Que la situation politique de l'Afrique noire dite francophone et en particulier la sanglante répression exercée en permanence là-bas sur les populations par de frustes dictateurs au service du néo-colonialisme français cessent d'être un sujet tabou, avec la complicité des organisations internationales comme la Section Française d'Amnesty International et de la grande presse française prétendue démocratique et objective.

Il paraît que le Cambodge est un affreux pays communiste tapi derrière un rideau de bambou, fermé aux diplomates occidentaux, interdit aux journalistes européens. Et cependant, les lecteurs du « Monde » connaissent la moindre péripétie de l'évolution convulsive du Cambodge depuis l'installation des Kmers rouges.

Il paraît que le Gabon, pays du monde « libre », est une République amie de la France, ouverte aux diplomates français dont le rôle est capital là-bas, étroitement liée à Paris, puisque les travailleurs immigrés français, qui y représentent le dixième de la population totale, occupent tous les postes-clés dans tous les secteurs. Le président du Gabon, Omar Bongo, vient souvent à Paris; il est alors reçu par le chef de l'Etat français; la télévision française l'interviewe d'autant plus aisément qu'il parle français, en bon francophone qu'il est.

Et cependant, un horrible drame se joue au Gabon depuis les mois et les lecteurs du « Monde » n'en savent rien. Les travailleurs immigrés béninois (originaires de l'ancien Dahomey) y sont victimes d'atrocités dont la raison échappe à tout observateur sérieux. La police gabonaise, conseillée par les inévitables assistants techniques français, massacre des femmes et des enfants, préalablement dépouillés de leurs maigres biens.

Qu'attend donc « Le Monde » pour offrir à ses lecteurs des reportages indignés, comme seul il sait en publier, sur ce scandale? Qu'attend la Section Française d'Amnesty International pour alerter l'opinion démocratique?