'Ivoire, les délégués provinciaux se dirigeraient avec leurs hommes sur Abidjan (il s'agit de Baï Tagro, de Gaoussou Soumahoro, de Dem Tidiane.... etc.). Les trains ne pourraient circuler grâce à nos conjurés cheminots. Les routes nationales seraient bloquées pour empêcher des troupes favorables au président d'arriver à Abidjan. .
Kuo Sahié Georges : « A Abidjan, des jeunes comme Kacou Evariste, Laigret Georges, Gassaud Gaston et Bohui Christophe dit Lame Rasoir, Koudou François, devaient jouer un rôle actif à la tête de leurs commandos constitués de jeunes Bétés originaires de la circonscription de Gagnoa, surtout du village de Yopohua, qui avaient reçu la promesse de Gris et d'Aoulou d'un lotissement rapide [PAGE 169] dudit village et la construction en leur faveur de villas modernes.
« Kacou Evariste, infirmier à l'hôpital de Treichville, originaire de Yopohua, domicilié à l'Habitat Craone, devait, de ce point, au jour « J », conduire vers l'avenue 16, rue 12, près du Foyer catholique, son commando de jeunes Bétés, vociférant "A bas Houphouët".
« Cette troupe devait rencontrer, à l'avenue 16, Koudou François, restaurateur, originaire de Yopohua, à la tête d'un autre commando.
« Gassaud Gaston, commis d'Enregistrement, originaire de Bahompa, ami d'enfance de Gris Camille, à la tête d'une troupe dite "Les Sans loi", devait opérer jonction avec les troupes suscitées.
«Bohui Christophe dit Lame Rasoir, chauffeur, originaire également de Bahompa (Gagnoa), cousin de Gassaud Gaston, chef du commando appelé "Les 5 D", devait, à son tour, rejoindre Kacou Evariste, Koudou François et Gassaud Gaston.
« De là, tous les commandos, réunis en une immense colonne marcheraient vers le port et le palais présidentiel en criant "A bas Houphouët" et en se livrant éventuellement, comme une foule en excitation peut le faire, à des pillages, à des violences, à des excès, voire même à des attentats sur les personnes qui leur opposeraient des résistances.
« Si les hommes du président résistaient à ces révolutionnaires déchaînés... il y aurait certainement du sang de répandu. »
En province, les sous-préfets Baï Tagro, Avit Bayoulou, Kattié Assanvo et autres personnalités du complot devaient, d'après bien des conjurés, y maintenir l'ordre. C'est tout dire.
L'installation donc en Côte-d'Ivoire de la guerre civile n'était pas de l'ordre des probabilités.
Dans l'âme des chefs de la subversion, elle était un mal nécessaire. Seule, elle pouvait avoir raison de la puissance du chef de l'Etat, Houphouët-Boigny.
Djessou Loubo, en une phrase lapidaire, exprime éloquemment ce sentiment :
« Il s'agissait d'une véritable révolution. »
Révolution, avec pour atout numéro un l'armée ivoirienne dont Banny Jean apportait le concours et dont la participation était considérée comme indispensable à tout succès réel.
* * C) Assassinat du président de la République
Au cours de ces événements (renversement du gouvernement, déclenchement de la guerre civile le 28 août 1963), quel serait le sort du chef de l'Etat ?
Certains conjurés (Gris Camille, Dosso Kounadi, Banny Jean), sans démasquer leurs propres intentions, expliquent qu'ils envisageaient simplement, après son arrestation, sa mise en résidence surveillée au village de Abrobakro (dans la région d'Aboisso) après l'y avoir fait conduire par son neveu Lambert ou par son chauffeur Kouadio. [PAGE 170]
Il y serait traité avec tous les égards dus à un vaincu de marque.
Kacou Aoulou préfère déclarer que « le président serait contraint de donner sa démission et aurait discuté avec le gouvernement insurrectionnel de sa retraite ».
Point n'est là cependant la volonté réelle des conjurés influents. En leur for intérieur, il fallait abattre l'homme fort dont l'existence, la survie après la conquête du pouvoir, hanterait leur sommeil et ne leur permettrait pas de s'endormir sur leurs lauriers.
Son assassinat s'imposait en pays Sanwi, en pays Bété de Gagnoa, quand l'on sait l'amour à la Néron que ces pays lui portent
« Toujours embrasser pour mieux étouffer ».
Djessou Loubo le confesse sans ambiguïté :
« Le président devait être conduit dans la région d'Aboisso, ce qui équivalait à un arrêt de mort. »
Caffi Gadeau : « Aucun doute que le président devait être assassiné. Pour qui connaît le Sanwi, sa haine farouche vouée au président, pour qui connaît les excités de Gagnoa, la résidence ordonnée de M. Houphouët chez l'un ou l'autre est une condamnation à mort. »
Alloh Jérôme : « Dans les propos de Gris Camille, j'avais retenu le fait suivant : "Puisque Houphouët-Boigny a voulu porter atteinte à là vie de Dignan Bailly, il fallait aussi porter atteinte à sa vie." »
Thiam Amadou : « Il est permis de croire que sa vie aurait été en danger. »
Capri Djédjé : « Au cours des réunions auxquelles j'ai participé, il n'a été question que de la mise à mort du président Houphouët-Boigny, et des membres du gouvernement qui lui seraient restés fidèles. »
Dakaud Téa : « Gris Camille m'a demandé de me rendre immédiatement à Gagnoa voir Baï Tagro pour que celui-ci puisse prévenir les villageois de Yopohua de se rendre à Sassandra surveiller le port, au cas où le président débarquerait, de se saisir de celui-ci pour l'envoyer dans un campement très loin de la ville, de la route, puis de le supprimer. »
Toute équivoque est levée.
Le président Houphouët-Boigny devait donc payer de sa vie l'ambition conquérante des insurgés. « Le Roi est mort, vive le Roi. » La succession ouverte, à qui doit-elle échoir ?
* * D) Instauration d'un régime communiste
Le chef de l'organisation subversive, l'âme du mouvement, Mockey Jean-Baptiste, prenait en mains les destinées du pays. Il en devenait le président. Les comploteurs l'affirment unanimement.
En effet, au cours des diverses réunions tenues à Abidjan (chez Gris Camille, chez Kacou Aoulou, chez Mockey en zone 4 et à Grand-Bassam), les conjurés avaient toujours été informés d'une direction composée de quatre membres qui auraient, en cas de succès du complot, les attributions suivantes : [PAGE 171]
Mockey Jean-Baptiste, président de la
République;
Aucun conjuré cependant ne dira clairement de quelle manière, par quelle procédure cette répartition des postes ministériels s'était effectuée.
Banny Jean soutient qu'il n'y a pas eu pour ce faire, du moins à sa connaissance, de réunions spéciales et que l'on laissait supposer tacitement que chacun d'entre eux (Thiam, Gadeau et lui-même) conserverait le portefeuille déjà détenu et que Mockey ferait un bon chef de gouvernement.
