© Peuples Noirs Peuples Africains no. 35 (1983) 103-119



LIVRES LUS

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NGAYAP : « LE CAMEROUN COMME HERITAGE ET COMME FICTION »

Luftatchy N'ZEMBELE

Circonscrire les « frontières de la Classe dirigeante camerounaise », en faire un parcours vertical par catégories, tenter de faire le tour de chaque catégorie dans ce qu'elle semble avoir de sociologiquement propre : critères de recrutement, profils de carrière, changements de position de pouvoir ou de catégories, modes d'élargissement de la surface politique, stabilités fonctionnelles, hiérarchies des influences. C'est à l'intérieur de ce canevas que Ngayap[1] entend inscrire son schéma descriptif des rouages et des mécanismes institutionnels de l'administration Ahidjo. Pour la période allant de 1958 à 1982. Aussi, s'attache-t-il, dans cette perspective, à nous décrire tour à tour :

– le personnel gouvernemental;

– les hauts fonctionnaires des administrations centrales (présidence de la République, ministères);

– les Grands Corps (les ambassadeurs, la préfectorale, la gouvernoriale, la haute magistrature, les dirigeants de la police, de l'armée et de la gendarmerie, la haute [Ngayap dixit] intelligentsia);

– la sphère dirigeante extra-administrative (les parlementaires, les apparatchiks de l'U.N.C. – « Union Nationale [PAGE 104] Camerounaise » : le parti unique –, les dirigeants du secteur économique public ou parapublic et les hommes d'affaires).

Et c'est donc bien cette nomenklatura, mise sur pied en vingt-quatre ans de pouvoir sans partage, que Ngayap appelle pour sa part « héritage » d'Ahidjo à Biya. D'où le sous-titre du livre. Il est vrai que le Cameroun, comme n'importe quel autre pays d'Afrique pris au hasard, est effectivement une propriété privée, un véritable bien de famille (étendue). Quoi de plus « normal » alors que de nous parler ici, à l'occasion d'un changement d'administration, en termes d'« héritage » ! « Héritage » dont « l'enjeu » se joue dans sa capacité à survivre en l'état. Tel quel. Pour le Mieux-Etre, la Prospérité et le Bonheur de la Nation Camerounaise dans l'Unité, la Paix et la Stabilité... chèrement (et comment !) retrouvées... Et appelées, bien sûr, à se perpétuer sous les yeux bienveillants de l'ex métropole et du capitalisme international. Dans les siècles des siècles...

Bien entendu, ces précisions, l'auteur nous les donne involontairement dans son propre langage. Un langage dont le moins qu'on puisse dire est qu'il ressemble étrangement à cette langue non pas de bois mais de vent que la « haute intelligentsia » emprunte parfois – de ce côté de la Méditerranée – aux dirigeants des « protonations ». Un langage dont le moins qu'on puisse dire en tout cas est qu'il ressemble étrangement à celui d'un « apparatchik » de l'U.N.C. Ou de l'éditorialiste patenté du Cameroon Tribune. (Il est vrai que l'auteur de ce livre est lui-même, nous dit-on[2], un ancien dirigeant de l'U.N.C. Ce qui explique bien des choses ... ) Ainsi de cet échantillon : « Le 6 novembre 1982, le Président Ahidjo démissionne, et transmet le Pouvoir à son Premier Ministre Biya, selon la procédure constitutionnelle qu'il a institué en 1979. En réalité, ce que M. Ahidjo transmet à M. Biya, c'est un héritage. Cet héritage, constitué en 24 ans de pouvoir, c'est avant tout une classe dirigeante. Une classe dirigeante qui s'identifiait à lui. ( ... ) Et ( ... ) le régime était bien stable. C'est que M. Ahidjo avait réussi à regrouper tout ce monde autour de lui : au Comité Central [PAGE 105] de son parti, dans les conseils d'administration des grandes entreprises d'Etat, etc. ( ... ) En abandonnant le Pouvoir, M. Ahidjo se met enfin vraiment face à l'Histoire. La grande question, l'enjeu aujourd'hui, c'est de savoir si sa politique a été telle que son remplacement à la tête de cette classe dirigeante ne débouchera pas sur la dislocation de l'édifice, c'est-à-dire sur une crise de régime. L'enjeu aujourd'hui, c'est de savoir si M. Biya saura reprendre en main et superviser la gestion de cet héritage que lui lègue M. Ahidjo. L'enjeu c'est aussi sa capacité propre à faire face à tout stress éventuel » (pp. 7-8). Déclaration qui ouvre le livre. Mais le ferme aussi : « En effet, si la continuité du régime, dans la même unité et la même stabilité, ( ... ) pourra très largement être imputée à M. Ahidjo – et alors l'Histoire devra lui en rendre hommage –, en revanche, sa rupture devra être prudemment interprétée. » Ou bien ce sera la faute au régime de M. Ahidjo. Ou bien ce sera la faute à ses successeurs « qui n'auront pas su reprendre en main, superviser et gérer l'héritage qu'il leur lègue. L'enjeu aujourd'hui, c'est donc aussi de savoir quelle sera la capacité du successeur de M. Ahidjo à assumer cet héritage, et notamment à faire face à tout stress éventuel » (p. 340. Les majuscules sont de l'auteur).

