© Peuples Noirs Peuples Africains no. 38 (1984) 92-111



LIVRES LUS

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« L'ESCLAVE »
de Félix Couchoro réédité
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Guy Ossito MIDIOHOUAN

Il convient de saluer l'heureuse initiative de certaines maisons d'édition africaines installées en France qui, depuis quelque temps, inscrivent à leur programme la réédition des œuvres peu connues ou épuisées d'auteurs africains vivants ou morts, dont les débuts littéraires remontent à la période coloniale. C'est une manière de restituer au public africain des textes qui, initialement, ne lui étaient-pas destinés mais sur lesquels il lui revient légitimement d'exercer un droit de regard dans la mesure où ils engageaient la société africaine. En publiant en 1982 Ngando[2] de Paul Lomami Tchibamba primé en 1948 au premier concours littéraire de la Foire Coloniale de Bruxelles, Présence Africaine nous a offert l'occasion de lire enfin un texte très longtemps absent des bibliographies les plus sérieuses, tenu pour insignifiant par ceux qui en connaissaient l'existence sans l'avoir jamais lu, et dont le public découvre subitement l'originalité pendant que les spécialistes en établissent très savamment mais non moins verbeusement l'importance. [PAGE 93]

C'est dire le mérite des Editions Akpagnon qui, poursuivant la voie ouverte par Présence Africaine, viennent de publier avec le concours de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique (A.C.C.T.) le premier roman de Félix Couchoro, L'Esclave, paru il y a plus d'un demi siècle, en 1929[3].

Contrairement à Paul Lomami Tchibamba, Félix Couchoro (1900-1968) figure dans de nombreux ouvrages de littérature négro-africaine. Mais l'intérêt qu'on lui accorde ne dépasse guère quelques lignes. A part Alain Ricard qui a très tôt découvert en l'œuvre de cet écrivain ainsi que dans les spectacles des comédiens togolais du « Happy Star »[4] un filon qu'il tient à exploiter à fond[5] et de quelques autres thésards, les critiques eux-mêmes ne connaissent souvent Félix Couchoro qu'à travers des gloses douteuses. Cette situation s'explique par la précarité qui a caractérisé les conditions d'édition et de diffusion de l'œuvre et qui rend celle-ci matériellement difficile d'accès.

L'Esclave, le seul roman que Couchoro eût réussi à faire éditer à Paris, n'échappe pas à cette règle. Tout porte à croire que le tirage en fut très limité, et l'accueil plutôt froid de la critique colonialiste (puisque c'était d'elle que relevait la réception) devait avoir des conséquences fâcheuses sur sa fortune.

Je me demande encore ce qui pouvait bien expliquer cette froideur, le roman étant favorable à la colonisation, ce qui, après « L'Affaire Batouala », restait d'un grand prix, même si l'on avait eu auparavant le temps et le loisir d'utiliser copieusement Bakary Diallo contre René Maran. L'Esclave, sur le plan esthétique, dépasse pourtant de loin Force-Bonté... [PAGE 94]

A défaut de cette explication, contentons-nous de dire que L'Esclave n'eut pas de chance auprès du public européen pour lequel il fut écrit.

Au-delà du problème de l'héritage[6] et de la rivalité entre « vrai fils » et fils adoptif, ce roman visait un triple objectif :

– informer le public métropolitain des us et coutumes du monde africain (d'où son caractère ethnographique et ses inévitables longueurs);

– lui montrer que l'Africain, malgré « ses tares », n'en est pas moins homme (ce qui peut paraître curieux aujourd'hui mais qui à l'époque n'allait pas de soi);

– décrire l'émergence d'une Afrique rénovée par les jeunes, ouverte à la Civilisation et au Progrès, transformée par le christianisme.

On peut déplorer le manichéisme de L'Esclave qui est avant tout l'œuvre d'un moraliste chrétien[7]. Mais Félix Couchoro est, parmi les romanciers négro-africains de la période coloniale, celui qui a subi le plus profondément l'influence de l'action missionnaire et qui, malgré tout, reste bien enraciné dans la terre africaine (qu'il n'avait du reste jamais quittée) et témoigne d'une lucidité que David Ananou, romancier de la même veine, n'a pas réussi à égaler[8].

Il faut espérer que les Editions Akpagnon ne s'arrêteront pas en si bon chemin, car l'œuvre de Félix Couchoro ne comporte pas moins de vingt-deux romans : les quatre parus en volumes autonomes[9] sont aussi difficiles d'accès que les autres publiés en feuilleton dans Togo-Presse entre 1962 et 1970. On se prend à rêver du jour où nous [PAGE 95] verrons sur les rayons de nos bibliothèques la collection complète des œuvres de cet écrivain dont la carrière littéraire commencée en 1929 s'étend sur près de quarante ans et qui ne laissa tomber sa plume que lorsque la mort l'arrêta au quatrième chapitre de son vingt-troisième roman.

