© Peuples Noirs Peuples Africains no. 23 (1981) 19-37



L'ENFER DE LA TERREUR NGUEMISTE

LA GUINEE EQUATORIALE

Max LINIGER-GOUMAZ

Guinée Equatoriale 28 051 km2
12 octobre 1981 :13e anniversaire de l'indépendance.
Les vastes territoires portugais du Golfe de Guinée, données à l'Espagne par le Traité du Prado (1778), ont été volés à l'Espagne durant le XIXe siècle par la France, l'Allemagne et l'Angleterre, à l'exception de l'actuelle Guinée Equatoriale.
La Guinée Equatoriale est le seul pays hispanophone d'Afrique noire.

I - Rien n'a changé

Le régime Macias Nguema, en place depuis octobre 1968, a été qualifié par la presse internationale de dictature sanguinaire. Le 3 août 1979, une junte dirigée par Obiang Nguema, neveu de Macias, a proclamé la destitution du premier président de la Guinée Equatoriale. La quasi totalité des auteurs du coup d'Etat faisaient partie de l'entourage actif du dictateur. Après plus de deux ans depuis ce bouleversement, on peut se demander comment évoluent [PAGE 20] les choses dans le 126e Etat membres des Nations Unies.[1]

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Le président Macias Nguema a été élu démocratiquement en septembre 1968 (sous contrôle de l'OUA et de l'ONU), et n'a pas pris le pouvoir par la force comme des J.-B. Bokasa ou Idi Amin Dada. Cependant, deux mois déjà après son accession à la fonction suprême, il a commencé à éliminer physiquement les leaders politiques, les intellectuels, supprimant aussi les divers partis politiques qui avaient lutté pour l'indépendance, les remplaçant par un parti unique à sa dévotion : le Partido Unico Nacional de Trabajadores (PUNT), doublé d'un mouvement de Jeunesse en marche avec Macias, à formation para-militaire. Progressivement, avec l'élimination des élites, et plus généralement de toute personne, homme ou femme, adoptant une attitude critique à l'égard de la dictature naissante, ainsi qu'avec le départ en exil de quelque 125 000 Equato-Guinéens en onze ans, Macias Nguema a concentré le pouvoir militaire, policier et civil (politique, économique, financier) entre les membres de sa famille, le plus souvent de l'ethnie Esangui (région de Mongomo, au sud-est de Rio Muni). Ainsi, dès octobre 1968, son cousin Masié Ntutumu devenait ministre de l'Intérieur (et notamment responsable de la Sûreté et de la Police), assisté de sbires comme Ciriaco Mbomio et Feliciano Obama Nsue Mangue, dont nous aurons à reparler à propos des événements de 1981. En 1971, les cousins Boniacio Nguema Esono et Miguel Eyegue Ntutumu devenaient respectivement ministre des Affaires étrangères et gouverneur civil de la province de Rio Muni, après l'assassinat de leurs prédécesseurs. Le neveu de Macias Nguema, Obiang Nguema (actuel chef de l'Etat) était promu gouverneur militaire de la province de Fernando Poo [ou Bioko] et notamment responsable de la prison de Playa [PAGE 21] Negra, dans la capitale, Santa Isabel [ou Malabo]. A partir de 1975, le cercle de famille s'agrandit encore, tant par le nombre que par les fonctions : Eyegue Ntutumu (cousin) est promu vice-président de la République (après l'assassinat de son prédécesseur Bosio Dioco), Mba Oñana (cousin) devient commandant de la place militaire de Bata à la tête de la 2e Compagnie, Maye Ela (neveu) passe commandant de la Marine nationale, Ela Nseng (neveu) remplace son oncle Eyegue Ntutumu comme gouverneur civil du Rio Muni, Oyono Ayingono (neveu) monopolise les postes de ministre des Finances, du Commerce et de l'Industrie, de secrétaire d'Etat à la Présidence et directeur de l'information (après l'assassinat de tous ses prédécesseurs), et dirige la trop fameuse Jeunesse du régime.