Voilà un langage dépourvu de toute ambiguïté. En tout cas sa signification politique ne saurait échapper à personne ! Mais peu importe. Abandonnons à Ngayap ses opinions et affinités politiques et idéologiques : c'est son droit. Et son droit le plus strict. Prenons plutôt la thèse telle qu'on nous la présente : sur le mode de « c'est ainsi ! ». Et demandons-nous ce qu'elle vaut : au seul regard de ses sources, de la « critique » de celles-ci, du type d'« argumentation » exhibée, des « catégories » et des « concepts » mis en avant, de sa « méthodologie » ainsi que de la problématique théorique qu'elle suppose...

J'avoue, pour ma part, qu'en fermant ce livre qui prétend curieusement - et non sans une certaine grandiloquence – tenir un discours « scientifique » (!), « ouvrir un champ de réflexion politique jusqu'ici très injustement négligé en Afrique » (p. 5), « être un instrument d'initiation à la politique au Cameroun » (ibid.), le « Cameroun vrai » (p. 238), « contribuer à l'éveil d'une conscience politique que je considère comme condition essentielle au [PAGE 106] développement d'une nation » (p. 5), je m'aperçois avec étonnement que je n'ai guère rien appris, en tout cas pas grand-chose. Rien de ce qui se donne ici à lire à travers ce discours inutilement bavard et fastidieux, la redondance tautologique, les pétitions de principe et la platitude des descriptions d'un empirisme primaire coupé (au sens où l'on parle de couper son vin) de commérages, d'anecdotes et de faits divers puisés à la « bonne » source (celle qui irrigue le mode de vie et les mœurs de la « classe dirigeante ») ne permet, en aucune façon, de « comprendre ce qu'est le Cameroun aujourd'hui, dans quel état M. Ahidjo laisse le pays, et ce que ce pays risque ou ne risque pas d'être demain » (p. 8).

« Ce qu'est le Cameroun aujourd'hui »... Vaste programme! Impossible à exécuter dans le contexte étriqué et cocasse d'une étude tout ce qu'il y a de plus scolaire et de plus traditionnel. Même – et surtout! – si elle est triomphalement placée sous le signe désarmant de « La Science Politique » ! Et, circonstance aggravante : la « science politique » la plus classique et la plus officielle: celle des régimes et des institutions ! Ce n'est donc pas un hasard si Ngayap est à ce point incapable de comprendre et de faire comprendre « ce qu'est le Cameroun aujourd'hui ». A partir du lieu où il parle, à l'intérieur de la problématique où il s'inscrit, il ne pouvait pas en être autrement. Et c'est même le contraire qui aurait proprement étonné !

Mais il y a plus. Et qui n'est pas sans rapport avec cette prétendue « science politique ». Il suffit seulement en effet de bien garder présent à l'esprit ce point. Et, de son lieu, en venir un peu à la « méthodologie » ou, plus précisément, à la teneur des propos tenus sur ce qui est censé ici être telle pour, d'entrée de jeu, comprendre sans difficulté ce qui soutient et balise toute cette brassée de bavardages gratuits : le naïf parti pris empiriste ! Et dont il importe ici de dire un mot. Non seulement pour aller vite. Mais, surtout, pour aller à l'essentiel.

En effet, l'essentiel de ce livre se joue bel et bien à ce niveau. Je cite : « La méthodologie utilisée est simple. Elle est essentiellement historico-empirique. De ce point de vue, elle n'a pas à s'asseoir sur quelque théorie du pouvoir existante. On a la conviction que la science politique s'enrichira certainement si, dans les champs politiques [PAGE 107] encore insuffisamment prospectés tels les pays d'Afrique, les catégories d'analyse proposées pour l'étude et la compréhension du fonctionnement des systèmes politiques s'inspirent d'abord du vécu » (p. 14, souligné par nous). En conséquence : « Comme on la dit, cette étude est totalement empirique. Elle est ( ... ) le résultat d'une réflexion personnelle, conduite à partir de l'observation directe de la vie politique camerounaise et de l'exploitation des données brutes, tirées à 60 % environ du Journal Officiel du Cameroun ( ... ). On s'est également servi des publications de l'Union Nationale Camerounaise, de l'Annuaire national du Cameroun ( ... ). Pour être complet, il faut mentionner une source inestimable[3], constituée par les informations tirées d'entretiens avec des membres de la Classe dirigeante, qui ont été d'une utilité appréciable dans la construction (sic) des unités d'analyse » (re-sic, pp. 15-16, souligné par nous).

