© Peuples Noirs Peuples Africains no. 25 (1982) 121_124



LE DOME SONORE

(poèmes)

Ange-Séverin NTari MALANDA

à Jean-Blaise Bilombo-Samba,
allié fraternel

J'ai lu cette histoire (livre sans pages, vie de
rescapés déployant leurs lueurs ailées)
Non loin de l'aéroport, leurs ailes : fleuves escamotés,
et la poursuite (mais l'affût secret,
tu sais, stratégie des possibles)

Lueur héliportée, si près
souvent la nuit se fendille
toujours indéfiniment, dans l'interzone
Une stridence auréole à peine l'aube

Quant au vent, je vois qu'il se démarque
(point d'hiver, dans la nuit, un incendie décimait des
mains, noyant ce rictus immobile)
L'été – mais je ne retrouve pas seulement
l'incantation hantée
Face devant ce site, [PAGE 122]
j'ai revu le fleuve. NZadi,
fleuve encore fleuve,
et l'aéroport, pourtant.

    Brazzaville, août 1980
    A.S. NTari MALANDA

à Maxime NDebeka,
allié fraternel

Nous sommes, disais-tu. Et : 990 000...
Et ton poème ainsi, 990000 fleuves
(en créer un, deux, mille,
990 000 ... )

J'ai ouï dire le dict, à l'enfant
et au poète
– volutes et volumes,
s'inscrivant et s'escrimant,
et le pied léger qui surgit,
bouleversé

J'étreins l'aurore,
humide et sans fin
La lumière martèle le socle
et le sable. Epousailles.

Vaguement, maintenant
l'instant et sa danse,
tu sais : nzazi.

    Brazzaville, août 1980.
    A-S. NTari MALANDA

à Mongo Beti,
allié fraternel

Tout au long,
lent et limpide,
j'ai marché, me dressant contre
le silence,
saluant les bribes et le décor [PAGE 123]

je sens parfois une
pulsation,
je respire à peine

Précisément : le vent n'est pas tombé,
il saura survivre, sillonner le long
de chaque minute,
sentir son propre mouvement

Le fleuve, ici ondule,
franchissant l'imprévisible,
recueil de morsures. Et le trot.

Il chantonne, maintenant
il laisse voir une partie de l'île.
J'ai pensé : le dôme sonore, isthmique.

    Brazzaville, août 1980.
    A.-S. NTari MALANDA.

à Jean-Baptiste Tati Loutard,
allié fraternel

Un jour, si récent,
j'ai songé à passer te voir
(le passage éclairé,
l'instant échappe,
chronique de la vie congolaise)

Depuis le début,
pour déchiffrer les feuilles
vertes imprimées
et sceller la salutation,
et l'inédit

Le théâtre des mots : la rime,
intérieure, mesure pleine,
saut musical, très haut.
Le dôme sonore et le site inné,
j'y repense en t'écrivant :
je voulais te les donner à lire.
J'y repense : mboka, et le chant serein,
serein.

    Brazzaville, août 1980.
    Ange-Séverin NTari MALANDA