Les témoignages sont nombreux qui attestent, depuis 1969, que Obiang Nguema, actuel président de la République, est directement mêlé à la répression pratiquée par le régime nguemiste. Notons que le néologisme « nguemisme » a été utilisé la première fois, par analogie avec « franquisme », par le secrétaire général du principal mouvement de résistance à la dictature des hommes de Mongomo, l'Alianza Nacional de Restauración Democrática (ANRD), le Prof. C.M. Eya Nchama, devant la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, en 1978. En décembre 1969, par exemple, Obiang Nguema est présent au stade de Santa Isabel devant une population obligée d'assister à l'exécution capitale de trois civils, dont un Nigerian. En 1970, son collègue de promotion Jesus Eworo, Ndongo, déjà sous-lieutenant dans la Garde coloniale avant l'indépendance, devenu ministre de la Justice en octobre 1968, est assassiné, alors qu'un autre compagnon, M. Miko Oyono mourait en prison la même année. Progressivement, les militaires expérimentés et n'appartenant pas au clan nguemiste étaient éliminés. C'est sous le commandement d'Obiang Nguema que se fera manu militari, à la demande de l'oncle Nguema Esono, ministre des Affaires étrangères, et futur vice-président de la République, l'expulsion du Représentant résident des Nations Unies, le Haïtien Marceau Louis, en 1973. C'est Obiang Nguema lui-même qui procède, en décembre 1976, à l'arrestation de la dernière centaine de hauts fonctionnaires compétents, dont de nombreux sont liquidés, en particulier le ministre, le secrétaire général [PAGE 22] et l'inspecteur général du ministère de l'Education populaire. Le régime nguemiste a toujours méprisé la culture, au point d'interdire l'emploi même du mot « intellectuel ». Responsable de l'Armée chargée de la garde des prisons où sévit une torture féroce, Obiang Nguema a à répondre principalement de la prison de Santa Isabel. L'enquête faite sur place par un expert du Fonds International d'Echanges Universitaire (FIEU) – expulsé quelques jours après son arrivée à Fernando Poo – dit textuellement : « Les interrogatoires sont conduits par le sergent Ondo Ela. Il est de Mongomo, vieux, mais fort et vigoureux. Il est impossible de confirmer les allégations que sa force viendrait de la consommation de chair humaine, mais sa réputation de brutalité peu commune semble bien fondée. Il a été décoré pour sa ferveur et diligence par le Président. Deux employés l'assistent par la dactylographie du protocole, le cas échéant, et en conduisant les prisonniers. Habituellement, au moins deux des trois personnages clés du système judiciaire sur l'île sont présents : le Commandant Nguema Mba N'zogo [ = Obiang Nguema], Chef d'Etat-Major de son Excellence, Bonifacio Nguema Esono, ex-vice-ministre des Affaires étrangères et maintenant vice-président, et Carmelo Bico, officier de police. En cas d'exécution ou d'interrogatoires intéressants tous les trois sont normalement présents » (Genève, novembre 1980, p. 35). Simultanément, le Cdt Ela Nseng, autre neveu, était responsable de la non moins célèbre prison de Bata, alors que le Cdt Maye Ela s'occupait à faire garder les côtes afin de freiner l'exode des réfugiés politiques.

Le renversement de Macias Nguema est intervenu alors que le revenu par tête n'était plus que de 70 dollars, contre 180 dollars en 1968. Le 3 août 1979, les parents de Macias Nguema, militaires et civils, déclarent déchu l'« Unique miracle de la Guinée Equatoriale », nommé président à vie par leurs soins en 1972. Après de courts affrontements entre loyalistes et rebelles, et la participation de troupes gabonaises dans le sud du Rio Muni, Mongomo, le « bunker » de Macias Nguema, est investi, et peu après le « Gran maestro » capturé. Ce dernier, condamné à mort, est exécuté fin septembre 1979 avec quelques personnages mineurs et Eyegue Ntutumu, extrait de sa résidence surveillée depuis 1976. [PAGE 23]

Alors que le premier gouvernement nguemiste militaire, du 23 août 1979, compte onze membres, on y relève neuf ressortissants de Mongomo, fief autant de Macias Nguema que d'Obiang Nguema. Dans le deuxième gouvernement militaire, du 22 janvier 1980, sur dix membres – à côté de deux Bubi collègues d'Ecole militaire de Obiang Nguema (Saragosse, Espagne), d'où l'existence d'un Grupo de Zaragosa, Oyo Riqueza et Seriche Dugan Borico – huit ressortissants de Mongomo subsistent. Voici la liste du groupuscule d'hommes qui concentrent le pouvoir né de l'emploi de la force et non du suffrage populaire :

T. Obiang Nguema (neveu de Macias Nguema, Esangui de Mongomo) : Président du Conseil Militaire Suprême; Chef de l'Etat; Chef du Gouvernement; Ministre de l'Economie et des Finances; Ministre de l'Information et Tourisme; Ministre de la Défense et de la Sûreté.

Fl. Maye Ela (neveu, Esangui de Mongomo) : Premier vice-président de la République; Ministre des Affaires étrangères.

E. Oyo Riqueza (Bubi) : Deuxième vice-président de la République; Ministre du Travail.

F. Mba Nchama (Esangui de Mongomo) : Ministre de l'Intérieur (sous-lieutenant de la Jeunesse en marche avec Macias).[2]

T. Mene Abeso (Esangui de Mongomo) : Ministre de l'Education (sous-lieutenant de la Jeunesse en marche avec Macias).

P. Nsue Obama (Esangui de Mongomo) : Ministre de l'Industrie/Mines/Energie (sous-lieutenant de la Jeunesse en marche avec Marias), ultérieurement remplacé par P. Obiang Enama (de Mongomo).

P. Esono Obama Eyang (du district du Wele-Nzas, Mongomo) : Ministre de la Santé (sous-lieutenant de la Garde nationale), ultérieurement remplacé par le Bubi nguemiste Seriche Dugan.

P. Mensuy Mba (de Mongomo) : Ministre de la Justice.

P. Obiang Enama (de Mongomo) : Ministre de l'Agriculture, [PAGE 24] remplacé par le civil Buale Borico .[3]

C. Seriche Dugan Borico : Ministre des Travaux publics-Transports, remplacé par Micha Ela Obono (de Mongomo).

Les autres revenants du régime Macias Nguema monopolisent la totalité des postes diplomatiques, dans les neuf pays où la Guinée Equatoriale est représentée :

S. Ela Nseng (neveu, aparenté Esangui, d'Añisok) : Ambassadeur en Chine populaire (ex-deuxième vice-président de la République, ex-directeur de la prison de Bata).