Une « méthodologie simple » ? Certes. Et même assez simpliste : on allait le dire ! Il ne s'agit en fait que d'une banale mise en forme – à seules fins de publication – de « l'observation directe de la vie politique camerounaise » (qui serait faite sur le mode : observer sans penser !), des « données brutes » que tout un chacun ne pourra pas ne pas trouver en compulsant le « Journal Officiel du Cameroun », « l'Annuaire national du Cameroun », les « publications » de l'U.N.C. et quelques confidences recueillies au cours « d'entretiens avec des membres de la Classe dirigeante ». Et le tour est joué : une étude inénarrablement empirique qui n'est rien d'autre et rien de plus qu'une simple description du fonctionnement des institutions camerounaises telles qu'elles sont établies par et dans l'administration Ahidjo. Un simple échantillonnage individuel (et qui relève du « psychologisme ») des plans de carrière des membres des différentes catégories de la « classe dirigeante ». Et c'est donc peu de parler ici de la banalité des sources, du manque total de rigueur dans le recueil des faits, de la platitude de leur « traitement », de l'incapacité à sortir d'une description facile et redondante pour produire quelque chose comme une analyse, une interprétation de ces faits [PAGE 108] collectés... Tout se passe comme si ces institutions étaient tombées du ciel. Ou, ce qui est tout un, sorties tout droit, prêtes à fonctionner, de la tête de M. Ahidjo. Il est d'ailleurs curieux que cette « méthodologie simple » où l'histoire est complètement (et nécessairement) perdue de vue soit indifféremment qualifiée tantôt d'« empirique », tantôt d'« historico-empirique » ! Et pourquoi donc « historico-empirique » ? Pour une raison simple, elle aussi, comme de bien entendu : elle distingue « les trois formes étatiques qu'a connues le Cameroun depuis son Indépendance ». C'est-à-dire : « la Première République (dont on peut situer l'origine, d'un point de vue socio-politique, et non constitutionnel, au 18 février 1958, date de l'investiture accordée par l'Assemblée législative du Cameroun à M. Ahidjo, en qualité de Premier Ministre, Chef du Gouvernement du Cameroun) »; « la Seconde République (régime fédéral) » : du 1er octobre 1961 au 20 mai 1972; la Troisième République : « fusion des structures fédérales » depuis le 20 mai 1972 jusqu'à ce jour (p. 18. Les majuscules sont de l'auteur). En réalité, ici, comme ailleurs, c'est l'empirisme le plus commun, l'empirisme des fausses évidences de la pratique immédiate de la vie quotidienne qui nourrit ces illusions idéologiques : celles, trop connues, qui n'en finissent pas encore de se faire une conception de l'histoire organisée sur le modèle d'un récit, un récit linéaire qui serait ainsi une longue suite d'événements pris dans une hiérarchie de détermination, un récit linéaire qui serait suspendu à un temps simple et homogène, immédiatement lisible, à ciel et à visage découverts, dans l'écoulement de tel ou tel processus... Bref, une conception de l'histoire telle que les historiens (depuis un demi-siècle) n'en font plus... Il est vrai que ce que Ngayap appelle ici « histoire » et qui lui permet de parler d'une « méthodologie » tantôt « empirique », tantôt « historico-empirique », n'est en fait qu'une simple succession des séquences de la chronique officielle...

En voilà assez pour comprendre que cette « méthodologie simple » est, en réalité, intimement et indissolublement liée à toute une doctrine, une idéologie, une problématique théorique dont l'auteur, dans son naïf parti pris a-théorique, ne semble pas avoir clairement conscience : la conception empiriste de la connaissance.

Ce n'est pas ici le lieu, bien entendu, de discuter sérieusement [PAGE 109] des principes essentiels (et qui sont autant de présupposés) qui, en fait, soutiennent la structure théorique latente de cette conception. Dont on sait, par ailleurs, qu'elle remonte au XVIIIe siècle, voire au-delà. Je rappellerai cependant, très schématiquement, en passant, le lieu d'élection obligé de ces présupposés; celui-ci consiste à mettre nécessairement en scène un procès qui se passe tout entier entre un sujet et un objet donnés. Donc : antérieurs et, forcément, extérieurs au procès même de connaissance. Par là l'idéologie empiriste se fait du réel et de sa connaissance une conception pour le moins curieuse : celle-ci serait donnée en même temps et sous le même rapport que celui-là ! Autant dire que l'objet à connaître et la connaissance même de cet objet seraient déjà là, généreusement offerts à notre regard, à notre bon vouloir. Est donc à souligner ici : cette confusion très nette entre l'être et le connaître (et l'investissement du connaître dans l'être), entre l'objet réel (toujours-déjà-complexe) et l'objet de la connaissance (produit théorique et intra-théorique), entre le processus réel et le processus de la connaissance[4]. De là que l'empirisme tombe et ne peut que tomber dans le mythe spéculaire de la connaissance comme vision subjective d'un objet donné, lecture à livre ouvert de l'essence dans l'existence, d'un texte préétabli dans son invincible immutabilité. De là aussi son parti pris nécessairement anhistorique et psychologiste. Et la preuve en est, claire comme le jour, que l'empirisme lui-même, en tant que tel, n'est donc ainsi qu'une forme encore plus butée de l'idéalisme... Qu'il tombe et ne peut que tomber dans le mythe spéculaire de la connaissance comme simple reconnaissance... Une reconnaissance en miroir. Dont il suffirait alors d'une simple attention, d'un sens élevé du « réel » et du « concret » [PAGE 110] pour, précisément, ne pas manquer d'identifier de lire, d'abstraire, d'extraire, de soustraire l'essence et son sens...

