© Peuples Noirs Peuples Africains no. 13 (1980) 119-122



COMMUNIQUE : UNE NOUVELLE OFFENSIVE DES SCOLAIRES MALIENS

E.E.S.M.F.    F.E.A.N.F.

Depuis le vendredi 16 novembre 1979 se développe au Mali une grandiose grève de 20 000 élèves du secondaire et 6000 étudiants de l'enseignements supérieur, regroupés et organisés au sein de l'U.N.E.E.D. (Union Nationale des Elèves et Eudiants du Mali). Tous les établissements d'enseignement secondaire et supérieur sont fermés, à dater du mercredi 5 décembre, par décision du B.E.C. (Bureau Exécutif Central) de l'U.« D ».P.M., le parti unique réactionnaire de type fasciste de la bourgeoisie politico-bureaucratique et compradore et des féodaux, dénommé Union « Démocratique » du Peuple Malien, tandis que les forces de répression occupent ces écoles et quadrillent systématiquement les villes.

Que réclament les scolaires ?

L'application tout simplement des résolutions adoptées par le gouvernement au dernier Séminaire de l'enseignement.

De quoi s'agit-il ?

Tenu en décembre 1978, ce Séminaire était convoqué par le clan pseudo-démocratique du Comité Militaire ayant à sa tête le général Moussa Traoré, pour, disait-on, « réfléchir sur les causes de la crise » du système éducatif malien et « proposer les solutions adéquates pour y remédier ».

En fait, le pouvoir visait ainsi à faire avaler à notre peuple la pilule de sa réforme néocoloniale de l'enseignement Palme-Belloncle (du nom de ses deux auteurs, experts de l'UNESCO, en fait agents de l'impérialisme français).

Mais les enseignants, élèves et étudiants, quoique dominés par de nombreuses illusions réformistes, prennent d'assaut le Séminaire et le transforment en une véritable tribune de dénonciation de la politique sélective et antidémocratique du pouvoir en matière d'enseignement.

Le colonel Youssouf Traoré, alors ministre de l'Education, [PAGE 120] acculé par la combativité des séminaristes, est obligé d'adopter au nom du gouvernement des résolutions décidant, entre autres, de l'abrogation des concours d'accès à l'enseignement supérieur (imposés en 1977 à travers une répression barbare généralisée faisant 8 morts et des centaines de blessés), du concours d'entrée à la fonction publique (également imposé en 1978 dans un nouveau statut de la fonction publique malienne, draconien, policier et arbitraire (limites d'âge, concours) aboutissant à jeter à la rue des milliers de diplômés en fin d'études), et enfin la « suppression pure et simple » du tronc commun dans le secondaire. Ce tronc commun se situe au niveau de la 10e (qui correspond à la seconde du lycée). On y met tous les élèves dans le même sac, alors que les matières scientifiques y ont les coefficients les plus élevés. La conséquence voulue est le renvoi massif d'élèves dont le seul crime est d'être plus doués en lettres et langues.

Cependant à la rentrée scolaire et universitaire 79, les élèves et étudiants se rendent compte du rejet pur et simple de ces justes résolutions par le pouvoir, malgré tous les mensonges du nouveau ministre de l'Education de « gauche », Tierno Diarra, et son cabinet d'opportunistes.

C'est donc en toute légitimité que, prenant toutes ses responsabilités, l'U.N.E.E.M., à l'issue d'une réunion de son Comité Directeur regroupant le Bureau Coordinateur (organe dirigeant), les représentants des divers établissements de Bamako et des régions de l'intérieur du pays, déclenche à l'unanimité, le vendredi 16 novembre, la grève pour la satisfaction des revendications qui se résument à l'application effective des trois abrogations citées plus haut et l'achèvement des travaux de construction des cantines dans les lycées régionaux et notamment à Dioila et Banamba, au plus tard le 31 janvier 1980. Il faut ici souligner qu'il est tout simplement impossible aux lycéens de survivre avec de dérisoires bourses trimestrielles de 40 000 F maliens (400 F français). La plupart d'entre eux qui sont demi-boursiers ou pas du tout sont réduits à se nourrir de bouillie de riz à longueur de journée, mendier leur pitance et coucher à la belle étoile du fait qu'ils ne connaissent personne dans des villes comme Kayes, Gao, Dioila et Banamba.