B. Obiang Nguema (cousin, Esangui de Mongomo) : Ambassadeur auprès de l'OUA et de l'Ethiopie (ex-Ministre des Affaires étrangères et vice-président de la République).

Fl. Mba Oñana (cousin, Esangui de Mongomo) : Conseiller de la Mission auprès des Nations Unies, ex-Cdt militaire de la province du Rio Muni, promu inspecteur général des Forces armées, remplacé à New York par Esono Obama Eyang.

C. Nvono Nka Manene (neveu, Esangui de Mongomo) : Ambassadeur auprès de l'ONU (ex-Ambassadeur en Espagne, Gabon, Chine populaire et Corée du Nord).

J. Micha Nsue (neveu, Esangui de Mongomo) : Ambassadeur au Nigeria (ex-chargé d'affaires au Cameroun).

A. Owono Asangono (neveu, Esangui de Mongomo) : Ambassadeur en Espagne (et Italie) (ex-représentant auprès de l'ONU).

M. Ekua Miko (nguemiste notoire) : Ambassadeur au Gabon (ex-Ambassadeur à l'ONU), remplacé par Obama Nsue Mangue, ex-instrument no 1 de la terreur nguemiste.

J. Esono Abaga Ada (nguemiste notoire) – Ambassadeur en France (ex-Ambassadeur itinérant de Macias Nguema).

F. Okenve Mituy : Ambassadeur au Cameroun (ex-Secrétaire général du ministère de la Défense, ex-président du Tribunal militaire qui a jugé la tentative de coup d'Etat anti-nguemiste de Bata, en 1974 (27 condamnations [PAGE 25] à mort), remplacé en 1981 par Ekua Miko.

S. Mban Nsolo Mban (nguemiste notoire) : Ambassadeur au Maroc.

En plus des ministres et diplomates nguemistes mentionnés, il faut citer aussi le Camerounais Messa Bill, responsable de l'administration civile sous Macias Nguema, et chargé de la même fonction par Obiang Nguema, avec le grade de ministre de la Présidence. Quant à l'Esangui de Mongomo M. Ndongo Mba, ex-ss-lt de la Jeunesse en marche avec Macias, il a été propulsé gouverneur militaire de Fernando Poo (l'ancien poste d'Obiang Nguema). Au Rio Muni, après la mutation provisoire de Mba Oñana à New York, c'est le nguemiste notoire P. Ondo Nguema qui a été investi du poste de Gouverneur militaire. De la sorte, le commandement militaire des deux provinces de la Guinée Equatoriale est dominé par des parents de Obiang Nguema, donc de feu Macias Nguema, ou de subordonnés militaires. Le fief des nguemistes, Mongomo, a été placé sous les ordres du Lt Fr Nguema Edu, membre du CMS et ex-chef d'escorte de Macias Nguema.[4] Par ailleurs, la plupart des juges du Tribunal militaire « populaire » qui a jugé la tentative de coup d'Etat anti-nguemiste de Bata, en juin 1974, condamnant à mort 27 citoyens et à la prison pour de longues années une centaine d'autres, occupent aujourd'hui des postes importants :

J. Moro Mba : ex-responsable de la Jeunesse en marche avec Macias dans la province continentale. Juge instructeur du procès de Bata de 1974, juge instructeur du procès de son ex-patron Macias Nguema, juge instructeur du procès bidon de juin 1981, aujourd'hui commandant militaire de Bata.

Ch. Seriche Dugan : juge à Bata en 1974, membre du CMS, ministre des Travaux publics, puis de la Santé.

M. Ebendeng Nsomo : juge à Bata en 1974, membre du CMS, chef d'Etat-major, juge au procès bidon de juin 1981. Il accompagne Obiang Nguema ou Mba Oñana dans leurs déplacements officiels. [PAGE 26]

Au procès de Macias Nguema, en septembre 1979, alors que (selon l'observateur de la Commission Internationale des Juristes) on tentait d'empêcher que soient évoqués les crimes commis depuis 1975 – année de la promotion aux plus hautes fonctions de la plupart des membres du gouvernement militaire nguemiste actuel – Macias ne s'y est pas trompé, en répondant aux accusations de génocide par : « J'étais président de la République et non recteur des prisons », ce qui visait surtout Obiang Nguema et Ela Nseng, ses deux neveux responsables des prisons de Santa Isabel et de Bata. Début 1980, le rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies soulignait que la torture et les arrestations de prêtres se sont aggravées précisément à partir de 1975 soit l'année où Obiang Nguema et ses acolytes ont obtenu leurs diverses promotions. Le rapport de la Commission Internationale des Juristes insiste, d'autre part, sur le fait que les procès de l'époque Macias Nguema ont toujours été conduits par des tribunaux militaires. Or ce sont les cadres de l'armée de Macias Nguema et de sa Jeunesse qui sont au pouvoir en Guinée Equatoriale depuis août 1979.