Il est clair, s'il en est bien ainsi, que c'est bel et bien cette « méthodologie simple », intimement et indissolublement liée à toute une doctrine, une idéologie, une problématique théorique – celle de l'idéalisme empiriste – et dont l'auteur est loin (et pour cause !) d'avoir une claire conscience de la portée, des implications, de la signification, des limites réelles, qui explique son incapacité de comprendre et de faire comprendre « ce qu'est le Cameroun aujourd'hui ». C'est bel et bien cette « méthodologie simple », intimement et indissolublement liée à l'idéalisme empiriste (et dont elle n'est ici qu'un effet qui explique que cette étude ne soit, au total, qu'un simple redoublement de la rhétorique officielle de la « classe dirigeante » du Cameroun. C'est elle, et rien d'autre, qui explique, par exemple (en vérité, ce genre d'exemples foisonne dans ce livre), que l'auteur ne craigne point pour « définir » la nature du « système économique » du Cameroun, de reprendre tranquillement, sans rire, la très officielle expression de « Libéralisme planifié » (pp. 247 et 327. En majuscule dans le texte). C'est elle, et rien d'autre, qui explique que la mise en forme des « données brutes » (et qui, ici, restent tout uniment « brutes » à longueur de pages) se monnaie trop facilement dans des « concepts » introuvables comme, par exemple (et un exemple parmi tant d'autres de même farine), celui d'« énamarque »[5], ou encore celui de CENAFOM[6]. Elle, [PAGE 111] et rien d'autre, qui explique l'incroyable cécité qui interdit à l'auteur d'arriver à soupçonner que le « vécu » africain dont il nous rebat ici les oreilles n'est en réalité que le produit de l'histoire, d'une certaine histoire. Dont il est possible d'exhiber et de penser les conditions de possibilité. Et non un état de nature.

Il est vrai qu'à y regarder de près, cet idéalisme empiriste ne pouvait pas ne pas sans entretenir de plus étroits rapports, sinon sans pratiquement se confondre avec l'increvable idéologie dominante (ô combien !) qui a pour nom : l'africanisme. Idéologie qui, on le sait, est elle-même d'origine non africaine ! Une démonstration triviale, que je laisse au lecteur, montre que c'est effectivement l'écrasante pression exercée - hier comme aujourd'hui, aujourd'hui plus encore qu'hier – sur la pratique africaine des sciences dites humaines et sociales par l'idéologie « africaniste » qui rend possibles, détermine la position et fixe le sens des quiproquos de ce genre : « On a la conviction (!) que la science politique s'enrichira certainement si, dans les champs politiques encore insuffisamment prospectés tels les pays d'Afrique, les catégories d'analyse proposées pour l'étude et la compréhension du fonctionnement des systèmes politiques s'inspirent d'abord du vécu ». C'est donc elle qui explique cette « conviction » qui, on l'aura sans doute noté, ne fonctionne ici précisément que comme simple « conviction », c'est-à-dire : à vide, sans support de quelque chose comme une justification, le commencement d'une moindre preuve. C'est qu'en réalité la force des préjugés et mythes régulièrement répandus par l'idéologie « africaniste » depuis plus de soixante ans au moins sert ici de preuve suprême ! « L'émotion nègre », « l'âme noire », « l'identité négro-africaine », l'« africanité », la « négritude », la « philosophie africaine », la « sociologie africaine », l'« authenticité »... : vous savez ce que c'est ? Et que faites-vous alors de votre invincible unanimisme, de notre exceptionnalisme, de notre originalité, de notre particularité, notre [PAGE 112] spécificité différentielle, notre Différence en Soi et Pour soi ?...

Voilà qui suffit à comprendre pourquoi toutes ces déclamations faciles sur « ce qu'est le Cameroun aujourd'hui », le « Cameroun vrai » (?) – au niveau des apparences, fictif en réalité – supposé empiriquement saisi (et saisissable) par le biais d'une simple description du fonctionnement de ses institutions naïvement prises comme des faits de nature, ne pouvaient finalement manquer d'apparaître comme une mauvaise plaisanterie. C'est qu'il est à peine besoin d'y revenir : les évidences tenaces (évidences idéologiques de type empiriste) du point de vue de la « science politique » officielle ne pouvaient finalement manquer d'apparaître pour ce qu'elles sont en fait : des obstacles épistémologiques sur le chemin qui mène vers le terrain absolument décisif où doivent, en réalité, venir des questions : la nature de l'Etat néocolonial. A ma connaissance, personne, jusqu'à présent, n'en a encore (à proprement parler) donné la théorie. Il est pourtant trop facile de faire la preuve qu'en lieu et place des rabâchages archi-connus sur les régimes et les institutions, c'est bel et bien à cette théorie de l'Etat néocolonial comme forme obligée de l'existence sociale, de notre existence sociale aujourd'hui, ici et maintenant en Afrique, que se trouve intimement et organiquement suspendue la question du pouvoir d'Etat. Question qu'on ne saurait naïvement réduire – sauf, bien entendu, dans le contexte d'une pensée confuse – à celle qui se rapporte au pouvoir politique institutionnel : gouvernement et services publics. Etat et gouvernement, on le sait, ne se confondent pas.

