© Peuples Noirs Peuples Africains no. 9 (1979) 165-173



ASSOCIATION DES ÉTUDIANTS ET STAGIAIRES MALIENS EN FRANCE

Communiqué de Presse

– Dénonçons jusqu'au bout les parodies de procès de Bamako et Tombouctou !
– Non à la mise sur pied de l'U.D.P.M. le 28 mars !
– Démasquons l'U.N.J.M. !

Après dix ans de dictature féroce, dix ans de règne arbitraire, jalonnés d'exactions inouïes et de répression sanglante contre le peuple malien, le pouvoir pro-impérialiste, notamment français, du Comité Militaire (C.M.) qui, par le putsch du 19 novembre 1968 a renversé le régime pseudo-révolutionnaire et anti-populaire de l'U.S.R.D.A., se désagrège peu à peu, du fait notamment de ses contradictions internes aiguisées par la montée des luttes populaires.

Il n'en cherche pas moins les moyens de sa survie.

En effet, le 28 février 1978, un coup d'état pro-impérialiste élimine une fraction de la junte et marque le début d'une nouvelle ère de mystification orchestrée par le clan pseudo-démocratique du C.M., avec comme chef de file le Gl Moussa Traoré, soutenu en force par les opportunistes de tous bords. [PAGE 166]

– C'est dans ce nouveau contexte de mystification et de collaboration de classes, marqué par la prédominance de courants réformistes semeurs d'illusions au sein des masses, que le C.M., se remettant de l'échec antérieur de ses tentatives d'embrigadement de la jeunesse et de mise sur pied de son parti unique de type fasciste et pro-impérialiste dénommé U.D.P.M. (Union « Démocratique » du Peuple Malien) réussit entre autres :

    – à orchestrer le congrès constitutif de la fantoche U.N.J.M. (Union Nationale de la Jeunesse du Mali) qui se prononce pour une « voie progressiste de développement économique ».
    – à maintenir caporalisée l'U.N.T.M. (Union Nationale des Travailleurs du Mali) qui surenchérit avec son option pour une « voie non-capitaliste de développement ».

L'U.N.J.M. fantoche et l'U.N.T.M. caporalisée proposent ainsi leurs voies réformistes comme stratégie du parti à créer, et dont, avant même sa création, ils se reconnaissent comme partie intégrante et caisse de résonance.

– C'est aussi dans ce nouveau contexte que s'installe désormais, tambours battant, les cellules et autres instances de base de l'U.D.P.M., au rythme effréné de quarante à cinquante par jour, sur la base d'élections de bureau préfabriquées et se faisant même souvent sans consultation ou en l'absence des intéressés directs.

La pagaille est telle que dans les élections de certains bureaux de sections (Mopti, Kayes... etc) les membres de l'U.N.J.M. et de l'U.N.F.M. (Union Nationale des Femmes du Mali) ayant été mis à l'écart, le clan pseudo-démocratique et son chef de file Moussa crient à « l'anti-démocratique » et donnent l'ordre d'y recommencer les élections pour intégrer les représentants de ses sécrétions fantoches que sont l'U.N.J.M. et l'U.N.F.M.

Pendant ce temps une Commission Nationale Préparatoire du Congrès Constitutif de l'U.D.P.M. (C.N.P.C.C.), nommée autocratiquement par le Gl Moussa Traoré et représentative de l'ensemble des forces réactionnaires, pseudo-révolutionnaires et réformistes de notre pays, avait à charge d'élaborer de nouveaux projets de programme, statuts et règlement intérieur du parti (Nous renvoyons à cet effet le lecteur à notre document « L'Etudiant Malien » no 1/79. Ces [PAGE 167] projets devaient être amendés et adoptés aux journées préparatoires du congrès constitutif, journées tenues à Bamako les 26, 27 et 28 février 1979 sous la direction triomphante du Cl Baba Diarra, Ministre des Finances, qui nous assure dans son discours de clôture d'un « consensus national dynamique » réalisé en dépit de « tentatives subtiles de bloquage » (Essor des 3 et 4 mars). C'est ainsi que le Congrès Constitutif du parti doit s'ouvrir le 28 mars.

– C'est dans ce contexte enfin, que le plan pseudo-démocratique du C.M. décide de juger publiquement ses compagnons de route et de classes arrêtés le 28 février 1978.

Mais avant tout, il s'agit de mystifier les masses et de gagner du temps. A cet effet le procès est arbitrairement scindé en deux volets. Le 18 octobre 78, les Tiékoro, Kissima et compagnie sont jugés à Bamako. Le procès est public. C'est le volet politique. Chef d'accusation : « complot contre la sûreté de l'état et haute trahison ». L'objectif du pouvoir est de masquer la vraie nature de son propre coup d'état pseudo-démocratique et pro-impérialiste.