Ces hommes sont nés dans le fascisme espagnol, et n'ont comme formation que celle de sous-officier de l'armée espagnole (acquise à Saragosse en 1963-65), voire n'ont aucune formation, tel ceux issus des Jeunesses en marche avec Macias. Tout comme le fit Macias Nguema, ils déclarent par la bouche de Obiang Nguema que « les divergences politiques ne sont pas compatibles avec la reconstruction nationale » (Paris, 18 novembre 1980). Alors qu'avec Macias Nguema le vide politique était dominé par un civil, assisté par des militaires et para-militaires complices, souvent parents, le vide politique actuel est uniquement dominé par l'armée, sous le même commandement qu'auparavant. Le 28 août 1979 déjà, le quotidien espagnol Ya, proche des milieux conservateurs royalistes, déclarait : « Il ne s'est pas produit une révolution du peuple contre l'oppression, mais une sorte de « Révolte de Palais ». Le Conseil Militaire Suprême, présidé par Teodoro Obiang Nguema, est composé d'hommes qui avaient soutenu le régime de Macias »... Il convient de souligner « que les hommes qui ont été les protagonistes du coup d'Etat contre Francisco Macias Nguema faisaient [PAGE 27] partie de l'establishment équato-guinéen, étant donné que toute opposition au régime politique et militaire avait été systématiquement éliminée par le tyran, à travers les successifs « bains de sang » pratiqués en presque onze ans, ou est réfugiée à l'étranger. »

« C'est pourquoi on peut supposer que nous nous trouvons devant un changement de régime provoqué par des hommes qui étaient eux aussi sur le point de tomber sous la hache folle de Macias, mais que pour destituer le tyran ils ont profité des circonstances de chaos et de ruine totale auxquels était réduit le pays. Il s'agit ainsi d'un coup d'Etat militaire dans lequel n'entreront que très progressivement les politiciens de l'opposition en exil ».

« Compte tenu de la formation militaire et idéologique des actuels responsables au sein du Conseil Militaire Suprême, il ne faut pas espérer qu'en Guinée Equatoriale se produise un profond changement institutionnel ».

Un mois plus tard, l'organisation nord-américains Catholics for Christian Political Aid attirait l'attention du gouvernement des Etats-Unis sur le fait que rien n'avait changé en Guinée Equatoriale. Le lendemain 28 septembre – un jour avant l'exécution de son oncle – le premier vice-président de la IIe République nguemiste, Maye Ela, affirmait devant l'Assemblée générale des Nations Unies que le gouvernement militaire avait créé les circonstances propres à une reconstruction nationale et que les conditions qui ont obligé les réfugiés à quitter le pays avaient « totalement disparu ». Puis, au XIe anniversaire de l'Indépendance, le 12 octobre 1979, le président Obiang Nguema annonçait une amnistie générale pour les réfugiés.

Il convient, maintenant, de vérifier le degré de crédibilité de ces hommes, de leurs affirmations et proclamations. En novembre 1979, le vice-président Maye Ela attirait l'attention du rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, à Santa Isabel, sur le fait que les réfugiés de retour « seront soumis aux mêmes restrictions que le reste de la population en matière d'activités politiques ». Cet avertissement est significatif, car il montre que les conditions antérieures perdurent, puisque depuis 1973 pratiquement toute activité d'expression démocratique est interdite. Divers documents importants fournissent la preuve que la situation en Guinée Equatoriale ne s'est pas fondamentalement [PAGE 28] modifiée avec la disparition de Macias Nguema. C'est ainsi que le rapport de la Commission Internationale des Juristes sur le procès du président de la Ie République nguemiste précise dans sa préface (Genève, novembre 1979, p. 3) : « Etant donné qu'il s'agit d'un rapport sur le procès, il ne faut pas y chercher évaluations politiques sur le futur de la Guinée Equatoriale. Il est trop tôt de conclure que les faits positifs comme l'est la convocation d'un Tribunal Militaire Spécial et d'y conduire Macias Nguema, ainsi que certains de ses collaborateurs, marque un changement réel dans l'histoire de ce pays. Mais ce qui ne peut être ignoré, c'est qu'un nombre important de réfugiés qui échappèrent à l'oppression implantée par Macias ne se décident pas à rentrer en Guinée Equatoriale, craignant que l'engagement du gouvernement du Lt-Col. Theodoro Obiang Nguema avec la démocratie et le respect des Droits de l'Homme soit moindre que ne le laisserait supposer le fait d'avoir organisé un procès public. De telles appréhensions ne peuvent pas être écartées si l'on se souvient que le Lt-Col. Obiang [Nguema] fut Ministre des Forces Armées et Gouverneur militaire de la province de Bioko [Fernando Poo] jusqu'au moment du coup d'Etat dirigé par lui. Comme le souligne le Dr Artucio, seuls quelques rares coupables de délits durant l'ère de Macias [Nguema] ont été jugés et, d'autre part, le Conseil Militaire Suprême n'est pas encore disposé à tolérer les activités politiques. Les antécédents de ceux qui occupent aujourd'hui le pouvoir sont également un motif de préoccupation parmi les exilés équato-guinéens ».[5] [PAGE 29]

Début 1980, la Société Anti-Esclavagiste et pour la protection des Droits de l'Homme à Londres, approuvait les termes du rapport ci-dessus. En février 1980, le rapport de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, outre la confirmation des observations pessimistes déjà signalées, apportait une série de constats le plus souvent accablants :

    – le gouvernement militaire n'a pas rempli ses engagements face aux Nations Unies (manque d'assistance à la mission; entrevue promise avec le président Obiang Nguema, puis refusée; empêchement d'enquêter en toute liberté; insolence de Mba Oñana, etc) ;