Guy Ossito MIDIOHOUAN

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Monique Lakroum,
« LE TRAVAIL INEGAL, PAYSANS ET SALARIES SENEGALAIS FACE
A LA CRISE DES ANNEES TRENTE »
L'Harmattan, Paris, 1982, 188 pages

Luftatchy N'ZEMBELE

S'appuyant sur le cas concret du Sénégal, Monique Lakroum, chargée de cours à l'Université de Paris VII, s'attache dans cette monographie (préfacée par C. Coquery Vidrovitch) – arrangement des conclusions d'une thèse de doctorat de 3e cycle en histoire sociale – à l'étude des mutations socio-économiques qui s'opèrent au sein des formations sociales africaines de l'entre-deux-guerres. Tout son travail, qui se focalise sur ce phénomène, entend montrer que les salariés, d'abord ruraux, ensuite, de plus en plus, urbains, constituent, et de loin, le groupe social le plus révélateur de ces mutations socio-économiques constitutives de « l'ordre colonial ». Et, pour ce faire, l'auteur s'évertue – à égale distance entre une théorie globale de la dépendance centrée sur l'inégalité de l'échange international Nord-Sud (S. Amin, A. Emmanuel, [PAGE 96] C. Palloix) et l'analyse des mécanismes internes de l'exploitation à travers les modes de production et les conditions de la reproduction sociale (C. Meillassoux, P.-P. Rey, C. Coquery Vidrovitch)– à débrouiller les fils de l'écheveau formé par les conditions locales de l'exploitation et de la réalisation marchande de valeurs sur le marché international. De là que deux méthodes se conjuguent dans cette approche : l'analyse de l'évolution des conditions, des législations et des pratiques du travail (ou analyse « micro-sociale ») et la forme générale qu'elles prennent au tournant de la « crise » des années 1930 d'une part et, de l'autre, l'étude quantitative globale (ou étude « macro-économique »). Convergence : examiner sous tous ses aspects la mise en place progressive et irréversible d'une force de travail définitivement insérée dans le système capitaliste mondial.

Piste d'accès privilégiée : l'analyse du travail. – Justement. Ce qui suppose, bien entendu, le passage au peigne fin de différentes formes de travail dans le contexte ici bien précis de l'économie de traite[10]. Et nous vaut d'abord le rappel – toujours passionnant ! – des « grands principes » et des « bons sentiments » tapageusement pavoisés par le discours colonial afin que nul ne soit tenu dans l'ignorance des efforts grandioses « qu'a fait la France pour enseigner à des races arriérées la valeur libératrice du travail qui les sauve de la misère »[11]. Ou encore, cette perle de belle taille : « Dans son pays, le Blanc a appris à ses dépens la rigoureuse nécessité du travail, du travail de tous les instants. L'indigène commence à voir ses [PAGE 97] besoins augmenter vertigineusement. Il ne sait pas qu'il est impossible que les salaires suivent toujours l'augmentation du coût de la vie. Il ignore que pareille situation existe pour le salarié français. Mais celui-ci possède un cerveau forgé par une longue hérédité, qui l'a armée moralement pour la lutte incessante pour la vie. Le Noir ne sait pas, parce qu'on ne lui a jamais appris, que dans une société bien ordonnée les salaires doivent toujours être proportionnés au rendement... »[12].

Et puisque « le Noir ne sait pas » (le pauvre malheureux !), et puisqu'il faut bien tout de même qu'il finisse un jour par « savoir », autant, tout de suite, lui en mettre plein les gencives : d'où l'institutionnalisation du travail forcé. Avec son cortège de déplacements de la population, de flux migratoires entre la campagne et la ville, de prestations en nature, des réquisitions de femmes (même enceintes) et d'enfants de moins de dix ans employés sur les chantiers, de camps de travail qui, en réalité, sont de véritables camps de la mort, d'impôts de capitation doublés d'une « taxe spéciale additionnelle » devant être versés en argent liquide (même par « les vagabonds de l'embauche » et les « hors-travail »), abandon forcé des cultures vivrières et recours obligé au marché pour se nourrir... Des structures sociales, des modes de vie, des valeurs, des identités culturelles ? Piétinés, écrasés, vidés d'eux-mêmes. Malgré les démentis et les grands discours endimanchés de l'Humanisme chrétien tenus par des sergents civilisateurs, l'économie de traite en revenait ainsi tout naturellement à la Traite négrière. Il est vrai qu'à y regarder de près, celle-ci n'a jamais été, pour l'essentiel, en contradiction avec sa conversion, sur le tard, en « mission civilisatrice »...

