© Peuples Noirs Peuples Africains no. 6 (1978), 70-71.



LE CONTINENT CINEMATOGRAPHIQUE AFRICAIN

Ange-Séverin MALANDA

Cinéastes d'Afrique noire, par Guy Hennebelle et Catherine Ruelle (No. 49 de L'Afrique littéraire et artistique).

Actualisation des Cinémas africains en 1972[1], un excellent et indispensable outil de travail, vient d'être publié, groupant des entretiens avec des cinéastes et de brèves réflexions sur la thématique, l'économique et l'éthique des dits cinémas.

L'usage du pluriel n'est pas accidentel ici, il correspond au contraire à un éclatement et à un développement non centré de cette production artistique. Sembène Ousmane le fait apparaître : « Il ne faut plus parler, estime-t-il, « du » cinéma africain en général mais « des » cinémas africains au pluriel. Ne serait-ce que pour souligner aussitôt le manque d'échanges entre les Etats sur le plan du cinéma. Je ne sais pas ce qui se passe en Guinée ou au Mali, qui sont pourtant voisins du Sénégal. Et il m'est plus facile de monter mon film à Palis qu'à Bamako. Je crois, comme je le disais, qu'il ne faut plus parler « du » cinéma africain mais « des » cinémas africains parce que – c'est une autre raison – tous les cinéastes ne partagent plus les mêmes [PAGE 71] orientations. Tout le monde ne voit plus les choses de la même façon ( ... ) Donc, il y a des cinémas africains individualisés, originaux[2]. »

La nuance est, par conséquent, de taille, elle permet de saisir dans sa multiplicité cette mosaïque.

Actualisation d'un ouvrage antérieur, avons-nous dit cihaut : de jeunes cinéastes trouvent donc ici une tribune. D'Haïlé Gérima à Sidney Sokhona[3], l'éventail est large, et le discours des cinéastes s'est profondément modifié, renouvelé. Cela encouragera – osons l'espérer – une mutation de la critique qui s'exerce à l'égard de ces films. Depuis trop longtemps, cette critique s'est faite à coups de paternalisme ou de certitudes aboyées, quand elle ne s'est pas simplement cantonnée à un silence et à l'ignorance d'un cinéma certes balbutiant mais à plus d'un titre adulte. La critique doit, devant ces films-ci, exploiter les apports de la sémiologie la plus récente et autres grilles de lecture qui ont transformé le champ de la critique cinématographique[4].

Ange-Séverin MALANDA


[1] L'Afrique littéraire et artistique, No 20.

[2] p.125.

[3] Haïlé Gêlima a réalisé Harvest : 3000 years (en français : La récolte de 3000 ans), et Sidney Sokhona Nationalité : immigré et Safrana ou le droit à la parole. Sur Sokhona, voir aussi, dans les Cahiers du cinéma, No 285 (février 78), son entretien avec Serge Daney et Jean-Pierre Oudart, et le texte qui suit cet entretien.

[4] Je parle précisément des travaux de Christian Metz ou de ceux entrepris aux Cahiers du cinéma, ou encore des recherches et des démarches auxquelles initie depuis quelques années la revue Communications.