Quoi qu'il en soit, ce gouvernement existait dans la clandestinité, dans les lieux des réunions et dans l'esprit des conjurés avant la découverte du complot. Il avait donc élaboré un programme de politique générale destiné à remplacer celui indésirable du gouvernement à renverser par la violence, par la révolution.
Coffi Gadeau livre ses impressions à ce sujet, sans aucun fard :
« Le mouvement voulait donc prendre le pouvoir aux fins de porter toutes modifications radicales à cet état de chose, et cela dans une optique communiste. »
« D'aucuns, comme Mockey, avaient une sympathie fort profonde pour le communisme. Ainsi, avait-il mal accueilli le désapparentement du président Houphouët et du R.D.A. d'avec le Parti communiste français. La présence à ses côtés, comme premier lieutenant du mouvement subversif, de Banny Jean, n'est pas moins éloquente. En effet, nul n'ignore les idées communistes de Banny qui avait milité pendant ses études à Montpellier dans la section des jeunes communistes de cette localité. »
« Quant à Gris Camille, tout le monde connaît sa passion pour le communisme. N'avait-il pas effectué plusieurs voyages dans ces pays ? »
« Kacou Aoulou combattit le R.D.A. sous prétexte qu'il était communiste. Le fait pour lui d'être cette fois-ci aux côtés de ces trois communistes notoires démontre qu'il avait simplement fait au R.D.A., non pas une opposition idéologique, mais régionaliste contre le président Houphouët-Boigny. »
« Mieux encore, si Aoulou, au cours de nos réunions, parle de l'appui qu'il attend du Ghana, appui moral et financier, c'est justement parce que la politique du docteur Kwame N'Krumah, plus tendue vers l'Est, faisait son admiration. »
« Pour me résumer, j'affirme que les tendances du mouvement subversif auquel, hélas, j'ai adhéré, sont communistes. »
Ces déclarations de Coffi Gadeau sont d'une portée exceptionnelle quand l'on connaît que la couleur rouge fut adoptée pour le drapeau des conjurés que devait faire confectionner Iro Jean-Baptiste.
Par ailleurs, bien des membres importants du complot, Thiam [PAGE 172] Amadou, Baï Tagro, ont fait connaître qu'il avait été prévu la mise en place d'un gouvernement communisant.
Baï Tagro : « Gris me parlait souvent de l'instauration du régime communiste en Côte-d'Ivoire. Tous ceux qui participaient au mouvement était d'accord. »
Thiam Amadou : « Il avait été prévu le renversement des alliances et l'adoption du système économique des pays de l'Est. »
Séry Koré : « Sur le plan économique, nous envisagions l'instauration du régime communiste. Sur le plan de l'assistance technique, il devait être fait appel aux pays de l'Est. »
Alloh Jérôme : « Il avait été décidé d'élargir les alliances aux pays de l'Est. »
Devant de telles révélations, Banny Jean ne peut être pris au sérieux quand il soutient que chacun attendait le régime de son cœur.
Il s'agissait donc de toute évidence de tendre la main aux pays de l'Est, au socialisme et même au Ghana marxisant dont la réunification avec la Côte-d'Ivoire était vivement souhaitée par Mockey, selon Iro Jean-Baptiste.
* *
III. MOYENS D'ACTION Pour atteindre leurs buts, leurs divers objectifs, pour imposer au pays leur régime politique, non seulement les conjurés, on l'a vu, s'étaient employés à développer en tous milieux leurs griefs au cours des réunions préparatoires en vue d'emporter l'adhésion des masses au mouvement, non seulement ils recherchèrent par cette propagande insidieuse l'isolement sur le plan national du chef de l'Etat, mais ils en vinrent à vouloir fermement le renversement du gouvernement par la violence, par une insurrection armée, par l'assassinat du président Houphouët-Boigny.
Ce sont là de lourdes tâches qui requièrent des atouts considérables.
Aussi les comploteurs eurent-ils recours :
1) à l'aide étrangère,
* * A) Appel à l'aide étrangère
Des Européens (colonel Beaudelaire, adjudant Robin, Bernard, Beauchamp, Moréno, Cadorel, Morillon, Leuillier, Garsi, Lecuyer), des Libanos-Syriens (Chaina, Raggi, Fakry, Addad, Farres, Koury), présents, de l'aveu même de maints conjurés, à bon nombre des réunions subversives, approuvaient de tout cœur les grandes décisions [PAGE 173] des comploteurs avec la tranquille certitude que leurs conseils et leurs promesses de financement ne cesseront jamais d'être utiles au succès de la révolution.
Et, puisque l'argent est le nerf de toute guerre, Lhuillier, Cadorel, Moréno, ne cachaient pas, à la grande satisfaction du directoire, leurs possibilités de relations avec certains milieux financiers en Europe.
L'on nourrissait aussi l'espoir que les banques françaises, par l'intermédiaire de Hepp et Jérusalemi, à contacter par Boka Ernest, Ekra Mathieu, Mockey Jean-Baptiste et Kacou Aoulou, seraient des pactoles de l'organisation révolutionnaire.
Bernard de l'Aquarium, galvanise certains conjurés en s'engageant à leur offrir des villas, voire même des subsides.
De tout l'or amassé, Kacou Aoulou aurait la haute gestion. Il semble cependant que la montagne en mouvement n'a enfanté qu'une souris.
Les relations des révolutionnaires s'étaient par ailleurs amplifiées à l'échelle mondiale.
Kacou Aoulou obtient du président Kwame N'Krumah, par l'intermédiaire de son ambassadeur à Abidjan, une promesse d'aide matérielle, morale, très discrète du fait qu'en respect des conventions internationales, il ne pouvait manifestement intervenir militairement dans les affaires intérieures de la Côte-d'Ivoire. Une lettre lue au domicile de ce chef conjuré en informait les membres de l'organisation subversive.
Coffi Gadeau : « Dans l'ambiance de nos réunions, ambiance chargée de tant d'ambitions, chacun voyait déjà se réaliser de simples promesses d'aides faites par le Ghana et autres Etats. »
Le mouvement pouvait en outre compter, pensent la plupart des comploteurs, sur nos diplomates à l'étranger, en particulier sur nos représentants à l'O.N.U. (Usher Assouan), à Bruxelles (Fiankan Gaston), à Bonn (Amos Djoro), en Israël (Koffi Bilé).
De leurs contacts avec les divers Etats de l'Europe, du Proche Orient et d'ailleurs, le directoire attendait :
Un soutien moral et financier et une reconnaissance sans hésitation du gouvernement à naître du coup d'Etat.
L'avortement du complot n'a pu faire apparaître, hélas, le poids, la valeur des secours attendus de l'étranger.
Le ciel des conjurés n'était par ailleurs qu'à moitié lumineux. Un gros nuage noir l'obscurcit : l'armée française. Elle aurait constitué, semble-t-il, un très sérieux obstacle si elle intervenait, en application des conventions sur le maintien de l'ordre intérieur, en faveur du gouvernement constitutionnel. Il fallait donc se l'associer. Le colonel Beaudelaire, le juge Garsi apaisent les appréhensions des comploteurs en leur promettant, grâce aux diligences de Kacou Aoulou, la neutralité de cette armée, le jour du coup d'Etat.