Mais les impératifs de l'intégration de l'« A.O.F. » à l'espace de la demande économique de la « métropole » se faisant de plus en plus pressants, compte tenu des restructurations économiques imposées par la « crise » des années 1930, compte tenu des impératifs de la productivité, il fallait bien se résoudre à infléchir l'organisation empirique qui avait jusqu'alors prévalu, dépoussiérer les [PAGE 98] réglementations de leurs relents esclavagistes (même s'il fallait, pour voir l'instauration du code du Travail dans les « Territoires d'Outre-Mer », attendre prudemment la veille même des « indépendances » : en 1953 !), atténuer les rigueurs du travail forcé, passer insensiblement de cet enfer au purgatoire du « travail public obligatoire » (sic), mettre fin au système prestataire, etc. Se trouvent dès lors jetées, à travers les conditions de rémunération et d'embauche, le salaire défini par un « contrat à forfait » indépendant et des conditions de production et du produit réalisé, les fondations d'un ordre social progressivement dominé par un salariat de fait. Il va sans dire que l'émergence, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, de ce « monde du travail aux contours encore flous mais, au sein duquel s'affirmait un noyau cohérent de travailleurs salariés se dégageant progressivement de la masse indifférenciée des paysans et des manœuvres » (p. 151), n'est pas sans retentir sur l'ensemble de la structure du corps social. Notamment sur l'ensemble des rapports sociaux.

Situation qui ira toujours en s'amplifiant avec le développement de l'économie de traite et l'extension du salariat. Avec l'inauguration des formes nouvelles de sociabilité urbaine, l'institution du règne exclusif de la marchandise comme seul critère des rapports sociaux. Se constitue donc ainsi « un monde du travail reposant sur le salariat et la redistribution d'une partie de la plus-value prélevée sur les communautés rurales. Ce groupe participait indirectement et, naturellement, inconsciemment à l'appropriation. ( ... ) C'est dans ce sens que l'on peut parler d'une bourgeoisie d'Etat en formation, à ceci près qu'elle se limitait aux rouages d'exécution et était écartée des centres de décision » (p. 178). Bien entendu « les structures anciennes ne furent pas forcément détruites mais, vidées de leurs fondements et détournées de leur fonction originelle, elles alimentèrent désormais la reproduction de l'exploitation. Les solidarités lignagères ne représentaient-elles pas la meilleure garantie contre les effets du chômage ? Le système d'entraide et de réciprocité ainsi que les liens personnels n'assuraient-ils pas l'entretien et l'utilisation de la main-d'œuvre extérieure au profit exclusif de la culture arachidière ? » (p. 177. Souligné par nous).

On le voit bien : que l'on examine la forme de salaire [PAGE 99] avec son incroyable distorsion entre valeur de la force de travail et sa rémunération, que l'on mesure le rapport entre les cours de l'arachide et les prix des biens importés, ou encore ses hausses de productivité nettement inférieures par rapport au secteur secondaire métropolitain, que l'on en vienne au « creuset urbain » avec ses mutations internes, ses salariés surexploités et assurant la reproduction des rapports de dépendance, tout, pour l'auteur, illustre assurément cette donnée incontournable de la traite arachidière : l'inégalité est un fait inscrit dans le procès de travail et non dans l'échange.

Si, comme on l'a bien souligné[13], « matériellement, l'histoire s'écrit avec des faits; formellement, avec une problématique et des concepts », on ne manquera sans doute pas de regretter que la problématique agitée ici ait si peu de soucis de la rigueur et de la vigilance épistémologique dans le maniement des concepts. C'est ainsi, par exemple, qu'on trouvera alignés de faux concepts, tels que « sous-développement » (dont l'ombre balaie tout le texte), « acculturation » (p. 164), ou encore l'adjectif « traditionnelle », dans l'expression « organisation traditionnelle du travail africain » (p. 143), à côté de notions pour le moins confuses, telle qu'« aliénation ». Dont on nous « explique » qu'elle fut d'abord « collective » avant d'être « individuelle » (p. 93). Surtout que ces « concepts » ou notions, utilisés ici dans des fausses évidences de leur « familiarité » empirique, ne sont ni rigoureusement définis ni même spécifiés ! Ce qui peut à bon droit amener le lecteur à se croire en présence d'une problématique théorique du « développement » avec son idée fixe du « sous-développement » conçu finalement comme un pré-capitalisme... Et qui, par là, nous ramènerait sans faute aux schémas archiconnus de l'évolutionnisme !

Mais cela n'empêche pas que cette monographie mérite une (bonne) place dans le débat sur le « sous-développement » et l'inégalité qui régente les rapports Nord-Sud. Et, plus particulièrement, les rapports de domination et de dépossession permanente qui arriment l'Afrique à l'Occident.

Luftatchy N'ZEMBELE

[PAGE 100]

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« LES INTELLECTUELS ET LE
POUVOIR EN AFRIQUE NOIRE »[14] de Paul N'Da

(Une analyse critique de David Nzitoukoulou)

Le livre de l'universitaire ivoirien Paul N'Da est une thèse de doctorat d'Etat ès-lettres et sciences humaines soutenue sous la direction du Pr Alain Touraine. L'auteur aborde tour à tour l'étude des « évolués » de la société coloniale, la révolte d'une partie de l'élite africaine contre l'ordre colonial, les aspects de la vie et de l'univers des écrivains et enseignants et enfin la participation des intellectuels aux pouvoirs en place et l'opposition de certains d'entre eux à ces mêmes pouvoirs.