    – la liberté de culte, d'enseignement, de mouvement, de commerce semble rétablie (sans restrictions visibles), et le peuple espère que le pays sorte bientôt du chaos;

    – une forme atténuée de travail forcé subsiste dans les plantations de cacaoyers;

    – « le système judiciaire n'est pas encore conçu de manière à assurer efficacement la protection des droits des citoyens et, ce qui est pire, pour les cas les plus graves et les plus importants, il dépend en dernier ressort de la décision politique de l'élite militaire au pouvoir »

    – le « Gouvernement de Guinée Equatoriale ne semble pas accorder l'attention voulue au problème de la promotion de la défense des Droits de l'Homme »

    – « l'absence de mécanisme de contrôle politique, caractéristique de la démocratie représentative et indispensable à la mise en pratique des valeurs supérieures qui en sont la raison d'être, compromet gravement la liberté recouvrée par le peuple et, comme le Rapporteur Spécial a pu le constater, permet d'apporter actuellement de graves restrictions des libertés d'expression des citoyens et de les généraliser dans l'avenir ».

Suivait, en juin 1980, un rapport de mission du Conseil Oecuménique des Eglises (Genève), qui laisse entendre que toute réunion de plus de trois personnes est interdite, ce qui peut gêner les activités religieuses.

Hormis la disparition de Macias Nguema d'Eyegue Ntutumu, rien n'a donc changé à la tête de l'Etat équato-guinéen (sinon l'éloignement provisoire du civil Oyono [PAGE 30] Avingono, qui travaille à Madrid chez García Trevijano, l'ex-conseiller économique, voire politique de Macias Nguema). Certes, l'épidémie d'assassinats a cessé, mais cela en fait avant le coup d'Etat du 3 août 1979; c'est en 1978 déjà que pratiquement toutes les personnes prétendument dangereuses avaient été liquidées ou étaient parvenues à fuir à l'étranger (selon le rapport d'Amnesty International de 1978, 40 000 personnes ont été liquidées pour sauver les intérêts de la famille des Macias et des Nguema). On ne peut donc pas parler, à propos du régime militaire nguemiste actuel de « dictature sanguinaire », sinon de la continuation en ligne directe du régime nguemiste civil : crimes, tortures, viols, incendies de villages, expulsions de diplomates, rançons, à travers les deux instruments de la dictature que sont la Guardia nacional (l'armée) et la Jeunesse en marche avec Macias, qui monopolisent le pouvoir depuis le 3 août 1979.

La volonté des militaires nguemistes de ne pas accorder aux civils l'exercice des droits politiques (donc aussi celui d'expression) dont ils ont été privés depuis douze ans, a été exprimée une nouvelle fois par le le vice-président de la République, Maye Ela, lors de son voyage en Espagne en tant que ministre des Affaires étrangères, fin octobre 1980 : « pas avant cinq ans ». Les déclarations d'Obiang Nguema, déjà citées, faites à Paris milieu novembre 1980 au sortir de l'Elysée – vont dans le même sens. Elles confirment les dires du rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, en mars 1980, à Genève, qu'il y a de gros risques de rechute de la Guinée Equatoriale dans le despotisme antérieur. Toutes les informations disponibles jusqu'à présent prouvent que cette rechute a été quasi immédiate.

Il est aisé d'imaginer que dans ces conditions, rentrer au pays relève, pour un exilé politique, de la témérité ou de l'inconscience. Diverses sources concordantes montrent d'ailleurs que des opposants au régime Macias Nguema appâtés par l'amnistie d'Obiang Nguema ont été sévèrement malmenés à leur retour au pays. Début 1980 déjà le rapporteur de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies signalait que trois réfugiés politiques enfuis en 1972 – et rentrés en novembre 1979 – ont été emprisonnés dans leur ville d'Evinayong (connue pour avoir toujours résisté aux nguemistes). Il s'agit de Angel [PAGE 31] Nguema Edu (31 ans), Sebastian Mba Nguema (33 ans) et Maria Simon Eyoma (40 ans). Ces hommes avaient participé en 1976 à une action armée contre les nguemistes, avec des fusils de chasse, en partant du Gabon, et en particulier contre la Guardia nacional commandée par Obiang Nguema et ses cousins et neveux. L'emprisonnement de ces réfugiés a été confirmé devant la commission onusienne par le Mouvement international pour l'Union fraternelle entre les Peuples (UFER).

D'autres exemples encore de réfugiés rentrés, eux, d'Europe, et qui ont été sérieusement molestés :

Décembre 1979 : à Bata, sur les ordres du gouverneur militaire d'alors, l'oncle d'Obiang Nguema, le Cdt Mba Oñana, ont été battues les personnes suivantes, arrivant d'Espagne :

    – Justino Mba Nsué, ex-secrétaire général du ministère des Mines et Industrie.
    – Moïses Mba Ada, ex-président du Conseil de la République (Sénat).

Tous deux ont dû être hospitalisés plusieurs semaines.

Juin 1980 : à son retour à Santa Isabel, le réfugié politique Esono Mbomio, Juan, licencié en droit, a été frappé dès sa descente d'avion à en avoir la denture brisée.

On pourrait allonger la liste par l'avocat Solero Si, le professeur Lucas Owono, le médecin Alejandro Masogo et tant d'autres.