Quelle a été à ce jour l'attitude du pouvoir ? [PAGE 121]

Comme face à toutes les revendications légitimes de notre peuple, c'est le développement de la répression là où la mystification, l'intimidation, les pressions et les tentatives de récupération échouent :

- Mutisme total du pouvoir et de son ministre pendant une semaine face à la grève déclenchée.

- Puis utilisation de ses organisations fantoches U.N.F.M. (de femmes) et U.N.J.M. (de jeunes) et de la direction caporalisée de l'U.N.T.M. (travailleurs) pour faire pression sur le B.C. de l'U.N.E.E.M.

- Intimidations et mensonges du ministre à la radio nationale, suivies de menaces de considérer tout gréviste comme démissionnaire de l'école.

- Menaces du chef des services de Sécurité, Diouf.

- Interventions d'intellectuels opportunistes du genre Allatio Dicko, conseiller technique à la présidence, pour proposer une rencontre avec le général Moussa Traoré.

Mais rien n'y fait. Le B.C. de l'U.N.E.E.M. remet tout ce beau monde à sa place, élargit la grève aux 370 000 élèves des écoles fondamentales qui suivent partout le mouvement, tient victorieusement ses meetings et marches de protestation, notamment celle du lundi 26 novembre, à Bamako, où les scolaires, filles en tête, rompent les cordons des forces de répression armées jusqu'aux dents, défilent en scandant leurs revendications et d'autres telles : « U.N.F.M. lèche-cul du pouvoir », « A bas le néocolonialisme culturel », « Non à la tutelle française sur notre pays » et d'autres slogans hostiles au président et au parti.

Le ministre, tremblant de peur, les larmes aux yeux, se fait huer par les scolaires.

Par la suite, à Bamako, c'est la répression ouverte des gendarmes qui tirent sur une fille de 13 ans et font de nombreux blessés graves. En réponse, les mères arrêtent et bastonnent les militaires à coup de pilon.

Dans les régions, face à la répression qui s'abat dès le 16 novembre, c'est la solidarité des masses populaires armées de gourdins qui libère le comité scolaire emprisonné à Sikasso, s'attaque aux gendarmes qui sont battus à sang. Parmi eux, les commandants de brigades de Diola et Banamba, évacués et hospitalisés à Bamako.

Partout, les élèves et étudiants se battent, soutenus par les masses populaires. [PAGE 122]

Un tel rapport de force oblige un moment le pouvoir à négocier et à faire mine de reculer. Mais ce n'était que de nouvelles promesses vaines et des tentatives ignobles de justifier les concours d'accès à l'enseignement supérieur par des inepties du genre « idéal de justice et d'équité de notre peuple ».

Face au refus catégorique des élèves et étudiants de toute compromission avec le pouvoir et à la relance de la grève le mardi 4 décembre par le B.C. de l'U.N.E.E.M., le B.E.C. déclenche sa machine de propagande : « La grève a une coloration politique et les pêcheurs en eaux troubles en profitent. »

« L'U.N.E.E.M. rejette en bloc l'U.D.P.M. », « les élèves et étudiants sont contre la décision du peuple qui ne veut pas du socialisme scientifique ».

Ces déclarations de réactionnaires enragés, suivies de la fermeture scélérate des établissements, traduisent la panique d'un régime aux abois qui vise, comme en 1977, à diviser le mouvement et liquider la grève par tous les moyens.

L'ASSOCIATION DES ETUDIANTS ET STAGIAIRES MALIENS EN FRANCE appelle l'opinion publique internationale, tous les démocrates et organisations démocratiques et anti-impérialistes de France

- A SOUTENIR ET POPULARISER les justes revendications et la vaillante offensive des élèves et étudiants maliens.

- A DENONCER FERMEMENT toutes les mesures répressives et mystificatrices du régime néocolonial des classes exploiteuses réactionnaires maliennes, ayant à leur tête le général Moussa Traoré, ainsi que celles de leurs structures d'embrigadement (U.N.F.M., U.N.J.M.) de la direction caporaliste de l'U.N.T.M. et des intellectuels opportunistes et réformistes de tous bords.

ECHEC AUX REFORMES NEOCOLONIALES ET ANTIPOPULAIRES DE L'ENSEIGNEMENT !

A BAS L'ETAT NEOCOLONIAL MALIEN !

A BAS L'IMPERIALISME, PRINCIPALEMENT FRANÇAIS !

LE PEUPLE MALIEN MOBILISE ET ORGANISE SOUS LA DIRECTION DE LA CLASSE OUVRIERE ET SON PARTI D'AVANT-GARDE VAINCRA !

Paris, le 10 décembre 1979.