En fermant cet ouvrage pourtant volumineux, le lecteur reste sur sa faim pour la bonne raison que Paul N'Da a éludé consciemment ou inconsciemment un certain nombre de problèmes fondamentaux relatifs à l'intelligentsia en général, celle de notre continent en particulier.

D'abord « il faut s'entendre sur le terme d'intellectuel, qui est le terme le plus relatif qui soit, la qualité d'intellectuel dépend du nombre de ceux qui ne le sont pas. Il est bien évident que, dans un pays sous-développé où il y a soixante-dix pour cent d'analphabètes, quelqu'un qui a suivi l'école primaire est un intellectuel. Mais, si ce pays est sujet à une révolution socialiste et procède à une alphabétisation massive, au développement d'un système [PAGE 101] éducatif secondaire et supérieur, la barrière du statut d'intellectuel va monter tout d'un coup bien plus haut, l'exemple cubain est là pour le démontrer. A Cuba, en 1958, un bachelier, c'était un intellectuel. Maintenant, un bachelier, c'est un employé, ce n'est plus un intellectuel. Le terme intellectuel est relatif au tout social. » (Régis Debray, Afrique-Asie, no 191, 9 juillet 1979, p. 69.)

En outre, pourquoi depuis toujours y a-t-il des intellectuels en proie aux affres de l'exil ou au sadisme des tortionnaires coloniaux et néocoloniaux tandis que d'autres sont des enfants chéris voire des éminences grises des tenants du pouvoir colonial ou néocolonial sur le continent africain ?

Telle est la question cruciale pourtant d'actualité dont on ne trouve nulle part la trace dans la thèse qui fait l'objet de cette analyse : « L'intellectuel n'existe pas. Il y a des intellectuels, populaires ou bourgeois ou plus simplement des travailleurs intellectuels » (R. Debray op. cit.). En effet, abordant le problème du rôle politique des intellectuels, il convient de souligner qu'« il y a des intellectuels qui luttent, et puis des intellectuels achetés » (R.D., op. cit.). L'intellectuel, c'est un producteur d'actes. Contrairement à ce qu'on croit, c'est un homme d'action parce que c'est un organisateur. Par exemple, c'est lui qui a organisé le mouvement nationaliste africain. N'Krumah, Fanon, Kenyatta, Majhamout Diop, Nyerere, Neto, Mandela, pour ne citer que ceux-là sont de grands intellectuels. L'intellectuel forme des partis et des armées, et ce sont N'Krumah, Fanon ou Nyerere. En Afrique, si on laisse plus ou moins de côté l'intelligentsia technicienne, scientifique, bureaucratique, c'est-à-dire la « technostructure intellectuelle » propre aux pays développés, on retrouve cette sorte de fraîcheur originelle de l'activité intellectuelle. Je pense à quelqu'un comme Paulin Hountondji.

D'autre part, ce sont les romanciers qui en Afrique, structurent l'imaginaire collectif et qui servent même de modèle d'identification. Ils occupent le rôle des grands maîtres en sciences sociales en Europe. Les Levi-Strauss ou Foucault ce sont les Beti, Dogbé, Adiaffi ou Dakeyo, qui sont des romanciers, des poètes. Ce phénomène est propre à des cultures naissantes donc beaucoup plus vitales, beaucoup plus enracinées dans le mythique que [PAGE 102] dans la logique, plus enracinées dans les traditions populaires, moins élitaires, l'intelligentsia est alors partie intégrante de l'aventure collective d'un peuple; ce n'est pas pour rien que, en Afrique, la plupart des grands intellectuels sont poètes ou romanciers plus que théoriciens ou essayistes. L'image du chercheur, de l'ingénieur, du scientifique est beaucoup moins prégnante que l'image du poète inspiré, propre aux cultures orales. Ça, c'est la différence la plus évidente, et qui montre cette politisation immédiate de la création artistique qui est à la fois politisation de contenu et des auteurs. Politisation qui ne provient pas d'un apprentissage ou d'un mimétisme mais qui est une donnée de fait en amont même de leur existence. Ces écrivains n'ont pas le choix : ils ne peuvent créer sans prendre part à la lutte de leurs peuples pour survivre, pour échapper à la dictature ou à la destruction culturelle. Dans la défense de l'identité nationale, ils sont au premier rang.