Ayant obtenu des apaisements fermes de ce côté-là, le mouvement pouvait tout espérer de l'avenir avec, à ses côtés, les forces de polices ivoiriennes, les Forces armées nationales et avec ses propres tentatives de financement de ses forces.
* * [PAGE 174] B) Appel aux Forces armées nationales
Les révolutions se font difficilement sans le concours de l'armée dont la fidélité au gouvernement en place est de tradition.
Il faut donc la conduire à soutenir l'action subversive. Le ministre de la Défense, Banny Jean, ne tarde pas à promettre d'utiliser l'armée au profit et au bénéfice de l'organisation subversive. Et déjà, les conjurés espéraient qu'à l'heure de la révolution, les soldats se rueraient avec toutes espèces d'armes sur le chef de l'Etat, sur les autres membres du gouvernement et sur leurs partisans.
Séry Koré : « Le nom de Banny était souvent dans les conversations. C'est lui qui devait, avec la complicité de Bazy Séry, de son armée, s'emparer, le jour "J ", de la personne du président de la République. »
Alloh Jérôme : « Chez Gris, l'accent a été mis sur le concours effectif de Banny et de l'armée ivoirienne. »
Et Banny lui-même entretenait constamment cette confiance. Capri Djédjé l'entend dire chez Djessou que « l'armée ivoirienne, notamment les officiers, étaient en mesure de faire face à toutes difficultés et qu'il attendait avec impatience le retour du chef de l'Etat ».
Les plus assidus aux réunions, les conjurés Thiam Amadou, Gaoussou Soumahoro, Dosso Kounadi, prêtent les mêmes déclarations à Banny Jean.
Gris Camille, quant à lui, pense que toutes ces promesses de Banny n'étaient que vantardises : « Nous avions beaucoup plus de "gueulards" que d'hommes intelligents. ». « Il faut que cela ait pu faire du bruit. »
Le sérieux de Banny ressort cependant de quatre faits fort significatifs :
1) L'invitation qu'il fait au garde du corps Bazy Séry de tout mettre en œuvre pour séparer le président de la République, dès son arrivée au port, le 28 août 1963, des personnalités de sa suite et de le tenir en respect avec son revolver. Ainsi, il lui serait facile de s'emparer du chef de l'Etat.
2) L'élaboration, lors d'une réunion au palais présidentiel, de concert avec Kacou Aoulou et le colonel Beaudelaire, d'un plan d'intervention des Forces armées ivoiriennes.
Quatre groupes d'intervention sont prévus :
a) Le lieutenant Zadou prendrait position au marché d'Abidjan. Plateau, ayant pour adjoint un Européen, Bernard de l'Aquarium, qui lui apporterait un peloton de civils.
b) Le lieutenant Gnazéré, à la tête d'un contingent formé de militaires ivoiriens des camps d'Akouédo et Mangin, occuperait les principales artères d'Abidjan-Plateau.
c) Des soldats, commandés par le sergent-chef Gogo Séry, s'étaleraient dans Adjamé avec pour point de ralliement le marché d'Attiékoubé.
3) La mission donnée au colonel Beaudelaire de faire désigner, pour la garde d'honneur du président de la République, des militaires et des policiers favorables au coup d'Etat. [PAGE 175]
4) Cette déclaration lourde de sens de Banny Jean, s'agissant de l'armée : « Je comptais, après m'être entouré de la sympathie de quelques officiers, user de l'organisation matérielle de l'armée et de la confiance qu'elle me fait pour l'amener à exécuter des ordres du dernier moment dont elle n'aurait pas eu le temps de mesurer les conséquences. »
Il appert de toute cette démonstration que le ministre de la Défense apportait au mouvement toute son intelligence et tout son dynamisme.
Malgré ces apports de bon aloi les chefs conjurés jugèrent prudents et utiles de se procurer à côté des flèches empoisonnées à fabriquer à Gagnoa par Dassé Djédjé et Koudou Paul, des armes modernes pour en doter leurs recrues civiles. Gris Camille devait, selon Iro Jean-Baptiste, s'en procurer en Suisse. Et malgré un désaccord certain sur la date de la transaction, il reste acquis à l'instruction que quatre caisses d'armes, tout au moins, avaient été achetées par Kacou Aoulou, par l'intermédiaire de Gris Camille. Leur destination dernière fut le domicile de Kacou Aoulou qui affirme les avoir remises à Bernard.
Niamien N'Guessan, le transporteur de ces armes, reçoit de ces personnalités du complot, en récompense, la somme de 200 000 francs. Fait curieux qui dément l'assertion des conjurés selon laquelle le mouvement ne possède pas de « caisse ».
Il a même que Gris Camille avait en outre promis de fournir 500 000 francs de subsides nécessaires à l'organisation subversive à Gagnoa.
D'où viennent ces fonds ? Peut-être de leurs amis étrangers installés en Côte-d'Ivoire ou ailleurs. L'information n'a pu le déterminer.
Le directoire, comme on s'en aperçoit, songeait à une action subversive d'envergure. Et la personne du ministre de l'Intérieur, Coffi Gadeau, parut l'intéresser.
* * C) Les forces de police
Intentionnellement recruté par Mockey Jean-Baptiste, Coffi Gadeau jure que l'aide de la police ne devait pas être efficace, effective, mais consister en une abstention.
Tel n'est pas l'avis de certains conjurés (Gassaud, Iro Jean-Baptiste.... etc.) qui déclarent qu'au jour « J », les liaisons devaient être établies entre les responsables de Treichville et ceux de la police afin de mettre au point les modalités de leurs actions.
Quant à Banny, il déclare : « Les forces de police avaient été laissées naturellement sous la responsabilité de Coffi Gadeau et leur action paraissait devoir être importante. »
Gadeau s'en est toujours défendu, arguant de sa passivité. En réalité, il n'apparaît pas que des membres de la police soient présentement en détention pour faits subversifs.
Assuré de l'adhésion au complot de l'armée avec Banny, de la [PAGE 176] police avec Gadeau, il ne restait au directoire que de mener à bien ses préparatifs, sans être découvert, sans que le complot soit éventé.
* * D) Divers moyens de persuasion
Une surveillance des conjurés s'est établie. Les suspects sont soumis au serment. Gaoussou Soumahoro, soupçonné d'être en relation avec le président Yacé Philippe, est conduit, dans la nuit du 11 au 12 juillet 1963, à Grand-Bassam et jure sur l'« Assohoun », un fétiche.
Iro Jean-Baptiste, pour avoir prêché au cours d'une réunion la non violence, jure chez Kacou Aoulou sur une balle posée à même le sol.
Des conjurés, à l'exemple de Ladji Sidibé, font opérer des marabouts (Zoumana Koné, El-Hadji Sékou Kaba..., etc.) afin que par mille sortilèges le président soit séparé de ses meilleurs amis, soit isolé et soit de ce fait sans difficultés, éliminé de la scène politique du pays.