La pierre soulevée par Moussa et sa bande leur retombe sur les pieds ! Les accusés, sachant qu'ils ne sont pas jugés pour les crimes commis contre le peuple, fanfaronnent, sèment la confusion et tournent en ridicule Maître Alassane Beye, avocat général à la solde du C.M. La pourriture du régime et de ses rouages s'étalent devant l'opinion publique nationale et internationale.

De lourdes peines sont néanmoins prononcées dont notamment la condamnation à mort de Tiékoro Bagayogo (ex-chef des Services de Sécurité) et Kissima Doukara (ex-Ministre de la Défense) et 20 ans de travaux forcés pour Karim Dembélé (ex-Ministre des Transports et Télécommunications).

L'indifférence et l'indignation des masses qui se rendent compte qu'il n'est nullement question de leurs intérêts, sont à leur comble. Le procès révèle ce qui a toujours préoccupé au premier chef le C.M. : la survie du régime néocolonial et de l'aile militaire de la Bourgeoisie Politico-Bureaucratique (B.P.B.) à sa tête.

Mystifiant de plus belle, le Gl Traoré, désormais premier et unique conférencier de son Etat, se faisant champion du « retour à une vie constitutionnelle normale » de « l'instauration de la démocratie » ainsi que de « l'épuration et de l'assainissement total », arrête le 2 janvier 1979 le Cl Joseph [PAGE 168] Mara, ancien Ministre de la Justice et alors président de la pseudo-Commission Nationale d'Enquête (C.N.E.) instituée contre la corruption en vue du second volet du procès où les accusés devront répondre de « concussion, corruption et détournement de deniers publics ».

Cependant le clan pseudo-démocratique du C.M. tire les leçons du premier procès. Le second ne sera pas public. Et de surcroît, il est transféré à Tombouctou, dans l'extrême nord du pays. Cette nouvelle manœuvre grossière vise à limiter les dégâts, d'abord dans l'aile militaire de la B.P.B. dont les membres (qu'ils soient du C.M. ou gouverneurs de régions ou commandant de cercle et autres officiers supérieurs de l'armée) sont tous aussi pourris les uns que les autres, mais aussi dans l'aile technocratique de la B.P.B. et dans la Bourgeoisie compradore (B.C.).

Le Gl Moussa Traoré, puis le technocrate Abdoulaye Amadou Sy, Ministre des Transports et des T.P. qui assurait l'intérim du Ministre de la Jeunesse en déplacement, ont beau par la suite objecter en réponse à l'U.N.J.M. que Tombouctou c'est au Mali, ils ne feront croire à personne que le transfert du procès relève d'une simple histoire de géographie et d'unité nationale. C'est ainsi que bien avant le transfert, de nombreux gros commerçants et certains directeurs de Sociétés et Entreprises d'état, tapageusement accusés de corruption et arrêtés au lendemain du 28 février dans le cadre de la pseudo-C.N.E. sont tranquillement acquittés et relâchés.

Pour sa part, le Gl Traoré qui jurait tous ses grands dieux qu'il irait « jusqu'au bout », dût-il taper dans certaines « familles », commence par se parjurer en assumant avec Garangé Mamu, le griot de la réaction d'hier et d'aujourd'hui, la défense de sa propre femme, la première dame, mais aussi la première trafiquante du Mali, de notoriété publique.

Il ne reste plus dès lors pour le volet dit économique du procès que les quatre ex-membres du C.M. et cinq autres civils et militaires. De fait, passant sur le corps de Me Chevrier (avocat français au barreau de Bamako, chargé de la défense des accusés, mystérieusement mort à Tombouctou le 27 février 79 et ayant obtenu le report du procès ce même jour sur la base de sa démonstration d'un vice de procédure juridique) et passant outre la PROTESTATION en date du 25 février du Bureau Exécutif National de l'U.N.J.M. et l'appel de ce dernier à une grève des jeunes de 48 heures à [PAGE 169] partir du 27, la clique du C.M. jette bas le masque démocratique, fait quadriller la capitale par sa police pendant toute la durée de la grève et ouvre le second procès à Tombouctou à huis-clos le 8 mars en promettant toutefois des échos sonores du procès sur les ondes de la radio nationale.

Mais, comme par hasard, il n'en sera rien, en raison dira-t-on « de difficultés de contact avec les reporters de Tombouctou » ( ! ! ! ?)

Par la suite, le verdict du procès tombe sur les ondes de la même radio, sans le moindre commentaire. Puis c'est le silence. Et pour cause !