En outre, Paul N'Da ne dit aucun mot sur la diversité des courants de pensée dont se réclament les élites africaines. Même dans le chapitre qui traite des étudiants, l'auteur ne fait aucune mention de la F.E.A.N.F. (Fédération des étudiants d'Afrique noire en France) dont on n'oubliera jamais qu'elle fut à l'avant-garde de la lutte des masses africaines contre le joug colonial, servant de charnière entre celles-ci et le mouvement révolutionnaire mondial, car il convient de souligner que l'une des caractéristiques de l'Afrique durant la période coloniale fut son isolement par rapport au mouvement ouvrier international. Au moment où sur notre continent le mécontentement des masses populaires caporalisées Par les régimes néocoloniaux se traduit par un certain réveil du mouvement étudiant comme l'indiquent les derniers événements du Mali (1981), du Gabon et de Côte-d'Ivoire (1982), du Niger (1983), il est grand temps de rechercher les causes de la scission « historique » au sein de l'intelligentsia africaine entre collaborateurs des pouvoirs coloniaux et néocoloniaux d'une part et opposants résolus à ces mêmes pouvoirs d'autre part. Pourtant une analyse tant soit peu approfondie de l'histoire du mouvement étudiant africain, celle de la F.E.A.N.F. notamment, aurait permis à l'auteur de cerner ce phénomène socio-politique important. D'orientation radicale la F.E.A.N.F. [PAGE 103] est de très loin la première organisation révolutionnaire de masse d'Afrique noire. En rupture tant avec les formations réformistes métropolitaines telles que le P.C.F. et la S.F.I.O., qu'avec les partis électoralistes coloniaux, notamment le R.D.A. après 1951, la F.E.A.N.F. qui, dès sa fondation, en 1950 adopta le point de vue des masses ouvrières et paysannes du continent, a démontré la possibilité pour les éléments radicaux du nationalisme africain de rompre avec l'idéologie de la bourgeoisie, condition sine qua non pour assumer les tâches d'une direction véritablement révolutionnaire continentalement organisée.

David NZITOUKOULOU

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« LES BANDITS DE L'ATLAS »[15]
de Azzedine Bounemeur

(Une analyse critique de David Nzitoukoulou)

Le récit de Azzedine Bounemeur se déroule dans l'Algérie des années 1950. La famille paysanne d'Hassan subit mille désagréments de la part du caïd, mais cette douloureuse situation n'est pas isolée car, aux alentours, ces populations de pasteurs et d'agriculteurs sont soumises au paiement de la dîme, entre autres tracasseries périodiques. Les exactions du caïd et de ses sbires ont donc emmené le père de famille Hassan avec d'autres fellahs sur le chemin tout indiqué de la révolte au moment où l'Atlas algérien est déjà le théâtre d'une insurrection contre l'Administration coloniale française. Les rebelles qui sont d'abord traités de « bandits » par les autorités en place ne cessent d'entraîner avec eux un nombre croissant d'insurgés venant aussi bien des villages que des [PAGE 104] villes. Ainsi la rupture entre l'Administration coloniale et les indigènes est-elle consommée.

L'intérêt capital de ce roman algérien réside en ce que l'auteur nous apprend des choses que l'on croyait connaître. A l'origine de la rébellion de 1954-1962, il y eut aussi les exactions commises par les caïds. Bounemeur ne disculpe en rien l'Administration française en Algérie, mais plutôt il démontre que le joug colonial est une lutte des classes entre pieds-noirs et caïds d'une part et les masses indigènes d'autre part. Ainsi un éclairage nouveau est fait sur une époque capitale de l'histoire de l'Algérie contemporaine. Ce qu'aucun historien ou sociologue de la guerre d'Algérie n'a encore analysé vient d'être exposé clans un roman patriotique où le quotidien s'entremêle au politique pour finir par former un tout indissociable. Il va sans dire que les populations indigènes en Algérie ou ailleurs dans le monde colonisé n'ont jamais constitué un bloc homogène face au colonialisme. Si cet ouvrage est un roman à thèse, c'est bien sûr pour lever le voile sur tous les protagonistes du conflit algérien. A notre humble avis, le narrateur l'expose d'ailleurs de façon crue, les démêlés entre Hassan et les fellahs d'une part et les caïds locaux d'autre part ont été décisifs pour le déclenchement du mécanisme de la révolte chez ceux qui ont pris les armes contre l'Administration coloniale. En d'autres termes, caïds et pieds-noirs sont la cible des fellahs insurgés, le conflit colonial ne se réduit donc plus à un antagonisme racial, confessionnel ou national, mais prend une dimension plus profonde. Certes il serait trop osé d'affirmer que tel était déjà l'avis des modestes fellahs révoltés par les abus de ceux de leurs coreligionnaires ayant pactisé avec les « roumis » (désignation des chrétiens en Afrique du Nord) pour les opprimer, le lecteur critique ne peut que regretter le fait que le narrateur n'ait pas mis une lumière accrue sur les comportements des insurgés paysans et ceux des Algériens venus des villes. Certes pour aborder cet aspect du problème il aurait fallu beaucoup d'audace et de rigueur au romancier qui pourtant dans son récit montre bien que le fellah Hassan n'a fait que rejoindre une rébellion dont l'initiative revient aux « gens de la ville » qui ont pris le maquis, ce qui soulève bien des problèmes. Mais l'optique du narrateur est si limitée qu'il se contente [PAGE 105] seulement d'établir la responsabilité des caïds clans la révolte des fellahs contre le colonialisme français.