Il y a aussi le recours à la mort violente (tel l'assassinat perpétré sur la personne de Zézé Victor par Mockey, Banny Jean, Gris Camille, avec l'assistance de Dosso, de Faulet Charles et de Bohui Christophe, sur un simple soupçon de trahison de la victime).
Les uns et les autres ont donné de leur participation au crime, en juillet 1963, à la digue de Koumassi où Zézé fut conduit, sur l'ordre du directoire, par Dosso, Faulet et Bohui Christophe, des versions différentes.
Banny Jean proteste de son innocence. A l'en croire, Faulet et Dosso Kounadi se sont jetés sur Zézé. Il a entendu un grognement sourd suivi de bruits semblables à des râles. « Toute cette scène s'est passée très rapidement, sans que je puisse rien comprendre ni réagir. »
Mockey Jean-Baptiste prétend avoir assisté passivement à la correction donnée à Zézé par Dosso, Faulet et un certain Barthélémy (qui ne peut être que Bohui Christophe).
Dosso Kounadi affirme n'avoir fait que le guet.
Quant à Gris Camille, il avoue que Zézé a été battu jusqu'à ce qu'il ne donne plus signe de vie, par Mockey Jean-Baptiste, Banny Jean, Dem Tidiane, Dosso Kounadi, Faulet, Djessou et par lui-même. Des charges n'ont pu être établies contre Djessou et Dem Tidiane.
Ces coups portés inconsidérément à Zézé auraient donc, à les en croire, provoqué la mort.
Tous nient donc avoir prémédité le fait et assurent qu'ils ne voulaient donner qu'une simple correction à Zézé Victor.
Le rapport médico-légal contredit ces assertions :
1) Examen extérieur du cadavre
Il s'agit d'un cadavre en état de décomposition déjà très avancé, ligoté, les mains derrière le dos. La corde qui a été confiée aux [PAGE 177] services de la police, fait le tour du thorax, bloquant les bras ramenés en arrière; les poignets sont liés par treize tours de corde, puis la corde descend sur les cuisses et s'arrête au niveau des genoux, étroitement attachés l'un à l'autre. Dès la section de la corde, des sillons de strictions apparaissent nettement. La face est tuméfiée, gonflée par les gaz de putréfaction; mais il n'existe pas de mousse au niveau de la bouche par laquelle sort la langue.
Au niveau du cou, on note des ecchymoses faisant pratiquement tout le tour du cou, mais plus marqués sur les faces latérales; le cartilage thyroïde ne semble pas fracturé.
On ne relève aucune plaie sur l'ensemble du corps, à part quelques pertes de substances au niveau du bord libre du pavillon des oreilles, mutilations provoquées par les animaux aquatiques.
A l'extrémité de la partie libre de la corde d'une longueur de un mètre cinquante environ, est attachée une gueuse d'un poids de quinze kilogrammes environ.
2) Autopsie
On constate que les poumons, bien que déjà en état de décomposition, ne contiennent pas de liquide; il s'y trouve encore de l'air; de même, dans la trachée, pas de liquide, ni de particules que l'on trouve habituellement dans l'arbre respiratoire des asphyxiés par submersion. Les poumons sont légers, il n'existe pas d'œdème pulmonaire, il n'y a pas d'eau dans l'estomac.
Au niveau de la bouche, on constate qu'il manque plusieurs dents; à la mâchoire supérieure, manquent les deux incisives médianes, droite et gauche; la perte de ces deux dents date de longtemps et est bien antérieure à la mort du sujet; en effet, les alvéoles dentaires sont comblées et la muqueuse à leur niveau est parfaitement normale.
Par contre les incisives supérieures gauches et la canine gauche sont cassées au ras de l'alvéole.
Des données de l'examen antérieur du cadavre et de l'autopsie, on peut tirer les déductions suivantes :
1) L'âge apparent de la victime est d'une trentaine d'années environ.
2) Il s'agit d'un faux noyé; autrement dit, la mort est antérieure à la submersion; l'absence de mousse autour des lèvres, l'absence d'eau dans la trachée et dans les poumons, la légèreté du parenchyme pulmonaire, prouvent que la victime n'a pas respiré dans l'eau.
3) La victime a probablement été frappée au visage; ce qui explique la fracture des dents signalée ci-dessus.
4) Les ecchymoses du cou permettent de penser qu'une strangulation par corde ou par tout autre moyen a été effectuée; la présence de la langue en dehors de la bouche est un signe de présomption en faveur de la strangulation. »
* * [PAGE 178] LE MOUVEMENT SUBVERSIF UNIVERSITAIRE Il s'agit d'une autre organisation.
Les buts poursuivis, les moyens à employer s'apparentent étroitement à ceux mis en avant par le mouvement de Mockey Jean-Baptiste.
Ce mouvement semble avoir pris naissance en Côte-d'Ivoire, assurément à Abidjan dans les années 1959-1960-1961-1962-1963.
Selon Kouamé Bi Bohi Jean-Pierre « Somolo m'a confessé que la mort de Boka a peiné et découragé beaucoup de membres du mouvement ».
« Il m'a nommé par ailleurs comme membre de leur mouvement deux condamnés du premier complot : Moussa Diarra et Daubrey Auguste. »
Ses principaux adeptes sont :
le professeur Aouti Akossi, président de l'organisation;
Ses objectifs sont : une africanisation des cadres, le retrait de l'Armée française du sol national, l'avènement d'un gouvernement dont les activités prouvent que l'indépendance acquise n'est pas fictive.
Un seul moyen pour parvenir au résultat : le renversement du gouvernement présidé par Houphouët-Boigny par la violence, avec l'aide de l'Armée ivoirienne.
* * Tels sont les deux mouvements subversifs qui ont été mis en lumière par l'information. Il ne semble pas en l'état actuel des renseignements recueillis que des liens existent entre le mouvement subversif universitaire et le groupe Mockey Jean-Baptiste.
Cependant leur existence est chose certaine.
* * Ainsi donc il est constant que les mouvements subversifs Mockey et universitaire envisageaient réellement ...
1) le renversement du gouvernement;
De l'information il résulte donc définitivement à l'encontre de chacun des inculpés les charges ci-après :
En ce qui concerne les quatre membres du directoire insurrectionnel :
1) Mockey Jean-Baptiste :
Après avoir nié énergiquement, a fini par se
rendre à l'évidence et reconnaître sa participation
à la subversion.
2) Banny Konan Jean :
Après avoir nié sa participation à la subversion, il a
finalement reconnu avoir:
3) Gris Camille :
Il a reconnu avoir :
4) Kacou Aoulou :
Après avoir nié énergiquement, il a fini par
reconnaître sa participation au mouvement subversif. Il a avoué
notamment avoir :
* * En ce qui concerne la principaux organisateurs :
5) Cotti Gadeau :
Il reconnaît avoir :
6) Thiam Amadou :
Il déclare être entré dans la subversion en avril 1963,
sur l'instigation de Djessou Loubo.