Et c'est également à cette théorie de l'Etat néocolonial comme forme obligée de notre présente existence sociale que se trouve suspendue de la même manière la réponse à ces « simples » questions : pourquoi les oligarchies au pouvoir en Afrique[7] ont-elles (pour l'essentiel) conservé, [PAGE 113] tel quel, l'appareil d'Etat colonial ? Quel type de rapport existe entre Etat néocolonial et société civile unifiée et définie par la colonisation ? Comment penser la radicalité impure spécifique de leur différence ? Quel type de rapport existe entre ces oligarchies et les « masses » ? Quel type de rapport existe entre Etat néocolonial et rapports de production et, partant, entre Etat néocolonial et classes sociales, Etat néocolonial et lutte des classes ? Et comment définir ces classes sociales ? Quelle est la signification historique et politique réelle de la « décolonisation » et des « indépendances » ? Que faut-il réellement entendre par « nations », « nationalités », « nationalisme », « tribalisme » ? Que faut-il réellement entendre par idéologie de l'« identité africaine », de l'« africanité », de l'« exceptionnalisme africain », de la « différence » et autres « africanismes » ? Que faut-il réellement entendre par idéologie du « développement », de la « Tradition/ Modernité », du Parti Unique? Qu'est-ce que le « néocolonialisme » ? Qu'en est-il en réalité de la « coopération » (et notamment de la « coopération » franco-africaine) ? Qu'en est-il effectivement de l'impérialisme ?

Pour n'avoir même pas tenté une discussion de ces problèmes, le livre de Ngayap n'est rien de plus qu'un futile amusement. Un redoublement inutile de la rhétorique officielle en vogue aussi bien à Yaoundé que dans les milieux bien pensants d'« africanologues » parisiens en chaise longue.

Luftatchy N'ZEMBELE

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« LE PLEURER-RIRE »[8] de Henri Lopes

David N'ZITOUKOULOU

« L'irrésistible ascension d'un baroudeur africain », tel pouvait bien être le sous-titre du dernier roman de Lopes. Satire sans complaisance aucune d'une dictature militaire anonyme du continent noir, « Le Pleurer-Rire » relate l'histoire cocasse d'un colonel devenu chef de l'Etat à la faveur d'un coup d'Etat. Après avoir goûté aux délices [PAGE 114] du pouvoir, le héros du récit nommé Tonton Hannibal instaure dans son pays un régime despotique qui ne tolère aucune contestation; sur le plan thématique, l'auteur soulève un problème crucial en Afrique plus qu'ailleurs : le contre-pouvoir. Même s'il est établi que le pouvoir corrompt, rien n'indique que cette tare soit incurable. Sur le plan stylistique, ce récit se caractérise par l'originalité; renfoncée de citations et de proverbes, l'œuvre de Lopes fait penser tantôt à l'essai politique, tantôt au roman proprement dit, mais les éléments de ce dernier genre l'emportent largement sur le reste. Tout compte fait « le pleure-rire » ne peut être bien compris sans un rappel tant soit peu critique des rapports que M. Lopes a entretenus avec les pouvoirs africains qu'il se met à pourfendre dans ce récit pamphlétaire.

Après avoir été un des principaux responsables de la F.E.A.N.F. de 1956 à 1963, Lopes rentre au Congo peu après la chute de l'abbé Fulbert Youlou. Muni d'une licence d'histoire, le futur écrivain gravit très vite les échelons hiérarchiques de l'Etat congolais. Dès 1964, il dirige le Département d'histoire de l'Ecole normale supérieure de Brazzaville. Quatre ans après, en 1968, Alphonse Massamba-Debat, le successeur de Youlou, est renversé lui-même à son tour. L'armée congolaise rentre avec grand fracas sur la scène politique nationale et Lopes assiste. L'arrivée de N'Gouabi au pouvoir sera pour l'auteur le début d'une brillante carrière politique. Nommé Premier ministre par N'Gouabi en 1973, Lopes sera destitué deux ans après. Puis il se retrouve ministre des Finances après l'assassinat du chef de l'Etat congolais en 1977. La prise de pouvoir par le colonel Yhombi-Opango – devenu général quelque temps après – va plonger le Congo-Brazzaville sous un régime de dictature militaire semblable à tous points de vue à celui que Lopes critique dans son roman. Après la chute de Yhombi en 1979, Lopes prend en quelque sorte une retraite politique. Dégoût ou crainte d'être un jour victime du despotisme régnant ? En tout cas il n'est pas exclu que le colonel Denis Sassou Nguesso, successeur de Yhombi, ait proposé à l'actuel adjoint de M. Ahmadou Mahtar M'Bow un portefeuille ministériel. Bref, au terme de ce curriculum vitae, on s'aperçoit aisément que l'auteur du « Pleurer-Rire » sait de quoi il parle.