Un verdict scandaleux, à la mesure de toutes les manœuvres citées plus haut :

    – Kissima Doukara est une nouvelle fois condamné à mort, puis à rembourser 3 milliards 890.166.000 F.M., une somme dont l'opinion sait que chacun des ex et actuels membres du C.M. a pu détourner le quintuple, sinon plus. La somme officielle qui lui était initialement réclamée est de 13 milliards. Mais faute de preuves, il est acquitté du détournement et de la vente entre autres des céréales, du sucre et de la farine.
    – Passons sur les 20 ans de travaux forcés de Joseph Mara (lui aussi a été acquitté des charges de corruption), sur les 10 ans de Karim Dembélé avec confusion (c'est-à-dire la peine la plus forte des deux procès étant applicable – en l'occurrence 20 ans de travaux forcés).
    – Passons également sur les autres peines insignifiantes prononcées ainsi que les acquittements qui encore une fois n'ont pas manqué au tableau.
    – Le tortionnaire Tiékoro Bagayogo est tout simplement réhabilité avec 5 ans d'emprisonnement avec confusion.

Au total un procès expédié en quatrième vitesse avec toutes sortes de « lacunes à l'instruction et à l'information » et où le C.M. et ses agents ont été incapables de prouver leurs accusations qui restent en deçà ou n'ont rien à voir avec les vrais crimes commis contre notre peuple.

QUE RETENIR DE TOUT CECI ?

Les parodies de procès de Bamako et Tombouctou attestent la preuve éclatante que la bourgeoisie ne peut se conformer à sa propre légalité. La répression tout comme la [PAGE 170] corruption, en somme la réaction sur toute la ligne est inhérente à sa nature de classe, et n'est pas le fait de quelques hommes. C'est cette vérité historique affirmée dès notre 26e congrès de décembre 1977 que l'U.N.J.M. fantoche s'est attachée, dès sa création, à masquer et combattre en répandant les pires illusions collaborationnistes.

Malgré l'indifférence, l'indignation et les désillusions des masses à la suite du premier procès, elle s'est acharnée à accréditer toutes les viles mystifications du clan pseudo-démocratique du C.M., rivalisant d'ardeur avec les opportunistes de tous bords pour faire allégeance au Gl Moussa Traoré et obtenir une collaboration et une intégration plus marquée à l'appareil d'état néocolonial.

C'est ainsi qu'elle quémandera en vain du Gl un strapontin au sein de la peuso-commission nationale d'enquête (C.N.E.), aux côtés de l'U.N.M.F. et de l'U.N.T.M., dans le but de redorer le blason de cet organisme bidon largement discrédité aux yeux des masses, à seule fin de détourner ces dernières de la lutte conséquente pour dénoncer la C.N.E. et s'organiser indépendamment du régime pour le détruire.

Contre toute apparence, c'est cette même ligne collaborationniste et réformiste qui sous-tend la Motion de Protestation du Bureau Exécutif National de l'U.N.J.M. contre le transfert du procès à Tombouctou, son appel à la grève et son refus de participer aux journées préparatoires du congrès constitutif de l'U.D.P.M.

Il convient à cet effet de réaffirmer d'abord le soutien de tous les anti-impérialistes sincères aux scolaires de l'U.N.E.E.M. (Union Nationale des Elèves et Etudiants du Mali) dont le processus de démarcation par rapport au régime s'approfondit sans cesse et s'appuie sur les bases politiques nouvelles de leur deuxième congrès tenu à Bamako en décembre 1978. A cet effet, on note que pour l'U.N.E.E.M. (nous citons) « il est devenu clair que le pouvoir n'a ni la volonté ni les moyens de s'attaquer aux véritables causes du malaise national. ». Mieux, dans son discours de clôture du congrès, en présence des représentants du pouvoir fantoche, le nouveau Secrétaire Général du Bureau Coordinateur de l'Union devait notamment déclarer (nous citons) :

« L'U.N.E.E.M. dénoncera désormais tous les ennemis de notre peuple, et leurs complices, à quelque niveau qu'ils soient. Aucune politique de mystification ne saurait nous en empêcher. » [PAGE 171]

Passant de la parole aux actes, l'U.N.E.E.M. organise le 29 janvier 1979 une manifestation internationaliste de protestation contre la répression abattue par le fantoche Bokassa, épaulé par la soldatesque de Mobutu et de l'impérialisme français, sur les élèves et étudiants centrafricains en lutte. Cette imposante manifestation qui, selon le journal « Le Monde » a rassemblé à Bamako environ 2 000 étudiants et élèves, reste plantés comme un os dans la gorge du C.M. et de son Ministre de l'Education Nationale qui s'empressa de crier à « l'ingérence dans les affaires intérieures de l'empire centrafricains ». L'U.N.E.E.M., par la suite, dénoncera fermement et passera outre les tentatives du même ministre le Cl Youssouf Traoré, de censurer les textes de ses conférences que le régime commence à trouver « trop politiques ».