Il est de notoriété que tous les réfugiés qui rentrent sont battus avec plus ou moins de vigueur; s'il s'agit d'opposants déclarés du nguemisme, on frappe plus fort. Tous ces réfugiés politiques revenus dans leur patrie sont qualifiés de donativos, soit de « personne à qui l'on daigne offrir la chance de rentrer au pays ». Divers donativos occupent des postes sans grande portée, dans certaines administrations techniques, en particulier au ministère de I'Education. C'est le cas du sculpteur Leandro Mbomio, directeur des Arts et Culture, ou de Nve Bengobesama Ochaga, professeur, qui gère l'Ecole secondaire de Santa Isabel.[6] D'autres, comme Mariano Nsue Nguema (ex-avocat à Madrid) travaillent sous l'autorité de militaires [PAGE 32] sans compétence, mais sont privés du pouvoir de décision. La situation intérieure catastrophique, tant au plan économique que politique a amené de nombreux réfugiés qui avaient fait confiance aux promesses fallacieuses d'Obiang Nguema, à s'expatrier une seconde fois.

Des informations filtrant de l'intérieur du pays laissent entendre que si les prisonniers politiques ont été libérés dans les localités où des journalistes sont admis (Santa Isabel, Bata, Mongomo), il en reste de nombreux dans les villes de province comme Akonibe, Akurenam, Ebebiyin, Evinayong, Kogo, Mikomeseng, Niefang, Rio Benito, San Carlos, toutes localités situées hors du nouveau district du Wele-Nzas dont le chef-lieu est Mongomo, et où dominent les Obiang Nguema et apparentés. Vu l'impossibilité de circuler dans l'ensemble du pays, où les barrières de l'ère Macias Nguema ont refleuri de plus belle, et compte tenu de la mauvaise volonté des chefs militaires, il est difficile de disposer d'une information complète sur la situation actuelle. En novembre 1979 déjà, le rapporteur spécial de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies avait signalé de façon détaillée qu'il avait été empêché de s'entretenir librement avec le public, dans la capitale et en province, particulièrement par le ministre de l'Intérieur, l'Esangui Mba Nchama, qui est toujours en poste plus de deux ans après la révolte de palais.

Conscients des problèmes intérieurs de leur pays meurtri, moins de 15 000 des 125 000 réfugiés à l'étranger avant le 3 août 1979 sont rentrés; parmi eux principalement des « réfugiés » économiques. En avril 1980, la revue Afrique Défense, publiée à Paris, chiffrait le retour total des réfugiés à 4 000, alors que le 17 mars 1980, l'Agence France-Presse signalait que seuls 460 réfugiés avaient quitté le Gabon sur les 60 000 officiellement recensés. A noter que, de façon semblable, les Espagnols propriétaires de plantations, expulsés par les nguemistes, refusent – de l'aveu même du vice-président Maye Ela – de remettre en marche leurs domaines et préfèrent être indemnisés. Après le retour de quelque 11 000 réfugiés (selon un représentant du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés), le flux a pratiquement tari au bénéfice d'un nouveau courant d'Equato-Guinéens s'échappant de leur pays. [PAGE 33]

Selon les réfugiés, les planteurs espagnols spoliés, ainsi que les assistants techniques espagnols, rien n'a changé clans le pays. C'est le principal mouvement d'opposition aux nguemistes, l'Alianza Nacional de Restauración Democrática (ANRD) qui a le mieux montré où le léopard nguemiste a mal à la patte : « Si Obiang Nguema jouissait de la confiance des Guinéens, il n'aurait pas besoin des Marocains ». En effet, plus de 250 soldats et officiels chérifiens lui servent de garde prétorienne. Pour contrer le poids de cette force marocaine « francophile », l'Espagne entraîne depuis fin 1980 une quinzaine d'Equato-Guinéens dans son Academia de los Grupos Especiales de Operaciones, à Guadalajara, et maintient en Guinée Equatoriale des conseillers militaires et de la police, avec un important matériel anti-émeutes.

