Que des gouvernements que la France tient à bout de bras, et que conseillent d'ailleurs des assistants techniques français notoirement et nommément connus, cessent de prendre à l'encontre de l'intelligentsia africaine des mesures comme celle qui, noue apprend-on, vient de frapper à Yaoundé le célèbre philosophe Marcien Towa.

En effet, depuis quelques mois, Marcien Towa est « interdit de conférence », c'est-à-dire qu'il n'a plus le droit de prendre la parole en public, en dehors de ses cours à l'Université. Comment ne pas songer à ce qui se passe dans un autre pays de démocratie idyllique, en Amérique latine cette fois, le Chili de M. Pinochet ? Voilà qui ne manquera pas d'alerter Régis Debray, le conseiller de François Mitterrand pour les affaires du tiers-monde.

Le régime d'Ahidjo a donc osé franchir cette étape particulièrement révoltante dans la langue série de tentatives datant des premières années de l'indépendance, et au terme desquelles il espère pouvoir réduire totalement au silence le philosophe camerounais.

Il est à noter que cet obscurantisme digne du moyen-âge frappe aussi l'ensemble de la classe intellectuelle camerounaise. puisque, désormais, pour prendre la parole dans une réunion publique, fût-ce à l'occasion d'un congrès de spécialistes, il faudra déposer quelques jours auparavant auprès d'un organisme spécialisé du gouvernement le texte des interventions.

Qui calculera jamais le retard que ces pratiques d'un autre âge, inspirées par des conseillers qui sont souvent bien en cour à Paris, nous infligent par comparaison avec l'Afrique anglophone : au Nigeria, par exemple, la recherche, l'expression et même la contestation sont totalement libres.

Si francophonie doit éternellement signifier obscurantisme, alors non à la francophonie !