© Peuples Noirs Peuples Africains no. 35 (1983) 156-158



COMMUNIQUE DU F.P.O.-P.T.
DU Pr ABEL GOUMBA

F.P.O.-P.T. Section Europe

La libération à Bangui le 1er septembre 1983 du Professeur Abel Goumba ne signifie pas que tous les nuages sont dissipés pour autant entre le F.P.O.-P.T. et le Comité Militaire de Redressement National. Bien que cette mesure constitue un acte positif en soi, un optimisme béat n'est pas de mise en ce moment parmi les patriotes africains... Car les raisons profondes qui ont motivé l'arrestation et la détention arbitraires du leader du F.P.O.-P.T. n'ont pas encore varié du point de vue de la junte militaire et du système des intérêts néo-coloniaux qu'elle est censée protéger. Ce sont les mêmes raisons que celles qui naguère avaient conduit les autorités centrafricaines et leur mentor à l'incarcérer, à le déporter à l'intérieur du pays puis à le maintenir en exil selon un scénario tragique qui mérite d'être rappelé.

En effet, après la mort de B. Boganda survenue en 1959 dans un mystérieux accident d'avion, Abel Goumba assumait par intérim la présidence de la République Centrafricaine, quand éclata une cabale liguant contre lui les milieux les plus rétrogrades du pays, tels que certains milieux cléricaux catholiques, la Chambre de Commerce de Bangui, les autorités colonisatrices. Pour tout ce monde, les raisons du complot-Goumba étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Abel Goumba demeure le « dangereux communiste » à abattre. Il fut alors évincé au profit de David Dacko. Celui-ci, pressé d'en finir, le fit bientôt arrêter, placer pendant deux ans en internement administratif sévère, puis traduire en justice et condamner [PAGE 157] à un an de prison pour cause « d'intelligence avec une puissance étrangère », après quoi, ce fut le long et interminable exil. « Intelligence avec une puissance étrangère ! » Eh oui, déjà ! Au cours de cet exil, c'est en vain qu'en 1977 après son agrégation en médecine il sollicita de retourner au pays comme enseignant à la Faculté de Médecine de Bangui. La réponse du sanguinaire Bokassa fut un non catégorique.

Vingt ans plus tard, les mêmes raisons produisent les mêmes effets : ainsi le 19 novembre 1981, alors qu'il rentrait d'un bref séjour en France, il fut arrêté et détenu illégalement pendant plus de vingt-quatre heures au Nigeria. Cause : ses relations politiques avec la Libye et l'Union soviétique ! « Je suis isolé, écrivait-il, dans une cellule aux fenêtres croulantes, aux murs portant les traces du sang des moustiques écrasés... Bref, j'ai dû me résoudre à passer la nuit sur une chaise, chassant les moustiques jusqu'au matin. » Faut-il rappeler que l'attentat du 14 juillet au Cinéma le Club à Bangui avait déjà été cette même année l'occasion de la dissolution arbitraire du F.P.O.-P.T. par David Dacko, tandis que les autres partis politiques d'opposition n'étaient que suspendus, alors que contrairement au F.P.O.-P.T., ils n'avaient même pas condamné cet attentat criminel ? Au même moment, un mandat international d'arrêt fut lancé contre le Professeur Abel Goumba : « il s'agissait », déclarait benoîtement David Dacko à l'A.F.P., « de bâillonner l'opposition politique la plus véhémente ! ».

Après David Dacko, la créature de Barracuda ! les mêmes raisons allaient encore déterminer Kolingba à faire condamner le 21 avril 1983 Abel Goumba – qui était emprisonné depuis août 1982 – pour la raison devenue quasi fatale : « Intelligence avec une puissance étrangère. » Tout s'explique.

Le Professeur Goumba est un rescapé de l'ancienne génération de nationalistes africains de la trempe de Barthélemy Boganda, Patrice Lumumba, Kwame N'Krumah, Pierre Mulélé, Félix Moumié, Ruben Um Nyobé, Ernest Ouandié, le Commandant Atta, Docteur Mondlane et autres encore...

Ils sont presque tous tombés sous les balles de l'impérialisme. N'ayant pas réussi à détruire moralement ni politiquement le leader du F.P.O.-P.T., le néocolonialisme [PAGE 158] n'hésitera pas à le liquider physiquement dans un souci de normaliser la situation dans cette région ô combien stratégique pour les puissances occidentales; cela fait partie de l'arsenal des méthodes dont il a usé et abusé en Afrique centrale plus que partout ailleurs sur le continent. La liste ci-dessus des leaders d'Afrique centrale ainsi tombés en dit long.

C'est pour cette raison que le F.P.O.-P.T REND PERSONNELLEMENT RESPONSABLES KOLINGBA ET LE C.M.R.N. de la sécurité physique et intellectuelle du grand nationaliste africain Abel Goumba. Il en appelle à témoin la conscience internationale et la vigilance de tous les patriotes et progressistes africains engagés, comme notre leader historique, dans la guerre sacrée de libération de la Patrie africaine.

Bruxelles, le 12 septembre 1983

F.P.O.-P.T. Section Europe