Certes, les extravagances de Tonton Hannibal-Ideloy [PAGE 115] Bwa Kamabe Na Sakkade rappellent plutôt l'ex-« empereur » Bokassa Ier«. Mais encore faut-il souligner que les « baroudeurs sans culture » parvenus au pouvoir à la faveur de coups d'Etat sont légion en Afrique. La chute de Bokassa n'a pas entraîné la disparition de cette « espèce de la faune africaine ». En outre, il n'est pas interdit de penser que l'écrivain congolais a voulu régler ses comptes avec ceux qu'il a servis pendant plus d'une décennie. Sinon pourquoi « le Pleurer-Rire » a-t-il été mis à l'index par les autorités congolaises ? Encore faut-il se rappeler que le Congo-Brazzaville est gouverné par un régime militaire, certes moins acariâtre que celui qui régnait à Bangui au temps de Bokassa mais il n'est pas moins marqué d'une pierre noire. Son appareil policier n'est pas moins répressif et sanglant que celui d'un Mobutu par exemple. La réalité congolaise apparaît en filigrane dans ce récit épouvantable qui rappellera à la postérité ce que les peuples africains ont enduré après les indépendances frauduleuses. Car, en fait, le colonialisme a pris soin de former des baroudeurs africains afin qu'ils servent expressément de chiens de garde des intérêts néocoloniaux et des bourgeoisies compradores indigènes. Ce qui est commun à tous les Tonton Hannibal-Ideloy, c'est leur dévotion à l'Occident. La presse occidentale éprise de sensations fortes reste à l'affût de la moindre folie d'un dictateur africain. La couverture en direct par la télévision française du sacre de l'ex-« empereur » Bokassa Ier est un détail qui révèle la continuité du paternalisme colonial dans les métropoles occidentales. Ce qui a littéralement endeuillé les Centrafricains était donc offert en guise de spectacle tragi-comique au public français. Mais les dictatures africaines ne profitent pas seulement à l'impérialisme. A l'ombre du fascisme noir les petites bourgeoisies indigènes ne cessent de croître pour devenir des bourgeoisies classiques mais qui se distinguent de leurs procréatrices occidentales en ce qu'elles ressemblent à ces grands enfants biologiquement majeurs mais juridiquement incapables pour cause de débilité et d'arriération mentale.

En définitive « Le Pleurer-Rire » doit être lu comme l'auto-critique de son auteur car pour avoir collaboré avec ceux qu'il critique aujourd'hui, Lopes s'est sali les mains à tout jamais. Pour être un réquisitoire, ce roman [PAGE 116] ne l'est pas du tout. C'est plutôt d'une plaidoirie qu'il s'agit. Car il est fort probable que le narrateur ait pris l'initiative de rédiger ce récit pamphlétaire à la suite d'un douloureux examen de conscience. On n'oublie pas facilement une décennie de services dans un régime qui se qualifie démagogiquement « populaire et révolutionnaire ». Les longues années de collaboration avec le régime de Brazzaville ont laissé une tache indélébile dans la conscience du romancier. On comprend aisément pourquoi Lopes a précautionneusement attendu sa retraite politique avant de retourner sa plume contre ses amis politiques dont il désapprouvait semble-t-il les « bévues » dans son for intérieur. Mais notre préoccupation n'est pas de savoir si c'est involontairement ou volontairement que l'auteur a été impliqué dans les gouvernements répressifs qu'il a longtemps servis. Il est plutôt question de dégager objectivement la position sociale de M. Henri Lopes par rapport aux masses africaines victimes des folies des Tonton Hannibal-Ideloy.

Brazzaville, le 23 juillet 1983

David N'ZITOUKOULOU

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« LES REBELLES CONTRE L'ORDRE DU MONDE »[9]
de Jean Ziegler

David N'ZITOUKOULOU

Jean Ziegler persiste et signe. Le sociologue et parlementaire suisse vient de publier au Seuil, son éditeur parisien habituel, un nouveau best-seller qui s'inscrit dans la même lignée que ses précédents ouvrages tels que Le pouvoir africain (1969), Main basse sur l'Afrique (1973), Une Suisse au-dessus de tout soupçon (1976) et Retournez vos fusils (1981).