7) Dem Tidiane :
Ayant d'abord nié sa participation au mouvement subversif, il a fini
par reconnaître d'avoir :
8) Djessou Loubo :
Il a avoué dès le début de l'information sa
participation au complot.
9) Alloh Jérôme :
Il a reconnu dès le début de l'information, avoir :
10) Séry Koré :
Après avoir nié les faits lors de sa première
comparution devant le juge d'instruction, a reconnu par la suite avoir :
11) Goffri Kouassi :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir fait
partie de la subversion, connaissant ses buts.
Il a envisagé « la guerre civile avec toutes ses horreurs
», selon ses propres termes, et il a pris une part active dans
l'organisation de celle-ci, notamment :
12) Ladji Sidibé :
Après avoir nié, il a reconnu avoir participé
au mouvement subversif, en toute connaissance de cause et notamment avoir
:
13) Gaoussou Soumahoro :
Il a reconnu dès le début de l'information sa
participation active à la subversion, étant une recrue, en juin
1963, de Mockey.
14) Avit Bayoulou :
Après avoir protesté de son innocence, il a fini par
reconnaître avoir adhéré à la subversion en mai
1963, sur les instances de Gris Camille.
15) Baï Tagro :
Sous-préfet de Gagnoa, il a reconnu dès le
début de l'information avoir adhéré au mouvement
subversif, en mai 1963, à la demande de Gris Camille.
16) Brissy Diégnan Clément :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir
adhéré à la subversion, en juin 1963, à la demande
de Baï Tagro.
17) Capri Djédjé :
Il a reconnu dès sa première comparution avoir
:
18) Faulet Charles :
Après avoir nié, il a fini par reconnaître qu'il
avait :
19) Gassaud Gaston :
Il a reconnu sa participation à la subversion dès sa
première comparution devant le juge d'instruction. Il a avoué
avoir :
20) Dosso Kounadi :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir
appartenu au mouvement subversif.
21) Iro Jean-Baptiste :
Il a reconnu dès le début de l'information, avoir fait partie
du mouvement subversif auquel il a adhéré en avril 1963, à
la demande de Gris Camille.
22) Kuo Sahié Georges :
Il a avoué dès le début avoir adhéré au
mouvement et en avoir connu les buts. Il a d'ailleurs fourni de nombreuses
précisions sur la subversion, sur la personnalité de ses membres
et sur son organisation. Contacté par Gris Camille dont il est le
cousin, il a participé à plusieurs réunions chez celui-ci
et chez Mockey où il a rencontré la plupart des dirigeants. Il a
également assisté au rassemblement de Doudoukou et a
confirmé que Gris Camille avait, à cette occasion, excité
la haine des Bétés en leur faisant croire que le président
Houphouët-Boigny avait voulu assassiner le député Dignan
Bailly.
23) Laigret Georges :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir
participé à la subversion et en avoir connu tous les buts.
Contacté par Gassaud Gaston, il a été chargé, en sa
qualité de trésorier de l'association des locataires de la
S.I.H.C.I., d'amener au complot les membres de ce groupement. En tant que
cheminot et syndicaliste, il devait rallier ses collègues du Chemin de
fer et, avec leur aide, paralyser la circulation ferroviaire, le jour du
déclenchement de l'insurrection, afin d'empêcher que des trains de
renforts, militaires ou civils venant du Nord, puissent atteindre
Abidjan.
24) Kattié Assanvo :
Sous-préfet à Tiassalé, il reconnaît avoir
adhéré au complot dont il connaissait les buts et l'organisation.
Il a assisté à plusieurs réunions, chez Kacou Aoulou et
chez la mère de Mockey à Grand-Bassam.
25) Kouakou Anet Adolphe :
Précédemment huissier à Dimbokro, Kouakou Anet
a reconnu, dès le début de l'information, avoir
adhéré à la subversion, à la demande de Gris
Camille.
* * En ce qui concerne les agents d'exécution :
26) Abiyou Gabriel :
Chef de canton Nékédié Abiyou Gabriel aurait
été chargé, par Capri Djédjé, de rallier au
mouvement les jeunes de son canton. Djégnan Clément, qui a
assisté à l'entrevue, confirme l'exactitude du fait. Abiyou leur
aurait fait savoir à cette occasion qu'il avait
été déjà contacté à cet effet par
Gris Camille. [PAGE 193]
27) Abou Justin :
Djégnan Clément déclare qu'il aurait chargé Abou Justin, chef de la tribu N'Dri de Gagnoa, de regrouper des jeunes gens pour le mouvement. Capri Djédjé, de son côté, affirme l'avoir rencontré à l'auto-gare d'Adjamé et lui avoir demandé de rallier à la subversion les membres de la tribu N'Dri. L'inculpé dénie les faits.
28) Affoun Saha :
Niamien N'Guessan a déclaré avoir pris livraison à son domicile, fin décembre 1962, de deux caisses d'armes qui auraient été ensuite transportées à bord d'une camionnette « 403 » à Tabou, chez l'infirmier Kouakou Aliali. Ce dernier qui aurait fait partie du voyage soutient que les faits sont inexacts. L'huissier Kacou Anet affirme, quant à lui, que le seul transport qu'il aurait confié à Niamien N'Guessan se situe en juillet 1963. Quant à Affoun Saha, il déclare totalement être étranger au complot.
29) Babo Pierre :
Accusé d'avoir fait partie du complot et d'avoir même tenu une réunion chez lui, l'intéressé s'en défend. Confrontés avec lui, Iro, Gassaud et Djessou ont déclaré ne l'avoir jamais vu dans les réunions.
30) Badobré Wayoro Raphaël :
Après avoir nié, il a fini par reconnaître sa
participation au complot. Contacté par Gassaud Gaston, en août
1963, il s'est rendu chez Gris Camille à une réunion au cours de
laquelle il a accepté la mission de rallier au mouvement les jeunes de
la tribu Niabré en résidence à Abidjan ou à
Gagnoa.
31) Bakayoko Anzoumana dit de Gaulle :
Gaoussou Soumahoro a déclaré l'avoir contacté courant
juillet 1963 et lui avoir demandé de faire venir à Abidjan,
à une date qui restait à fixer, les jeunes gens qu'il dirigeait
à Séguéla. Il a ajouté ne pas lui avoir
indiqué les raisons de ce déplacement et ne pas lui avoir
parlé du mouvement subversif.
32) Barié Wahi Jean-Pierre :
Djégna Clément déclare qu'en juin 1963, dans le cadre
de la mission qui lui avait été confiée par Baï
Tagro, il avait été amené à prendre contact avec
Barié Wahi Jean-Pierre, chef de la tribu N'Dri qu'il avait chargé
de rallier à la subversion les hommes de Guesséhoua.
L'intéressé aurait accepté cette mission.
33) Bayeto Gbizié Dominique :
Gérant de la boutique « Abil Gal » à Treichville, l'intéressé conteste avoir participé à une seule réunion du mouvement subversif. Confronté avec Capri Djédjé, Dosso Kounadi, Sahié Georges, Gassaud Gaston, Gaoussou Soumahoro et Bohui Christophe, ceux-ci ont déclaré ne l'avoir jamais vu dans les réunions et ne pas le considérer comme membre de la conjuration.