A travers la presse internationale, en particulier espagnole et française, on peut – malgré la parcimonie des reportages et commentaires – se faire une idée de ce qu'était la Guinée Equatoriale début 1981. D'abord, « comme dans l'Espagne post-franquiste, on a l'impression que tous les Guinéens, y compris ceux qui détiennent le pouvoir, étaient en totale et absolue opposition avec l'ancien régime, chose dont personne n'est dupe » (Interviú. Madrid, 13 juillet 1980, p. 8). Faut-il alors s'étonner de ce que « dans ce contexte, les nombreux réfugiés rentrés au pays rencontrent les pires difficultés pour se réinstaller » (Faim-Développement. Paris, novembre 1980, p. 15) ? C'est que « quinze mois après la chute de Macias : la situation en Guinée Equatoriale a à peine changé » ... « Au volant des nouvelles automobiles on peut voir les nouveaux dirigeants du pays qui sont souvent les anciens, c'est-à-dire les mêmes de l'époque Macias [Nguema], et qui, à de rares exceptions près, sont Esangui de Mongomo, et appartiennent au clan qui dominait le pays durant l'étape antérieure » ... « Indubitablement, quelque chose a changé en Guinée [Equatoriale], la terreur s'est atténuée, bien que la peur n'ait pas disparu. Mais il n'est pas facile d'évaluer combien peut changer un pays sous les mêmes dirigeants, appuyés sur la même structure de pouvoir, à qui les prospections pétrolières ouvrent de nouvelles perspectives » ... « Le chef de l'Etat tend à se replier derrière sa garde marocaine, la seule qui garantisse sa sécurité » (P. Egurbide, Diario 16. Madrid, 11-16 [PAGE 34] novembre 1980). Dans Le Monde, l'excellent connaisseur de l'Afrique qu'est Philippe Decraene[7] s'il note que Obiang Nguema a bénéficié d'un préjugé favorable de la part de ses concitoyens au moment du coup d'Etat, remarque que depuis lors, la majorité des opposants demeurent réservés à son égard, lui reprochant de ne pas avoir rétabli une vie constitutionnelle normale, (Paris, 14 novembre 1980, p. 5). C'est pourquoi, estime Jeune Afrique, « le retour des réfugiés politiques et économiques reste d'ailleurs le point faible du nouveau régime » (Paris, 26 novembre 1980). En fait, souligne P. Sebastian dans El País, « le contrôle quasi policier qu'exerce le Maroc avec la garde personnelle du Président Teodoro Obiang [Nguema] « montre la faiblesse du régime (El País, Madrid, 5 décembre 1980, p. 18). La désorganisation générale serait en partie imputable à l'aide espagnole, aussi mal organisée en Espagne que mal exécutée en Guinée Equatoriale. Mais une des raisons majeures du chaos réside « dans la corruption régnant à Malabo [Santa Isabel], par dessus tout à cause de la maladresse et de la négligence du Président Teodoro [Oblang Nguema], et en raison des ambitions et des bénéfices que semble empocher le vice-président Maye [Ela] » (El País, Madrid. 10 décembre 1980, p. 15). Nous verrons plus bas que le président Obiang Nguema n'est pas en reste. Malgré deux voyages du roi d'Espagne, Juan Carlos, en Guinée Equatoriale en décembre 1979 et décembre 1980, « la situation... a peu changé » car « les anciens collaborateurs de Macias Nguema entourent Teodoro Obiang Nguema » (El Pais. Madrid, 11-12 décembre 1980, p. 15). Toutes ces observations confirment les analyses de l'Alianza Nacional de Restauración Democrática (ANRD), et les critiques des coopérants et propriétaires espagnols.

Il est temps de réaliser que la destitution de Macias Nguema n'est pas la fin du nguemisme. Même le ministère français de la Coopération, dans son Rapport sur la Guinée Equatoriale du 15 juin 1980, utilise plusieurs fois l'expression « révolte de palais ». Déjà le 21 mars 1980, Jacques Latrémolière soulignait dans Marchés [PAGE 35] tropicaux que le voyageur qui retourne en Guinée Equatoriale, aujourd'hui aux mains des hommes du Conseil Militaire Suprême, « retrouve d'ailleurs aux commandes de l'Etat certains de ses anciens interlocuteurs ».

Nonobstant ce qui précède, les actuels geôliers de la Guinée Equatoriale, dans leurs déclarations, voire dans des articles de propagande publiés à grands frais dans la presse internationale, évoquent « La liberté reconquise ». Après le miracle Macias Nguema, en voici donc un second le « miracle Obiang Nguema/CMS ».[8]

La probabilité était élevée début 1981, à l'instar de cequi s'est produit sous Macias Nguema, d'un pourrissement du régime Obiang Nguema. Les tensions sont vives entre membres du CMS, et au sein du groupe népotique nguemiste. Nous y reviendrons dans le 2e volet de cet article.

Au plan international, et en particulier africain, après les illusions nées de la révolte de palais, on commence enfin à prendre conscience des réalités de la Guinée Equatoriale sous domination nguemiste. Ainsi, à la Conférence de l'Union Syndicale Africaine, à Mogadisco, les 15-20 octobre 1980, les délégués syndicaux des divers pays participants ont-ils vu avec étonnement les sièges de la Guinée Equatoriale occupés par deux cadres du Ministère du Travail. Le chef de la délégation équato-guinéenne, Amadeo Nsé Maye, responsable de son ministère pour le Rio Muni, est originaire de... Mongomo. Après divers considérants sur la liberté d'association, inexistante en Guinée Equatoriale, la Conférence, au point 5 de sa Résolution prie « le Gouvernement de la Guinée Equatoriale de prendre les mesures adéquates afin de restaurer le fonctionnement normal des Syndicats dans le pays, en conformité avec les dispositions des Conventions 87 à 98 [PAGE 36] de l'O.I.T. ». Quand on sait que l'Unión Général de Trabajadores - dans la clandestinité depuis l'époque espagnole, en 1959 – vit aujourd'hui encore en exil au sein de l'Alianza Nacional de Restauración Democrática (ANRD), on comprend mieux pourquoi cette invite de l'Union Syndicale Africaine doit poser des problèmes à la dictature militaire.

L'ensemble des considérations et témoignages qui précèdent, et qui se limitent à la fin 1980, montre que l'amnistie proclamée par Obiang Nguema le 12 octobre 1979 à l'endroit des exilés était un instrument de propagande formulé par ceux-là même qui sont la cause de la situation catastrophique que connaît la Guinée Equatoriale. C'est une sorte d'amnistie à l'envers. Elle illustre la volonté de la junte et des civils nguemistes de tromper l'opinion intérieure et internationale sous le slogan de « La liberté reconquise », alors que tout concourt à démontrer le contraire : la dictature Macias Nguema continue.