Dans Les rebelles, Ziegler dresse un panorama linéaire et historiographique des luttes de libération nationale du Tiers-Monde de ces dernières années. Dans l'espace, les analyses du sociologue helvétique portent sur les anciennes [PAGE 117] colonies portugaises d'Afrique noire (Guinée-Bissau, Cap-Vert, Angola et Mozambique) et sur les révolutions centraméricaines (Nicaragua et Salvador). Il convient de rappeler que Jean Ziegler est lune des figures de proue de la social-démocratie occidentale contemporaine. Militant du Parti socialiste suisse, l'auteur des Rebelles ne cache pas ses profondes convictions politiques tout au long du livre. C'est ainsi qu'il attaque avec une égale virulence aussi bien les Etats-Unis d'Amérique que l'Union soviétique. Il accuse les premiers d'avoir été responsables de la radicalisation du régime castriste au début des années 1960. A la seconde, Ziegler reproche l'exploitation discrète mais tout aussi vorace que celle de l'Occident, des ressources des pays sous-développés où elle est présente. Après avoir affirmé que les mouvements anti-impérialistes du Tiers-Monde ne peuvent trouver le salut qu'en s'alliant à l'U.R.S.S., l'auteur se félicite néanmoins du fait que les anciennes colonies portugaises n'aient pas totalement rompu avec l'Occident à l'instar de Cuba car pour lui l'U.R.S.S. menace l'indépendance des peuples du Tiers-Monde au même titre que les Etats-Unis d'Amérique.

Le premier reproche que l'on peut adresser à Jean Ziegler est l'amalgame dans lequel il se perd délibérément. Comment peut-on confondre le Nicaragua du F.S.L.N. d'une part avec l'Angola du M.P.L.A., la Guinée-Bissau et le Cap-Vert du P.A.I.G.C. et le Mozambique du Frelimo d'autre part ? Nous osons affirmer que le sociologue suisse est aveuglé par le sentimentalisme tiers-mondiste qu'il ne cesse d'exalter. La social- démocratie n'est pas le seul courant du mouvement ouvrier européen qui se caractérise par une attitude équivoque par rapport à la révolution coloniale. Le stalinisme ne fait d'ailleurs pas exception.

En effet, le Front sandiniste de libération nationale n'a rien a voir avec le M.P.L.A., le P.A.I.G.C. ou le Frelimo. Nous sommes fondés à poser la question de savoir comment Ziegler qui connaît bien l'Amérique latine peut commettre avec autant de naïveté l'erreur qui consiste à confondre l'Etat ouvrier et paysan construit au Nicaragua par le F.S.L.N. depuis la chute de Somoza en 1979 avec les Etats néocoloniaux que sont l'Angola, la Guinée-Bissau, les Iles du Cap-Vert et le Mozambique. Doté d'une Direction véritablement révolutionnaire le F.S.L.N. est [PAGE 118] l'exact opposé des formations nationalistes petites-bourgeoises des anciennes colonies portugaises d'Afrique noire. La petite bourgeoisie en tant que couche sociale a ses intérêts spécifiques et bien distincts de ceux des masses ouvrières et paysannes.

D'autre part, comme on le voit aujourd'hui, les rapports entre les nationalistes angolais, mozambicains, guinéens et cap-verdiens avec leurs voisins néocoloniaux n'étaient conflictuels qu'en apparence, par conséquent, contrairement aux allégations pseudo-marxistes d'Amilcar Cabral, la petite bourgeoisie africaine ne peut pas « se suicider » comme le démontre l'histoire post-coloniale du continent africain; plutôt elle ne ménage aucun effort pour se transformer en classe dominante et possédante en réalisant son accumulation de capital au moyen soit d'une économie libérale comme dans la plupart des anciennes colonies françaises et britanniques d'Afrique, soit par le truchement du « capitalisme d'Etat » comme en Algérie, en Tanzanie, à Madagascar et dans les anciennes colonies portugaises. Il est en outre question de savoir pourquoi le M.P.L.A. et ses homologues de Saõ Tome et Principe, de Guinée-Bissau et du Cap-Vert et du Mozambique ont fini par abandonner la ligne nationaliste-révolutionnaire qui fut la leur au début pour s'enliser dans l'ornière du nationalisme classique des directions néocoloniales des années cinquante et soixante ? En effet « pour violents qu'ils soient, les nationalismes des ex-colonies portugaises n'avaient pas l'ambition de rompre avec le cadre vicié de la dépendance néocoloniale. La transcroissance de la lutte de libération nationale vers une lutte pour l'instauration de sociétés à options socialistes et anticapitalistes était bloquée. Qui plus est, leurs directions petites- bourgeoises, au nom de la célèbre Realpolitik, ne visaient qu'à la mise sur pied d'Etats bourgeois, un préalable indispensable pour unifier et rationaliser leurs appareils de production, même si leurs modes de direction s'appuyaient sur un consensus populaire, hérités du temps des combats dans les zones libérées. La différence avec les autres régimes d'Afrique, si elle ne souffre pas des parallèles mécaniques, n'est donc pas aussi grande qu'il y paraît, simplement ces gouvernements doivent compenser, par une mobilisation modulée et caporalisée des masses, ce que leurs consœurs, plus directement inféodées [PAGE 120] à l'impérialisme, ont obtenu ou obtiennent, en échange de leur soumission »[10].