34) Bédi Oboudou André :
Courant août 1963, il avait reçu à sa table Dakaud
Téa qui, au cours du dîner aurait déclaré que le
président Houphouët arrêtait à tort certaines
personnes.
35) Bley Gnoko Arsène :
Après avoir nié, il a fini par reconnaître sa participation au mouvement subversif. Il a accepté à la demande de Gassaud Gaston, de former un commando avec les jeunes gens de sa tribu N'Dri de Guibéroua résidant à Abidjan. Il a accepté cette mission parce qu'il devait obtenir, en cas de succès, un emploi dans l'administration. Gassaud Gaston déclare que la mission en question a été confiée à l'intéressé par Gris Camille et non par lui-même.
36) Bley Zézé Félix :
Zébri Blé Lambert a déclaré qu'il était acquis au mouvement. Il aurait reçu mission d'assurer la police aux 220 logements le jour du déclenchement de l'insurrection. L'intéressé s'en défend.
37) Bohui Christophe :
Il a reconnu dès le début de l'information sa participation
au mouvement subversif et n'avoir rien ignoré de ses buts. [PAGE 195]
38) Bougouyou Koukougnon Lambert :
Après avoir nié les faits, il a fini par
reconnaître avoir fait partie du complot et en avoir connu les
buts.
39) Boyé Kadjo François :
Capri Djédjé et Laigret Georges ont dit l'avoir vu à une réunion préparatoire chez Gris. Iro Jean-Baptiste et Dosso Kounadi ont déclaré ne pas le connaître. L'intéressé soutient s'être trouvé chez Gris Camille, en sa qualité de proche collaborateur de ce dernier, mais n'avoir jamais assisté à une réunion du mouvement, ce que confirme Gassaud.
40) Brissy Simon Pierre :
Après avoir nié les faits, il a reconnu avoir fait
partie du mouvement subversif en connaissant les buts. Il a avoué avoir
assisté à plusieurs réunions, au moins sept, tenues chez
Djessou Loubo, Mockey, Gris et Kacou Aoulou.
41) Brou Tanoh Marcel :
Niamien N'Guessan déclare qu'en décembre 1962 il aurait pris
livraison de deux caisses d'armes au domicile de Brou Tanoh Marcel pour les
acheminer chez Kacou Aliali, à Tabou.
42) Dagrou Ziékou Maurice :
Accusé d'avoir participé à deux
réunions, le 3 juillet 1963 chez Djessou Loubo et le 4 juillet chez la
mère de Mockey à Grand-Bassam, l'intéressé a
nié les faits.
43) Dacoury Tabley Joseph :
Après avoir nié, il a finalement reconnu qu'il était acquis au mouvement insurrectionnel. Aucune mission particulière ne semble lui avoir été confiée mais il a avoué avoir participé à la réunion subversive tenue par Gris Camille le 18 août 1963 à Doudoukou.
44) Dallaud Marcel :
Gassaud Gaston, Dosso Kounadi, Iro Jean-Baptiste, Zahui Kuyo Pierre ont dit
l'avoir rencontré au cours d'une ou deux réunions
préparatoires tenues chez Gris Camille et ont affirmé son
appartenance au mouvement subversif.
45) D'Alméida Léopold :
Il a été accusé d'avoir participé au mouvement
subversif et d'avoir, à ce titre, assisté à plusieurs
réunions tenues;
46) Dassé Djédié :
Djégnan Clément a déclaré qu'il l'avait chargé de la fabrication de flèches empoisonnées, destinées à armer les groupes d'action de Gagnoa. L'intéressé le dénie et prétend même avoir dénoncé aux autorités administratives certains propos tendancieux tenus à deux reprises par Djégnan Clément, ce que confirment les notables Yaya Sangaré et Kouakou Henri, membres de la sous-section du P.D.C.I. de Gagnoa. Il aurait même été battu par les partisans de Djégnan pour avoir fait de telles révélations. Le juge d'instruction a constaté que l'inculpé portait effectivement des marques de blessures aux genoux.
47) Sahoua Ama :
A nié sa participation au mouvement subversif mais a reconnu avoir
reçu chez elle à Treichville :
48) Digbeuoré Alexandre :
Djégnan Clément a déclaré l'avoir mis au
courant de l'existence du mouvement subversif et l'avoir chargé de
recruter des jeunes gens pour constituer des groupes d'intervention. Capri
Djédjé a dit l'avoir rencontré à la gare
routière d'Adjamé et lui avoir confié une mission
semblable.
49) El-Hadji Moussa Binaté :
Gaoussou Soumahoro soutient avoir entretenu El-Hadji Moussa de la
subversion et avoir obtenu de lui la promesse d'amener des jeunes recrues au
mouvement.
50) Ezoua Grégoire Aka Marcel :
Il déclare avoir été appelé chez Mockey pour assister à une réunion à laquelle participaient Kacou Aoulou et Gris Camille. Ayant compris qu'il s'agissait d'une réunion subversive, il aurait quitté la séance, ne désirant pas être mêlé au complot. Ces faits sont confirmés par Obré Rémy. Par ailleurs, aucun des conjurés ne l'a rencontré au cours des diverses réunions tenues dans le cadre de la subversion.
51) Veuve Anne-Marie Raggi :
Gris Camille et Mockey Jean-Baptiste l'ont accusée de faire partie
du mouvement subversif.
52) Gbazy Séry :
Totalement acquis au mouvement dont il n'ignorait pas les buts, il a
reconnu dès le début de l'information avoir :
53) Gnaly Koffi :
Selon Capri Djédjé, Laigret et Gassaud, il aurait
assisté chez Gris Camille à la réunion au cours de
laquelle il avait été procédé à la
distribution des rôles de chacun.
54) Gnoléba Dobault Jean :
Accusé d'avoir participé à cinq réunions du mouvement subversif, Gnoléba Dobault s'en défend. Confronté avec Gassaud, Djessou et Iro Jean-Baptiste, ceux-ci ont confirmé les dénégations de l'intéressé.
55) Godjoua Oro Joachim :
Gassaud déclare l'avoir cité comme membre du mouvement
subversif parce que Koukougnon Gigla le lui aurait indiqué comme
étant acquis à leur cause. Koukougnon Gigla a
réfuté ces déclarations.
56) Goli Jacques :
Djégnan Clément a déclaré qu'il l'avait mis au
courant du mouvement subversif et qu'il l'avait plus spécialement
chargé de recruter des jeunes qui devaient former des groupes de choc le
jour du déclenchement de l'insurrection.
57) Gosso Prégnon Lucien :
Djdégnan déclare l'avoir rencontré en juin 1963 chez
Yacouba Sylla et lui avoir proposé de se joindre à la conjuration
et de faire du recrutement. Gosso Prégnon aurait accepté.