On ne peut donc s'étonner que les élèves et étudiants de l'U.N.E.E.M. aient été les seuls à matérialiser jusqu'au bout et sur toute l'étendue du territoire national l'appel à la grève de 48 heures, manifestant encore une fois leur esprit élevé de sacrifice et d'initiative et leur détermination inébranlable dans la lutte contre les ennemis de notre peuple.

En cela ils se distinguent fondamentalement de la direction caporalisée de l'U.N.T.M. qui a vite fait de publier un communiqué pour désavouer la grève, réussissant à désamorcer le mouvement de certains travailleurs, notamment en dehors de la capitale, alors même que dans tout le pays nombreux sont les travailleurs qui, à l'exemple de ceux d'Air Mali et du Ministère de la Production contrôlant les secteurs de l'Agriculture et de l'Elevage, n'ont pas touché de salaire depuis bientôt trois mois.

Cette détermination de l'U.N.E.E.M. se distingue également des contorsions opportunistes du Bureau Exécutif National (B.E.N.) de l'U.N.J.M., qui, à travers sa Motion de Protestation ne se préoccupe que du maintien et du renforcement du « dialogue » avec le C.M. et dans ce cadre de sa « participation » au procès. En effet le B.E.N. de l'U.N.J.M. ne considère la tenue du deuxième procès à Bamako que (nous citons) « devant les élus des organisations démocratiques (entendez l'U.N.T.M., I'U.N.F.M. et l'U.N.J.M elle-même) des Missions diplomatiques et représentants des Agences de Presse Etrangères... »

La revendication populaire d'un procès public n'est manifestement pas l'affaire de la direction de l'U.N.J.M., ni son terrain de lutte. Qui plus est, pour cette direction, la tenue [PAGE 172] du procès à Bamako dans les conditions de huis-clos collaborationniste qu'elle proposait (nous citons) « constituerait la manifestation d'une volonté du président du C.M.L.N. (toujours Moussa Traoré) de démocratiser la vie nationale, et rendre justice à notre peuple en poursuivant inéluctablement l'action d'assainissement ».

Ce que la direction opportuniste de l'U.N.J.M. ne veut ni ne peut comprendre et encore moins le faire comprendre aux masses qu'elle continue de mystifier même dans sa motion de protestation, c'est qu'il n'y a jamais eu d'action d'assainissement entreprise dans notre pays, pas plus que Moussa Traoré n'a jamais eu et ne peut avoir (pour paraphraser l'U.N.E.E.M.) « ni la volonté ni les moyens de s'attaquer aux véritables causes du malaise national ».

Comment ne pas comprendre dès lors que cette direction fantoche, du fait que son Secrétaire Général rencontrant Moussa Traoré (nous citons encore la mention) « a mis l'accent sur la confusion que ce procès (entendez son transfert à Tombouctou) pourrait provoquer au sein des masses. » Comment ne pas voir, disons-nous, qu'elle se situe manifestement du point de vue du C.M. et de la bourgeoisie dans son ensemble, en tentant désespérément d'empêcher que le clan pseudo-démocratique et son chef de fil Moussa soient nettement démasqués aux yeux des masses ?

En fait de jeunesse, cette grève observée par la seule U.N.E.E.M. qui lutte par ailleurs à juste titre pour son autonomie politique et organisationnelle par rapport à l'U.N.J.M., administre aussi la preuve que la direction de l'U.N.J.M. ne représente qu'elle même et les opportunistes pro-U.S.R.D.A. agglutinés au sein du Ministère de la Jeunesse. Ce sont ces derniers en effet, notamment le Ministre Alpha Konaré qui, en collaboration étroite avec le Gl Moussa Traoré, faisait triompher aux élections du congrès constitutif fantoche de l'U.N.J.M. une liste truffée d'éléments de l'ex J.U.S.R.D.A. (Jeunesse de l'Union Soudanaise R.D.A.), éléments dont la campagne s'était faite sur deux bases régionalistes en combattant systématiquement les élèves et étudiants de l'U.N.E.E.M.

C'est pourquoi, nous appelons les patriotes et démocrates sincères de notre pays, notamment nos camarades de l'U.N.E.E.M., à se placer et demeurer fermes sur de justes positions de principe et de lutte contre l'U.N.J.M., l'U.N.F.M. et l'U.D.P.M. quelle que soit l'option de cette dernière, poursuivre [PAGE 173] la lutte contre ces sécrétions de l'impérialisme et ses valets pour les démasquer aux yeux des masses, dénoncer sans concession la direction caporalisée de l'U.N.T.M. et sa ligne corporatiste et réformiste de « participation responsable » contre les intérêts des travailleurs.

L'A.E.S.M.F. appelle l'opinion démocratique et anti-impérialiste de France et du monde entier à dénoncer tous les complots de l'impérialisme principalement français et ses valets du Comité Militaire soutenu par les opportunistes de tous bords, notamment les réformistes de l'U.S.R.D.A.