|  POEMES 
Gilles CISSOKO et Matondo Kubu TURE
 
 
COMPLAINTE DE LA FEMME NOIRE 
 
A notre mère pour son éternel amour
 
Homme noir, Homme d'Afrique ! Quelle vie me réserves-tu ?
 A quel destin suis-je liée?
 Pourquoi me dis-tu que je suis aveugle?
 Suis-je uniquement faite pour le foyer ?
 Souviens-toi ! Homme noir, qu'ensemble
 Nous avons vécu le même passé.
 La triste vie de la traite des esclaves
 Les sombres années de la colonisation
 L'âpre lutte de la libération.
 Alors oublies-tu ce récent passé ?
 Je réclame le chemin de l'égalité
 L'égalité dans le travail
 Rappelle-toi que ta lutte est aussi mienne
 Cette lutte pour la liberté,
 Cette lutte contre la misère de nos peuples.
 Homme noir ! Homme d'Afrique !
 Dans les usines, les bureaux,
 Dans les champs, les chantiers
 Travaillons ensemble
 Car notre dignité, notre liberté
 Sont entre nos mains.
 Faisons de la vie de nos peuples
 Un avenir vivable et serein.
 
Gilles CISSOKO
  
 
[PAGE 99] 
 
AOUT 1963 
 
 
quand j'appris les termes de la chanson qui a faim il était matin sur mon enfance
 par un soleil futile de la saison
 au lointain de mes dix ans
 je me tenais planté à la véranda
 la rue fêtait une espèce de cirrhose éclatée
 blindés de l'armée française en bastion
 police locale sur les nerfs
 mais la villa de monsieur le député-ministre
 crevait au surgir des cris
 
 
13,14,15 août 1963 quelle émotion étranglait mes horizons enfantins
 était-ce dur à comprendre
 13, 14, 15 août 63 à Mfwa
 je dépeçais ma joie enfin découverte
 
 
mais sur quel fronton de palais échouent les salives en herbe
 bien que malades de leurs molécules
 seul un peuple organisé
 triomphe de ses bourreaux
 
 
16, 17, 18 et caetera le clan des encravatés se mit à distribuer
 des centimes d'avenir dévalué
 seul un ...
 oui lui seul...
 
Matondo Kubu TURE
Cluj Octobre 1972.
 
Tiré de « Ces visages noirs du pays qui tue » Tome II,
à paraître aux éditions Saint-Gemain-des-Prés. 
 
 
 
 
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