58) Groga Bada Jules :
Sahié Georges, Gris Camille et Brissy Simon qui l'avaient cité comme ayant participé chez Djessou Loubo à des réunions subversives, se sont rétractés par la suite. Djessou Loubo qui est son neveu en même temps que son collaborateur, déclare ne l'avoir jamais mis au courant de la subversion. Enfin confrontés avec lui, Séry Koré et Capri Djédjé qui le connaissaient ont confirmé ne l'avoir jamais vu participer à des réunions et ne le considèrent pas comme membre du mouvement.
59) Guicho Lohoun Albert :
Gassaud Gaston a dit l'avoir vu à une réunion
préparatoire tenue chez Gris Camille, il avait accompagné
Laigret. Ce dernier entendu a déclaré au contraire n'avoir pas
rencontré Guicho à cette réunion. Iro Jean-Baptiste a
confirmé les dires de Laigret.
60) Ibéhi Kacou Evariste :
Iro Jean-Baptiste a dit l'avoir rencontré au cours d'une
réunion préparatoire chez Gris Camille. Il devait être
adjoint à Laigret pour diriger, le jour de l'insurrection, la marche
prévue sur le palais présidentiel.
61) Kiplé Rabet Prosper :
Djégnan Clément déclare l'avoir contacté
à Gagnoa et l'avoir chargé de recruter des jeunes pour le
mouvement.
62) Kodjo Koffi Séraphin :
Sous-préfet de Lakota, il reconnaît avoir reçu pour le
compte de Gris Camille quatre caisses d'armes en provenance de Dimbokro,
amenées chez lui à bord d'une « 403 » sur l'ordre de
Kouakou Anet.
63) Koné Sory :
Gaoussou Soumahoro déclare l'avoir contacté en sa
qualité de chef de Bobi, et lui avoir demandé de recruter des
jeunes qui seraient amenés à Abidjan, le jour du
déclenchement de l'insurrection. L'intéressé aurait
donné son accord.
64) Kouakou Aliali Marcel :
Il a nié sa participation au mouvement subversif, mais il a reconnu
avoir reçu en 1963, des main d'un Bété quatre caisses
amenées par une camionnette 1000 kg. Le transporteur lui a fait savoir
qu'elles contenaient des fusils et qu'elles lui étaient remises en
dépôt de la part de Gris Camille. Trois jours après, il
recevait la visite du chauffeur Niamien N'Guessan qui venait en prendre
livraison pour les transporter à Lakota, agissant précisait-il
sur l'ordre de Gris Camille.
65) Kouamé Gaillard Alphonse :
Djégnan Clément et Capri Djédjé qui l'avaient
accusé de faire [PAGE 202] partie de la subversion, se sont
rétractés par la suite, déclarant l'avoir
dénoncé par erreur.
66) Kouamé Kouassi :
Sous-préfet à Ouergahio, il reconnaît avoir
assisté, en cette qualité avec d'autres responsables
administratifs comme le docteur De Champbenoît et l'inspecteur primaire
Bamba à la réunion tenue par Gris Camille le 18 août 1963
à Doudoukou, mais il prétend que cette dernière n'avait
aucun caractère subversif. Il s'agissait simplement selon lui, de
régler un litige foncier existant entre Irigalé Prosper et
Dacoury Tabley Jean. Gris Camille a pris la parole en bété, mais
l'intéressé déclare ne pas comprendre cette langue.
67) Kouassi Alain :
Neveu de Gris Camille, il a reconnu dès le début de
l'information avoir fait partie du mouvement subversif.
68) Koukougnon Anatole :
Dakaud Téa déclare que courant 1963, ayant contacté
Koukougnon Anatole en vue de le rallier au mouvement, l'intéressé
lui aurait fait connaître qu'il en faisait déjà partie, et
qu'il avait même reçu l'assurance de Gris Camille d'obtenir la
gérance du bar-restaurant de Ladji Sidibé à N'Douci, en
cas de réussite du complot.
69) Krasso Joseph :
Iro Jean-Baptiste, Capri Djédjé, Bohui et Dosso Kounadi ont
affirmé son appartenance au complot et dit l'avoir vu à une ou
deux réunions préparatoires. Il aurait même
été chargé d'obtenir l'adhésion au mouvement des
membres de la tribu Paccolo, résidant à Abidjan. [PAGE 203]
70) Krikpé Michel :
Capri Djédjé a déclaré l'avoir
chargé de rallier au mouvement les jeunes d'Adjamé et dit qu'il
avait assisté à une réunion préparatoire chez Gris.
Bohul Christophe, Dosso Kounadi et Laigret Georges ont, quant à cette
dernière circonstance confirmé les dires de celui-ci. Gassaud
Gaston, Kuo Sahié Georges et Iro Jean-Baptiste ont au contraire
déclaré ne l'y avoir jamais vu.
71) Léby Douhouré Nestor :
Collaborateur direct de Baï Tagro à la sous-préfecture de Gagnoa, il aurait promis à Djégnan Clément, en juin 1963, de rallier au mouvement les jeunes de la tribu Paccolo à laquelle il appartient. L'intéressé s'en défend et déclare n'avoir jamais adhéré au complot.
72) Loulou Pierre :
Gassaud Gaston a déclaré qu'il avait lui-même recueilli
son adhésion, courant 1963, il l'aurait amené chez Gris Camille
qui l'aurait chargé de rallier au mouvement insurrectionnel les hommes
de sa tribu résidant à Koumassi. Dans le cadre de cette mission,
Loulou Pierre aurait pris contact avec Zohoré Benoît, qu'il aurait
même présenté à Gassaud.
73) Mabo Grah Georges :
Capri Djédjé et Gassaud Gaston ont déclaré l'avoir rencontré chez Djessou Loubo lors d'une réunion préparatoire. Iro Jean-Baptiste, Laigret Georges, Dosso Kounadi et Djessou Loubo encore que le connaissant personnellement, ont dit au contraire ne l'y avoir jamais vu. L'intéressé nie avoir adhéré au mouvement subversif et soutient que les accusations portées contre lui par Capri [PAGE 204] Djédjé sont dictées par la rancune, ce dernier ayant été condamné en 1958 par la Cour d'assises dont il faisait partie en qualité d'assesseur.
74) Namory Koné :
Gaoussou Soumahoro déclare ravoir contacté en juin 1963, afin
qu'il rallie à la subversion, les jeunes gens de Séguéla en
sa qualité de vice-président du comité R.D.A. des
originaires de Séguéla à Abidjan. Namory Koné
aurait donné son accord, tout en déclarant qu'il fallait agir
avec prudence et observer les autres ethnies d'Abidjan avant tout
engagement.
75) Mékondo Soumahoro :
Gaoussou Soumahoro déclare l'avoir contacté en juin 1963 et
lui avoir demandé d'être son adjoint à
Séguéla dans le cadre du mouvement subversif; Mékondo
aurait accepté cette mission.
76) N'Guessan Zékré Jules :
Iro Jean-Baptiste et Gassaud Gaston ont déclaré l'avoir vu
chez Gris Camille lors d'une réunion préparatoire en mai 1963 et
ils ont soutenu qu'il était acquis au mouvement. Il aurait même
fait partie de l'un des commandos de jeunes Bétés qui le jour de
l'insurrection devaient semer le trouble dans Abidjan.