Depuis 1979 et la chute de pouvoirs aussi divers que ceux de Ian Smith en Rhodésie/Zimbabwe, d'Idi Amin Dada en Ouganda, de J.-B. Bokasa en Centrafrique et de Macias Nguema en Guinée Equatoriale, la plupart de ces pays ont connu un retour, bien que souvent difficile, à une vie civique décente, la Guinée Equatoriale exceptée. En effet, le Zimbabwe, l'Ouganda et la R.C.A. ont vécu des élections législatives et ont vu renaître un début de débat politique. En Guinée Equatoriale, les héritiers de Macias Nguema diffèrent l'échéance de suffrage universel vers un horizon chaque fois plus éloigné. On ne sera donc guère surpris d'apprendre que l'appel lancé le 10 août 1979 par l'ANRD en vue d'une réconciliation nationale et de la création des conditions permettant la restauration du pays par la dissolution de toutes les structures oppressives de la dictature, n'a pas reçu de réponse à ce jour. Au contraire, tantôt la dictature nguemiste de Obiang Nguema, de sa famille et de ses laquais, qualifie la diaspora d'« élément déstabilisateur », tantôt elle en nie l'existence.

Rien n'a changé en Guinée Equatoriale.

(à suivre) [PAGE 37]

Max Liniger-Goumaz
Prof. Ecole Supérieure de Cadres pour
l'Economie et l'Administration et
Ecole Supérieure de Commerce, Lausanne
1349 La Chaux
(Suisse)
15 août 1981

Dr ès sc. éc., Lic. ès. sc. géogr., Lic. ès sc. soc. 17 ans de coopération technique en Afrique noire, avec l'UNESCO, le PNUD, la BIRD et le CICR : formation d'enseignants secondaires, évaluation de projets, conseiller technique principal, press officier. Nombreuses publications. Outre sur la Guinée Equatoriale, p. ex. : – "La Suisse sa neutralité et l'Europe." Ed. Temps. Genève, 1965. – "De l'Eurafrique. Utopie ou réalité." Ed. Clé. Yaoundé, 1972. Membre de l'Association des écrivains de langue française du comité de la Société suisse d'Etudes africaines.


[1] Pour une approche plus détaillée de la Guinée Equatoriale, cf. :
Max Liniger- Goumaz, La Guinée Equatoriale. Un pays méconnu. Hamattan. Paris, 1981, 512 pp.

– « La République de Guinée Equatoriale, une indépendance à refaire ». Afrique contemporaine, 105. Paris, octobre 1979, pp. 8-21.
– « La Guinée Equatoriale », Acta Geographica. Revue de la Société de Géographie de Paris, 43. Paris, 1981.
Guinea Ecuatorial. Bibliografîa general, 4 volumes. Commission Nationale Suisse pour l'UNESCO. Berne, 1974-1980.

[2] Assisté d'un secrétaire technique en la personne de F. Epalepale Ilina, connu comme affairiste et irréductible de Macias Nguema.

[3] Obiang Enama sera accusé dans le cadre du « complot » fabriqué du printemps 1981, condamné à six mois d'emprisonnement, puis grâcié par Obiang Nguema le 14 août 1981.

[4] Membre du CMS, nommé lieutenant le 3 février 1981 (Décret 6/1981), Nguema Edu a été promu le 5 mars 1981 secrétaire technique adjoint du ministère de la Défense nationale (Ministre : le président Obiang Nguema), en remplacement du capitaine M. Ndong Mba (Décret 18/1981).

[5] Le Dr Artucio, observateur de la C.I.J., écrit p. 68 du rapport : « Le procès s'est contenté de ne juger que quelques-uns des responsables du régime de terreur, bien que, sous la foi des dénonciations effectuées antérieurement et de l'opinion de diverses personnes avec lesquelles j'ai conversé à Mlabo [Santa Isabel] il y eut beaucoup d'autres qui commirent des délits, aux divers niveaux de fonction qu'ils occupaient dans le gouvernement Macias [Nguema].

Dans ce sens, j'enquête sur les assassinats, tortures et détentions illégales se réfère en général à des faits qui se sont produits dans les premières années du gouvernement Macias Nguema [donc avant que Obiang Nguema et ses cousins et oncles n'occupent les plus hauts postes]. Or, il est de notoriété qu'à des époques plus récentes l'intensité répressive du régime n'a en rien diminué. »

[6] Le 16 mars 1981, Ochaga a été désigné directeur technique de l'enseignement supérieur, moyen et technique, au ministère de l'Education nationale (Décret 49/1981).

[7] Bien entendu, P.N.-P.A. ne prend pas cette appréciation à son compte.

[8] Le cas le plus significatif est celui du lamentable encart dans Jeune Afrique, no 1021,du 30 juillet 1980. Sur 18 pages couleurs, le Service de promotion J.A. a réalisé pour le compte du CMS un document parfaitement trompeur sur les réalités de Guinée Equatoriale, et qui jette un sérieux doute sur la crédibilité de l'information africaine diffusée par cet hebdomadaire.

Même remarque pour l'article complice de Ph. Essomba dans Bingo, Paris, janvier 1981, « La fin d'un cauchemar », dont les huit pages polychromes semblent avoir été payées par le CMS 15 millions de francs CFA. Qui écrira un jour le livre : L'Afrique ment aux Africains... ?