L'issue que devrait connaître le combat des fellahs nous oblige de faire une critique acerbe d'un ouvrage qui ne manque pas de mérites comme nous venons de le souligner plus haut car objectivement le narrateur s'est arrêté à mi-chemin pour n'avoir pas osé lever le projecteur sur ceux qui ont remplacé les caïds et les pieds-noirs. Pour la petite histoire, il convient de rappeler que le déclenchement de la lutte armée en Algérie le 1er novembre 1954 n'est pas un événement isolé de l'histoire de cet ancien « département » français d'outre-mer. Il est indispensable pour la compréhension de l'œuvre de remonter un peu plus loin dans l'histoire de l'Algérie après la Seconde Guerre mondiale pour cerner les racines du conflit qui mit ce pays à feu et à sang huit ans durant. Il y eut d'abord Sétif. Le 8 mai 1945 des dizaines de milliers d'Algériens sont massacrés à Sétif et à Guelma. Cette violence crée un abîme entre les Algériens et la France, accélère un processus irréversible. Le P.P.A.[16] (Parti du peuple algérien) dissous, donne naissance au Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (M.T.L.D.) à base populaire, qui tente d'établir un front commun avec l'Union démocratique du manifeste algérien (U.D.M.A.), parti dominé par Ferhat Abbas et la petite bourgeoisie. Bientôt partagé en loyalistes et partisans de la lutte année, le M.T.L.D. se scinde lors de son congrès clandestin de 1954. Les partisans de l'action directe et immédiate (ce sont les « chefs historiques » : Aït Ahmend, Ben Bella, Rabat Bitat, Boudiaf, Ben Boulaïd, Didouche, Khider, Krim Belkacem, Ben M'hidi) quittent Messali Hadj pour fonder le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (C.R.U.A.), prélude à la création du Front de libération nationale (F.L.N.) que rejoindront en masse les militants des anciens partis[17] et le peuple. Le F.L.N. est-il ce « Parti-nation » dont [PAGE 106] on s'est plu à parler, jusqu'aux accords d'Evian du 18 mars 1962 ? Le fait est que l'hégémonie actuelle de la petite bourgeoisie sur le nationalisme algérien, la progression arithmétique du prolétariat algérien qui de classe sociale encore embryonnaire hier, est devenu un groupe social aujourd'hui suffisamment nombreux et laborieux, sont autant de données qui nous permettent de répondre par la négative à cette question fondamentale de la lutte de libération en Algérie et que le romancier Azzedine Bounemeur aurait pu aborder dans son œuvre, sinon de manière allégorique, à supposer qu'il ait eu tant soit peu l'ambition de faire un roman plus politique que sociologique et tenter de se dégager de l'ethnocentrisme coutumier des écrits (romans, récrits, nouvelles, témoignages, mémoires) sur la guerre d'Algérie.

David NZITOUKOULOU

[PAGE 107]

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Hilla-Laobé Améla: « ODES LYRIQUES »
(Préface de Bernard Mouralis)
Editions Akpagnon, 1983, 111 pages

Guy Ossito MIDIOHOUAN

Ce premier recueil du Togolais Hilla-Laobé Améla rassemble des poèmes dont les plus anciens remontent aux années soixante, c'est-à-dire à l'époque où l'auteur (né en 1947) faisait ses études secondaires puis universitaires en Afrique. On ignorait alors dans presque toutes les institutions africaines d'enseignement l'existence d'une littérature négro-africaine. Il semble pourtant, à en juger par certains thèmes (fidélité à la terre natale, quête de l'identité et de l'équilibre primordial) et par le caractère cérémonieux ou pompeusement cultuel de certains poèmes (voir « Le viatique». p. 71), que l'auteur a eu, par la suite, l'occasion de lire Senghor et, peut-être, d'autres poètes africains dits « de la négritude », tel que David Diop qu'évoquent irrésistiblement les deux vers suivants:

    « Voici levé haut notre étendard de gloire
    Le signe de la victoire inéluctable » (p. 90).

On peut être tenté aussi de rapprocher Odes lyriques de la veine du lyrisme personnel, qui est l'une des tendances de la poésie négro-africaine d'après les indépendances, en raison de la primauté du sujet : « la voix qui parle ici parle d'abord pour elle-même et d'elle-même beaucoup plus que du monde extérieur », souligne Bernard Mouralis dans sa préface. Il reste pourtant que Hilla [PAGE 108] Laobé Améla nous propose une poésie aux accents inouïs qui conserve, par rapport à ce que nous connaissons déjà, un caractère de marginalité qu'il convient de faire ressortir.

Nous constatons d'abord que nous avons affaire à un Nègre gréco-latin : le titre du recueil et ses subdivisions (« Chants d'Amour-Pyrrhiques – Antiennes et Motets »), la prédilection pour certains mots (labarum, albâtre, amphore, ambroisie, tiare, adamantine, coryphée, bacchanales, opime, hoplite, nicéphore, néoptolème ... ), mais aussi pour certains noms (Alexandre, Sapho, Thétis, Dionysos, Thèbes, Hermès, Armaguédon, Pyrrhus ... ) illustrent la solide – je dis bien solide – formation classique qui constitue l'une des dimensions agaçante peut-être, mais essentielle, de son inspiration.