L'autre passage aberrant de l'ouvrage de Ziegler est là où l'auteur prétend paradoxalement que c'est l'impérialisme nord-américain qui ait été à l'origine de la radicalisation de la lutte de libération à Cuba. Une pareille monstruosité est impossible à digérer. Le sociologue suisse se refuse donc d'expliquer le triomphe de la révolution socialiste à Cuba par l'exacerbation de la lutte des classes et l'existence d'une direction véritablement révolutionnaire. Certes, le « Mouvement du 26 juillet » qui luttait contre la dictature de Batista était dirigé par une avant-garde petite-bourgeoise, mais il convient de souligner avec force que Cuba n'est pas l'Angola ou la Guinée-Bissau. En 1953, au moment du déclenchement de la lutte armée, Cuba comptait déjà un mouvement ouvrier organisé en partis et en syndicats. L'existence de ces conditions objectives était donc propice à la radicalisation de la révolution cubaine au moment opportun. il en est de même pour le Nicaragua; car l'avant-garde petite-bourgeoise ne peut pas « se suicider » mais elle doit plutôt rompre avec le cadre de pensée de la bourgeoisie et adopter celui du prolétariat (nous disons bien prolétariat et non peuple).

Au terme de la lecture des Rebelles on ne peut dissimuler l'insatisfaction de ne pas avoir vu traiter dans cet ouvrage pourtant dense d'autres mouvements armés de libération du continent noir tels que l'U.P.C. camerounaise de Ruben, Moumié et Ouandié et le Frolinat tchadien. L'histoire de cette dernière formation aurait pourtant permis à Ziegler de saisir la véritable nature et les objectifs réels des avant-gardes nationalistes petites-bourgeoises de notre continent. En définitive, même si pendant un temps la composante petite-bourgeoise du nationalisme africain a donné l'illusion d'une perspective socialiste possible, l'Afrique de l'O.U.A. qui a été façonnée par cette couche sociale une fois parvenue au pouvoir est bien la preuve que le vieux mouvement de libération était bourgeois.

Brazzaville, le 12 juillet 1983

David N'ZITOUKOULOU


[1] P.F. Ngayap, Cameroun : qui gouverne ? De Ahidjo à Biya, l'héritage et l'enjeu, l'Harmattan, Paris, 1983, 352 p.

[2] Cf. Le Mois en Afrique, no 209-210, juin-juillet 1983, p. 164.

[3] « Que l'auteur s'excuse de ne pouvoir citer » (p. 16, note marginale) : bien entendu, cela va sans dire !

[4] S'impose ici pourtant, entre ces différents ordres, une distinction capitale,fondamentale, lumineusement établie, comme on le sait, par Marx (cf. Introduction à la critique de l'économie Politique de 1857, particulièrement dans son troisième chapitre : « La méthode de l'économie politique », pp. 165-174, in Contribution à la critique de l'économie politique, Editions Sociales, Paris, 1977) et, bien avant lui, par Spinoza. Dont on connaît l'heureuse formule : « L'idée vraie ( ... ) est quelque chose de distinct de ce dont elle est l'idée : autre est le cercle, autre l'idée du cercle » (cf. Traité de la Réforme de l'entendement, 27, trad. C. Appuhn, Garnier-Flammarion).

[5] « Enamarque : néologisme désignant l'ancien élève de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature ou E.N.A.M. (de Yaoundé), considéré comme détenteur du pouvoir. Ce concept (sic), avec d'autres, procède de l'indispensable effort (sic) de renouvellement (sic) du vocabulaire Politique que l'on a essayé de promouvoir (re-sic) dans cet ouvrage » (p. 7, note marginale) Dont acte. Qui dit mieux ? Personne ne peut cependant éviter de noter que ce « concept » fondamental « procède » en réalité de l'art consommé du mime, et qui consiste ici en un pur calque du « concept » (de journaliste) archiconnu d'« énarque » : néologisme qui sert à désigner l'ancien élève de l'Ecole Nationale d'Administration ou E.N.A. (de Paris) « considéré comme détenteur du pouvoir ».

[6] « Concept » qui sert à désigner le Secrétariat général de la Présidence de la République qui, avec son « taux de ministrablité d'environ 55 % », se révèle ainsi « comme l'antichambre du pouvoir, la voie royale et la plus sûre » qui conduit directement aux « portefeuilles ministériels », donc « principal vivier » où se recrute « le personnel gouvernemental, quasi-institution que l'on aurait pu dénommer "Centre National de Formation des Ministres" ou CENAFOM» (p. 64). C'est tout dire !...

[7] Peu importe ici le folklore bien connu de « divergence » d'idéologies ou d'étiquettes officielles dont on se prévaut souvent Pour le seul plaisir des mots. Peu importe ici toute la bigarrure carnavalesque des « couleurs » politiques ou des « options » fracassantes (« progressistes »/« modérées ») qui, le plus souvent, se réduisent à de superficielles et lamentables conventions de langage, à de tristes cartes de visite !

[8] Présence Africaine, Paris, 1983, 315 p.

[9] Editions Seuil, Coll. « L'Histoire immédiate », Paris, 1983.

[10] Franck Tenaille, « Une typologie des indépendances? », in Les 56 Afriques, Maspero, 1979.