77) Obré Rémy :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir
assisté à une réunion en juillet 1963 chez la mère
de Mockey à Bassam. S'étant rendu compte qu'il s'agissait d'un
mouvement subversif, il en serait parti à la suite du chef Aka
Marcel.
78) Ouraga Norbert :
Après avoir nié, il a fini par reconnaître faire partie
de la subversion et en avoir connu les buts. [PAGE 205]
79) Sakoi Zadi Bernard :
Après avoir nié, il a fini par reconnaître avoir
: 80) Kouamé Zadi Nicodème :
a toujours nié énergiquement sa participation au
mouvement subversif;
81) Séry Blé Gaston :
Contacté par Djégnan Clément, il aurait accepté de rallier au mouvement insurrectionnel les jeunes du village de Gohué (Gagnoa). Il s'est défendu et a dit avoir tout ignoré de ce mouvement.
82) Somolo Akpénan Paul :
Kouamé Bi Bohi l'a accusé de faire partie du mouvement subversif universitaire, et d'avoir à ce titre participé à la réunion qui se serait tenue près de la S.U.C.C.I. à Cocody le 26 mars 1964. Il aurait fait connaissance avec Somolo par l'intermédiaire de Diallo Mamadou. Somolo se défend d'avoir appartenu audit mouvement.
83) Kouamé Kouassi (Tolier) :
a toujours nié sa participation au mouvement subversif;
84) Tapé Etienne :
Il est accusé d'avoir révélé au sieur Ben
Hoané photographe à Treichville
qu'il faisait partie de la subversion. Il s'en défend.
85) Dakaud Téa André :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir appartenu au
mouvement subversif, et en avoir connu les objectifs.
86) Voli Bi Tra Gérard :
Il est accusé par Kouamé Bi Bohi d'avoir été le
président du « G.O.G. » (Groupement des observateurs gouros)
affilié au groupe subversif Anaki, et d'avoir à ce titre tenu une
réunion en son domicile le 5 février 1964. De surplus, c'est lui
qui l'aurait mis en relation avec Diallo Mamadou.
87) Vry Dogo Jean :
Djégnan Clément déclare qu'en juin 1963 à
Gagnoa, il aurait rencontré Vry Dogo à la sous-préfecture
et qu'après lui avoir exposé l'existence et l'organisation du
complot il aurait obtenu sa participation au mouvement. En juillet 1963, au
cours d'un autre entretien, l'intéressé lui aurait
confirmé « qu'il pouvait compter sur lui ».
88) Wahi Tito Félix :
Djégnan Clément son cousin déclare avoir obtenu son
accord en juin 1963 pour amener au mouvement subversif les jeunes gens du
village de Lokohio
89) Yassi Koudou François :
Gassaud Gaston a déclaré qu'il avait assisté
à une réunion préparatoire chez Gris Camille, au cours de
laquelle il avait été chargé de rassembler et de faire
participer à l'insurrection les originaires de Yopohua, résidant
à Abidjan. Ceux-ci devaient former une colonne qui participer-ait
à la marche sur le palais présidentiel. En contrepartie il lui
avait été promis de faire procéder au lotissement de
Yopohua.
90) Yoro Gnokouri :
Il a reconnu dès sa première comparution avoir
adhéré au complot dont il n'ignorait pas les buts.
91) Zagadou Ouraga :
Accusé d'avoir participé à des réunions tenues à Abidjan en compagnie de son fils Zézé Agou, l'intéressé s'en défend. Gassaud, Baï Tagro et Djégnan Clément qui le connaissent ont déclaré qu'il ne faisait pas partie de la subversion.
92) Zahui Kuyo Pierre :
Il a reconnu dès sa première comparution son appartenance au
complot dont il n'ignorait pas les buts.
93) Zébri Blé Lambert :
Il a reconnu dès le début de l'information avoir appartenu au [PAGE 209] mouvement subversif. Il devait être l'adjoint du colonel Beaudelaire dans le cadre de l'insurrection.
94) Zépé Koudou :
Dakaud Téa a déclaré qu'il l'avait chargé de fabriquer des flèches empoisonnées pour armer les groupes d'action Gagnoa et précisé que l'intéressé qui s'en défend, lui avait donné son accord. De son côté Djégnan Clément a au contraire déclaré n'avoir jamais appris que ledit Zépé Koudou faisait partie du complot.
95) Zougouri Djourou Pierre :
Djégnan Clément a déclaré qu'il avait
adhéré au mouvement subversif en connaissant les buts. Il avait
été chargé de rallier à celui-ci les jeunes
Bétés du quartier dioula de Gagnoa dont il était le chef,
ce qu'il avait accepté de faire.
96) Dédi Yao Bernard :
Kouakou Aliali a déclaré avoir reçu de
Dédi Yao Bernard, à Tabou, quatre caisses d'armes et de munitions
de la part de Gris Camille.
Attendu donc qu'il résulte de l'information des charges suffisantes contre :
1) Mockey Jean-Baptiste [PAGE 211]
1) D'avoir sur l'ensemble du territoire ivoirien courant 1958, 1959, 1960, 1961, 1962 et 1963, en tout cas depuis moins de dix ans, arrêté et concerté avec une ou plusieurs personnes la résolution :
a) de commettre un attentat ayant pour but de détruire de changer ou de renverser le gouvernement;
b) de tenter d'exciter à la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou habitants à s'armer les uns contre les autres ou à s'armer contre l'autorité du chef du pouvoir exécutif, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution n'a manqué son effet que par suite des circonstances indépendantes de la volonté de leurs auteurs, en l'espèce par la découverte du complot;
c) de tenter de donner volontairement la mort à Félix Houphouët-Boigny, président de la République de Côte-d'Ivoire, à plusieurs responsables politiques, ainsi qu'à certains membres du gouvernement, et ce, avec préméditation, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution n'a été suspendue ou n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de leurs auteurs, en l'espèce par la découverte de la conjuration.
2) D'avoir, courant 1963 (Mockey Jean-Baptiste, Konan Banny Jean, Gris Camille, Dosso Kounadi, Faulet Charles, Bohui Christophe) en tout cas depuis temps non prescrit, volontairement commis un homicide sur la personne du nommé Zézé Victor et ce, avec préméditation.
Faits prévus et punis par les articles 2, 59-60, 87-88-89, 91, 296-297-298, 302 du Code pénal.
Déclarons en conséquence que les préventions sont suffisamment établies contre les sus-nommés et attendu que ces faits sont de nature à être punis des peines afflictives et infamantes prévues par les articles 2, 59-60, 87-88-89, 91, 296-297-298 et 302 du Code pénal.
Vu l'article 17 de la loi no 63-2 du 11 janvier 1963;
Ordonnons que les pièces d'instruction et les états des pièces à conviction soient transmis à Monsieur le Commissaire du gouvernement pour être procédé ainsi que de droit.
Fait à Yamoussokro, le 7 décembre 1964,
Les juges d'instruction,
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