© Peuples Noirs Peuples Africains no. 23 (1981) 158-159



CORRESPONDANCE DE LECTEUR

Paris, le 16 mai 1981

Chers compatriotes du G.E.R.C.,

J'ai lu, il y a quelques semaines, votre étude sur le Tribalisme et je voudrais vous faire parvenir les quelques remarques qui suivent.

D'abord le choix des exemples pour illustrer les diverses manifestations du tribalisme dans notre pays me semble prêter à confusion, car ces exemples ne portent que sur les gens du sud. Un étranger non au fait de nos réalités pourrait être amené à croire, et cela en toute bonne foi, que le mal est plus du côté du sud que du nord, ou, si vous voulez, que l'homme du sud est plus tribaliste que celui du nord. Je suppose que tel n'est pas votre sentiment. L'objectivité devrait être de mise dans une étude qui se veut relever de la méthode scientifique.

Au passage je souligne une petite omission : T. Obenga (historien, ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Yombi et du commandant Ngouabi).

Ensuite, votre périodisation du flux et reflux du tribalisme est tout à fait arbitraire : 1966-68 et 1977-79 sont des phases de flux du tribalisme. Autrement dit 1969-76 est une phase de reflux. Or l'on peut admettre qu'entre 1969-72 le tribalisme semble marquer un reflux – encore que l'idée mérite d'être précisée – il va s'accentuer très nettement après 1972, avec le limogeage des éléments du 22 Février qui, par leur présence aux postes stratégiques de l'appareil d'Etat, faisaient barrage aux velléités [PAGE 159] des cercles dirigeants régionalistes du nord. Après 1972, le tribalisme atteindra un degré d'intensité sans commune mesure avec la période 1966 – 68; épuration de l'armée et de l'administration de cadres Bacongos tout particulièrement, sous le prétexte qu'ils sont des réactionnaires, influence de plus en plus marquée du Haut Conseil Régional du Nord dans la vie nationale, recrutement massif dans l'armée, la police, l'administration, les entreprises publiques de Kouyous et de Mbochis au détriment des autres groupes ethniques, ceux du sud notamment, tribalisation des postes-clés de l'appareil d'Etat... Ce sont là de toute évidence les manifestations d'un tribalisme en pleine exacerbation qui imprègne progressivement jusque dans ses moindres recoins la vie politique du pays, ses institutions.

Ainsi donc, votre périodisation ne tient pas. Il y a une poussée du tribalisme après 1972 notamment, les faits le prouvent largement.

Pour le reste, votre étude émet des idées intéressantes.

L'idée de retribalisation en particulier est pertinente, et je partage votre analyse sur la destruction du tribalisme. Seul le développement économique et social du pays tout entier peut entraîner avec le temps la disparition de cette plaie si nocive qu'est le tribalisme.

Une telle perspective suppose évidemment une remise en cause de l'ordre social actuel.

Cordiales salutations.

Un lecteur