Ce Nègre gréco-latin est aussi, comme le remarque très justement Bernard Mouralis, un Nègre savant, nourri de Sapho mais aussi de Pindare, de Baudelaire, de Verlaine, de Claudel, de Saint-John Perse, de Germain Nouveau, de Montherlant... qui, à la faveur d'une remarquable innutrition, restent malgré tout en deçà d'une parole qu'on est bien obligé de reconnaître comme personnelle et non dépourvue d'originalité :

    « Tous vos visages sont des miroirs déformants
    Je voudrais m'y mirer tour à tour
    Tous vos visages sont des amphores débordantes
    Que je m'y abreuve jusqu'à l'ivresse

    Oh ! il y a encore des navires qui tanguent dans les ports
    Il y a encore des îles où pendent des fruits d'or
    Et je rêve !
    Laissez-moi mes rêves pour encore un instant de bonheur »
    (« Tous vos visages », p. 39).

Ou encore :

    « Et tu saignes
    Et je te soigne
    Et tu gémis
    N'aie pas peur
    Tout coulera doux [PAGE 109]
    Je te scarifie
    Je te broie
    Je te ploie
    Et tu cries
    Et je crie
    Je t'abats
    Et tu te débats

    O douceur de nos vieillesses prochaines,
        arrivez sans peur
    Je ne demande ni or ni argent, ni même
        éternité.
    Que viennent la pauvreté et la mort
        pourvu que ce soit dans mon orgueil
    Et dans l'amour des filles belles » (p. 45).

Enfin, bien qu'il se présente lui-même comme « un montagnard à la démarche lourde et païenne », épris de chair fraîche et suintante, « Rocher enfoncé entre les cuisses de la mer », « Sexe debout fier comme l'Etalon du Troupeau », « Racine majeure du palétuvier » enfonçant les « Douceurs molles de la glaise », ce poète est aussi un Nègre chrétien, craignant Dieu, louant et priant Jésus-Christ, connaissant parfaitement La Bible, l'une de ses références favorites.

Comme on le voit, au-delà des contradictions notoires de cette parole émouvante par sa sincérité, tout se tient d'une certaine manière : ces différents aspects du recueil que nous venons de dégager ne sont que la marque de la personnalité tourmentée d'un ancien séminariste à la sexualité problématique, aujourd'hui professeur de littérature française, dont la poésie met l'éclectisme au service de la transgression et qui n'aspire, selon le mot de Césaire, qu'à « franchir le porche des perditions ».

Odes lyriques s'ouvre sur une érection colossale :

    « Me voici de nouveau dague hors du fourreau droit et vertical
    Lionceau sorti rectiligne des reins du lion
    Sélecteur infaillible des troupeaux.
    Etalon inaltéré, régénérateur des races.
    O Femme, tu ne m'appelleras pas deux fois
    Je suis à toi, au premier appel » (p. 51). [PAGE 110]

et se termine dans la déréliction et l'espérance de la mort :

    « Je n'aurai de cesse que je ne t'aie revue
    Terre ma chair
    Tu es ma peau
    Collée à ma peau
    Me voici de nouveau

    Terre mère
    Un jour je te reviendrai
    De retour
    De nouveau
    Terre mère

    Un jour je reviendrai
    A la terre le redeviendrai Terre
    De nouveau » (« Terre bien-aimée », p. 108).

Mais le recueil ne suit pas une progression linéaire de l'amour à la mort. Ainsi dans les « chants d'Amour » palpitants de jouissance sauvage, délibérément provocants, nous lisons :

« Boirons-nous la coupe jusqu'à la lie, O mon âme
Je suis las et je m'affaisse alors que tout
   s'agite encore
Combattez toujours vous dont l'espoir n'est
   pas vain
Moi je pose ma sarisse et mon bouclier,
   doucement que vienne la mort » (p. 38),

et il est significatif que le dernier poème où nous voyons le poète invoquer la mort s'intitule « Terre bien-aimée ». Cette imbrication permanente de l'amour et de la mort dans leurs dimensions tant physique que psychologique constitue une constante qui donne au recueil sa cohérence.

On peut aussi affirmer, bien que le poète semble brouiller les pistes, que les « Chants d'Amour », empreints de narcissisme et délicieusement exaspérants, sont comme un dérivatif à la tristesse et à l'angoisse d'une vie faite [PAGE 111] de déception, d'amertume et même de désespoir, qui apparaît comme le thème majeur des « Pyrrhiques » ainsi que des « Antiennes et Motets » :

    « Ah ! redonnez-moi mon vieux bouclier contre
        l'amertume et le désespoir » (p. 64).

    « O Dieu choisis d'entre les enfants de
       ton peuple des enfants inspirés, témoins
       de la souffrance de ton peuple
    Des poètes.
    Qui dira la souffrance affreuse de ton peuple
    Qui comptera les gouttes de sang versé ?
    Qui pleurera nos pleurs ? » (p. 102).

    « Pétri par les doigts de la mort
    Abandonné au gré du sort
    Je marche, fermé, en silence
    Rien au cœur sinon l'espérance.

    Mon cœur saigne comme un fruit mûr
    En quête d'un asile sûr... » (p. 103).

D'ailleurs l'ivresse de la chair n'est qu'un faux remède à la solitude du poète et cache mal sa frustration.

    « ... Excusez, ami cette fureur
    Mon ciel était si bas, si lourd était mon cœur
    Tellement fraîche était sa chair pour un carnage... » (p. 41).

Si ce premier recueil de Hilla-Laobé Améla révèle la difficulté d'être d'un poète en quête d'équilibre et d'Absolu, il témoigne aussi d'une difficulté de dire (« venez écouter mes hoquets étouffés ») qui donne au langage son caractère allusif, souvent allégorique jusqu'à l'hermétisme parfois – hermétisme qui répond à une nécessité extérieure, autant dire qui résulte de la mise en œuvre d'une savante technique de camouflage. C'est en cela que ces Odes lyriques sont l'œuvre d'un poète qui est aussi « l'enfant de (son) pays ».

Guy Ossito MIDIOHOUAN


[1] Félix Couchoro, L'Esclave (Introduction d'Yves-Emmanuel Dogbé), Editions Akpagnon/A.C.C.T., 1983, 301 p.

[2] Lomami Tchibamba, Ngando et autres récits, Paris, Présence Africaine, 1982. 219 p.

[3] Paris, La Dépêche Africaine, 1929, 304 p.

[4] Troupe de théâtre populaire.

[5] Cf. Alain Ricard, Texte moyen et texte vulgaire : essai sur l'écriture en situation de diglossie; l'écrivain public Félix Couchoro et les comédiens ambulants du Happy star Concert, Lomé, Togo, 1962-1977. Thèse pour l'obtention du doctorat ès-lettres et sciences humaines présentée à l'Université de Gascogne, Bordeaux III, sous la direction de R. Escarpit, 1981, 2 tomes, 852 p. Voir aussi du même auteur, « Du romancier au feuilletoniste les limites de l'écriture de Félix Couchoro », in Recherche, Pédagogie et Culture, avril-juin 1982, pp. 47-56.

[6] Problème qui fera plus tard l'objet d'un autre roman de Couchoro, L'héritage, cette peste, Lomé, Editogo, 1963, 160 p.

[7] On peut noter que de par son caractère moralisateur le roman s'adressait aussi à ceux qu'on désignait à l'époque comme « l'élite ». D'où l'ambiguïté du profil du lecteur qui s'en dégage, entraînant des dissonances au niveau de la narration pour le lecteur africain comme pour le lecteur européen.

[8] Cf. David Ananou, Le fils du fétiche, Paris, Nouvelles Editions Latines, 1955, 207 p.

[9] A L'Esclave (1929) et L'héritage, cette peste (1963) que nous avons déjà cités, il faut ajouter : Amour de Féticheuse et Drame d'amour à Anécho publiés par l'Imprimerie de Mme P. d'Almeida à Ouidah, respectivement en 1941 et 1950.

[10] Rappelons que l'économie de traite dans laquelle la production est le fait des producteurs africains sous le joug des compagnies commerciales européennes et à la merci d'une armée de petits intermédiaires (Grecs, Portugais, Syro-Libanais, Indo-Pakistanais, pour la plupart), et dont les produits – notamment la culture de l'arachide –, drainés vers des ports, sont exportés à l'état brut vers la « métropole », a eu ses années de gloire et de splendeur en « Afrique occidentale française » (« A.O.F. »). Et point n'est besoin de préciser que ses structures ainsi que leurs effets sont toujours bien là intacts, ou peu s'en faut ! Il suffit seulement de voir la situation imposée à l'heure actuelle aux paysans de la région du fleuve Sénégal. CL Aboubacry Moussa Lam, « Etre paysan aujourd'hui dans la région du fleuve Sénégal », Le Monde diplomatique, mars 1983.

[11] G. Peter, L'Effort français au Sénégal, Paris, 1933, p. 330, cité par M. Lakroum, op. cit., p. 19.

[12] L.-G. Thébault, Délégué au Conseil supérieur des Colonies, « Pourquoi je vais en A.O.F. », Annales coloniales, no 127, 28 octobre 1924, cité par M. Lakroum, op. cit., p. 17.

[13] P. Veyne, L'Inventaire des différences (leçon inaugurale au Collège de France), Seuil, Paris, 1976, p. 9.

[14] Edité par l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, Paris. 1982. 854 p.

[15] Ed. Gallimard, Paris, 188 p.

[16] Fondé en 1937 à Alger le P.P.A. est le prolongement d'une formation nationaliste antérieure, l'Etoile nord-africaine, créée à Paris en 1926 par Messali Hadj et dissoute en 1937 par le gouvernernent Blum.

[17] Les militants du P.C.A. (Parti communiste algérien) ont apporté leur contribution à la lutte de libération tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du F.L.N.